Chapitre 4.2
Avant que je ne puisse réagir, il me plaqua contre le mur, le regard brûlant de rage. J'observai ses iris flamboyants et restai pantelante. Je me sentais toute petite face à lui. La force avec laquelle il m'avait maîtrisée, la précision de ses mouvements, sa vitesse impressionnante et sa proximité me chamboulaient totalement. Était-il un Chasseur ? Un humain normal n'aurait pas pu éviter mon attaque.
Sous l'effet de la surprise, je ne parvins pas à prononcer le moindre mot. La mâchoire de Kaden se décontracta lorsqu'il aperçut mon désarroi, mais son regard restait dur. Il relâcha malgré tout son emprise. Pourtant, une force invisible semblait me maintenir sur place alors qu'il se trouvait à un mètre de moi. J'étais tétanisée.
« Je peux savoir ce que tu fais ? me demanda-t-il, en colère. »
J'ouvris la bouche mais aucun son n'en sortit. Que pouvais-je dire pour justifier mon comportement ? Ma lame était toujours visible, partiellement rentrée dans ma manche, mais je n'osai pas faire le moindre geste. J'étais troublée et tant obnubilée par sa beauté brutale que je ne parvins pas à détourner les yeux. La colère déserta subitement son regard et laissa place à ce que j'interprétais comme de la tristesse. Il recula encore de quelques pas et secoua légèrement sa tête, comme pour se reprendre. Un courant d'air froid me parcourut et je frissonnai. Reprenant le contrôle de mes mouvements, je rangeai ma lame et croisai les bras, comme pour me protéger. Je ne comprenais rien à ce qu'il venait de se passer. J'avais chaud, puis froid, encore et encore. Je ne m'étais jamais trompée à ce point. Je n'avais jamais agressé un humain. Je tremblai. Kaden sembla le remarquer et se rapprocha alors de moi, nos fronts presque collés, nos souffles se mélangeant.
Je fus d'abord surprise par sa soudaine proximité. Puis, je fermai les yeux et soupirai, me délectant de sa présence. Je me sentais en sécurité avec lui. Je ne savais pas comment l'expliquer, mais mon cœur me hurlait qu'il ne m'arriverait rien. Ce lien que je ressentais, l'effet qu'il me faisait... Tout cela me semblait surnaturel. Peut-être devenais-je folle ? Après tout, j'étais censée être en colère contre lui pour s'être comporté comme un abruti tout à l'heure.
Mon souffle s'accéléra. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait entre nous. Jase m'avait déjà expliqué que les Chasseurs pouvaient parfois ressentir ce genre de choses, mais je ne m'y étais jamais réellement intéressée car je n'avais jusqu'alors pas la tête à ça. C'était pourquoi je ne laissais jamais personne m'approcher. Et là, Kaden se tenait devant moi, à seulement quelques centimètres de mon visage. Et je me sentais incroyablement bien. Plus je l'observais, plus je commençais à douter de sa nature humaine. Si lui aussi ressentait ce lien, ce qui expliquerait pourquoi il agissait si bizarrement avec moi, il était peut-être bien un Chasseur. Pourtant, je ne l'avais jamais vu et je n'avais jamais entendu parler de lui à la BPP. Venait-il d'un autre pays ?
Soudain, il se détacha de moi, brisant ce moment unique. Je repris doucement mon souffle et tentai de me redonner contenance. Il semblait aussi surpris que moi par nos réactions. Mais il ne dit rien. Le silence s'étira et je repensai enfin à ce que je venais de faire. J'avais tenté d'attaquer Kaden. S'il n'avait pas eu ce réflexe surhumain, il serait actuellement en train de se vider de son sang devant moi. Comment avais-je pu manquer à ce point de jugement ? Attaquer des innocents n'était pas dans mes habitudes. Des visions d'horreur défilèrent devant mes yeux et je laissai échapper un gémissement plaintif. Je tapai doucement ma tête contre le mur derrière moi. Qu'est-ce qui ne tournait pas rond chez moi ? Mon collier s'activait en permanence, ma Marque s'illuminait sans aucune raison valable et je ressentais des choses que je n'arrivais pas à expliquer.
Remarquant ma faiblesse sur le moment, Kaden caressa ma joue et je me laissai aller à cette tendresse, profitant de son toucher brûlant. J'avais besoin de lui car il me faisait oublier tout le reste. Mais pourquoi ressentais-je cela ? Kaden remarqua mon trouble et se détacha définitivement de moi. Il enfonça ses mains dans ses poches et reprit un air nonchalant. La magie venait de se briser. Je respirai doucement, un trou se formant dans ma poitrine.
Kaden se racla la gorge et commença, calmement :
« Tu ne m'as pas laissé le temps de m'expliquer. Je sais que certains pensent que je ne suis pas un gars bien. Mais je ne m'abaisserais jamais à humilier une jeune fille innocente en pleine rue. J'ai des principes, même si tu sembles maintenant penser le contraire... »
Sa phrase se termina dans un murmure et il détourna le regard. Sa dernière remarque me fit l'effet d'une claque. Un sentiment de culpabilité me comprima le cœur. Je l'avais jugé si vite... Bien que ça ait été complètement justifié sur le moment-même.
Kaden passa une main sur son visage et soupira avant de me faire à nouveau face. Quant à moi, je tentai de paraître détachée, attendant enfin qu'il m'explique son comportement. Mais j'étais loin de l'être. Mes membres étaient crispés et ma jambe tressautait légèrement tandis que j'étais en appui sur le mur derrière moi. Je cachai mes mains tremblantes derrière mon dos. Un grand malaise s'abattit sur nous, lui me détaillant avec gêne, et moi, ne sachant pas où poser mon regard.
Je portai machinalement la main à mon collier qui était à peine chaud et cherchai rapidement des yeux la personne que mon artéfact avait détectée, mais ne la trouvai pas. Était-ce le Teria ? L'alien avait dû s'échapper dès que Kaden était arrivé au pied de l'ascenseur. Ou alors il n'y avait jamais eu d'extraterrestre et je perdais autant le nord que mon collier.
Mes pensées se troublèrent pendant un instant. J'avais fait tomber ce bijou à plusieurs reprises lors de mes entraînements. Et il avait été fortement abimé il y a quelques semaines en mission. Mon frère et moi traquions un Dogdraft, un habitant de la planète R-draft située à l'autre bout de notre galaxie. Ce dernier était parvenu à me projeter à deux bons mètres de lui. Je me souvins avoir perdu mon collier. Je l'avais retrouvé après la bataille près d'une pierre qu'il avait visiblement heurtée. Depuis, il ne fonctionnait plus bien. Je décidai alors de l'enlever et de le mettre dans la poche de ma veste pour ne plus être embêtée.
Kaden se racla la gorge une seconde fois, me ramenant à l'instant présent. Je souris timidement. Il me regarda avec étonnement, comme s'il voulait comprendre ce qu'il se passait dans ma petite tête, et ajouta finalement :
« Avant de m'expliquer, je peux savoir pourquoi tu m'as sauté dessus ? On aurait dit un ninja.
— Je... C'est que je... »
Je bégayai. Comment pouvais-je bien m'expliquer ? Je plissai les yeux et l'observai en réfléchissant. J'avais peur d'utiliser la bonne vieille excuse des réflexes d'arts martiaux vu qu'il semblait bien trop intelligent pour croire à ces balivernes. Et je n'osais pas lui dire la vérité vu que je n'étais pas certaine qu'il soit également un Chasseur. Dans un monde idéal, j'aurais pu lui dire : « Mon collier a détecté une présence non-humaine et je me devais de neutraliser cet alien avant qu'il ne blesse des humains. Et il est fort probable que j'ai manqué de jugeote et que je t'ai confondu avec un de ces extraterrestres ». Mais nous n'étions pas dans un monde idéal. Taire notre nature était la première chose que l'on nous apprenait à la BPP, une fois que nos premières aptitudes se manifestaient vers l'âge de neuf ans.
« Je... commençai-je.
- Tu ? me demanda-t-il en haussant un sourcil pour marquer son incompréhension et son impatience. »
Un sourire paresseux étira ses lèvres fines et je me demandai pourquoi il réagissait ainsi. Il se rapprocha de moi, faisant à nouveau accélérer les battements de mon cœur, et agrippa mes coudes pour me décoller du mur.
« Je pensais simplement que tu étais un dangereux psychopathe et j'ai donc voulu utiliser les techniques d'autodéfense que mon frère m'a enseignées, débitai-je à toute vitesse, surprise par son geste. Deux-trois trucs inutiles qui lui semblaient être sympas à apprendre. Mais heureusement, tu n'es pas un dangereux psychopathe, dis-je en riant nerveusement et en tapant sur son torse pour qu'il me lâche et, surtout, pour l'obliger à reculer. Enfin, je crois. »
Un sourire taquin se dessina sur son visage et il rit doucement, me relâchant. Même si j'étais persuadée qu'il avait dû sentir que mes gestes étaient précis et que ma force était fortement décuplée, il se contenta de hocher la tête en signe d'assentiment. Il croisa ensuite ses bras sur sa poitrine et me toisa, son sourire charmeur sur les lèvres.
« J'ai donc affaire à une petite bagarreuse, alors ? me taquina-t-il. J'aime ça. »
Je me forçai à rire, gênée par ses paroles, tandis qu'une vague de chaleur envahissait mes joues. Il prit une fois encore ma main, comme si c'était devenu une habitude, et m'emmena à nouveau vers le vieux bâtiment. Je le suivis, ne sachant vraiment plus quoi faire. J'étais encore énervée. Son mutisme de tout à l'heure n'avait toujours pas été expliqué.
Arrivé devant l'édifice, il marqua une pause. Il me sourit par-dessus son épaule et me fit entrer. Je me laissai faire, serrant un peu plus fort sa main. Il s'arrêta alors brusquement et je percutai son dos. Je me tins le nez en grommelant. Il rit face à ma maladresse et je me contentai de lui jeter un regard noir. L'intensité que j'aperçus dans ses yeux me fit détourner la tête, mal à l'aise. Et ce fut alors qu'une dizaine de couleurs et de lumières capta mon regard. J'étais comme hypnotisée par la beauté et l'étrangeté du lieu.
« Alors, ça te plaît ? me demanda-t-il en écartant les bras, un sourire sincère s'épanouissant sur son visage. »
Si cela me plaisait ? C'était incroyable même ! Ma bouche s'ouvrit en grand et un rire s'échappa de ma gorge. Je me trouvais dans un véritable antre d'artistes. Je savais que des endroits comme celui-ci existaient, mais jamais je n'aurais pensé en voir un aussi beau et aussi particulier un jour. Je détaillai la pièce principale avec plus d'attention. L'intérieur semblait être complètement rénové, ce qui contrastait totalement avec l'extérieur défraichi et usé par le temps. Ici et là, des tagueurs et des artistes peignaient les murs. D'autres personnes décoraient les lieux en créant des meubles à l'aide de vieux objets. Ils n'étaient pas nombreux, mais leur travail était remarquable. Le bruit des bombes de peinture, les éclats de voix, les rires... Tous ces éléments créaient une ambiance chaleureuse et magique.
Kaden sourit en voyant mon expression ravie et émerveillée. Il me guida à travers les différentes pièces qui étaient toutes plus belles les unes que les autres en me détaillant l'utilité de chacune d'entre elles. Je n'en revenais pas. Il y avait ici toute une communauté d'artistes qui retapaient cet endroit de fond en comble pour lui donner un charme impressionnant. Je saluai les personnes qui croisèrent mon regard mais celles-ci semblaient plutôt méfiantes, ce qui m'étonna. On m'avait pourtant dit que les artistes étaient de nature sympa. Ignorant les gens autour, je continuai de suivre Kaden en essayant de graver dans ma mémoire le souvenir de chaque pièce.
Il s'arrêta finalement dans une sorte de petit salon et s'affala sur un divan vintage. Il tapota de la main l'espace près de lui pour m'inviter à m'y asseoir. Je m'avachis à mon tour sur le fauteuil plutôt moelleux et contemplai le plafond. Des centaines de lampes y étaient suspendues, de sorte que celui-ci ressemblait à une véritable voûte étoilée. Sur les murs, des néons de couleur étaient fixés et composaient une fresque magnifique. Ce salon était de loin le plus beau que j'aie jamais vu.
La voix rauque de Kaden me sortit de mes pensées :
« C'est beau, n'est-ce pas ? me demanda-t-il.
— Oui, répondis-je sincèrement, des étoiles plein les yeux. C'est... C'est tout simplement magnifique, incroyable et... Je ne trouve pas de mots à mettre là-dessus, conclus-je. »
Il sourit, fier de lui. Un moment passa où aucun de nous deux n'osa prendre la parole, jusqu'à ce que je me décide à poser la question qui me brûlait les lèvres. Je me retournai vers lui et lui demandai :
« Pourquoi ?
— Tu vas devoir être plus précise, Lili, dit-il en se rapprochant un peu de moi, son regard de prédateur refaisant surface. »
Son souffle chaud s'écrasa sur mon visage et je frissonnai. Je rassemblai tout mon courage pour ne rien laisser paraître et pour obtenir la réponse à mes questions.
« Pourquoi m'avoir emmenée ici ? Pourquoi m'avoir fait attendre tout à l'heure au point de m'effrayer ? Et surtout, pourquoi tous ces gens restaurent-ils ce bâtiment ? C'est vrai, c'est...
— Oh, doucement ! Une question à la fois pour commencer, Lili, me coupa-t-il en riant doucement. »
Il me fixa intensément tandis que son torse musclé effectuait de petits soubresauts sous son rire cristallin. J'aimais bien la façon dont il prononçait mon nom de sa voix rauque. Mon regard glissa inconsciemment vers ses lèvres charnues qui ne demandaient qu'à être embrassées. Nous étions près, très près... J'avais comme une envie irrésistible de le toucher, de le sentir près de moi.
Le temps sembla avoir ralenti l'espace d'un instant. Je fermai doucement les yeux, attendant qu'il fasse le premier pas. Son souffle chaud s'écrasa sur mes lèvres et...
« Les questions, reprit-il. »
J'ouvris soudainement les yeux, déçue. Une douche froide venait de s'abattre sur moi. Je me repris, tentant de ne pas montrer ma frustration. Kaden, quant à lui, s'était rassis normalement et me regardait avec attention. Un petit sourire vint vite remplacer sa mine quelque peu gênée. Que m'était-il passé par la tête pour vouloir l'embrasser ? Je soupirai lentement et me concentrai à nouveau sur son visage. Je n'avais jamais été autant dans la lune. Il reprit :
« Alors, pourquoi t'avoir emmenée ici ? reformula-t-il. Je voulais premièrement m'excuser de t'avoir foncé dedans lorsque l'on s'est rencontré pour la première fois à la fac. La situation était tellement bizarre que je n'ai même pas penser à le faire. Je voulais que tu voies que je n'étais pas comme les autres me décrivent parfois. Et surtout, je voulais aussi faire ta connaissance. Tu es... différente.
— Différente ? répétai-je. »
Le doute m'assaillit. Je commençai de plus en plus à croire qu'il était un Chasseur. Mais pourquoi n'avait-il pas été signalé à la BPP ? Je n'en avais à nouveau aucune idée. Connaissait-il également ma réelle nature ? Je ne l'espérais pas.
« Oui, confirma-t-il d'un sourire ravageur. Tu es différente. Je ressens ce truc, dit-il en nous désignant l'un l'autre.
— Comme un lien ? »
Il hocha rapidement la tête, étonné que je ressente la même chose que lui.
« Bref, ce que j'essaie de te dire, à ma façon, c'est que tu m'intrigues et que je veux mieux te connaître. Et je suis désolé de t'avoir fait peur au point que tu veuilles t'enfuir tout à l'heure. Je n'ai jamais ressenti ça pour une fille... Et cet endroit est si important pour moi. Je ne l'ai jamais montré à personne. J'avais peur que tu me juges, que tu te moques, que tu me méprises. Je n'ai pas l'habitude de montrer cette facette de ma personnalité et j'ai perdu tous mes moyens. Et plus le temps s'étirait, plus je voyais les émotions contradictoires qui passaient dans ton regard. Je me sentais tellement nul de te faire attendre comme ça. Et quand tu m'as parlé, j'ai été surpris de voir que je t'avais autant blessé. Alors, je n'ai pas su quoi répondre. Et j'en suis vraiment désolé.
— Oh... »
Ce fut la seule chose qui me vint à l'esprit. J'avais tant attendu ces explications... Et maintenant qu'il m'ouvrait son cœur, je ne sus plus quoi répondre.
« Eh bien, c'est gentil de m'avoir amenée ici. Et j'accepte tes excuses. J'ai moi-même agi bizarrement et j'en suis également désolée.
— Il n'y a pas de soucis, répondit-il. Je comprends. Je tenais tellement à te montrer cet endroit, dit-il en désignant le plafond étoilé après avoir marqué une petite pause. Tu avais raison tout à l'heure.
— À propos de quoi ? demandai-je, curieuse.
— Je voulais te faire changer d'opinion sur ma personne. J'ai rénové ce bâtiment avec quelques amis pour permettre aux sans-abris du quartier de s'y réfugier quand il pleut ou quand il fait trop froid pour rester dans la rue. On leur permet de dormir sur de vrais lits et de se réchauffer un peu. Des... des amis à moi leur préparent à manger et les surveillent, dit-il, hésitant. On va même bientôt installer des douches et des sanitaires pour qu'ils puissent se sentir un peu chez eux ici.
—Tu fais tout ça pour les plus démunis ? m'exclamai-je, surprise.
— Oui, répondit-il, une étincelle de peur illuminant son regard.
— C'est... C'est bien. Très bien. »
Ce fut tout ce que je trouvai à répondre. Kaden était surprenant. Je clignai des yeux et fronçai les sourcils. Il voulait me faire changer d'opinion sur sa personne et il avait réussi. Qui l'aurait cru ? Kaden aidant les sans-abris ? Je comprenais maintenant cette gêne qu'il avait ressenti en me dévoilant cette partie de sa personnalité. Si ça se savait, les moqueries fuseraient.
Alors que je souriais pour le rassurer, essayant de lui montrer que je ne portais aucun jugement sur sa personne, quelque chose me disait que ce qu'il venait de m'avouer n'était pas tout à fait juste, mais pas totalement faux non plus. Dans tous les cas, il m'avait laissée perplexe.
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Merci à toi, petit lecteur qui me lit ! N'hésite pas à me faire part de tes impressions dans les commentaires. Cela me fait toujours plaisir :-D.
Voici la fin du chapitre 4. J'espère que tu as aimé ce côté un peu plus "romance" de mon histoire.
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LosUnivers
Publié le 25 octobre 2017 / Modifié le 06 août 2021
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