Chapitre 6.1
Les traques du week-end ne s'étaient pas révélées concluantes. Jase et moi avions passé des heures à sillonner les rivières et autres cours d'eau, les endroits préférés des Foxites. Ils puisaient leur énergie dans cet élément et avaient besoin de vivre dans un milieu où le taux d'humidité était suffisamment élevé, sans quoi leur peau bleue et visqueuse s'asséchait et craquelait pour finalement se détacher en lambeau. Avec mon frère, nous avions sondé chaque recoin, chaque espace, chaque grotte susceptible d'abriter des aliens. J'avais passé tout mon samedi à analyser les différents endroits dans le Wisconsin qui réunissaient toutes les conditions favorables pour héberger les habitants de la planète F. En deux nuits, nous avions visité la moitié des points d'eau de l'État et nous n'avions pas trouvé une seule trace du supposé Foxite qui se trouvait sur la scène de crime quelques semaines plus tôt. Cette espèce aimant vivre en groupe, nous nous attendions à tomber sur une véritable colonie. Encore fallait-il la trouver.
Entretemps, j'avais demandé à Glad-y d'analyser mon collier. Cette dernière avait détecté des microfissures autour du médaillon, expliquant son dysfonctionnement. Ce verdict me soulagea et je décidai de ranger définitivement le bijou dans un tiroir. J'en avais discuté avec mon frère, lui détaillant toutes les fausses alertes et affreuses brûlures que ce collier m'avait infligées inutilement. Jase haussa les épaules et déclara que le détecteur était manifestement défaillant. Il proposa de le détruire, mais il avait une trop grande valeur sentimentale à mes yeux que pour finir à la poubelle. Malheureusement, Jase m'apprit aussi que les colliers de nos parents avaient été récupérés par la BPP. Je n'avais donc aucun détecteur de rechange. Jase n'aimait pas l'idée que je me balade sans aucun moyen de détecter des présences non-humaines autour de moi. Par conséquent, il ne me lâchait plus d'une semelle. Je lui émis l'hypothèse de contacter la BPP afin que la cellule d'armes m'envoie un nouveau collier mais il refusa catégoriquement. Cela me surprit. Lui qui m'avait tant contredite lorsque je lui avais exposé mes doutes à propos des buts poursuivis par la BPP était à présent méfiant ? Il préférait que l'on reste aussi loin que possible de la Brigade tant que nous n'avions pas mis la main sur le Teria. J'avais suivi sa décision car je lui faisais confiance. Et puis, dans tous les cas, il me restait ma Marque et mon instinct de Chasseuse, les meilleures armes contre les extraterrestres.
Pour ce qui était des informations concernant Kaden que j'avais demandées à notre intelligence artificielle, j'étais là aussi face à une impasse. Glad-y n'avait pratiquement rien trouvé sur lui, si ce n'était quelques relevés bancaires des plus normaux, des dossiers scolaires irréprochables et un casier judiciaire parfaitement vide. La BPP ne l'avait pas répertorié dans sa base de données, indiquant ainsi qu'il n'était pas un Chasseur. Du moins, pas un Chasseur américain. Mais comment pouvait-il se trouver sur le territoire sans que la BPP en soit informée ? S'il n'était pas Chasseur, qu'était-il ? Décidément, ce garçon était un mystère pour moi... Mais entre les entraînements, les heures passées dans mon bureau à étudier le mode de fonctionnement des Foxites et les matinées à chercher un quelconque indice sur le Teria, je n'avais plus vraiment eu le temps d'approfondir mes recherches à ce sujet.
Pourtant, même si j'avais l'esprit occupé en permanence, je ne cessais de penser à ce que j'avais ressenti en présence de Kaden, à son toucher agréable, à sa façon de me sourire et de me regarder, comme si j'étais la chose la plus belle et la plus intrigante au monde. Je me rappelais ce que j'avais ressenti lorsqu'il s'était retrouvé près de moi, nos bouches à quelques centimètres l'une de l'autre, prêtes à s'embrasser. Rien qu'en me remémorant ces instants, j'en avais la chair de poule. J'avais un besoin viscéral de me trouver près de lui. Plus les jours passaient, plus j'envisageais d'accepter de l'aider à construire son refuge pour sans-abris. Je voulais en apprendre plus sur lui. Mais, surtout, j'avais envie de passer plus de temps avec lui, même si je n'expliquais toujours pas ce lien qui m'unissait à lui. Même si je ne comprenais pas pourquoi les autres artistes m'avaient si mal accueillies. Et surtout, même si je ne parvenais pas à déterminer la nature de Kaden. Il s'était déplacé si vite dans le salon rétro... Il ne pouvait pas être humain. Pourtant, il n'était pas un alien car ma Marque n'avait pas réagi à sa présence. Et selon la base de données de la BPP, il n'était pas un Chasseur non plus. Mais alors, qu'était-il ?
Pour éviter de me torturer plus longtemps avec toutes ces questions, je me plongeais dans le travail. Nous avions toujours un Teria à trouver. Il n'était pas dans l'habitude des Chasseurs d'avoir des difficultés lors d'une mission. Après tout, nous avions été spécialement créés pour les exécuter efficacement et rapidement. Cet alien mystérieux nous rendait donc dingues. Et plus les jours s'allongeaient, plus Jase et moi nous posions des questions sur la BPP. À force de passer au peigne fin des tonnes de dossiers confidentiels, j'avais remarqué que certaines informations ne collaient pas entre elles. Il y avait beaucoup trop d'incohérences et de discordances. J'étais donc partagée entre le fait de faire confiance aveuglément à la BPP, ou bien le fait de prendre du recul pour pouvoir mieux analyser la situation. Ce fut donc plongée dans mes doutes et abattue par nos derniers échecs que je passai pratiquement la totalité de mon week-end.
Malgré nos dernières chasses infructueuses, Jase et moi avions décidé de remettre cela ce dimanche soir. Nous avions le week-end tout entier pour trouver ce Foxite et nous comptions bien lui mettre la main dessus. Qui sait, peut-être qu'en le trouvant, nous attraperions le Teria aussi ? Après tout, les trois aliens étaient bien présents sur la même scène de crime. Maintenant que le Globalt était mort, peut-être chercheraient-ils tous deux à se protéger ?
Dans les alentours de dix-neuf heures le dimanche, heure de notre dernière chasse de la semaine, Jase me prévint que nous ne tarderions pas à nous en aller. La nuit tombait peu à peu et le ciel rose bonbon laissait doucement place à un voile opaque. J'accrochai mon Glock à ma ceinture après avoir passé plus d'une heure à le bichonner et dissimulai plusieurs lames dans mes bottines. Mon poignard en pierre rare, celui qui était capable de mettre hors-d'état de nuire les aliens les plus puissants en les effleurant à peine, était rangé dans son étui rétractable et accroché à mon poignet. Il me suffisait d'une pression pour dégager la lame de son encoche : rapide, efficace. D'autres couteaux étaient dissimulés à l'intérieur de ma veste et un chargeur pour mon fusil se trouvait rangé dans une poche intérieure prévue à cet effet. Mon bonnet noir et mes lunettes de soleil dissimulaient mon visage. Nos gènes de Chasseurs nous permettaient d'avoir une vue beaucoup plus précise de sorte que les verres teintés ne nous dérangeaient pas la nuit. Nous n'étions pas complètement nyctalope, mais il nous était assez aisé de voir dans le noir. Mon pantalon de combat et mon manteau long étaient fabriqués en matière ultrarésistante, me protégeant d'éventuelles attaques. Feu, acide, glace, liquides étranges... La fine étoffe composée de matériaux rares avait les mêmes propriétés que les épais gilets de protection que portaient les policiers de nos jours.
Redoutant une rencontre avec un fameux Teria, je décidai tout de même d'emmener avec moi une arme un peu plus récente : un diskstroke. De près, cela ressemblait à une manette de jeux vidéo au haut arrondi et équipé d'une petite gâchette. Il pouvait être comparé aux anciens scanners que nos parents et grands-parents utilisaient en allant à ce qu'ils appelaient les « grandes surfaces » ou les « supermarchés ». Mais, en réalité, loin de pouvoir scanner des articles, le haut du diskstroke contenait de petits disques électriques qui coupaient et électrocutaient toutes personnes touchées. Un jour, un disque perdu m'avait frôlé la cuisse lors d'une bataille et j'en avais encore la cicatrice. Cette grosse boursouflure rosée s'était ajoutée à mon panel de blessures pourtant déjà bien chargé.
Après m'être équipée, je quittai le sous-sol et montai rejoindre mon frère dans notre bureau. Il vérifiait avec l'aide de Glad-y une quelconque perturbation des ondes électromagnétiques, ce qui correspondait à la présence d'un extraterrestre. Personne ne savait exactement dire pourquoi, mais les scientifiques avaient remarqué que les aliens perturbaient toujours les champs électromagnétiques lorsqu'ils restaient longtemps au même endroit ou lorsqu'ils utilisaient leurs pouvoirs. Ils laissaient une trace dans le paysage, comme une signature marquant leur passage. Certains scientifiques expliquaient que la Terre, grâce à ses deux pôles, agissait comme un détecteur géant. Ainsi, les ondes se pliaient au contact d'une vie étrangère, extra-terrestre. Mais cela relevait plus de la spéculation que de l'exactitude scientifique et le tout demeurait un véritable mystère encore aujourd'hui.
« Je te tiens ! s'écria soudainement une voix dans mon dos, me faisant sursauter. »
Je me tournai vers Jase et souris.
« Tu l'as localisé ? demandai-je avec entrain.
— Oui ! Les ondes près du lac Wissota sont perturbées. Si on part maintenant, on pourra peut-être encore l'y trouver.
— Alors, c'est parti ! m'exclamai-je. »
Mon frère enfila sa veste noire et son bonnet de la même couleur et nous nous dirigeâmes vers notre pick-up blindé. Tout était noir : nos vêtements, nos armes, la voiture... Personne ne pouvait nous voir. Nous agissions dans l'ombre.
Après pratiquement une heure de trajet dans le silence des plus total, Jase se jeta sur le bas-côté et arrêta brusquement le véhicule. Apparemment, nous étions arrivés. Je sortis en faisant claquer la portière et fis rouler entre mes doigts mon fusil et mon diskstroke sous le regard désapprobateur de Jase.
« Quoi ? demandai-je, ahurie.
— Tu ne veux pas faire plus de bruit ? s'exclama-t-il. Tu pourrais allumer la radio et mettre le volume à fond aussi, histoire de les prévenir de notre arrivée ! Ils ont une ouïe surdéveloppée, tu te souviens ? »
Je le regardai et ris doucement. Sa paranoïa le perdra un jour... Il mit sa main sur ma bouche pour me faire taire et je fronçai les sourcils, surprise. Nous avions passé tout le trajet dans un silence pesant et j'étais enfin heureuse d'être sortie de l'habitacle. J'étais prête à pulvériser toutes formes de vie extraterrestre qui se mettraient sur mon chemin. Et lui tentait de gâcher mon plaisir ? L'excitation me gagnait de plus en plus. J'avais besoin d'action. Je poussai donc gentiment Jase sur le côté, me libérant de son emprise, et continuai de jouer avec mes armes, un sentiment apaisant me gagnant à leur contact.
Alors que je fixai la pénombre à la recherche du moindre mouvement, une sensation de brûlure se répandit dans mon avant-bras. Je grimaçai et serrai les dents. Quand ce n'était pas mon collier qui faisait des siennes, c'était autre chose. Je maudis intérieurement tous les événements catastrophiques que nous avions subis ces derniers temps, allant de ma rencontre plutôt brutale avec Kaden à nos chasses infructueuses. La peau de ma poitrine était boursoufflée à force de s'être faite brûler et ma Marque me tiraillait. Je tins mon avant-bras et me dirigeai vers mon frère qui, quant à lui, sécurisait les alentours à quelques mètres de moi. Il était tellement concentré sur sa tâche qu'il ne me vit absolument pas arriver. Une fois à sa hauteur, j'enlevai précipitamment mon manteau, me rendant ainsi vulnérable en cas d'attaque, et vis ma Marque devenir de plus en plus bleutée à travers mon léger sous-pull. Je gémis et jurai en même temps, ce qui ne m'arrivait que très rarement. Soit, nous étions encerclés par des aliens, soit... Non, impossible.
Je poussai un cri étouffé par la main de Jase qui s'était à nouveau posée sur ma bouche suite au vacarme que je produisais. Une chaleur intense se répandit dans tout mon corps et se concentra essentiellement sur le dos de ma main. Je mordis la paume de mon frère pour m'empêcher de crier, ce qui le fit grimacer. La douleur était telle qu'elle me retournait l'estomac. Je ne m'étais jamais sentie aussi faible de toute ma vie...
« Merde, Lili ! chuchota Jase en réprimant une grimace de douleur lorsque je le mordis à nouveau. Mais qu'est-ce que tu fais ? »
Ses jurons témoignaient de son état de stress. Pourtant, Jase ne semblait pas avoir fait attention à mon bras, plus concentré à vérifier les alentours, les sens en alerte. Je relevai alors la manche de mon pull et lâchai un cri de surprise en voyant mon avant-bras devenir complètement bleu. C'était donc bien ça...
« Jase... gémis-je doucement. Ma marque.
— Elle s'est complétée, ajouta-t-il, un air admiratif flottant sur son visage. »
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Voici la première partie du chapitre 6.
J'espère que les aventures de Lili vous plaisent toujours autant !
> Pourquoi Lili doute-t-elle de plus en plus de la BPP ?
> Quand arrivera donc cette fameuse confrontation avec le Teria ?
> Aimez-vous les petites disputes entre Jase et Lili ? :-)
Merci de me lire !
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LosUnivers
Publié le 08 novembre 2017 / Modifié le 12 août 2021
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