Bonus.

Qui a dit que seule Mélusine aurait droit à des bonus... ?

En ce jour de saint Valentin, voici un chapitre bonus qui, j'espère, vous plaira ! Comme ça, même si vous ne fêtez pas la fête de l'amour, vous recevrez tout de même un petit cadeau de ma part, moi qui vous aime tant ;)

Au passage, j'espère que vous allez tous bien et que ce début d'année s'est bien passé ^^ Je vous souhaite de bonnes vacances (à ceux qui sont déjà en vacances comme à ceux qui ne tarderont pas à l'être) !

Et maintenant, bonne lecture ^^

*

Une folle aventure.

10 années plus tard.

Parfois la Vie semble vouloir s'acharner à nous réserver de nombreuses surprises. De mauvaises surprises. Le Karma, la malchance, peu importe la façon dont vous désirez l'appeler... Il y aura toujours quelque chose en ce monde capable de vous laisser sans voix, de vous ôter toute réponse possible, de vous mettre face au mur, face à l'absurde, face à une situation difficile à gérer.

C'est un des pièges de la vie. Un piège universel.

Le désespoir sur le visage d'Orphée me transperce le cœur tandis que je digère difficilement la bombe qui vient de nous exploser à la figure. Je peine à en revenir et ma bouche reste close sans que je ne parvienne à en faire jaillir le moindre son.
Dans un croassement, je réussis enfin à surmonter mes stupeurs et j'articule avec difficulté :

« Non Bel', nous n'appellerons pas notre fils comme toi...

Je dois lutter pour ne pas exploser de rire et vexer Bellérophon. Alors que je me mords la joue presque jusqu'au sang, le héros pousse un soupir de frustration plus dramatique que les tragédies grecques et se rencogne au fond de son fauteuil. À côté de moi, Orphée rit sous cape, lorgnant sur son ami de très, très longue date. Mon mari - car oui, depuis quelques mois nous sommes mariés aux yeux de la loi de ce monde dans lequel nous vivons - écrit les paroles de sa prochaine chanson tandis que je dévore une gaufre recouverte de confiture de griottes. C'est une des seules choses que mon estomac accepte de ne pas rejeter en ce moment. Non pas que j'aie besoin de me nourrir mais manger est un plaisir que, même en tant que Mère Nature, je ne peux me refuser. Surtout en ce moment. Mes petites rondeurs ne sont pas prêtes de s'envoler ! Le tueur de chimère revient à la charge, cherchant de ses sublimes prunelles dorées à m'attendrir :

— Votre fille alors ?

Difficile de ne pas éclater de rire dans un tel contexte. Je grimace, repoussant l'assiette pour saisir mon livre de médecine. Interloquée, je croasse :

— Tu veux que j'appelle ma fille Bellérophon ?

— Non, espèce d'idiote ! Mais tu pourrais l'appeler Bella...

— Depuis que j'ai vu Twilight, je suis vaccinée contre ce prénom. Je ne veux pas que mes enfants reçoivent des moqueries lorsqu'ils iront à l'école.

Le tueur de Chimère écarquille des yeux, paraissant sincèrement outré par mes paroles :

— Premièrement il n'y a aucune honte à porter le prénom d'un héros fils de dieu et tueur de monstre. Mon mythe est célèbre et ma légende, immortelle !

— Étrange, je suis certain que comparé à moi, peu sont ceux qui connaissent ton histoire, marmonne mon mari.

Sous la table, je lui donne un coup de coude dans les côtes. Bellérophon lui, le fusille tant du regard que si ses yeux avaient été des armes, immortel ou non, Orphée n'aurait pas fait long feu... Mon dieu, avec ces deux héros là, j'ai parfois l'impression de devoir jouer aux animatrices de colonies. Ils sont insupportables. Mais dieux, que je les aime ! Ignorant avec superbe nos réactions, le brun poursuit :

— Par ailleurs... vous comptez sincèrement envoyer les enfants de Mère Nature et d'Orphée à l'école ?

— Et pourquoi pas ? je proteste, fronçant des sourcils. L'école est une part importante de la vie. Je veux que nos petits jumeaux grandissent comme des enfants normaux.

— Sauf qu'ils n'auront rien de normal, Yerine...

J'en ai conscience. Mais plus j'avance dans cette longue vie au milieu de ce monde déjanté, plus j'ai l'impression que le paranormal y a une plus grande place que le normal. Croisant les bras sur mon ventre déjà bien rond, je le toise.

— Je ne vais pas élever mes enfants à l'écart du monde tout de même ! Et comme nous ne risquons pas de recevoir une chouette à leurs onze ans pour qu'ils aillent dans une école surnaturelle, je n'ai pas d'autre option.

Mes arguments tombent dans l'oreille d'un sourd. Dans ses iris dorés, une lueur de malice s'allume.

— Et puis quand ils transformeront leurs petits camarades en arbres parce qu'ils voudront piquer leurs goûters, vous allez vous retrouver dans de bien beaux draps ! J'ai changé d'avis ! Envoie les à l'école le plus tôt possible ma chère ! J'ai hâte de voir ça !

— Ça n'arrivera pas avant leur majorité, Bel ! le sermonne Orphée, abandonnant son idée d'écrire tant nous l'empêchons de se concentrer par notre débat.

— Honnêtement, avec vous deux comme parents, je m'attends à tout.

— Tu es mauvaise langue, je glisse, réprimant un gloussement.

Après tout, il n'a pas tout à fait tort...

— Et toi, horriblement niaise, gamine !

— Jaloux !

— Crois-moi, votre ennuyeuse vie de famille ne m'attire absolument pas.

— Alors qu'est-ce que tu fais encore là ?

— Et m'en aller pour manquer une occasion de te rendre folle ? Tu dérailles boucle d'or !

Je pousse un profond soupire avant de me murer à nouveau dans le silence. J'aime vraiment énormément Bellérophon, mais, pour reprendre son illustration, une curieuse envie de le transformer en arbre me démange. Après quelques secondes de silence à peine, notre invité reprend la parole, finissant par lâcher un soupir de dépit :

— Bon, d'accord. J'accepte que vous ne leur donniez pas mon sublime prénom. De toute façon il ne peut y avoir qu'un seul Bellérophon. Tant que je reste leur oncle sympa, tout me va.

Personne ne croirait que cet homme moqueur, peu sérieux et au charme fou est en réalité un féroce guerrier qui pourrait ôter une vie en un battement de cils. Parfois, moi aussi je peine à m'en rappeler. Pourtant, les souvenirs des événements terribles qui ont secoué l'année de mes vingt ans ne s'effaceront jamais. Les combats resteront à toujours gravés dans ma mémoire. Mais d'une certaine façon, quand je vois où j'en suis aujourd'hui, je ne peux que savourer cette victoire sur le sort. Fini les résurrections à n'en plus finir ! Plus rien ne menace ma paix désormais.

Orphée rit, doucement. Le son de sa voix enchanteresse me ramène sur terre alors qu'il rétorque, malicieux :

— Bel, tu seras absent les trois quarts du temps, quelque part en vadrouille dans ce monde.

— C'est bien ce que je faisais quand ta peste de femme était gamine et elle se porte très bien aujourd'hui.

Je lui tire la langue tandis que mon compagnon ricane et finit par souffler :

— Bon très bien, si ça peut te faire taire...

Satisfait, Bel se relève et ramasse ses affaires. En passant à côté de moi il frictionne mes cheveux, habitude qu'il n'a jamais perdue. Pour la forme je lève les yeux au ciel mais son geste réveille plus en moi une forme d'attendrissement que d'agacement. Après avoir salué Orphée, le héros disparaît par la porte d'entrée. Sitôt je n'entends plus ses pas s'éloigner je me tourne vers mon mari.

— Tu vas le laisser traumatiser nos futurs bébés ? m'écrié-je scandalisée.

— Mon amour, ce sont nos enfants qui traumatiseront Bel...

... Pas faux. Un sourire vient étirer mes lèvres et je pouffe, ma main s'égarant sur mon ventre :

— Il ne sait pas ce qui l'attend !

— Nous non plus. »

Il n'a pas tort. De toutes mes réincarnations, c'est bien la première fois où je m'apprête à devenir mère. Pour de vrai, je veux dire. Sans conception surnaturelle donnant naissance à des entités surpuissantes qui finiront par se retourner contre moi pour me détruire. C'est par amour, et simplement par amour que mon ventre s'arrondit pour donner la vie. J'ai autant hâte que je suis nerveuse. Sans parler d'Orphée. Après des millénaires à errer dans ce monde en solitaire, l'idée de devenir père lui a carrément fait péter un plomb. Dans le sens positif du terme. Mais je me souviens que lors de notre histoire, lorsque j'étais Eurydice, fonder une famille était l'un de ses rêves...

Peut-être est-ce un cadeau du destin. Peut-être est-ce l'occasion pour nous de rattraper tout le temps perdu... Peut-être est-ce simplement la consécration de notre amour.

*

Au dehors, la nuit est tombée depuis longtemps déjà. Le monde est plongé dans une obscurité bienveillante, presque maternelle. Dans le ciel, la lune scintille faiblement, au milieu des étoiles. Les cieux n'ont jamais été mon domaine. Je suis une créature de la Terre après tout.

Non, rectification : je suis la Terre.

Pourtant, j'aime contempler ce spectacle paisible de ma fenêtre. La vitre me renvoie mon reflet, ma chevelure claire, mes grands yeux bruns, mes joues n'ayant toujours rien perdu de leur rondeur... Le plus étonnant dans toute cette histoire de folie qu'est ma vie, c'est qu'à chaque réincarnation, malgré une ressemblance si forte qu'elle en parait totale, il y a toujours des différences entre mes diverses vies. Des différences qui s'évanouissent aujourd'hui, comme neige au soleil.

Au fil du temps, toutes les identités que j'ai pu avoir au cours de mes multiples réincarnations – Mère Nature, Gaïa, Eurydice, Yerine et toutes les autres – ont fini par se mélanger pour n'en faire plus qu'une. Je suis enfin moi, entièrement moi.

Alors que je suis toute à mes pensées, je n'ai pas entendu le héros se faufiler derrière moi, dans notre chambre. Ses bras enlacent ma taille pour m'attirer contre lui. Un instant, il embrasse mon crane à travers mes innombrables et indisciplinées boucles blondes. Je me laisse bercer par son étreinte. Mais lorsque je sens son visage s'enfouir dans le creux de mon cou, un frisson indescriptible me parcourt. Depuis que je suis enceinte, mes sensations sont démultipliées ! Mais plutôt que de céder, j'ai l'envie de me montrer un peu plus joueuse.

« Je commence tôt à l'hôpital demain... je souffle en sentant ses lèvres glisser le long de ma nuque ma nuque. Une opération compliquée m'attend dès 9 heures du matin.

— Heureusement que tu es une entité mineure et que tu n'as pas besoin de sommeil alors !

Un rire m'échappe et je fais volte-face, me retrouvant dans les bras de cet homme que j'aime tant. Nos fronts se frôlent tandis que ses mains se nouent au niveau de mes reins. Savourant ses caresses, je ne peux m'empêcher de le taquiner :

— Je te rappelle que l'entité mineure a deux petits êtres dans son ventre qui puisent dans son énergie de mère Nature. Tu ne voudrais pas me priver d'un repos mérité qui me fera énormément de bien n'est-ce pas ?

Mes œillades innocentes ne semblent pas le tromper. Une lueur presque dangereuse s'allume dans son regard. Ses doigts jouant avec l'ourlet de ma chemise, il me presse plus encore contre lui, malgré l'obstacle que représente mon ventre rond. D'une voix bien plus rauque, il glisse à mon oreille, un sourire malicieux aux lèvres :

— Entre nous, je connais quelque chose qui te fera plus de bien encore !

Mayday mayday ! Ma température corporelle grimpe en flèche. Alors qu'il se recule quelque peu pour me faire face à nouveau, je me mords la lèvre inférieure, inondée par les ondes du désir.
Et sans plus réfléchir, je l'embrasse, étouffant son rire grave contre mes lèvres.

Des pétales se mettent à tomber de nul part tapissant le sol de notre chambre d'ovales colorés. Sur les murs des plantes apparaissent, grimpant joyeusement jusqu'au plafond. Des petites fleurs blanches éclosent, puis des jaunes, des bleus, des rouges... diffusant un parfum léger, doux, enivrant... Le parfum des nymphéas, le parfum de l'amour...

Notre chambre se transforme en un jardin merveilleux et lorsque nous nous allongeons, c'est un tapis d'herbe tendre qui nous recueille. Les lèvres d'Orphée glissent au creux de ma gorge, dévalant la courbe de ma mâchoire tandis que mes doigts se perdent dans sa chevelure claire. Nos jambes s'entremêlent. S'appuyant sur ses avant-bras, il prend garde à ne pas m'écraser. Malgré sa silhouette athlétique, sa masse musculaire aurait tôt fait de m'étouffer. Mais en parfait contraste, il fait toujours preuve d'une douceur enivrante, qui me fait perdre la tête... Je suis folle de lui tant je l'aime. Je ne peux plus envisager une autre vie sans lui. Le destin nous a liés à tout jamais... Nos enfants en sont la preuve !

Alors que ses mains glissent sous ma chemise vintage, je l'interromps, cherchant son regard du mien :

— Promets-moi que tu ne laisseras Bel apprendre à ma fille à frapper son frère.

Si je lui avais planté une dague dans le cœur, il ne m'aurait pas dévisagée avec autant d'effarement.

— Sérieusement c'est à ça que tu penses, là, maintenant, tout de suite ?

Ses pupilles sont tant dilatées par le désir qu'il ne reste de l'émeraude de ses yeux qu'un cercle fin autour du noir centrale. Je me mords la lèvre pour ne pas rire.

— C'est important ! je proteste.

Il lâche un râle rauque et tente de m'embrasser. Je détourne la tête, joueuse. Cette fois-ci le héros gronde. Mais il abdique vite.

— D'accord, je promets que je vais empêcher ton taré de faux oncles d'apprendre à notre fille que se servir de son frère comme d'un punshing ball est une bonne idée...

Je souris, satisfaite. Parfait !

Un instant, nous restons immobiles, à nous contempler l'un l'autre. Je me perds dans le vert de ses yeux. J'aime tant cette couleur qui me rappelle celle de la nature, de la vie, de la Terre... Et je l'aime plus encore quand c'est moi qu'elle fixe, quand c'est moi qu'elle accroche, quand c'est moi qu'elle berce... Machinalement, les doigts d'Orphée tracent de léger cercle sur ma peau brûlante, d'une douceur et d'une tendresse à m'en faire perdre la tête. Alors que ma poitrine se gonfle d'air, j'arrime son regard du mien et murmure, alors même que mon amour fleurit sous ma peau et dans mon cœur :

— Je t'aime Orphée. »

Avant qu'il ne puisse rétorquer quoique ce soit, je crochète sa nuque et l'embrasse, emprisonnant ses lèvres des miennes. Il répond aussitôt à mon baiser avec ardeur. Une douce chaleur s'empare de nous. Dans ma poitrine, mon cœur – celui-là même qui m'a valu pas mal de soucis par le passé – entame un ballet merveilleux, battant à l'unisson avec le sien.

À deux, l'aventure est déjà folle. À quatre, je ne doute pas qu'on ne s'ennuie plus jamais de toute notre éternité...

Notre famille sera merveilleuse !

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