CHAPITRE 2 - mano nera

MANO NERA

(main noire)

- Drôle d'idée de vouloir travailler ici, quand on sait qui dirige réellement ce pays, croasse un gardien.

- Et bien, dis-moi, qui dirige ce pays ? souffle le libyen.

- C'est l'argent, petit. Ici c'est le pouvoir, ça se voit que ce n'est que ton cinquième jour.

Ydir ne relève rien, il ne montre pas son désaccord. L'argent donne le pouvoir tout comme tenir un flingue. Il se contente de montrer son badge à l'accueil du pénitencier, il peut ainsi passer devant la sécurité en toute discrétion. Il est sûr ses gardes en connaissant le système tant redouté par tous les mafiosi, les couloirs insalubres défilent sous ses yeux tout comme les barreaux rouillés des cellules.

Les hommes sont enfermés comme des animaux en cage.

Ydir ne sourcille pas quand tous les regards des prisonniers convergent vers lui et le paquet de lettres qu'il tient. Ceux ne sont pas les pires de leur espèce, les autres sont morts ou dirigent en toute impunité, comme le parrain. Le libyen sait qu'il pourrait se retrouver dans cet endroit s'il ne fait pas attention, s'il ne prend pas garde à ne pas laisser de traces de son passage.

Tuer est une chose, cacher les indices en est une autre.

Ydir sait aussi qu'il se passe des choses étranges dans ces lieux, quelque part au fin fond des sous-sols. Il a vu les cicatrices sur le dos d'un homme quand il était petit, il a entendu beaucoup trop souvent ses hurlements surgissant la nuit. Il l'a vu torturé par des démons anciens apportant les plus grandes peurs avec eux. Ydir a vu les traces que peuvent laisser un passage dans cet endroit insécure.

Les bas-fonds d'une société controversée qu'il pourra diriger habilement un jour. Mais mêmes les plus grands ne contrôlent pas tout. Anir ne l'aurait pas envoyé s'il n'y avait pas de problème à résoudre. Heureusement, chaque problème a sa solution.

Ydir pénètre dans une piaule aussi petite qu'un cagibi d'entretien.

Le mafieux se tient sur une couchette crasseuse, il observe le libyen de bas en haut. C'est lui, Ydir n'a aucun doute. Un autre se tient sur la couchette supérieure, il regarde Ydir différemment comme s'il voyait la réincarnation d'un fantôme.

- Un p'tit nouveau apporte le courrier, ricane le pacha. Alors, tu me la donnes cette lettre ?

Ydir tend machinalement l'enveloppe vers le prisonnier, ce dernier l'arrache aussitôt pour déplier le papier. Ses sourcils se froncent aussitôt en voyant le marquage noir contrastant avec la blancheur du papier, son voisin de cellule demande :

- Alors pacha, lis. C'est ta femme ?

Le pacha ne répond rien, il retourne la lettre pour en décrypter l'envoyeur, mais aucun nom n'est inscrit sur le papier. Une lueur de panique luit dans ses yeux sombres, quiconque reçoit une mano nera aurait la même réaction.

- Qui ose m'envoyer cette pacotille...

- C'est de la part d'une personne qu'il ne fallait pas froisser, crache Ydir.

Une sonnerie retentit, annonçant le début du déjeuner. Les grilles des autres cellules s'ouvrent simultanément, l'homme de la couchette supérieure descend en jetant un coup d'œil suspect à Ydir, il ne dit rien d'autres qu'un remerciement :

- Merci, tu me rappelles quelqu'un qui était ici pour les mauvaises raisons.

Il quitte la cellule pour rejoindre les autres prisonniers, laissant son voisin tenter de le suivre, c'était sans compter la main de Ydir le repoussant violemment vers le fond de sa cellule sous ses protestations face au repas qu'il va manqué.

- Ton voisin n'était pas la bonne personne à faire chanter, son ancien compagnon n'était pas n'importe qui, maugrée le libyen.

Il sort un couteau de la poche de son uniforme de gardien. Le mafieux s'avance et porte son couteau à plusieurs reprises dans l'abdomen de l'homme face à lui en murmurant dans le creux de son oreille ses simples mots :

- Il y a eu plus grand que toi. Dans cette piaule, tu n'es personne.

Ses yeux s'écarquillent de stupeur quand il rend son dernier souffle entre désarroi et peur, son corps tombant sur le sol. Ydir laisse le couteau dans sa main, avant de poser ses yeux, par hasard, sur un livre poussiéreux trônant sur une petite table.

Il essuie la couverture d'un geste de la main révélant l'identité religieuse du Coran, ses yeux polaires parcourent les pages dont certains versets sont soulignés et entourés. Ydir déglutit difficilement en les lisant n'ayant aucun doute sur la personne possédant ce livre.

Ne conviez point l'ennemi à la paix, alors que vous avez la supériorité.

Un nom est inscrit en bas faisant sortir Ydir de sa torpeur, une photographie l'accompagne collée sur la page suivante, celle d'un homme et de son frère Georgio Pellegrini. Il rentre aussitôt à Corleone, passant par le tribunal de Palerme pour récupérer des dossiers, il ne laisse qu'un corps derrière lui.

Ydir pousse la porte du bureau à la lumière tamisée, il pénètre dans la pièce chargée des vapeurs toxiques des cigarettes de son père. Le jeune libyen déteste ce bureau, voilà pourquoi il ne veut pas rester longtemps, les souvenirs de son grand-père assis à cette place restent.

Ça empeste la mort.

Ce dernier ne relève pas la tête à son approche, il reste plongé dans les documents qu'il lit, une cigarette coincée entre ses lèvres. Ydir piétine d'agacement le parquet en bois de chêne, il attend que Anir lui accorde un peu d'importance et d'attention, chose qu'il a dû mal à faire depuis sa naissance.

- Je t'écoute, claque-t-il en ne relevant pas la tête.

Ça ne suffit pas pour Ydir, il veut toute son attention, il s'approche à grands pas et jette une pile de documents sur le bureau de son père par dessus ceux qu'il lisait avec attention.

Ydir observe les yeux polaires de son père, parcourir les photographies présentent devant lui, le visage toujours aussi impassible. Il ne montre rien et relève simplement la tête vers son fils, il demande en soupirant :

- Qu'est-ce que c'est que ça ?

- Tu le sais très bien, ça vient des archives du tribunal de nos juges, murmure Ydir.

Leurs yeux polaires s'affrontent avec acrimonie et la tension dans la pièce monte d'un cran quand le parrain se lève pour aller se positionner près de la fenêtre. Il tire machinalement sur sa cigarette, recrachant inlassablement des nuages de fumée grisâtres.

- Ces histoires sont terminées, Ydir. Elles ont été règlées bien avant ta naissance.

- "Un réseau de proxénétisme en Sicile mené par la mafia sicilienne dont Georgio Pellegrini", lit Ydir sur le papier. Ça veut dire quoi putain ?

- Lorenzo, raille le mafieux en grinçant des dents.

- Qui ?

- Lorenzo De Luca, reprend Anir avec agacement. Palerme n'était pas seulement une guerre territoriale pour les points de ventes au Maroc, c'était un problème d'ethnie avec le code d'honneur de Cosa Nostra. Il y a eu du trafic d'organes dans toute la région par une famiglia de Palerme que Giovanni a démantelé en me récupérant là-bas, murmure-t-il le regard perdu dans le vide. Ils ont retiré un rein à ma mère qu'ils ont dû vendre en Europe à des familles riches dont le nom est bien loin sur les listes d'attente.

- Tu étais avec Palerme ?

Le parrain claque sa langue contre le palet, agacé d'être interrompu par le jeune libyen. Ydir redresse ses lunettes dorées sur la bosse de son nez, en faisant signe à son père de continuer.

- Ils m'ont laissé ma gueule d'ange, acquiesce-t-il en pointant la cicatrice marquant son visage. Un réseau de proxénétisme s'est développé à Corleone quelques années avant ta naissance, c'est interdit par Cosa Nostra. Un informateur a révélé des photographies mettant en valeur Georgio Pellegrini impliqué dans ce réseau, je l'ai buté le jour de mes seize ans, d'une balle en pleine tête et j'ai prêté serment.

Ydir déglutit, il ne savait pas.

- J'ai pris ma place dans l'organisation, tout s'est arrêté après cette affaire jusqu'à l'assassinat de Marco par ce qu'on pensait être Palerme. J'ai fait de la taule pour l'homicide d'un traditore par ta mère après la corruption d'un juge par Lorenzo de Luca, le bras droit de Giovanni.

Anir s'arrête la mâchoire tendue encore envahi par des souvenirs néfastes sous les yeux ébahis d'Ydir qui en apprend davantage chaque jour.

- J'ai fait huit mois de taule avant que Gio me sorte en envoyant un autre homme à ma place, c'est celui que tu viens de buter suite à ces agressions sur mon ancien voisin de cellule et son racket sur les détenus.

- Georgio...

- Ce n'était pas lui, coupe Anir. C'était Lorenzo de Luca, je l'ai buté comme il a buté Thilelli et Marco. Il avait beaucoup trop de sang sur les mains pour rester en vie.

Un silence s'installe durant lequel Ydir baisse les yeux au sol, honteux d'avoir confronter son père sur son passé honorable, celui d'un homme qui n'a vécu que des souffrances.

- Alors maintenant, je te donne des noms, tu sauras en temps et en heure les raisons qui me poussent à te donner de telles responsabilités. Je ne fais rien par hasard, Ydir.

Ydir acquiesce en observant son père le fixer de ses yeux polaires, il l'observe demander d'une voix grave :

- Ça te dirait d'aller à Moscou ? J'ai des contrats, il me faut juste un nom pour les finaliser, un nom que personne ne pourra trouver.

- Phoenix, souffle Ydir en redressant le col se sa chemise sur son cou brûlé.


je peux vous dire qu'on rentre dans le game....

Et passez lire Strike Gold (toujours de la pub)

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