CHAPITRE 5 - sepoltura

SEPOLTURA

(enterrement)

New York est la mégalopole de la finance mondiale et le temple du capitaliste. Les buildings affrontent l'obscurité du ciel avec leur lumiere rayonnante sortant tout droit des baies vitrée. Ydir paraît minuscule à coté de leur hauteur démesurée, il ne parvient pas à observer leur sommet.

Des architectures colossales dignes de l'œuvre de Dio, pourtant ce ne sont que des simples mortels comme Ydir, essayant de s'élever dans la société, à travers le capitalisme des ressources et le profit des actions boursières.

New York.

Ydir reste impassible à sa beauté grisâtre et son teint blafard. Les couleurs ternes et les rues humides ne l'atteignent pas. Il détestait déjà cette ville avant d'y venir, cette ville pourrite jusqu'à la moelle osseuse qui a retenu son père pendant toutes ses années.

Ydir observe la rue par la fenêtre de la boutique italienne appartenant à sa familgia. Elle se trouve en plein milieu de cinquième avenue de la mégalopole américaine. Ydir reste debout tandis que le couturier s'active autour de lui, prélevant les dernières mesures et ajustant les derniers plis de son costume pour l'occasion. Le tissus noir corbeau est aussi sombre que ses cheveux d'ébènes hérités d'Anir.

Il est sa copie conforme, personne ne doute de son identité au sein de la mafia sicilienne en observant Ydir. Ses yeux polaires translucides sont aussi froid qu'un lac d'Alaska et ils contrastent parfaitement avec sa peau solaire.

- Où est-il ?

Sa mère relève la tête du journal qu'elle tient, assis sur un fauteuil en velours dans le coin de la pièce. Elle observe méticuleusement l'avancée des travaux pour ces nouveaux vêtements.

- A l'église Saint Patrick, murmure-t-elle.

- Il a peur de perdre ses actions ? il ironise.

Ydir effectue une moue sceptique, il n'a jamais connu une famille aussi croyante que la sienne, elle a imposé ses règles à Cosa Nostra. Les réunions ne se déroulent plus les dimanches et le pizzo, l'importance exercé sur les entreprises, n'a plus lieu le premier dimanche du mois.

- Ce n'est pas pour son argent que ton père prie, lâche-t-elle.

Ydir se tourne pour faire face à sa mère, son regard est perçant et il déglutit comprenant parfaitement le poids de ses mots. Sa famiglia prie les démons habitant leur âme salie d'ombre et de poussières.

- J'ai terminé, signore, murmure le couturier.

Il retire les dernières épingles de mesures, Ydir ajuste le noeud de sa cravate et il se tourne vers sa mere pour avoir son approbation. Perchée sur ses hauts talons, il l'observe échanger quelques mots avec le couturier italien. Il est émerveillé par la prestance qu'elle dégage, ses talons claquent quand elle s'avance vers lui pour ajouter à son attention :

- Mets ta veste.

Il tient la porte de la boutique pour que Rosalinda le suive, ils s'élancent d'un pas pressés à travers les rues pluvieuses, vêtue de noir jusqu'à arriver à la cathédrale de Saint Patrick. Des dizaines de voitures sont stationnées devant la paroisse, Ydir ne connaît personne dans cette foule vêtue de noir excepté Alejandro.

Il traverse l'immense nef avant de s'assoit au premier rang. Ses yeux fixent le cercueil face à lui, il ne doute pas une seule seconde que le corps est allongé dedans. Il assiste à l'enterrement d'une personne qu'il n'a jamais connu.

L'orgue est puissant, il fait trembler les vitraux colorés. Les voix s'élèvent, raisonnant dans l'enceinte de pierre, similaires à des anges dont la blancheur guide l'âme du défunt jusqu'au ciel et quand elles finissent par se taire, un silence solennel s'installe dans la cathédrale.

Ses yeux parcourent la pièce avec vivacité et ils s'arrêtent sur son père en train de parler avec un homme. Sa ressemblance est troublante, il ressemble bien trop à Anir pour ne pas suspecter un quelconque lien de parenté. Il n'a aucun doute sur son identité au vue de sa peau basanée. Son grand-père biologique d'origine libyenne, Salem, qu'il n'a jamais vu auparavant.

Anir s'approche lentement, il est encore surpris par la rapidité à laquelle son père s'est remis de sa blessure. Six jours sont passés et il est déjà debout comme s'il ne s'était rien passé, comme s'il n'avait pas buté un homme et pris une balle.

- Tu ne me présentes pas ton fiston, dit l'homme.

Anir jette un coup d'œil à l'étudiant, ses yeux polaires sont foudroyants et l'incitent à se présenter sur-le-champ. Ydir reste distant dans son approche. Une froideur naturelle recouvre son visage d'une fibre impassible, ses yeux analysent l'homme quand ce dernier échange une poignée de main avec lui.

- Pas très bavard comme ton père. Comment tu t'appelles ?

- Ydir.

L'homme face à lui ne cache pas sa stupéfaction à l'entente de ce prénom berbère. Ydir a presque honte de porter un pareil fardeau sur ses épaules, chaque libyen connaît la cause d'une telle dénomination.

- Qu'est-ce que tu fais dans la vie ?

- Des études de droit, crache-t-il.

L'ironie du sort pour un fils de mafioso. Il n'y a pas de justice dans ce monde. C'est la loi du plus fort, celle de la violence et du sang. En Sicile, les juges sont corrompus pour fermer les yeux sur les crimes exercés par l'organisation mafieuse. La justice est bafouée, humiliée et les administratifs sont tous de mèche sachant pertinemment qu'un désaccord peut les tuer.

L'homme face à lui doit s'en doute penser la même chose. Ydir se demande s'il a connaissance de leurs activités nocturnes, qu'ils fournissent toute la drogue de la côte Est de ce continent.

- Tu as déplacé la moitié de l'Italie en venant ici Anir, murmure une femme.

Ce dernier ne répond rien, il se contente de fixer la blonde avec acrimonie. La haine luisant dans ses iris polaires pourrait faire trembler Ydir s'il n'était pas habitué à un tel éclat monstrueux.

- Ce n'est pas bien grave chérie, tranche Salem. Il a ramené son fils.

Son regard sévère est pesant, elle analyse son visage avec attention et Ydir ne fait que constater que des cernes effroyables soulignent ses yeux rouges. Ses lèvres tremblantes remuent quand elle rajoute à l'attention du parrain :

- J'espère que tu ne connaîtras jamais la douleur de perdre ton fils comme j'ai perdu Sarah.

- Je sais ce que c'est.

- Non, tu ne sais pas, crache-t-elle avec amertume.

- Viens, on s'en va, souffle Anir en pressant l'épaule de son fils.

- Tu n'aurais jamais du venir à cet enterrement, je ne veux plus jamais te voir, toi et ta famille.

Sa voix est éraillée quand elle prononce ces mots. Ydir ne fait que constater que son cœur est rongé par le chagrin de la perte de sa fille et quand il s'éloigne suivant son père la tête basse, Anir se retourne et déclare d'une voix grave, des mots glaçants d'une froideur extrême et paradoxalement aussi brûlants que les charbons d'un feu :

- Je prierai Dio pour qu'il t'épargne cette douleur qui te consumera jusqu'à la fin, je prierai Dio pour que tu ne plonges pas dans l'enfer. Par chance, tu n'as pas sa mort sur la conscience, je porte celle de ma fille tous les jours sur mes épaules.




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