Chapitre 8.2
Je fixai le plafond de ma chambre, pensive. Mon horloge satellite indiquait de ses fines aiguilles lumineuses qu'il était seize heures trente. Je soupirai et me levai avec peine, mes muscles étant douloureux suite à ma séance d'entraînement. Mes affaires pour ce soir étaient déjà prêtes et déposées sur mon lit, près de moi. Je jouai alors avec ma lame incrustée de perles rares que je venais de sortir de son petit étui. Je ne savais pas exactement en quoi était fait ce couteau. Mais tout ce qui m'intéressait, c'était qu'aucun extraterrestre n'y survivait. Une petite entaille suffisait à les réduire en tas de cendres, littéralement.
Jase, lui, était occupé avec Glad-y à peaufiner les derniers détails. Pourtant, je lui avais demandé de se reposer, de profiter de ces quelques heures pour prendre du temps pour lui, comme je le faisais maintenant. Les cernes qui se dessinaient sous ses yeux lui donnaient un air hagard. Mais Jase n'avait rien voulu entendre et s'était enfermé dans le travail. Il était comme ça... Toujours dévoué pour les autres et incapable de se préoccuper de lui-même. Je l'avais alors embrassé sur le haut du crâne, sachant pertinemment que ça ne servait à rien de débattre avec lui maintenant, et m'étais dirigée vers ma chambre pour me relaxer quelque temps.
Mon holophone vibra doucement sur mon ventre, me tirant de mes pensées. Je le déverrouillai grâce au scanner rétinien incrusté dans l'appareil photo frontal et écoutai le message lu automatiquement par une voix robotique et impersonnelle.
De : Numéro inconnu
À : Lili
Désolé pour tantôt, chaton. Ça te dirait qu'on se voie ce soir ?
Je sursautai en entendant ces mots. Je souris tandis que mon cœur battait fort dans ma poitrine et que je me redressais droite comme un « i » sur mon lit. C'était Kaden. Ce message ne pouvait venir que de lui. Mais soudain, je fronçai les sourcils. Comment Kaden avait-il eu mon numéro ? Je mis vite cette interrogation de côté. Ce qui importait, c'était son message. Ce tout petit message innocent qui avait suffi pour me faire oublier ce qu'il s'était passé ce matin au Repaire. Il voulait toujours de moi, avec ou sans Marque. Je dodelinai de la tête, heureuse et lui répondis directement en dictant mon message que l'intelligence artificielle retranscrivit :
De : Lili
À : Kaden
Arrête de m'appeler chaton ! Et je peux savoir comment tu as eu mon numéro ?
J'attendis seulement quelques secondes avant de recevoir sa réponse. Il m'expliqua que Jesse le lui avait gentiment transmis. Je levai les yeux au ciel en riant doucement. Cela ne m'étonnait pas venant d'elle. Elle était prête à tout pour que je sorte avec un mec. Même si je n'aimais pas l'idée que Jesse distribue mon numéro à tout va, je lui en fus reconnaissante sur le moment même et me promis de la remercier après lui avoir interdit de le refaire.
Entretemps, Kaden s'amusa à préciser que j'avais un petit nez très mignon et de grands yeux bleus innocents, comme un chaton. Mais il ajouta qu'il était persuadé que j'étais une vraie tigresse à l'intérieur, sûrement pour ne pas vexer mon amour-propre. Je ris. Ce qu'il pouvait être idiot... Je me pris au jeu et lui répondit. Mon holophone vibrait sans cesse. Kaden n'arrêtait pas de m'envoyer tout et n'importe quoi, ce qui avait le mérite de me détendre et de me faire rire avant la chasse de ce soir. J'étais heureuse que mon frère accepte que je le revoie. Je n'aurais pas pu me passer de Kaden bien longtemps.
Après quelques minutes de silence, mon holophone vibra une énième fois et afficha un dernier message de Kaden. Il attendait toujours une réponse de ma part pour sa proposition de sortie. Je me mordis la lèvre inférieure, indécise. Que pouvais-je bien lui dire ? Que ce soir, je devais d'abord tuer des aliens ? Non. Je ne pouvais décemment pas lui expliquer la vérité. Mais je ne voulais pas lui mentir non plus. Je me creusai les méninges. Si je lui disais que j'avais quelque chose de plus important à faire, il penserait sûrement que le baiser que nous avions échangé tout à l'heure ne signifiait rien pour moi, ce qui était complètement faux. Je pouvais peut-être lui expliquer que j'étais occupée et lui proposer une autre date. Mais s'il me questionnait, que lui dirai-je ? Que je passais la soirée en famille ? Non, il le prendrait mal si Jase passait avant lui. Que j'étais malade ? Ça n'aurait absolument aucun sens étant donné qu'il m'avait vu ce matin en parfaite santé. Je me tournai et me retournai encore et encore dans mon lit. Qu'allais-je bien lui dire ?
Je me levai alors d'un bond et me mis à faire les cent pas. Je ne savais pas comment réagir ni ce que nous étions réellement l'un pour l'autre. Me considérait-il comme sa petite amie à présent ? Si c'était le cas, je ne pouvais pas refuser son invitation sans une raison valable. Enfin, je crois. Je n'avais jamais été en couple. Je n'avais aucune idée de comment fonctionnait ces choses-là.
Je me grattai le haut du crâne, pensive. Tous ces sentiments me donnaient mal au ventre, me perturbaient et comprimaient le nœud qui me tordait l'estomac. J'appréhendais énormément notre chasse de ce soir. J'avais de plus en plus un mauvais pressentiment, mais je n'osais pas en avertir Jase. Et il fallait d'abord que je réponde au message de Kaden. C'était impératif. J'arrêtai alors d'arpenter ma chambre et me laissai choir sur le fauteuil gris clair qui se trouvait dans un coin de ma chambre. À force de me poser autant de question, mon cerveau allait exploser. Et personne n'avait envie de nettoyer de la cervelle fraîchement déposée sur les murs.
Je décidai donc de ne rien dire à Jase à propos de mon mauvais pressentiment, préférai jouer la carte de la vérité avec Kaden et écrivis que mon frère avait déjà prévu quelque chose ce soir. Je lui avouai que nous avions eu une énorme dispute tout à l'heure, ce qui n'était pas totalement faux, et que mon frère voulait se faire pardonner. Je ponctuai mon message d'un tas de smiley sympathiques et lui proposai de remettre ça à plus tard.
Kaden me répondit immédiatement, m'expliquant qu'il comprenait la situation et qu'il n'y avait aucun problème. Il précisa entre parenthèse qu'il n'avait pas voulu me mettre mal à l'aise tout à l'heure au Repaire et qu'il adorait mon tatouage. Mon cœur loupa un battement. Mon tatouage. Il avait pris ma Marque pour un simple tatouage ! Je soufflai de soulagement. Je n'aurai même pas besoin de lui en parler/ Le problème était totalement résolu. Pouf, comme par magie ! Il ne savait pas que c'était une Marque. Il n'avait pas fait le rapprochement entre les Chasseurs et moi. C'était un soulagement !
Pourtant, une petite voix cria dans ma tête que je savais que les humains n'étaient pas insensibles à notre Marque et qu'ils comprenaient directement que ce n'était pas un tatouage normal. Son reflet, sa forme... Notre Marque était vivante et ils le voyaient. Mais je mis mes doutes de côtés, sa réponse me réconfortant. Il était peut-être comme Jesse. Il ne devait sûrement pas croire à toutes ces histoires d'aliens. Kaden me semblait être un gars plutôt rationnel, très terre-à-terre. Je soupirai. Beaucoup de jeunes avaient des tatouages de nos jours et avec les nouvelles technologies, les artistes ne manquaient pas d'imagination : ils brillaient, changeaient de couleurs, s'effaçaient quand on le désirait... Peut-être ne connaissait-il pas les légendes qui courraient sur les Chasseurs ? La plupart des gens considéraient cela comme un mythe, comme une histoire qu'on racontait aux enfants le soir pour qu'ils s'endorment plus facilement et qu'ils n'aient pas peur des monstres sous leur lit.
La conversation se termina ainsi, laissant un sourire indélébile sur mon visage. Je vis que mon horloge affichait maintenant dix-sept heures. Il ne me restait plus que deux heures à attendre avant de pouvoir achever notre mission. Je souris. Cette conversation avec Kaden avait au moins eu l'intérêt de me détendre un peu, plaçant mon appréhension de côté.
Je profitai des deux heures restantes pour me reposer, jouer avec mes armes et me préparer. À dix-neuf heures précises, Jase s'empara du pick-up noir chargé d'armes en tout genre et nous nous mîmes en route vers le lac, en silence. Une fois arrivés, nous décidâmes d'observer encore un peu les extraterrestres afin de construire une bonne stratégie d'attaque. Je regardai les Foxites faire leur rituel habituel. Ce rond de lumière qu'ils formaient sur le lac était vraiment magnifique. Il était difficile de les croire maléfiques quand on voyait ces petites créatures danser élégamment à la surface de l'eau. Je n'avais pas envie de tuer ces êtres à l'air inoffensif. Pourtant, je ne pouvais m'empêcher de les détester. Jase avait récemment reçu un mail confidentiel de la BPP. Apparemment, son hypothèse était la bonne. Les habitants de la planète F communiquaient avec une base située non loin de la Terre. J'avais donc abandonné l'idée que les Foxites étaient gentils et ne faisaient que prier un Dieu qui ne m'intéressait pas. Manifestement, ils comptaient bel et bien attaquer notre planète. Encore. C'était une vilaine habitude qu'avaient ces extraterrestres.
La rage monta en moi. Ces créatures ne méritaient pas de vivre. Pourtant, un drôle de pressentiment atténua ma fougue. Je m'efforçai alors de repenser à mes parents. Ils avaient été tués par des aliens. Je devais les venger. C'était ce que Jase m'avait toujours dit. Mais plus j'observais le ballet mélodieux des Foxites, plus je sentais que quelque chose n'allait pas dans toute cette histoire.
Jase remarqua mon trouble et me secoua, me rappelant que je devais rester concentrée car nous allions attaquer d'un moment à l'autre. Il frotta ses mains gantées l'une contre l'autre et commença à s'échauffer doucement. J'en fis de même, remettant mes questions à plus tard, et vérifiai que mon Glock était bien chargé et que mes lames étaient bien accrochées à ma tenue de combat. Je pris le diskstroke hors du sac disposé sur les sièges arrière et analysai la manette, m'assurant qu'elle contenait suffisamment de disques électrocutant et tranchants. Je me laissai même tenter par un lasso à corde chauffante. Si je tirais suffisamment fort, ces petites créatures bleues seraient découpées en deux par le feu.
Je relevai alors ma manche pour y accrocher une dague et vis ma Marque briller légèrement. J'interrogeai rapidement Jase pour lui demander s'il avait récolté des informations sur mes nouveaux symboles mais il ne dit rien, chassant ma question d'un revers de la main. C'était vrai que ce n'était pas vraiment le moment d'en parler. Pourtant, il finit de s'apprêter et s'approcha silencieusement de moi, observant plus attentivement ma Marque. Il parcourut du doigt les différents symboles qui étaient disposés sur mon avant-bras, prétextant qu'il n'avait pas encore eu le temps d'y jeter un coup d'œil. Je levai les yeux au ciel. Je savais qu'il mentait. Mon frère ne remettait jamais ce genre de choses à plus tard. On lui demandait d'analyser quelque chose, il le faisait. Je l'interrogeai alors silencieusement. Il grimaça et je vis un éclat de peur et d'angoisse traverser ses yeux bleus. Je le cherchai à nouveau du regard, mais il remit rapidement ses lunettes de soleil et baissa la manche de mon manteau. Quelque chose n'allait pas et Jase ne voulait pas m'en informer. Je savais que ce n'était pas le moment de l'ennuyer avec ça, mais je voulais en avoir le cœur net.
« Pourquoi réagis-tu comme ça ? lui demandai-je en chuchotant.
— Ce n'est pas normal, finit-il par déclarer, adossé à notre Hummer, attendant que les Foxites débutent leur rituel. Les Marques se ressemblent un tant soit peu. La tienne est juste...
— Différente ?
— Complètement différente, dit-il en grimaçant à nouveau et en posant l'arrière de son crâne sur la portière. Je ne t'ai pas reparlé de tes symboles parce que je n'ai trouvé aucune information les concernant. Et puis, ta Marque s'illumine souvent et elle se complète rapidement. Bien trop rapidement. Tu sembles tellement fatiguée... Ton collier réagit lui aussi bizarrement, mais, heureusement, tu ne le portes plus. Ça n'a peut-être rien à voir, mais c'est étrange. Et même si tu le caches, tu me sembles au bout du rouleau et ton état d'épuisement m'inquiète énormément, Lili...
— C'est vrai que je suis un peu fatiguée ces derniers temps, concédai-je. Mais, il doit bien y avoir une explication à tout cela, non ?
— Non, c'est ça le problème, gémit-il en se massant les tempes. Tu es différente et je ne sais pas quoi faire. J'essaie de te protéger, tu sais. »
Il me prit par les épaules et m'étreignit. Je ris doucement. Il faisait toujours ça avant une mission, comme s'il avait peur de ne plus me revoir le lendemain. Je tapotai son dos et le rassurai.
« Tu fais ça à la perfection, Jase. Vraiment, tu ne dois pas t'inquiéter. »
Il se détacha de moi et me sourit, me remerciant silencieusement. Il pressa doucement ma main, et l'air que je vis se peindre sur son visage m'inquiéta.
« Tout va bien ? lui demandai-je, surprise par son changement d'humeur.
— Oui. C'est juste que... J'ai un mauvais pressentiment. »
Je hoquetai de surprise. Si lui aussi partageait cette sensation, nous devrions peut-être y repenser à deux fois avant d'attaquer les Foxites. Jase analysa une dernière fois la situation et secoua la tête.
« Il n'y a aucun danger. Tout est sous contrôle. Je pense que je suis juste perturbé par toute cette histoire. »
Je hochai la tête en signe d'assentiment. Il avait raison et ça me redonnait du courage. Nous avions tellement préparé cette traque qu'elle ne pouvait pas mal tourner.
« C'est juste le fait que ta Marque se propage vers ta main, alors qu'elle devrait se diriger vers ton épaule pour terminer vers le cœur, ajouta-t-il plus calmement, comme pour justifier son mauvais pressentiment. Ton Centre a changé aussi. Des petites lignes presque imperceptibles se sont déposées dessus alors qu'il devrait être totalement noir, ce qu'il n'a jamais été. Et tes dessins, je n'en ai jamais vu des pareils. Ils sont si complexes... »
Il fit quelques pas et se retourna vers moi.
« Je te le dis maintenant car sait-on jamais que je ne puisse plus te le dire demain...
— Mais ne dis pas ça ! »
Je levai les yeux au ciel et me dirigeai vers lui. Son comportement commençait à m'agacer.
« On va s'en sortir comme on le fait toujours. On est des Chasseurs, bon sang ! On a déjà vaincu bien pire que dix malheureux Foxites. Ces bestioles font moins d'un mètre. Même les bras levés, elles ne touchent pas nos pieds. Que pourraient-elles nous faire ? Ces aliens sont ridiculement petits. On va donc faire comme on a toujours fait, et tu me reparleras de ma Marque demain matin. »
Il acquiesça et me tapota l'épaule.
« D'accord, ça me va. On discutera demain matin, répéta-t-il pour se donner du courage. Il faudra juste rester vigilante avec ta Marque. Pour l'instant, ajouta-t-il. »
Je grimaçai, comprenant son sous-entendu.
« Oui, je pense ne plus aller à l'université de toute façon. Je ne peux pas prendre le risque de voir ma Marque se compléter en plein cours. Pas après ce qu'il s'est passé ce matin. J'irai juste voir mes potes de temps en temps. »
Jase ricana et baissa ses lunettes sur le bout de son nez, me regardant, ahuri.
« Toi, Lili Clark, tu viens de prendre une décision si raisonnable ?
— Tais-toi, idiot, lui dis-je en passant devant lui pour observer le lac de plus près. »
Un sourire se dessina enfin sur son visage, révélant de petites fossettes. Je souris à mon tour, contente de voir que l'atmosphère se détendait quelque peu. Il jeta un coup d'œil à sa montre. Les Foxites se réuniraient à nouveau à la surface du lac dans quelques minutes.
« Je n'aurais jamais cru te voir comme ça, s'exclama-t-il au bout d'un temps.
— Comment, demandai-je en fronçant les sourcils, ne voyant pas très bien où il voulait en venir.
— Amoureuse. Tu l'aimes Lili. Et ça se voit. Tu es plus... Tu es plus tout : affirmée, confiante, déterminée, heureuse. »
Je me mordis la lèvre inférieure et y passai rapidement le bout de ma langue, me remémorant le baiser que j'avais échangé un peu plus tôt avec Kaden. Ses doigts dans mes cheveux, sa main enserrant ma taille et me rapprochant de lui, tout contre son torse. La sensation de mes doigts dans ses cheveux soyeux, sur sa peau. Et ses lèvres. Ses lèvres que j'avais tant rêvé embrasser.
Je souris. Oui, c'était vrai. Je l'aimais bien cet abruti qui m'avait amené à notre premier rendez-vous devant un bâtiment désaffecté. Mais il était hors de question que je l'admette devant mon frère.
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Voici la fin du chapitre 8 ! J'espère que ce chapitre vous plaira :-)
--> Que pensez-vous de l'attitude de Jase envers Lili ?
--> Lili, amoureuse ? Que va-t-il se passer dans le prochain épisode ?
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LosUnivers
Publié le 03 décembre 2017 / Modifié le 24 août 2021
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