Chapitre 25.1

Lorsque le directeur de la BPP quitta la pièce, un long silence s'installa. Nous nous regardions tous en chien de faïence, attendant que l'autre fasse le premier pas. Seuls nos souffles erratiques se faisaient entendre dans la pièce, se répercutant sur les murs dans un écho effroyable. L'atmosphère était lourde et chargée de tensions. Les gardes nous toisaient, se dandinant sur place, hésitant à faire le premier pas. Parmi eux, certains Chasseurs que nous connaissions et avec qui nous avions combattu nous regardaient, désemparés et peinés. Personne n'avait envie d'attaquer l'autre. Mais nous allions y être obligés...

À mon plus grand étonnement, alors que Jase et moi étions prêts à nous défendre, certains Chasseurs baissèrent leurs armes, refusant de nous combattre. Je regardai Jase et baissai ma garde. Était-ce possible ? Étaient-ils eux aussi au courant des agissements de la BPP ? Rejoindraient-ils nos rangs ? Mon souffle se coupa. Si certains refusaient de nous combattre, d'autres étaient toujours armés. Ils attendaient, comme des félins prêts à bondir sur leurs proies. Alors que je baissai définitivement ma garde, montrant que nous n'avions pas l'intention de nous battre, un vigile s'avança en hurlant, se dirigeant droit vers mon frère, l'arme levée. J'écarquillai les yeux et me remis en position de combat. D'un coup, les quelques soldats restants se dirigèrent vers nous, hurlant de rage. Ce garde avait été l'étincelle. L'étincelle qui avait allumé ce feu terrifiant. Lorsque je croisai le regard de mes anciens frères d'armes, la rage y dansait.

Je me défendis comme je le pus, ne voulant pas tout de suite activer mes pouvoirs. Ils ne savaient pas que j'étais une hybride et cela pouvait être un avantage. Alors que je parai les coups, une ancienne camarade me plaqua brutalement au sol. Mes poumons se vidèrent sous l'impact. Je toussai, mais me repris rapidement. Mon assaillant me surplombait et il m'était difficile d'inverser la situation. Je tentai de riposter, mais chacun de mes coups furent parés. Cette fille me connaissait par cœur. Mes techniques d'attaque, mes défenses... Nous avions bien trop souvent combattu ensemble pour qu'elle ne puisse pas connaître mes points forts et mes faiblesses.

Alors qu'elle appuyait de tout son poids son genou contre ma trachée, je vis du coin de l'œil un autre Chasseur, que je ne connaissais pas, s'avancer dangereusement vers moi, un diskstroke à la main. J'écarquillai les yeux. Un sourire malsain se dessina sur son visage lorsqu'il intercepta mon regard terrifié. Il rit et l'autre Chasseuse enfonça son genou un peu plus fort contre ma gorge, me broyant la trachée. À ma plus grande surprise, je croisai un regard peiné. Elle me souffla qu'elle était désolée, mais qu'elle devait suivre les ordres.

Sentant l'énergie palpiter en moi, je fermai les yeux. Lorsque je les rouvris, ils étaient complètement noirs. La Chasseuse hoqueta de surprise et relâcha son emprise. J'en profitai pour les envoyer valser, elle et son camarade, dans le mur rempli d'ordinateurs. L'impact me fit sursauter et plusieurs gardes me dévisagèrent, arrêtant momentanément leur combat. Le bruit de ces deux corps percutant les écrans me hantera à jamais. Voir mon ancienne amie ainsi, le corps tordu étrangement, du sang dégoulinant sur son visage, me fit monter les larmes aux yeux. J'eus envie de vomir en voyant leurs os transpercer leur chair sanguinolente. Mais je n'avais pas le temps pour ça. Je ne pouvais pas me permettre de m'épancher sur leur mort maintenant. Je devais nous sortir de là et, surtout, je devais sauver mes amis. Car ils ne seront jamais en mesure de combattre Monsieur Reichd.

Tandis que mon frère se battait en corps à corps avec un autre Chasseur, les derniers assaillants hésitèrent, la peur se dessinant dans leurs yeux. Je les regardai chacun à leur tour, la tête penchée sur le côté, un sourire malsain se dessinant sur mes lèvres. Une rage folle monta en moi tandis que je laissai ma partie Teria prendre le dessus. C'était la seule façon de nous en sortir... Je laissai la colère m'envahir, la focalisant sur Reichd. Cet homme me répugnait et je me détestais encore plus d'avoir un jour pu suivre ses ordres. Par sa faute, nous avions tué des innocents. Et encore maintenant, nous étions obligés de combattre nos frères d'armes. Mes sentiments tourbillonnaient au plus profond de moi et se transformèrent en une vague destructrice. Mon corps se mit à flotter, la pointe de mes pieds effleurant à peine le sol. Une fine pellicule verte recouvrit mon corps alors que je m'abandonnai totalement à cette énergie destructrice. Je serrai les poings et hurlai de rage, propulsant tous les hommes et tous les meubles loin de moi. Des cris de douleur et de stupeur me ramenèrent à la réalité.

J'ouvris les yeux, retombant lourdement sur le sol. Je me sentais épuisée. Lorsque je relevai la tête, je fus abasourdie. Je dévisageai la pièce autour de moi. Une larme roula sur ma joue lorsque je vis le carnage que j'avais créé d'une simple pensée. Mon frère tapota mon épaule en signe de réconfort et essuya mes larmes.

Un silence de mort nous cueillit. Mais alors que nous pensions que tout était terminé, les quelques soldats encore capables de marcher se dirigèrent vers nous, leurs armes braquées sur nous. Par réflexe, je cachai Jase derrière moi, ce qui le fit grogner. Mais s'il y avait bien une personne en mesure d'arrêter ces quatre soldats d'un coup, c'était moi.

Je les fixai, la peur se dessinant sur leur visage. Pour eux, j'étais devenue un monstre. Mais toute ma vie, j'avais été un monstre. Les gardes avancèrent vers nous, les jambes tremblantes. N'ayant d'autre choix que de se replier, nous reculâmes le plus possible jusqu'à toucher un des murs blancs immaculés. J'aperçus sur les ordinateurs à moitié brisés que les satellites changeaient lentement de place. Je souris. Grace avait réussi. Mes amis avaient réussi. Et cela voulait aussi dire que Reichd ne les avait pas encore trouvés, qu'ils étaient toujours en vie.

Un nouveau message d'alerte s'afficha sur un des écrans encore intacts, annonçant que tous les fichiers avaient été transférés sur un satellite européen. Je souris tandis que Jase semblait concentré sur le groupe d'hommes menaçants qui avançait lentement vers nous. La première phase de notre plan avait fonctionné avec succès. Maintenant, il fallait joindre le Conseil InterGalactique. Et surtout, nous sortir de là. Vivants.

J'entendis à ma droite un léger cliquetis. Avant que le soldat n'ait le temps d'ouvrir le feu, je me déplaçai rapidement et lui tordis le cou. Son corps sans vie retomba lourdement sur le sol. Les gardes restants regardèrent tour à tour l'endroit où je me trouvais il y a quelques instants et celui où j'étais maintenant, les yeux remplis d'effroi. Ils ouvrirent alors le feu, tentant de m'atteindre. J'usai de ma vitesse pour mettre Jase, que j'entendis jurer, à l'abri. Il hurla que c'était à lui de me protéger et non l'inverse. Je laissai échapper un rire nerveux tandis que j'envoyai un soldat valdinguer dans les airs. Jase, refusant de rester en place, se jeta sur le dos du premier venu pour l'assommer violemment avec une chaise qui trainait à terre. Ses cheveux blonds étaient plaqués sur son visage et ses yeux bleus brillaient d'une lueur glaciale. Il subtilisa l'arme du Chasseur qu'il venait d'abattre et l'acheva de sang-froid.

Alors que j'observai mon frère, frappée par sa puissance brutale, la dernière Chasseuse encore debout me fonça droit dessus, toutes griffes dehors. Je l'évitai de justesse et l'envoyai valdinguer à l'autre bout de la salle d'un simple coup de poing. Elle heurta le mur violemment, le fragilisant au passage, et s'écroula au sol, inerte. Dans la pièce, plus personne ne bougeait. Seuls les râles et les plaintes des soldats encore en vie se faisaient entendre. Quelques assaillants, allongés sur le sol, incapables de bouger, me dévisagèrent, la méfiance et la peur dansant dans leurs yeux. Nous avions gagné. Je soupirai de soulagement, sentant l'énergie quitter. Je rejoignis Jase et nous nous dirigeâmes vers la porte encore fermée.

Alors que je m'apprêtai à l'ouvrir, une nouvelle secousse, plus violente que la précédente, fit trembler le bâtiment. Je vacillai, m'accrochant à la première chose que je trouvai pour conserver mon équilibre. Les lumières s'éteignirent soudainement et laissèrent place à celles d'urgence, plongeant la pièce dans une atmosphère lugubre. Je cherchai mon frère du regard. Ce dernier se tenait debout, haletant, au milieu d'humains et de Chasseurs gémissant de douleur. Il s'était rattrapé à la table centrale, ou du moins ce qu'il en restait. Son regard croisa le mien et il me sourit. Il donna un coup de pied au Chasseur qui gisait à ses pieds et qui tentait, dans un dernier élan de vie, de le neutraliser. Je vis quelques corps s'agiter et je frissonnai d'effroi. Jase et moi ne devions pas rester là.

Alors que j'intimai Jase de me rejoindre et de s'éloigner des soldats qui reprenaient peu à peu conscience, une violente pression à l'arrière de mon crâne me surprit. Je hurlai de douleur et tombai à genoux, me tenant le crâne. J'avais l'impression que ma tête allait exploser. Face à ma douleur, Jase eut un moment d'inattention, ce qui lui fit cruellement défaut. Deux gardes en profitèrent pour lui balayer les jambes et l'écraser par terre. Je vis le doux visage de Jase, plaqué sur le sol dur et froid, tordu de douleur. Je voyais ses lèvres bouger, mais je n'entendais plus rien. Mon monde venait de s'arrêter. Ces gardes... J'aurais dû les tuer. Si cette secousse n'avait pas eu lieu, Jase ne se serait jamais retrouvé là.

Je fermai les yeux, essayant de contenir la douleur. Lorsque je les rouvris, que je croisai le regard bleu de mon frère, je vis la panique danser dans ses yeux. Je déglutis, essayant de me reprendre. Je devais le sauver. Jase était impuissant, un soldat le retenant de tout son poids tandis qu'un autre tenait maladroitement une arme pointée vers lui. Je voulus me relever, mais la pièce commença à tourner et je m'effondrai à nouveau sur le sol. Qu'est-ce qu'il m'arrivait ?

Impuissante, je regardai mon frère, ma main tendue vers lui. Quand les gardes l'auront tué, ils s'occuperont de moi. Je ris nerveusement. Alors, c'était ainsi que ça se finissait ? Nous allions bêtement mourir alors que la BPP était démantelée et le monde était sauvé ? Un nouvel assaut frappa mes barrières mentales et je hurlai de rage. Pourquoi cette douleur me comprimait le crâne ? Pourquoi mon corps ne m'obéissait plus ? Pourquoi maintenant ?

Je pensai une dernière fois à Kaden, à mes Protecteurs, à mes parents et à tous ceux que j'allais perdre. Mais le rire de Jase me fit soudainement ouvrir les yeux. Perdait-il la tête ? Je fronçai les sourcils lorsque je remarquai que les murs prenaient une étrange teinte verte. Kaden ? Je secouai la tête. Impossible. Je l'aurais senti. Il m'aurait averti.

Alors que je luttai pour me relever, Jase continua de rire comme un fou, surprenant les gardes qui suspendirent leurs gestes, ne sachant pas quoi faire. Et moi, tout à coup, je voyais Kaden partout. Je sentais sa présence, sa puissance, son amour... Était-il réellement ici ou était-ce juste une agréable réminiscence avant ma fin ? Une unique larme coula sur ma joue tandis qu'un étau me comprimait toujours le crâne, au point de le faire exploser. Puis soudain, la pression se fit moins forte. Je perçus du remue-ménage dans la pièce et remarquai que les quelques gardes qui s'étaient approchés de mon frère reculaient maintenant, apeurés. Jase hurla de bonheur et une sensation familière s'empara de moi.

« J'arrive, chaton. »

La voix de Kaden me surprit à un point tel que je baissai complètement ma garde, un mélange d'émotions fortes me percutant de plein fouet. Il était là. Il allait nous sauver. Mais le bonheur fut de courte durée. Je gémis de douleur lorsqu'une nouvelle pression comprima mon crâne. Je me recroquevillai sur moi-même, priant pour que ça cesse, sous le regard ahuri et apeuré des quelques Chasseurs encore conscients. Là, bercée par les lumières vacillantes, je me sentis partir. Kaden s'immisça dans ma tête et sa voix rauque résonna en moi. J'imaginai son visage aux traits durs, ses yeux noisette, sa carrure large... Je souris, m'agrippant à ce souvenir agréable, tandis que mon corps bouillonnait de douleur.

« Je suis désolé de te faire subir ça, Lili, s'excusa-t-il par télépathie. La duplication est toujours douloureuse lorsqu'elle n'est pas voulue. Mais c'était la seule façon de te repérer. Tenez bon. Encore quelques instants et nous arrivons. »

Une douleur sourde m'envahit et je me tins fermement le crâne. Jase avait profité du trouble de ses agresseurs pour se détacher d'eux. Il se tenait loin de moi, fasciné, mais en même temps attristé. Deux nouveaux soldats franchirent la porte maintenant ouverte, me dévisageant étrangement. Jase me dévisagea, la panique brillant dans son regard. Il ne pouvait rien faire pour que je me sente mieux. Il rejeta sa frustration sur les soldats présents, les combattant un à un au corps à corps.

Je ne comprenais rien à cette histoire de duplication. La première fois, lorsque je m'étais dupliquée dans la ville souterraine, je n'avais pas ressenti une telle douleur. Et je pensais que la duplication me permettait de me dédoubler afin d'être auprès de Kaden quand je le voulais. Mais là, c'était lui qui m'obligeait à me dédoubler à travers notre lien. Qu'est-ce que cela signifiait ? Ma respiration se coupa sur le coup de la douleur. Cela voulait peut-être dire qu'il se trouvait dans ma tête, comme je l'avais été lors de notre voyage en voiture vers la BPP ? Ou était-ce lui qui s'était dupliqué ici ? Cela expliquerait la réaction de Jase et la peur des gardes. Pourtant, lorsque je m'étais dupliquée, Kaden n'avait pas eu mal. C'était à n'y rien comprendre...

Me défaisant de mes pensées envahissantes, je me laissai aller, consciente que plus je résistais, plus je lui compliquais la tâche. J'étais tellement heureuse de le retrouver, d'entendre sa voix. Je sentais déjà l'énergie affluer dans mes veines, mais j'étais toujours incapable de bouger. J'avais envie de lui hurler d'aller aider mes amis. Notre combat à nous était terminé. Jase pouvait maîtriser deux soldats à lui seul. Personne d'autre n'était capable de nous affronter. Le réel combat qui allait suivre se déroulerait dans la salle de contrôle. Reichd n'avait aucune pitié, comparé aux vigiles et aux Chasseurs qui étaient censés nous tuer. Kaden devait aller aider Jesse, Jackson et Grace.

Après ce qui ressembla à des heures de souffrance, je me sentis enfin plus légère. La pression se relâcha sur mon crâne et je pus respirer normalement. Je remarquai que mes sens étaient revenus à la normale tandis que je me redressai péniblement. Je distinguai à nouveau la pièce et entendis parfaitement chaque bruit. Jase s'avança doucement vers moi et me regarda avec admiration. Il avait neutralisé les deux gardes. Il me tint la main et m'aida à me relever. Mais alors que nous pensions nous en être sortis, une nouvelle salve de Chasseurs pénétra dans la salle.

« Est-ce que ça va finir un jour ? murmurai-je en grinçant des dents. »

Jase sourit.

« Vas-y Lili, me dit-il. Montre-leur de quoi tu es capable. »

Je grimaçai, mon corps étant encore trop endolori pour faire le moindre effort. Mon frère me prit alors dans ses bras avec une douceur incroyable et me remit sur pied sous le regard affolé et admiratif des nouveaux venus. Je fixai mon regard brillant de rage vers eux et m'appuyai sur mon frère pour rester debout. Je laissai les sentiments m'envahir, puisant au cœur de mon pouvoir. L'énergie passa dans mes veines avant d'arriver dans mes paumes. J'accueillis avec joie cette sensation de chaleur encore un peu étrange pour moi et concentrai toute mon énergie sur le groupe de Chasseurs devant moi, tandis que Jase me tenait fermement par la taille afin que je ne m'écroule pas.

Je souris, sachant que mon frère en faisait de même, et ce fut comme au bon vieux temps : lui et moi contre l'Univers. Un rayon lumineux s'échappa de ma main et vint heurter la moitié des assaillants qui s'effondrèrent instantanément sur le sol. Je me sentis légèrement tomber en arrière, mais mon frère me soutint. Il hurla de joie et m'encouragea à continuer. Je me joignis à son rire euphorique et m'abandonnai pleinement au flux d'énergie qui parcourait mon corps. Je savais que lorsque j'aurais terminé, je serais incapable de faire un pas de plus. Je me sentais vidée. Mais j'avais besoin de me laisser aller pleinement, de savoir de quoi j'étais capable.

Les bras de mon frère se desserrèrent de ma taille, mes pieds décollèrent du sol et mes membres s'effacèrent pour se couvrir d'une légère teinte verte. Mon aura s'activa et m'enroula de sa puissance électrisante. Je soulevai alors les chaises et les envoyai valdinguer à toute vitesse sur les derniers arrivants. Les Chasseurs s'effondrèrent comme des mouches, frappés de plein fouet par mon énergie crépitante. Une fois certaine que plus personne n'arrivait, je fermai mes yeux et me laissai retomber. Mon frère me rattrapa, me prit dans ses bras et se dirigea vers la sortie. Il était temps pour nous de nous en aller.

Une fois en dehors de la pièce, Jase me déposa au sol. Le peu d'adrénaline qui courait dans mes veines me permit de tenir debout encore un peu. Des bruits de lutte, des cris, des explosions... résonnèrent dans le dédale de couloirs. Jase me prit par la main et me tira derrière lui. Mais avant de nous en aller, je voulais condamner la sortie. Ce n'était qu'une question de temps avant que les Chasseurs que nous avions assommés se réveillent et partent à notre recherche. Je me concentrai et utilisai mes dernières forces pour déplacer l'imposant bureau blanc vers la sortie afin de la barricader, les portes étant sorties de leurs gonds suite à ma dernière attaque. Mes jambes et mes bras tremblaient alors que j'utilisais le peu de force qu'il me restait pour bouger ce meuble qui devait peser une tonne. Ce dernier se déplaçait lentement, ce qui permit à un Chasseur de se relever et de se diriger vers nous de manière féroce, pointant son arme sur ma poitrine. Je grinçai des dents et me concentrai de toutes mes forces en fermant mes yeux. Mais ce n'était pas suffisant.

« Jase, articulai-je difficilement, à bout de force. Fais quelque chose ! Je ne peux pas soulever cette table et me protéger en même temps. Je n'ai plus de force. »

Jase se plaça rapidement devant moi. Je hurlai, ne voulant pas qu'il se sacrifie pour moi. Mon frère fit apparaître trois lames dans ses mains, à ma plus grande surprise, et les lança violemment et avec précision vers le jeune homme menaçant qui se dirigeait droit vers nous. Comment avait-il réussi à dissimuler ses armes ? Je mis ce détail de côté et me concentrai à nouveau sur l'imposant bureau que je voulais déplacer. Il bougea lentement. Trop lentement. Le Chasseur parvint à parer deux poignards, mais se prit le troisième en plein cœur. Il nous regarda haineusement et arracha le couteau de sa cage thoracique. J'écarquillai les yeux.

« Euh... Jase ? »

Le Chasseur se rapprocha dangereusement de nous, claudiquant comme un mort-vivant, tentant tant bien que mal de lever son arme vers moi. Je frissonnai et cherchai mon frère du regard. Au lieu de s'inquiéter, ce dernier fixait sa montre. J'ouvris la bouche et laissai retomber la table qui avait seulement progressé de quelques centimètres. Que faisait-il ? Le Chasseur se vidait peut-être de son sang, mais il semblait encore capable de nous tirer dessus. Pourtant, mon frère ne fit rien. Il se contentait de fixer sa montre en souriant bêtement. Le visage de l'homme était d'une pâleur effrayante et je retins un petit cri.

« Jase, qu'est-ce que tu fous ? hurlai-je. Il va...

— Trois, deux, et... un, m'interrompit-il. »

L'homme s'écroula sur le sol, sans vie. J'ouvris grand la bouche. Ne voulant pas perdre plus de temps, je me concentrai à nouveau sur le bureau et je parvins enfin à le placer devant l'encadrement de la porte, bloquant ainsi le passage. J'avais fait cela en utilisant mes dernières forces. Je posai mes mains tremblantes sur mes genoux et haletai. Après avoir repris mon souffle, je me dirigeai vers mon frère en tapotant sa poitrine d'un doigt accusateur.

« Toi, commençai-je. J'ai failli mourir ! Qu'est-ce qui t'a pris ? »

Jase leva les yeux au ciel et recula avant de revenir vers moi pour me soutenir. Mes jambes cédèrent et il me porta délicatement tout en avançant dans le couloir le temps que je reprenne des forces.

« Un « Oh, merci mon grand frère chéri ! Tu avais calculé avec précision le temps qui lui restait à vivre pour qu'il ne puisse pas m'atteindre » fonctionne parfaitement, tu sais, me répondit-il. »

Je le dévisageai, toujours bouche-bée. Il se moqua de ma tête de « merlan frit » et me reposa délicatement sur le sol en me donnant une tape amicale dans le dos, ce qui menaça de me déboiter l'épaule. Il essuya quelques gouttes de sang qui s'étaient déposées sur son visage, laissant une grosse traînée rougeâtre sur son front. Je fis de même en clopinant dans le couloir afin d'effacer un peu la crasse qui s'était collée à ma peau moite.

« Je sais ce que je fais, commença-t-il alors que nous marchions vers la salle de contrôle d'un bon pas. Je suis le meilleur Chasseur de tout l'État. Je savais qu'il lui restait à peu près dix secondes à vivre avant que son cœur ne cesse définitivement de battre. Il a utilisé cinq secondes à arracher le couteau et à le jeter sur le sol. Puis, il a gaspillé deux secondes précieuses de sa vie à soulever son arme. Alors, dans son état, trois secondes ne lui auraient pas suffi à te viser et à appuyer sur la détente. »

Je le dévisageais toujours, mais cette fois-ci, avec une grimace de dégoût.

« Espèce de psychopathe, murmurai-je.

— Ouais. Je te signale que le psychopathe t'a sauvé la vie, espèce d'idiote, répéta-t-il encore une fois. »

Je lui donnai un petit coup de poing sur l'épaule et il heurta le mur à côté de lui. Je m'arrêtai, écarquillant les yeux. J'avais peut-être oublié de canaliser ma force étant donné que je me trouvais dans un état de fatigue extrême. Je m'excusai et l'aidai à se relever, évitant de regarder la marque qu'il avait laissée sur le mur en béton. Il me lança un regard mauvais.

« Pas besoin de me défoncer l'épaule avec ta force d'alien, tu sais. »

Je ris légèrement et lui frottai doucement le bras. Il n'y avait que nous pour trouver quelques minutes de répit au milieu du chaos. Il se dégagea en maugréant et s'apprêta à ajouter quelque chose lorsqu'un cri nous parvint. C'était Grace. Ni une, ni deux, Jase se mit à courir vers la salle de contrôle. Je le suivis et le rattrapai facilement grâce à l'énergie qui pulsait à nouveau dans mes veines. Je me demandais encore combien de temps j'allais tenir ainsi. L'adrénaline m'avait donné un coup de fouet. Mais chaque pas m'épuisait un peu plus et je tremblais excessivement. Je ralentis l'allure et respirai profondément.

Nous étions à quelques mètres de la salle de contrôle. Je fermai les yeux et concentrai mes dernières forces dans ma course, manquant de me prendre Kaden en pleine figure. Kaden... Surprise, mes jambes me lâchèrent, la vitesse m'emportant vers une chute fatale. Je hurlai et Kaden se retourna, m'enfermant dans ses bras. Je le fis reculer d'un bon mètre, mais il parvint à rester debout. Étouffant un sanglot, je nichai ma tête au creux de son cou, appréciant son contact doux et rassurant. Il tira sur mes cheveux afin de me relever la tête et il m'embrassa fougueusement, comme si sa vie en dépendait. Il exprima dans ce baiser toute sa colère, sa frustration, mais surtout son amour. J'en savourai chaque instant, me disant que c'était peut-être le dernier. Sa langue titilla la mienne et il mordit affectueusement ma lèvre inférieure avant de plonger sa tête dans mon cou pour humer mon odeur. Je posai mes mains sur son torse ferme et calai ma tête sur son épaule. La senteur de cannelle et de terre chaude emplit mes narines et un gémissement m'échappa avant que je me laisse totalement aller à notre étreinte, oubliant le monde autour de nous. Mes jambes cédèrent et il me porta, accrochant mes jambes à sa taille. Il parsema ma clavicule d'une myriade de baisers. Je frissonnai. Il releva sa tête et son regard me transperça de part en part.

« Ne me refais plus jamais ça, murmura-t-il contre mes lèvres tout en caressant mon dos. »

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Les choses se corsent... Que se passe-t-il dans cette fameuse salle de contrôle ? 

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LosUnivers

Publié le 26 janvier 2019 / Modifié le 20 mai 2024

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