CHAPITRE 10 - destino

DESTINO

le destin

Appuyé sur les béquilles, Ydir avance dans le sous-sol aménagé où des milliers de bouteilles de vins sont entreposées contre les murs. La porte n'est pas bien loin, Ydir l'apercoit devant lui.

Ses paumes brûlent à chaque fois qu'il s'appuie sur ses avant-bras. Il pousse la porte à l'aide de la pointe de sa béquille, pénétrant dans la salle de réunion de la Cupola. Les mafieux l'observent avec vivacité, Ydir maintient leur regard en rejoignant le fond de la salle sur ses
jambes flageolellantes.

Son père est insensible quand il dégaine le couteau suisse de sa poche. Ydir s'approche, ses yeux rivés sur le métal du couteau s'approchant de lui. Il détourne le regard quand la lame déchire l'intérieur de sa paume, il ne défaillit pas face à l'entaille profonde. Ydir serre aussitôt le point déversant son précieux sang sur la photographie du Christ.

Le regard polaire de son père est incisif. Il n'inspire sur lui que la peur. Mais la véritable peur de Ydir s'approche lentement de lui. Le briquet s'allume, laissant échapper sa flamme dévorante qui embrase la photographie du saint.

Il doit résister à la douleur et à cette envie de fuir.

Ydir ne connaîtra pas la peur, il l'affrontera à la fois par l'esprit et par son corps meurtri. Elle ne le tuera pas. Il tiendra et restera debout. Quand elle sera passée, il ne restera rien. Rien que lui.

Lui et sa soif de survie.

Ydir fixe les flammes dévorantes d'ardeur. Elles consument la photographie au creux de sa paume et réduisent le saint aux cendres et à la poussière.

- Je jure de ne pas voler, de ne pas me livrer au proxénétisme, de ne pas tuer d'autres uomini d'onore sauf sous l'ordre de la Cupola, de ne jamais parler de Cosa nostra en public. Je jure de respecter l'omertà.

Il s'écoute prononcer ses mots comme étant extérieur à la scène et il se situe au delà de son corps. Il se transcende en un être supérieur en prononçant ses mots malgré la douleur :

- Je jure solennellement de voir ma chair brulée comme ce saint si je ne garde pas mon serment.

L'ironie du sort. Ydir a déjà connu cette sentence divine, brûlé par Dio, né des cendres, façonné par les flammes. Il gardera son serment, peu importe le prix, il ne brûlera pas une seconde fois en enfers.

Un silence règne dans la pièce, Ydir relève ses yeux polaires et il scrute les mafieux présents. Personne n'aurait pu croire, le jour de sa naissance, qu'Ydir se tienne debout et qu'il puisse devenir comme eux.

Autour d'un verre, l'assemblée se dissout rapidement à la fin de cette réunion. Ydir fait désormais partie de la Cupola, depuis que son père lui a remis une bague dorée. Ydir est resté bouche-bée à fixer l'anneau d'or massif, il pèse aussi lourd qu'une enclume dans sa paume.

Durant toute la soirée, Ydir éciute les félicitations des mafieux autour de la table de billard. Il a l'honneur de débuter la partie en cassant le triangle de jeu, chose qu'il n'avait jamais pu faire jusqu'à présent. Sur ses jambes fragiles, il se tient de bout et tire dans la boule blanche.

- Bien joué, gamin !

Les félicitations fusent et ne s'arrêtent pas. Au milieu de la partie de billard, il observe attentivement les fléchettes qui se plantent dans le bois d'ébène à côté d'eux. Il est troublé par les souvenirs d'une soirée douloureuse, cette dernière l'a amené jusqu'ici.

A devenir un mafiosi.

Ydir n'éprouve aucun remords depuis qu'il a tué cet homme au fond de cette ruelle détrempée ni d'avoir pris part à cette partie de fléchettes. Ça ne l'a pas changé, Ydir le sait. Il a survécu encore comme il le fait depuis son premier soupir. Il est tiré de ses pensées par un mafieux :

- C'est ton tour, petit.

Un homme lui passe la queue de billard qu'il attrape aussitôt, il vise la bille blanche d'un coup sec et un rictus étire ses lèvres, fier de son coup. Son sourire s'efface bien vite en sentant l'emprise d'un regard polaire sur lui.

Ydir passe la canne de billard à un autre. Il se retourne vers l'homme se tenant dans l'ombre de la salle, sous la poutre transversale de la bâtisse. Seules les cendres du point de combustion, de la cigarette qu'il tire, éclairent son visage angélique.

Le jeune libyen s'approche pris au piège par l'influence pragmatique que dégage son père. La froideur hivernale de ses iris est déstabilisante encore plus quand Anir tire l'arme de son holster et quin déclare :

- Cette arme est la tienne.

Ydir fixe le pistolet semi-automatique avec vivacité. Il n'esquisse aucun geste, la placidité de son visage ne montre en aucun cas le trouble ébranlant son cœur et les battements frénétiques de ce dernier.

- Le chemin est désormais tracé, murmure son père en glissant son arme dans sa main. C'est ta destinée.

Ydir fixe le pistolet semi-automatique de la célèbre marque italienne, le beretta au métal noir dans sa paume. Il est alors saisi par le sentiment d'accomplir une importante transition à cause d'un serment qui le liait éternellement. Un serment respectable pour un homme honorable.

fin de la

PARTIE I
-
AD HONOREM

pour l'honneur

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