Chapitre 9.2

Des paroles douces, une main chaude me caressant les cheveux, des bras forts et réconfortants m'encerclant la taille... C'étaient les seules choses que je parvenais à ressentir à travers le néant qui m'enveloppait à présent. Je ne distinguais pas clairement ses paroles, mais je savais que c'était lui. Son odeur de cannelle et de terre chaude m'emplissait les narines et brouillait mes sens. Je me sentais bien dans ses bras, des bras qui auraient pourtant dû me répugner étant donné sa véritable nature que je venais de découvrir à l'instant. Sa main rugueuse et puissante se posa alors sur ma joue, me réconfortant, et de l'eau chaude atterrit sur mes pommettes. Étais-je en train de pleurer ? Non, c'était lui. Ses larmes tombaient sur mon visage et ses bras me balançaient doucement d'avant en arrière. Il s'excusait... Je sentis également mon frère près de moi. Il me serrait la main. Lui aussi semblait pleurer, ses plaintes répétitives rendues incompréhensibles par ses sanglots. Je voulais leur crier que j'étais là, que j'allais bien, mais c'était tout bonnement impossible. J'étais comme déconnectée de la réalité, enfermée à l'intérieur de moi-même.

Jase.

Cette pensée me percuta. Il était là, près de moi. Alors s'il allait bien, j'allais bien, moi aussi. Perdue dans un épais brouillard, j'essayai de me concentrer sur les bruits extérieurs. Je les entendais parler, je percevais mon cœur battre et je sentais leur présence à mes côtés. Mais pourquoi alors n'arrivais-je pas à me réveiller ? Je tentai de bouger mes doigts, sans succès. J'étais comme entourée de coton. La douleur, la tristesse, la rage, la peur... Tous ces sentiments m'avaient quittée. Je ne ressentais plus rien. Juste du soulagement. J'étais heureuse de savoir que mon frère allait bien et qu'il s'en était sorti. Le savoir en vie était tout ce qui comptait pour moi.

La main de Jase pressait toujours la mienne et j'essayais désespérément d'en faire de même. Mais je n'y parvenais tout simplement pas. J'étais dans un état second. Je n'avais pourtant pas mal, mais mon bras et ma tête me semblaient si lourds. Soudain, une sensation de brûlure et de tiraillement familière me combla. Tout était atténué, mais je sentais nettement la magie de ma Marque opérer en moi. De fins symboles se dessinaient, complétant mon tatouage. Les verrais-je un jour ou ne ferais-je que les sentir s'incruster dans ma peau à tout jamais ? Je sentis des picotements sur mon épaule, puis le tiraillement se fit plus insistant. Je n'avais toujours pas mal. J'étais sereine. Une étreinte exquise me fit alors oublier ma léthargie et je me laissai entourer de cette aura de bien-être qui semblait m'envelopper. Je flottais. Je sentais ma nouvelle Marque, délicate, fine, magnifique. Je sentais les doigts chauds de Kaden parcourir ma peau, retraçant mes symboles et laissant une traînée de décharges électriques derrière eux.

Kaden.

Il m'avait sauvée, comme il avait dû essayer de sauver cette pauvre femme tuée par un Globalt quelques mois plus tôt. À cette pensée, tout devint plus clair et j'eus la certitude que Kaden était différent des autres. Certes, c'était un extraterrestre. Un Teria. Mais il était différent.

Je compris alors que mes doutes sur la BPP et sur la nature de Kaden étaient fondés. Malgré le profond dégoût que je ne pouvais m'empêcher de ressentir envers les espèces non-humaines, je me rendis compte que tout n'était pas exclusivement noir ou blanc, comme je l'avais toujours su au fond de moi. On ne pouvait pas faire un monde sans mélanger ces deux couleurs. C'était pourquoi de nombreuses nuances de gris coloraient notre Univers. Les gens n'étaient pas foncièrement gentils ou méchants. Les choses n'étaient pas exclusivement bonnes ou mauvaises. Il n'y avait que des gens qui se battaient pour ce qu'ils croyaient. Et chacun de nous avait sa propre vision du bien et du mal. Nous agissions comme nous l'entendions. Et, parfois, il suffisait de soulever un voile pour se rendre compte que nous regardions la réalité à travers un miroir. Alors, tout s'inversait. Et je me maudissais de ne pas avoir pris conscience de cela plus tôt.

La BPP m'avait appris que tuer était notre devoir. Elle m'avait formée afin de me transformer en machine de guerre. Toute ma vie, j'avais assassiné, éliminé des êtres sans réfléchir. Pourquoi n'avais-je pas écouté mon for intérieur ? Pourquoi n'avais-je pas pris conscience plus tôt de ce qu'il se tramait ? J'avais tué un enfant ce soir... Une vague de dégoût me noua les tripes et, si j'avais encore eu le contrôle de mon corps, mon estomac aurait sûrement rendu son maigre contenu sur le sol. J'avais envie d'ouvrir les yeux et de me réveiller. J'en avais assez d'être enfermée dans cet état second. J'avais tant de questions, d'appréhensions. J'aurais voulu tout savoir, tout comprendre... Mais je n'étais pas prête à affronter tous les mystères de l'Univers. Je n'étais pas prête à affronter la vérité.

Kaden.

Penser à lui me fit frémir. J'avais encore du mal à croire ce qui me semblait pourtant maintenant évident. Kaden était un des aliens les plus puissants de l'Univers. Et j'éprouvais des sentiments pour lui. Je me sentais liée à lui. Je ne comprenais pas encore pourquoi. Pourtant, c'était ainsi.

La main de Jase pressait la mienne et sa voix me rassurait, me ramenant à la réalité. Kaden en faisait de même. J'aurais dû le détester pour sa nature. Mais il était définitivement différent. Je le sentais au plus profond de mon être, sans réellement savoir pourquoi. C'était comme si une aura de bonté et de chaleur m'entourait grâce à lui. Je n'avais pas froid, je n'avais pas mal. Je me sentais simplement bien dans ses bras, ses mains caressant ma peau, ses doigts frôlant mes joues et son souffle s'écrasant sur mon visage en murmurant mon nom. Les aliens étaient comme nous : il y avait des bons et des mauvais partout. Et je savais que Kaden était quelqu'un de bien.

Soudain, un effroyable souvenir me revint, me faisant l'effet d'une gifle. 2143, Afrique du Sud, génocide des Blackends. Ils avaient tenté de nous parler. Et moi, j'avais avancé vers eux, arrogante, du haut de mes quinze ans, et j'avais logé une balle dans la tête de leur chef qui me tendait son bras aussi fin qu'une branche d'arbre. À ce moment-là, j'avais aimé le son de cette balle transperçant sa chair. J'avais apprécié l'éclat de peur qui brillait dans les yeux de nos ennemis. J'étais fière de porter le sang de leur leader sur mes mains. Mais maintenant, cette idée me révulsait. Avais-je été à ce point monstrueuse ? Comment avais-je pu commettre tous ces crimes ? Pourquoi ne m'étais-je pas poser plus de questions ?

Je sentis mes mains trembler. Jase me maintint les épaules au sol en grognant, remarquant que mon corps entier était pris de tremblements incontrôlables. J'entendis mon frère aboyer des ordres à Kaden, ce qui, au fond de moi, me fit sourire. Si Jase ne l'avait pas encore tué, c'était parce qu'il nous avait sauvés.

Mais alors que je sentais Kaden se relever, mon corps pendant mollement dans ses bras, un énorme vide prit place dans ma poitrine, juste au niveau de mon cœur qui battait faiblement. Le vent froid me piqua les joues et je frissonnai. Kaden resserra alors son emprise sur mon corps inerte et déposa un léger baiser sur mon front. Tandis qu'il marchait, je me battais encore et encore pour refaire surface. Mais alors que je luttais pour revenir à moi, une seule pensée me paralysa : Et si la BPP nous manipulaient depuis le début ? Et si c'était nous, en réalité, les méchants ?

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Voici une partie un peu plus douce, et donc un peu plus courte. Je voulais vraiment bien prendre le temps de développer le côté sentimental de Lili, mais aussi ses doutes. 

> Vous attendiez-vous à ce retournement de situation ? 

> Que va devenir Lili maintenant qu'elle connaît la vérité ? Kaden va-t-il changer sa vision des choses à jamais ?

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Publié le 20 décembre 2017 / Modifié le 02 septembre 2021

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