- Chapitre 3 -


- S A M E D I - 

Cela fait plus d'une heure qu'on roule sans dire un mot. Je n'ai toujours aucune idée de l'endroit où nous allons mais je le laisse me guider. Je n'ai de toute façon pas grand chose d'autre à faire vu que je lui ai donné ma journée.

Après un soupir, il allume la radio et nous tombons sur « Baebae » de Bigbang que nous adorions tous les deux. Tout de suite, un grand sourire apparaît sur ses lèvres.

- Bordel, j'aime tellement cette chanson !

Ça je le sais, après avoir acheté l'album, il la mettait en boucle le soir quand il avait besoin de se donner de l'énergie pour étudier.

Il se met à bouger sur le siège tandis que le rap entraînant de TOP se fait entendre puis il se tourne vers moi.

- Je sais que ça te démange K, fais pas genre que t'as pas envie de danser !

Il baisse le volume puis se met à chanter. 

Je grimace, ça n'a jamais été son fort et il le sait, il fait ça pour me taper sur le système ce crétin.

- Chante ou bouge ou fait n'importe quoi mais arrête de faire la gueule ou je continue de massacrer cette sainte chanson ! s'exclame-t-il.

Je soupire et lève les yeux au ciel.

- Quel gamin, je grogne.

Il continue de chanter les paroles en les massacrant une à une et pour le bien de notre patrimoine culturel, je me mets à chanter pour couvrir sa voix.

Immédiatement un petit sourire discret vient se dessiner sur ses lèvres mais je décide de l'ignorer.

- Elle me rappelle tellement de bons souvenirs cette chanson ! s'écrit-il hilare en dansant autant que sa ceinture le lui permet.

Je me mords la lèvre.

Cela peut paraître étrange mais chaque musique détient pour moi un moment clefs de ma vie. À chaque fois que je vis quelque chose d'important en écoutant une chanson, elle devient pour moi l'ultime lien vers son souvenir.

Aussi con que cela puisse paraître, la chanson me faisant penser à notre premier vrai baiser est « Wham ! » de Careless whisperer qu'ils ont passé un nombre incalculable de fois dans Deadpool pendant que l'on s'embrassait à en perdre le souffle.

Cette chanson de Bigbang, elle, me fait penser aux nombreuses soirées de juin que je passais à le faire réciter ses cours puis à le prendre dans mes bras pour ensuite lui faire l'amour sur une couverture mise à terre à cause de son petit lit d'étudiant qui grinçait à en réveiller tout son dortoir.

Tellement de souvenirs qui font mal.

Une autre chanson débute et il secoue la tête en pouffant.

- C'est la radio ou t'as mis une playlist de tous nos vieux trucs ?

Je soupire.

- Comme si j'écoutais Eric Nam, je marmonne.

- Fais pas ton malin, à une époque tu avais chopé toutes ses chansons.

- C'était parce qu'elles me rappelaient des souvenirs.

- Des bons souvenirs, précise-t-il en se tournant légèrement vers moi.

Je lève les yeux au ciel.

- Ouais des bons souvenirs.

Un peu moins d'un an après que nous ayons commencé notre relation, je suis retourné chez moi car mon frère venait de rentrer d'une grosse tournée mondiale et que j'avais envie de voir sa tronche de petit frimeur diabolique quelques jours. Le truc c'est que comme à chaque fois qu'il rentrait, il a invité toute sa clique et bien entendu, M en faisait partie. Il s'était bien préservé de m'annoncer sa venue cet idiot.

Enfin bon, ma sœur cadette était dans sa période Eric Nam, elle suivait toutes ses émissions et quand la chanson « Can't Help Myself » est sortie, elle l'a mise en boucle pendant des jours. Après une journée d'écoute intensive à travers la fine cloison entre nos chambres, je pouvais la chanter sans aucun souci.

C'est ce week-end là que M et moi avons annoncé à ma famille que nous étions en couple.

Chez moi, nous n'avions jamais abordé ce sujet, pas qu'il soit tabou, ils n'ont jamais fait partie des familles trop strictes quant aux libertés humaines à cause des traditions. Si on en parlait pas, je pense que c'était juste car c'était un truc auquel ils ne pensaient pas.

Je n'avais aucune idée de la façon dont ils réagiraient et pourtant, quand j'ai vu tout le monde heureux, qui dansait sur cette foutue chanson, j'ai pris confiance.

Je me souviens encore avoir attrapé la main de M qui se trémoussait à coté de ma sœur, entremêlé mes doigts aux siens et tiré vers moi. Surpris il a tout de même suivi le mouvement devant toute la fratrie qui s'arrêtait pour nous suivre avec des yeux ronds.

Je l'ai emmené devant les parents qui buvaient un verre de vin dans la véranda de l'autre coté de la maison et je me suis planté devant eux en gardant la paume d'un M un peu moins sûr de lui dans la mienne.

Mon père a avalé de travers tandis que ma mère a étrangement louché sur nos mains jointes mais ils l'ont pourtant accepté sans trop de problèmes. J'ai bien vu qu'il leur a fallu un petit moment pour digérer le fait qu'ils ne verraient pas une jolie demoiselle débouler à mon bras dans leur baraque mais ils appréciaient déjà énormément M et ils se sont donc fait à l'idée que c'était lui qui partageait ma vie. Je n'ai jamais eu un aussi grand élan d'amour pour ma famille qu'à ce moment-là.

- C'était vraiment un bon moment, soupire-t-il en glissant sa main gauche entre nous et en frôlant la mienne, posée sur le levier de vitesses.

À son contact, tout mon corps frissonne mais je n'arrive pourtant pas à bouger.

- Ils nous ont accepté si facilement, murmure-t-il.

Je ne sais pas pourquoi mais l'entendre évoquer ce moment me fait monter les larmes aux yeux. Je me fais violence pour les chasser rapidement et continuer de voir la route devant moi.

- Cette époque me manque, poursuit-il.

Je fronce les sourcils.

Il ne peut pas me dire ce genre de chose, c'est lui qui a mis fin à ce qu'on avait alors il n'a pas le droit de me dire que notre relation lui manque. Je refuse d'entendre ça.

- Arrête de parler de ça, je grogne.

- Pourquoi ?

Je serre les dents, il n'a pas changé d'un pouce à ce niveau-là.

La plupart des gens se taisent quand ils voient qu'un sujet ne convient pas à l'autre mais ça, ça n'a jamais été son fort. S'il veut savoir quelque chose, il te le demandera jusqu'à ce que tu répondes, quand bien même cela te bouleverse ou te perturbe.

Et franchement, a-t-il réellement besoin de demander pourquoi ?

Cela me semble tellement évident.

Je veux qu'il arrête car son absence n'a pas changé mes sentiments à son égard et l'entendre en parler me donne envie de disparaître pour ne plus y penser.

Mes pensées s'arrêtent dès que j'entends les premiers accords d'une chanson. Nous restons tous les deux silencieux en écoutant le titre de mon frère. Enfin, celui que j'ai écrit et composé pour mon frère.

Je m'apprête à changer de poste quand il attrape mon poignet pour stopper mon geste.

- Ne change pas, j'aime cette chanson.

Je souffle puis le fais me lâcher d'un mouvement sec avant de reposer ma main sur le volant.

La chanson est sortie il y a un mois.

Quand nous nous sommes rencontrés M et moi, je lui ai dit que chacune de mes chansons racontait quelque chose, un bref moment, l'étincelle de vie, la nuance d'une relation.

Celle-ci est la première qui me concernait directement.

Je l'ai écrite et composée peu de temps après notre rupture, à l'époque où chaque recoin de ma vie me faisait penser à lui mais que tous nos souvenirs se teintaient d'une aura de tristesse qui me crevait le cœur.

S'est il rendu compte que cette chanson lui était directement destinée ?

Je me fais violence pour ne pas en parler quand son téléphone se met à sonner.

Il fronce les sourcils en observant son écran puis décroche.

- Allo ?

Il se passe une main dans les cheveux pour les plaquer en arrière tandis qu'il lève les yeux au ciel et secoue la tête d'exaspération.

- Oui tout va bien, ne t'inquiète pas.

Est ce que c'est sa copine ? La conne que je l'ai vu embrasser devant Cafka il y a quelques mois ? Mon estomac se noue tellement que j'ai l'impression qu'il va s'atrophier et je serre le volant entre mes mains.

- Je suis parti seul, prendre l'air une journée.

Pourquoi ment-il ?

Ça me démange de le lui demander. Y a t il un souci au fait qu'il soit avec moi ? Ça, ce serait vraiment le comble.

- Oui ne t'inquiète pas, je serai là à temps.

Il raccroche en soupirant et remet son portable dans sa poche.

Je serre les lèvres pour me retenir de lui demander qui c'était. Il ne manquerait plus qu'il croit que je m'intéresse à sa vie, ce qui est clairement le cas.

- C'était ma mère, marmonne-t-il en croisant les bras et en affichant un air blasé.

Je me tourne rapidement vers lui en fronçant les sourcils.

- Ta mère ? j'articule comme un crétin en tirant une tronche qui fait naître un fugace sourire sur ses lèvres.

- Ouais.

- Je croyais que tu la détestais.

Il hausse les épaules.

- Je ne l'aime pas mais je ne la déteste plus, murmure-t-il avant de se tourner à nouveau vers la route et de se perdre dans ses pensées comme ça lui arrivait déjà si souvent auparavant.

Perplexe, je lui jette encore de rapides coups d'œil tandis qu'il ferme les yeux.

Il faut que j'arrête de me voiler la face, M a changé, vraiment changé et ça me terrifie car ce que je vois de lui me redonne un espoir que j'ai mis des mois à effacer. 

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