Chapitre 25.2

Ainsi, dans ses bras, j'oubliai tout pendant un bref instant. Il m'avait tellement manqué. Et ce baiser... J'avais cru m'envoler. Mais soudain, un nouveau cri nous parvint et je m'arrachai à son étreinte. Je m'étais repoussée si fort que je manquai de tomber à la renverse, Kaden me rattrapant de justesse. Jase, qui s'était à peine arrêté pour nous regarder, se mit à courir à toute vitesse vers la salle de contrôle. Son visage crispé et son regard terrifié me serrèrent le cœur. Grace... C'était Grace qui criait. Je tentai de le suivre, mais quelqu'un me retint par le poignet, m'empêchant d'avancer. Je me retournai et essayai de me dégager de cette poigne de fer.

« Kaden, je dois les...

— Tu restes ici, grogna-t-il. Je t'ai déjà perdue une fois. Je ne veux pas que cela se reproduise. »

Sa voix s'était brisée à la fin, émiettant un peu plus mon cœur par la même occasion. J'arrêtai de gigoter et le regardai droit dans les yeux. Il avait l'air si peiné, si désemparé. Je posai délicatement mes mains sur son torse et m'approchai de lui. Carly, David, Clay, et son fils, Oliver, se tenaient devant l'ascenseur et me dévisagèrent étrangement.

« Je suis obligée d'y aller, murmurai-je pour que seul Kaden puisse l'entendre. Je dois les sauver. »

Secouant la tête, Kaden refusa de me laisser partir. Je me débattis, mais il m'emprisonna contre le mur de son corps puissant. Les larmes coulaient sur mes joues tandis que je le frappais, griffais, mordais. Tout ce qui était en mon pouvoir pour sauver mes amis. Je ne pouvais pas entendre les cris désespérés de Grace et ne rien faire.

« Tu as utilisé toute ton énergie, Lili, hurla-t-il en tenant fermement mes poignets, m'entravant de tout mouvement. Tu ne seras pas capable de faire quoi que ce soit là-bas et tu ne les aideras pas. Au contraire, tu seras un poids en plus pour eux. Et plus tu mettras du temps à le comprendre, plus tu nous empêcheras d'aller les sauver. »

Je tentai de répondre, mais ma voix se brisa. J'étais fatiguée, désemparée. Les cris de Grace emplirent mon crâne et se répétèrent en un lent écho terrifiant. Mon corps entier me hurlait d'aller les sauver. Mais Kaden avait raison. Je ne leur serai d'aucune utilité. Vidée de toute énergie, je me laissai glisser le long du mur. Je n'avais jamais abandonné un combat. Jamais. Je n'avais jamais abandonné ceux qui m'étaient chers. Un sanglot étranglé s'échappa de ma gorge. Kaden s'empressa d'essuyer mes larmes, me berçant doucement.

Malgré les cris et l'atmosphère lourde, je me concentrai sur Kaden pour lui parler par télépathie. Je n'avais même plus la force d'ouvrir la bouche.

« Monsieur Reichd, le directeur de la BPP, il est... »

Je suspendis ma phrase, la peur m'étreignant la gorge.

« Il est quoi ? insista Kaden, sa voix résonnant dans mon crâne.

— Il se dirige tout droit vers Jesse, Jackson et Grace. Il... Il va les tuer. Il faut que j'y aille. Il faut que tu... On doit faire quelque chose ! »

Il hocha la tête, mais me tint toujours aussi fermement les bras. Je vis au fond de ses yeux son combat intérieur. Il comprenait mon besoin de me jeter tête baissée dans ce combat, même si je savais que je ne pourrais pas faire grand-chose avec le peu d'énergie qui me restait. Mais il avait aussi peur de me perdre. Une seconde fois.

Après ce qui me parut une éternité, Kaden finit par relâcher son étreinte :

« D'accord, lâcha-t-il à contrecœur. De toute façon, ce que j'ai retenu de ces derniers jours, c'est que ça ne sert à rien de t'empêcher de faire quelque chose... Tu le feras quand même, sans te soucier des conséquences. Pour toi ou pour les autres. »

L'amertume imprégnait sa voix. Je déglutis, comprenant le sous-entendu. Ça me fit mal, mais je l'avais merité.

« Mais cette fois-ci, tu restes près de nous et tu ne te mets pas en danger, ajouta-t-il.

­— Nous ? Alors, vous nous accordez enfin votre attention ? s'éleva une voix qui m'était peu familière. »

Kaden m'aida à me redresser et je me mis sur la pointe des pieds afin de contempler les personnes qui se trouvaient dans son dos. Évidemment, une voix aussi arrogante ne pouvait appartenir qu'au fils de Clay. Le jeune homme à la chevelure noire et bouclée s'approcha de moi et me tendit la main.

« Nous ne nous sommes pas vraiment présentés. Je m'appelle Oliver. Mais tu peux m'appeler Oli, ajouta-t-il avec un clin d'œil. »

Kaden gronda, ce qui me fit sourire. Je tapotai son torse pour bien lui faire comprendre que ce jeune homme arrogant n'était pas mon genre. Et puis, il appartenait à la famille de Clay. Par principe, je me devais de le détester.

Je me contentai de lui répondre un « cool » détaché et lui tournai le dos sans même lui serrer la main. J'entendis Carly pouffer et David tapa le dos d'Oliver pour le consoler. Un coup d'œil rapide par-dessus mon épaule me permit de voir que ce dernier était devenu rouge écarlate. Son visage était tordu par la colère et ses poings étaient si serrées qu'ils semblaient sur le point d'exploser. Il me fusilla du regard et je lui adressai un petit sourire mutin. Kaden rit doucement. Oliver était fou de rage. Je lui avais cloué le bec deux fois en moins de vingt-quatre heures. Et pourtant, c'était un Slace, un des extraterrestres les dangereux de l'Univers.

Sans perdre une minute de plus, je m'élançai à toute vitesse vers la salle de contrôle, puisant dans mes dernières ressources, Kaden sur les talons. Des éclats de voix et des grognements étouffés nous parvinrent rapidement. J'accélérai l'allure, terrifiée à l'idée de ne pas arriver à temps. Une fois sur place, je m'arrêtai net, le souffle court, glacée d'effroi. Jase était allongé au sol, inconscient, tandis que Jackson et Grace étaient ligotés devant la salle de contrôle. Je remarquai leurs traits tordus par la terreur. L'œil de Jackson était si tuméfié qu'il s'ouvrait à peine. Grace, quant à elle, avait du sang qui coulait le long de son front et de sa bouche. Mais le pire restait encore à venir. Je manquai de m'écrouler par terre lorsque je vis Jesse, une lame sous la gorge, dans les bras de cet enfoiré de Reichd. Des larmes coulaient sur son visage angélique, ruinant son magnifique maquillage. Elle tenait désespérément la main ridée du directeur de la BPP pour éloigner cette lame le plus possible de sa trachée. En vain. Mon souffle se coupa. Kaden fit un pas menaçant vers Reichd, mais ce dernier lui ordonna de rester à sa place. Le message était clair. Un pas de plus et Jesse mourrait.

« Li-Lili, s'il te-te plaît. Ai... Aide-moi, articula-t-elle difficilement, la peur déformant son doux visage. »

Je sentis l'énergie s'activer dans mon corps et je serrai les poings. Je devais la sauver. Mais comment ? J'avais beau être rapide, je ne parviendrais pas à l'épargner à temps. Nous étions dans une impasse. Des larmes s'accumulèrent au coin de mes yeux, menaçant de s'écouler. Comment en étions-nous arrivés là ? Je savais que notre mission était suicidaire, que perdre quelqu'un était une éventualité. Mais malgré tout, je ne m'étais pas préparée à ça. Pas pour ma Jesse. Mon amie, ma confidente. Ce grain de folie qu'elle apportait au quotidien, sa manière de me faire sourire à chaque instant. Mon cœur se serra tandis qu'une colère sourde grandissait en moi.

Le visage terrifié et surpris du directeur interrompit mes pensées. J'essuyai mes larmes et remarquai la teinte verte qu'avait pris ma Marque. Un voile noir recouvrit mes yeux et je compris. Je venais de me transformer. Je sentis l'énergie pulser dans mes veines, miraculeuse et destructrice, mes émotions grondant au plus profond de moi. J'avais envie de tout détruire, de laisser exploser ma rage. Bientôt, il ne resterait plus rien de ce bâtiment.

Rapidement, Reichd reprit contenance et dévisagea Kaden, qui se trouvait derrière moi, un sourire malsain sur les lèvres.

« Alors, c'est toi le Teria... commença-t-il. »

Kaden grogna pour toute réponse.

« Et toi, Lili, tu... »

Il sembla réfléchir.

« Tu as réussi à acquérir les pouvoirs de ce monstre... Comment ? »

Kaden et moi tiquâmes au mot « monstre ». Le regard mi-fasciné, mi-horrifié du directeur de la BPP me révulsa. Kaden effectua un pas menaçant vers Reichd, mais ce dernier augmenta la pression de sa lame sur la gorge de Jesse. Une fine goutte de sang perla sur son cou. Le visage de la jeune femme se tordit de douleur et elle ouvrit la bouche dans un cri silencieux. Mon cœur explosa en mille morceaux. Je ne pouvais pas la perdre. Pas Jesse.

« Ne faites pas un seul geste. Ne respirez même pas. Je sais que vous êtes capables de me tuer rien qu'en clignant des yeux. »

Kaden sourit face à la peur grandissante de l'homme qui lui faisait face. Je vis plus que je ne sentis son aura se déployer. Reichd recula de quelques pas, les jambes tremblantes.

« Lâchez-la, tentai-je de le raisonner. C'est un combat entre vous et moi. Nul autre n'a besoin d'être blessé. »

Reichd eut un rire malsain. Un mince filet rouge commença à couler du cou de Jesse, faisant redoubler ses pleurs.

« Le problème, Mademoiselle Clark, c'est que je ne peux pas. Pas tant que vous n'aurez pas fermé la brèche que vous avez ouverte. Vous ne savez pas ce que vous faites... Vous n'avez pas idée du chaos dans lequel vous venez de nous plonger. »

Il me fit signe de me diriger vers la salle de contrôle, mais je restai immobile. Même si je refermais cette brèche – et Dieu sait si c'était possible – Reichd la tuerait quand même. Il nous tuerait tous. Ma respiration se coupa face à ce choix cornélien. Kaden, ayant remarqué mon trouble, se rapprocha de moi, la chaleur de son torse inondant mon corps glacé par l'effroi.

« Vous avez transféré nos données aux autres puissances mondiales, soupira-t-il. C'est bien joué. Dans quelques heures, la BPP n'existera plus et les Chasseurs disparaîtront peu à peu de la surface de la Terre. Mais vous comprenez bien que je ne peux pas vous laisser établir un contact avec le Conseil InterGalactique. »

À l'évocation du Conseil, nous nous figeâmes instantanément. Comment pouvait-il être au courant ? Reichd sourit face à nos mines surprises.

« Comment savez-vous ? questionna Kaden, l'énergie tournoyant sur sa peau. »

Le sourire de Reichd se fit encore plus carnassier.

— Les extraterrestres parlent vite lorsqu'ils sont menacés, vous savez. Il faut dire que ça nous apportait pas mal d'avantages de rester inconnus au reste de l'Univers. Nous pouvions étudier un maximum d'espèces afin de trouver celle qui nous ressemblait le plus avant d'envahir leur planète. La Terre se meurt, vous savez, répondit-il d'un haussement d'épaule détaché. »

Il désigna Kaden du menton.

« Vous, les Terias, étiez l'espèce parfaite. Notre plan fonctionnait à merveille... Mais les Clark ont réduit tous nos efforts à néant ! hurla-t-il en raffermissant sa prise sur le cou de Jesse. Alors, maintenant que vous êtes là, je vais vous proposer un marché.

— Quel est-il ? demanda Kaden d'un air sérieux en s'approchant de Reichd qui fit deux pas en arrière.

— Un pas de plus et je la tue. »

J'attrapai Kaden par le bras et secouai négativement la tête, non seulement pour l'empêcher d'avancer, mais aussi pour l'empêcher de faire ce qu'il s'apprêtait à faire. Passer un pacte avec la BPP était comme passer un pacte avec le diable. Même pire. Je lançai un coup d'œil à Jackson et Grace qui profitaient de l'inattention de Reichd pour tenter de couper leurs liens avec une des dagues de Jase qui traînait non loin. Ce dernier commençait à s'agiter. Un regain d'espoir s'insuffla en moi. Si nous continuions à faire diversion, on pouvait gagner suffisamment de temps pour que mes amis et mon frère agissent.

« Vous nous laissez vous étudier et nous relâchons Jesse, offrit Reichd sur un ton malsain.

— Quoi ? hurlai-je, hors de moi. Les extraterrestres ne sont pas de vulgaires rats de laboratoires, mais des êtres aussi vivants et conscients que vous et moi ! Comment pouvez-vous seulement parler comme ça ? »

Je terminai ma tirade à bout de souffle. Je n'arrivais pas à croire que Reichd s'exprimait ainsi. Comment pouvait-il seulement croire que les humains étaient supérieurs ? Nous n'étions rien. Nous n'étions qu'un vulgaire grain de poussière insignifiant dans l'immensité exceptionnelle de l'Univers. Son offre me révulsa.

Kaden me retint fermement par la taille. Je n'avais même pas remarqué que j'avais avancé. Je reculai à contrecœur sous le regard menaçant de Reichd et celui implorant de Jesse. Je haletai. L'énergie qui courrait dans mes veines me consumait. J'avais l'impression de perdre le contrôle. J'étais folle de rage. J'aimais Jesse. Énormément. Je ne voulais pas la laisser mourir. Mais Kaden ne pouvait pas non plus jouer le cobaye. C'était... inhumain. Je laissai échapper un son étranglé. Alors que je m'apprêtai à répliquer, Jesse ouvrit la bouche :

« Je ne veux pas que vous fassiez quoi que ce soit pour moi, commença-t-elle en me regardant droit dans les yeux. Nous n'avons pas fait tout ça pour nous arrêter là. On savait qu'il y aurait des pertes... »

Je secouai la tête, n'arrivant plus à contenir mes larmes. Je savais où elle voulait en venir et il était hors de question que j'en entende davantage. Ce n'était même pas une option. Jackson et Grace commençaient à protester tandis que Jase se réveillait peu à peu. Il s'assit et tenta de se relever, mais s'effondra très rapidement, perdant l'équilibre. Il ne bougea plus et assista au spectacle en se tenant maladroitement l'épaule qui semblait déboîtée, ne pouvant rien faire d'autre que d'être témoin de l'horreur qui s'annonçait.

« Je veux que vous tuiez ce connard, poursuit-elle en désignant Reichd de la tête, et que vous signiez ce Traité InterGalactique. Je veux que tous les extraterrestres retenus sur cette planète puissent repartir chez eux. Je veux que toi, Lili, et Jase, fondiez une brigade libre et correcte. Pas une brigade corrompue et pervertie par ses propres intérêts. Lili, je veux que tu vives ta vie avec Kaden même si je ne serai pas là pour voir les petits bébés extraterrestres tout mignons que vous aurez ensemble. Je veux que tu sois heureuse, que tu vives... »

J'étouffai un sanglot. Kaden s'approcha encore plus de moi, m'étreignant dans ses bras. Sans lui, je me serais déjà écroulée. Les mots de Jesse m'avaient touchée en plein cœur. Et petit à petit, je me rendis compte qu'il n'y avait pas d'autres options possibles. Jesse allait nécessairement mourir. Et elle l'acceptait.

Reichd, qui semblait lassé d'attendre, réitéra son offre. Je remarquai du coin de l'œil que Grace était maintenant libérée et qu'elle tentait de trancher les liens de Jackson le plus discrètement possible. Je serrai les poings. Je devais réfléchir... vite.

« J'espère que tu verras X-Teria pour de vrai, et que ce sera le plus bel endroit que tu aies jamais vu, poursuivit Jesse, ignorant les râles de Reichd. Et moi, pendant ce temps-là, je vous regarderai de là-haut et je vous aimerai de tout mon cœur. Et puis, qui sait, je deviendrai peut-être célèbre ? On m'appellera « La fille de la NASA » ou encore « La femme qui a sauvé le monde ». »

Elle se mit à rire et je me joignis à elle. Mais nos éclats de voix sonnaient faux. Des larmes coulaient sur nos joues et ses longs cheveux bruns parfaits ondulaient en rythme sur ses épaules. Sa peau légèrement hâlée brillait sous les lampes de secours et je ne pus m'empêcher de penser à tout ce que nous avions vécu ensemble. C'était là la plus belle déclaration d'amour qu'elle pouvait me faire. Mais aussi la plus belle des diversions. Fidèle à elle-même, Jesse avait profité de cet instant pour permettre à Grace de rejoindre la salle de contrôle et de poursuivre la démarche pour contacter le Conseil InterGalactique. Après quelques secondes, Jackson leva son pouce en l'air pour annoncer que le contact était bel bien établi. Mais Reichd s'impatientait devant le discours émouvant de ma Protectrice qui venait, sans le savoir, de sauver vraiment l'humanité et réitéra une dernière fois ces menaces. Je jouai alors le jeu, même si cela m'arracha un cri de désespoir, et m'élançai pour la sauver. Dans ses yeux, je vis que Jesse avait compris.

À partir de là, tout alla très vite. Reichd trancha la gorge de Jesse d'un coup sec après que celle-ci ait articulé un dernier « je t'aime » muet. Un flot de sang s'échappa de sa gorge, tachant ses vêtements. Je ne détachai mon regard du sien que lorsque son regard vif s'éteignit, sa bouche figée en un cri d'effroi. Son corps inerte s'écrasa sur le sol en un bruit sourd. Je hurlai, déchirée par ce que je venais de faire. Mais c'était la seule solution. C'était ce qu'elle avait voulu.

Kaden se déplaça à une vitesse folle et frappa d'un éclair puissant le directeur de la BPP, le tuant sur le coup. Son corps explosa en une gerbe d'étincelles vertes avant de disparaître en fumée. Au même moment, Grace courut vers nous, nous annonçant que le Conseil avait reconnu la Terre comme planète habitable et faisant désormais partie de l'Univers. Je me précipitai vers elle pour cacher le prix de cette révélation. Grace tremblait. Nous venions de signer le Traité sans vraiment le savoir. Elle m'annonça, folle de joie, que des vaisseaux de l'Univers entier étaient en route pour venir chercher les rescapés. Elle ajouta que tous les médias ne parlaient que de ça et que l'identité des Chasseurs était enfin révélée. Mais lorsqu'elle vit mon manque d'enthousiasme, elle comprit. Grace se tut et tomba à genoux, horrifiée. Jase l'attrapa de son bras valide tandis que Jackson criait mon nom. Mais moi, tout ce que j'entendais, c'étaient mes cris et mes pleurs. Des flots intarissables coulaient sur mes joues. Un barrage s'était ouvert en moi et je n'étais plus sûre de pouvoir l'arrêter.

Je me retournai vers Jesse, ignorant tout le reste, et la pris dans mes bras. Son corps inerte et encore tiède pendit mollement sur mes genoux. Je la berçai d'avant en arrière, murmurant que j'étais désolée, de longues plaintes s'échappant de ma gorge sans que je puisse les arrêter. Sa tête était renversée en arrière, ses magnifiques cheveux collés par son propre sang.

Je pleurai. Je pleurai à n'en plus finir, sentant son corps se refroidir petit à petit. Je pleurai tandis que la vie quittait le visage gracieux de mon amie. Je hurlai mon désespoir et pressai le corps inerte de Jesse contre ma poitrine, étalant son sang sur mes habits. Je revis mille fois Reichd lui trancher la gorge. Je revis mille fois le sang jaillir et quitter son corps sans vie. Je me haïssais pour l'avoir entraînée dans cette mission aussi stupide. Je me détestais d'avoir fait ce pas qui lui avait arraché la vie. Ce plan... Nous avions tout fait pour éviter des morts inutiles, mais pas pour sacrifier nos amis. Le monde s'effaça autour de moi et je posai mon front sur celui de Jesse, mes larmes inondant son visage maintenant gris.

Des pas se firent entendre, des voix s'élevèrent et un vide glacial s'empara de moi. Je sentis plus que je ne vis mes amis s'agenouiller à mes côtés. Malgré leur présence, je ne quittai pas Jesse des yeux, tenant son petit corps frêle contre moi, me balançant d'avant en arrière pour la bercer une dernière fois. Un vide énorme s'était creusé au fond de ma poitrine, m'anesthésiant entièrement. J'avais l'impression d'être dans un cauchemar. Un de ses cauchemars duquel on ne pouvait sortir indemne, même une fois réveillé.

La suite était floue. Tout ce dont je me souvenais, c'était que Kaden avait enlevé Jesse de mes bras pour la déposer à terre. Il m'avait ensuite parlé pour me réconforter, mais je n'avais pas écouté un seul mot, me contentant de le fixer de mes grands yeux bleus noyés de larmes. Alors, il m'avait soulevée à son tour dans ses bras et était sorti de ce bâtiment de malheur, laissant Jesse et mes derniers souvenirs dans ce sombre couloir. Aujourd'hui, une grande dame était tombée. Et personne ne serait là pour s'en rappeler.

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Voici un des chapitres sur lequel j'ai énormément travaillé. Perdre Jesse m'a rendue énormément triste mais c'était nécessaire...

J'espère que vous avez aimé cette partie. J'ai hâte de lire vos réactions dans les  commentaires !

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LosUnivers

Publié le 26 janvier 2019 /  Modifié le 16 juin 2024

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