XIII. L'ermite

1 année relative plus tard et 3 révolutions de Fax VII autour de son soleil

Xash décrocha les manches de son uniforme et les suspendit à un morceau de métal fendu. Elle attacha ses cheveux épais d'une teinte bleu nuit avec les lianes qu'elle avait elle-même tressées et se remit au travail.

C'était un moment décisif pour elle et elle devait être au maximum de ses capacités. Elle essuya une dernière fois la sueur de son front. Cette région de Fax VII était tropicale et elle passait son temps à chasser la sueur qui lui tombait dans les yeux.

Xash s'installa sur ce qui restait du siège de pilotage de la Comète pour vérifier l'installation une dernière fois : elle avait enroulé sur lui-même un reste de câble en javonix, qu'elle avait soudé à une structure de métal fabriquée à partir des débris de la navette de l'Ampoule, que les exilés de Fax VII avaient laissé derrière eux une année auparavant.

Contre des services en mécaniques rendus par-ci par-là, elle avait réussi à se procurer une machine à souder. Malgré sa haine viscérale envers les véhicules terrestres, elle avait pu apporter ses conseils auprès des descendants de l'Enclave à propos de ces engins. On lui en avait même offert un, qu'elle s'était empressée de démonter pour alimenter ses expériences.

Xash s'empara de la manivelle qu'elle avait également confectionnée elle-même, reliée aux câbles en javonix et commença à mouliner. Au bout de quelques secondes, ses efforts portèrent leurs fruits : le métal jaune translucide se mit à roussir, soumis à une surtension et à briller dans la carcasse de la Comète.

Exaltée par la joie, Xash s'acharna sur la dynamo : la pseudo-ampoule fabriquée à partir de câbles en javonix se mettait à briller plus fort à chaque nouveau coup de poignet.

Epuisée, la pilote finit par s'arrêter et constata avec joie que le métal enroulé sur lui-même avait accumulé l'énergie électrique. Il continuait à éclairer son environnement à la manière de ses ancêtres les néons. Xash sauta alors de joie.

Grâce à cette invention, qui n'en était finalement pas vraiment une, la pilote allait pouvoir continuer ses travaux même durant la nuit, car les journées étaient particulièrement courtes sur Fax VII.

Xash avait en fait transformé la Comète, ou ce qu'il en restait après les prélèvements des rescapés de l'Enclave. Elle s'était construit une petite hutte en y ajoutant ce qu'elle avait démonté du véhicule terrestre.

Malgré toutes les choses que la pilote avait pu lui reprocher lors de leur mission, la Tricitoy de Tantar III avait intercédé de nombreuses fois en sa faveur auprès de la société des naufragés de Fax VII. Xash avait décidé de vivre en dehors de leur village, car elle était résolue à retourner dans l'espace. Une Spex-pilote clouée sur terre, ça n'avait aucun sens ! Mais les exilés ne lui facilitaient pas la tâche.

Ils la toléraient mais voyaient d'un mauvais œil son ambition de « gâcher » des matériaux si précieux pour son délire spatial. Tout ce qui constituait son nouveau chez elle, Xash avait dû le gagner à la sueur de ses bras et de son intellect.

En commençant par la carcasse de la Comète, qu'elle avait échangée contre la technologie de sa veste irisée. Shestzi l'avait traitée de folle mais elle avait tout de même appuyé sa demande auprès d'Achard, qui était la gardienne des exilés. Celle-ci avait accepté.

Par la suite, Xash avait tout fait pour se frotter le moins possible aux survivants du génocide. Elle arrivait à se procurer la plupart de son alimentation de base autour de l'emplacement du crash de la navette Co-Amp : eau potable, plantes alimentaires et mêmes certaines plantes médicinales que lui avait montré Shestzi.

Contre des explications sur les propriétés des matériaux que les exilés avaient prélevés, elle avait gagné le percuteur ionique avec lequel Elaïn Jun les avait menacés et s'en servait également contre les prédateurs.

L'année n'avait pas été de tout repos et Xash avait failli y passer à plusieurs reprises. Elle se refusait toujours de se mêler à la civilisation de Fax VII, contrairement à Shestzi. Celle-ci avait retrouvé une partie de sa famille éloignée sur Fax VII et avait beaucoup pleuré de joie à leurs retrouvailles.

Xash était contente pour elle, mais il n'y avait rien sur cette planète qui puisse convenir à la pilote : elle appartenait à l'espace, depuis toujours.

Un jour, alors que Xash cherchait à augmenter la puissance de sa machine dynamoélectrique, Shestzi frappa contre la carcasse du véhicule. La pilote ne leva pas la tête de son travail.

- Je te l'ai déjà dit, Shestzi, je n'ai pas besoin de ta compassion. Gardez vos victuailles au village.

Shestzi posa un lourd panier près de l'établi de Xash. Il était rempli de nourriture, à plus ou moins longue conservation et de quelques baumes médicinaux. La co-pilote avait remarqué que Xash avait tendance à se faire toutes sortes de blessures et ramenait toujours des échantillons du village.

- Regarde-toi, râla Shestzi avec bienveillance. On dirait que tu n'as pas mangé depuis trois jours.

- Je ne veux pas que tu te prives de ta part pour moi. Je sais que vous avez perdu une partie de vos récoltes dans l'inondation du mois dernier.

- Sans toi, je me serais écrabouillée sur le sol de Fax VII. Je te dois la vie. Je ne t'abandonnerai pas.

Xash était obligée de s'avouer touchée par les mots et l'attention de son ancienne co-pilote.

Une fois par mois, celle-ci rendait visite à Xash depuis le village qui se trouvait à une journée. Elle lui apportait des victuailles, ou des nouvelles du village qui ne l'intéressaient pas et lui proposait même parfois du travail.

Xash était presque devenue une ermite mais ça ne la dérangeait pas. Elle avait l'habitude de la solitude dans l'espace et elle préférait la compagnie de sa carcasse plutôt que celle des regards méprisants des villageois.

Shestzi fit le tour du propriétaire, comme elle le faisait chaque mois, pour voir ce qui avait changé depuis sa dernière visite. Certaines plaques de métal n'étaient qu'à moitié fixées, d'autres étaient renforcées par des composant végétaux, des lianes notamment, en attendant de trouver d'autres matériaux.

Ce que Xash avait le plus de mal à trouver sur cette planète, c'était des biovis, dont la technologie n'avait pas encore été inventée à l'époque de la décolonisation de Fax VI (avant d'être classée Ex-Fax VI).

Shestzi remarqua les bulbes jaunes en javonix qui pendaient au plafond.

- Eh ! Est-ce que ce sont ... ?

- Des ampoules, confirma Xash en mâchouillant une gaine pour libérer le fil emprisonné.

- Des ampoules ? s'étrangla la co-pilote.

- Des ampoules à incandescence. Enfin, une technologie adaptée à partir de javonix, elle-même fabriquée à partir du tungstène.

- C'est incroyable ! Xash, le village te donnerait tout ce que tu veux pour cette technologie.

- Cette technologie c'est l'électricité, ricana Xash, ouvre un livre d'histoire. Ça ne vous servirait à rien ici, il n'y a rien pour la stocker. Moi j'ai réussi à me servir de la carcasse... mais les villageois démontent tout ce qu'ils trouvent ; ils n'en n'ont pas l'utilité. Vous vous débrouillez très bien sans.

Shestzi resta quelques temps interdite.

Elle avait l'habitude que Xash ne fasse pas attention à elle quand elle venait lui rendre visite, c'est pourquoi elle s'était elle-même servi une coupe d'eau. Ce n'était pas par impolitesse, elle savait que Xash avait simplement d'autres préoccupations.

Shestzi savait pourquoi la pilote faisait tout ça, pourquoi elle s'acharnait autant et ça lui faisait mal de voir son amie dans cet état. Alors elle finit par le lui dire :

- Ils la débranchent demain.

Xash arrêta son geste, le temps d'accuser la nouvelle, puis recommença à limer sa plaque de métal, un peu plus sauvagement.

- Tu m'avais promis, reprocha-t-elle à Shestzi.

- Je sais... répondit celle-ci avec un poids sur le cœur. Mais elle pompe trop d'énergie au village et la Tridox est certaine qu'elle ne se réveillera pas.

- C'est faux, insista Xash en martelant la plaque de métal.

- Xash, je suis désolée... Elle ne se réveillera pas.

- C'est faux ! hurla la pilote dans un accès de rage.

Elle lâcha son outil qui rebondit froidement sur le sol, pour cacher son visage entre ses mains. Au bord des larmes également, Shestzi se leva et vint accueillir la détresse de la pilote entre ses longs bras. Xash éclata en sanglots.

L'ancienne co-pilote tenta de lui souffler des paroles rassurantes en caressant ses cheveux bleus. Elle ne l'avait jamais vue dans cet état et ressentait sa tristesse profonde ; elle-même aurait du mal à dire au revoir.

[Image par Hans Braxmeier de Pixabay]

Plus que deux chapitres ! Avez-vous deviné qui inquiète autant Xash et Shestzi...?

L'histoire arrive bientôt à son terme mais a encore quelques surprises pour vous chers lecteurices* !

* terme neutre, néologisme issu de l'association des mots "lecteur" et "lectrice".

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