Chapitre 24.1
Je m'arrêtai devant la porte vitrée de la BPP, hésitante. Était-ce là qu'allait se jouer notre destin ? Mes jambes tremblaient et une fine couche de sueur perla sur mon front, résultat du stress et d'une chaleur écrasante. Je jetai un coup d'œil derrière moi et vis aux mines anxieuses de mes amis qu'ils ne se portaient pas mieux. Les gardes à l'entrée nous dévisagèrent un instant, attendant que nous effectuions le protocole nécessaire pour notre entrée dans le bâtiment. Je frissonnai, redoutant ce moment. Voyant que je ne réagissais pas, Jase me dépassa et leur montra sa Marque gracieuse aux ronces enchevêtrées. Ils hochèrent la tête et me fixèrent intensément, attendant que je fasse de même.
Pourtant, j'hésitai, pantelante, et essuyai une perle de sueur qui dévalait ma tempe tout en tentant d'ignorer les regards braqués sur moi. J'inspirai profondément et m'avançai lentement, tâchant de paraître sûre de moi. Je vis du coin de l'œil Jase parler aux gardes et désigner Jesse, Jackson et Grace du doigt. Un des vigiles, le grand blond, sembla transmettre des informations à une tierce personne en lui parlant à travers son bracelet électronique, tandis que l'autre, le plus effrayant, gardait son regard braqué sur moi. Son sourire terrifiant s'étira face à ma démarche hésitante. Je ne savais pas si j'étais devenue parano, mais j'avais l'impression d'être prise au piège.
Mes trois Protecteurs pénétrèrent le bâtiment et tous se tournèrent vers moi. C'est alors que je compris que je m'étais arrêtée à mi-parcours. Jase me fusilla du regard et cela suffit pour que je me reprenne. J'affichai tant bien que mal un regard blasé et une mine sévère, observant les alentours. La première étape de notre plan ne tenait plus qu'à moi : il fallait que j'entre dans ce bâtiment. Je me dirigeai vers le garde de manière nonchalante et m'arrêtai à quelques pas de lui. Il me toisa, attendant que je m'identifie. Mais je me contentai de le fixer, le regard blasé.
« Mademoiselle ? m'interpella le garde. Avez-vous un « pass » ou tout autre moyen d'identification ? poursuit-il. Sinon, je serai dans l'obligation de vous interdire l'entrée du bâtiment. »
Sa voix était douce et sévère à la fois. Deux mains fermes se posèrent sur mes épaules, me faisant sursauter involontairement. Les deux gardes me regardèrent intensément, un devant moi, les bras croisés et l'autre derrière moi, prêt à agir. Je relevai le menton, essayant de garder un tant soit peu de maîtrise, et tendis la main vers ma manche pour révéler ma Marque. Le blond hocha la tête pour m'inciter à dévoiler mon « pass » tandis que l'autre portait le plus discrètement possible sa main gauche à son arme. Un pas de travers et j'avais une balle entre les deux yeux.
Mes amis me fixaient intensément et je fis remonter la manche de mon pull léger le long de mon bras, les doigts quelque peu tremblants, pour leur montrer ma Marque, comme le voulait la procédure. Après quelques secondes d'hésitation qui me parurent interminables, le garde hocha la tête et s'effaça pour me laisser passer. Je soupirai de soulagement et passai les portes automatiques en souriant doucement lorsqu'une voix m'interpella :
« Mademoiselle ? Pourrais-je à nouveau voir votre « pass », s'il vous plaît ? me questionna l'autre garde en insistant sur ce mot. »
Je fronçai les sourcils et me retournai lentement, comme un automate. La victoire avait été de courte durée. Jase se figea à mes côtés et Jesse trébucha, manquant de s'étaler sur le sol, Jackson la rattrapant in extremis. Grace ferma les yeux et marmonna quelque chose, se figeant à son tour. Je relevai le menton et détaillai le garde qui s'avançait vers moi d'une démarche rapide et empreinte d'arrogance. Il était petit et trapu et ses yeux perçants me figèrent sur place.
« Que se passe-t-il ? parvins-je à articuler sans vaciller. »
L'homme sortit un petit tissu de sa poche, attrapa mon bras sans ménagement et frotta fortement ma Marque. Je grimaçai, mais le regardai sans rien faire. Il pensait que mon tatouage était factice. C'était une insulte. Pour moi, pour ma Marque. Elle était si unique, si différente... Je frissonnai et tentai de rester calme. Il finirait bien par voir que mes tatouages ne s'effaçaient pas. Mais le garde appuyait si fort sur mon avant-bras que je ne pus retenir un râle de douleur. Je me dégageai alors violemment de sa poigne et rapprochai mon bras de ma poitrine pour l'empêcher de continuer. J'avais l'impression que ma Marque était en sang.
« Qu'est-ce qu'il vous prend, bon sang ? m'emportai-je. Vous voulez m'arracher le bras ? Vous voyez bien que ça ne s'efface pas ! Je rêve... C'est... C'est odieux ce que vous venez de faire ! »
Le garde, confus, s'excusa maladroitement et recula de quelques pas face à ma colère grandissante.
« Je pensais que c'était un faux. Il a une forme étrange, ajouta-t-il en désignant mon bras, comme pour s'excuser. »
Je le toisai du regard, deux émotions se battant en moi. Au fond, je ne pouvais pas lui en vouloir. Ma Marque était si étrange. Et depuis que Kaden m'avait sauvé la vie, elle l'était encore plus. Mais les cinq derniers mots qu'il avait prononcés me mettaient hors de moi. Le blond fit un pas dans ma direction et leva sa main pour calmer le jeu. Je vis Jackson serrer les poings tandis que mon frère se rapprochait de nous.
« Eh bien, à ce que je sache, vous n'êtes pas un Chasseur, lui crachai-je au visage. Comment pouvez-vous prétendre juger la validation d'une Marque ?
— Elle est pourtant différente, chercha-t-il à se justifier, confus.
— Nous sommes tous différents, Monsieur. Les Marques ne sont pas des copies conformes. »
Je me retournai alors et rejoignis mes amis qui me regardaient, les yeux écarquillés. Grace souffla en attrapant la main de Jase, soulagée que nous ne soyons plus au centre de l'attention. Je passai délicatement ma main sur ma Marque et grimaçai. Ma peau était rouge et mes tatouages prenaient une teinte verte encore plus chatoyante. Je finis par rabaisser ma manche et jetai un coup d'œil derrière mon épaule. Les deux gardes semblaient réellement confus et nous dévisageaient toujours aussi étrangement. Je vis le blond tripoter son bracelet électronique et je sus qu'il demandait de l'aide afin de nous identifier clairement. À partir de maintenant, le compte à rebours s'était lancé.
« J'ai eu tellement peur, murmura Jackson une fois que nous nous fûmes éloignés.
— J'ai bien cru que notre plan allait tomber à l'eau dès la première étape, ajouta Jase en se grattant l'arrière du crâne. Putain ! On était à deux doigts d'y passer. Franchement, Lili, qu'est-ce qui t'a pris ? marmonna-t-il les dents serrées.
— J'ai paniqué, lâchai-je d'un souffle. »
Mon frère me toisa, légèrement amusé.
« Toi ? Tu paniques maintenant ? »
Je levai les yeux au ciel et le dépassai. J'avais légèrement merdé, je le savais. Pas besoin d'épiloguer. Et il ne nous restait que très peu de temps pour mettre notre plan à exécution.
Jesse s'approcha de moi et me donna un petit coup de coude, l'air espiègle.
« Tu l'as bien recalé en tout cas. Le garde, précisa-t-elle. Il osait à peine te regarder. »
Elle pouffa, attirant le regard des quelques employés présents dans les couloirs que nous traversions rapidement et je la réprimandai du regard. Mais je ne pus empêcher un sourire de se dessiner sur mes lèvres. Jesse me fit un clin d'œil et je me sentis plus légère. Tout allait bien se passer.
Alors que nous passions près d'un énième open space, une secrétaire nous jeta des regards peu discrets par-dessus son ordinateur tout en pianotant sur les touches de son clavier. Ses yeux suivirent chacun de mes mouvements, me mettant mal à l'aise.
« Espérons que ton petit numéro aura suffi pour que les gardes nous laissent définitivement tranquilles. Car on est à peu près sûre que tu vas déclencher le second détecteur. Si tu es vraiment à moitié Teria, ils le verront forcément, chuchota-t-elle. Alors, je présume que tout ça faisait partie de ton plan. »
Je hochai la tête lentement. C'était en effet l'idée, bien que mon sentiment de malaise et d'angoisse n'étaient en rien surjoué. Je voulais que les gardes doutent. Je voulais qu'ils vérifient ma Marque pour leur prouver qu'elle était bien réelle. Car Jesse avait raison. Je ne passerai pas les détecteurs à l'entrée des bureaux de la BPP sans les déclencher. Notre seul espoir, c'était que tout le monde mette cela sur le coup d'une erreur informatique. Mais le regard que la secrétaire nous avait lancé n'augurait rien de bon. Je tentai d'intercepter le regard de Jase et lui montrai d'un signe de tête la secrétaire, puis les caméras. Il suivit mon regard et sa mine se ferma. Il partageait les mêmes doutes que moi.
Nous nous dirigeâmes silencieusement vers le deuxième portique de sécurité, celui de la Brigade des Phénomènes Paranormaux. Mes amis passèrent en premier tandis que je patientai, tentant de ne pas trop m'agiter. Même s'il y avait peu de gardes dans le bâtiment, la sécurité interne avait hautement été renforcée. Je n'avais jamais vu autant de caméras. Ou peut-être n'y avais-je jamais prêté attention auparavant ?
Nous arrivâmes dans une pièce incroyablement grande. C'était une réplique conforme des contrôles de sécurité à l'aéroport : détecteurs de métaux, scanners infrarouges, lecteur ADN et j'en passe. Deux robots terrifiants avaient leur caméra braquée sur nous, suivant nos moindres faits et gestes de leurs rayons infrarouges.
Mes amis passèrent le dernier portique sans encombre. Un garde me fit ensuite signe d'avancer, m'incitant à poser ma main sur le lecteur ADN. Un frisson m'envahit. C'était l'instant fatidique. J'appliquai mes doigts sur le scanner, tentant d'en maîtriser le tremblement. Les quelques secondes parurent durer une éternité et lorsque l'alarme se déclencha dans un cri strident, je sursautai, feignant la surprise. Ou peut-être que j'avais vraiment sursauté, l'angoisse étreignant ma gorge. Allez savoir... Le fait est que le lecteur avait effectivement détecter mon ADN étrange. Mais nous avions envisagé cette possibilité. À voir maintenant si mon petit tour de passe-passe à l'entrée du bâtiment avait fonctionné
La jeune femme rousse qui surveillait les allées et venues dans la pièce s'expulsa de son siège et se précipita vers moi, un pistolet braqué sur le milieu de mon crâne. J'écarquillai les yeux face à cette attitude peu avenante. Ça, on ne l'avait pas envisagé. Mon frère voulut faire un pas en avant, mais Jackson le retint. Tout reposait sur moi.
Je serrai les poings et laissai un mince filet d'énergie pulser en moi, prête à riposter au besoin. Je devais me parer à toutes éventualités. Et il était hors de question que je me laisse fusiller sans agir. La femme aboya des ordres, m'obligeant à me coucher à terre sous les regards paniqués de mes Protecteurs et de mon frère. La panique me gagna à mon tour et mes phalanges blanchirent. Je devais garder le contrôle. La jeune femme réitéra ses ordres, son pistolet toujours braqué sur moi. Je la toisai et restai bien campée sur mes deux jambes, refusant de me plier à son injonction ridicule. C'est ainsi qu'agirait un Chasseur, après tout.
La femme haussa un sourcil, souriant légèrement face à mon manque de conciliation. La pauvre, elle devait vraiment être en manque d'action. Son doigt se déplaça légèrement sur la détente et je m'apprêtai à éjecter cette menace rousse loin de moi lorsque Jase se posta entre nous.
« Eh eh eh ! cria-t-il en levant les mains devant lui en signe d'apaisement. Du calme, du calme. C'est ma sœur, c'est une Chasseuse, dit-il en relevant ma manche pour montrer ma Marque. Pas besoin de prendre des mesures si drastiques... Votre détecteur doit être défectueux. »
La jeune rousse croisa les bras sur sa poitrine abondante et laissa échapper un rire moqueur.
« Défectueux ? Vous vous croyez où, Monsieur Clark ? demanda-t-elle, une pointe de sarcasme dans la voix. Dans le supermarché du coin ? Nos détecteurs ne se trompent pas. Votre sœur, quant à elle, doit maintenant expliquer pourquoi son ADN ne semble pas entièrement humain. »
Elle se tourna vers moi, le sourire carnassier. J'inspirai profondément, mes méninges tournant à plein régime. J'ouvris la bouche, mais Jackson intervint :
« Des échantillons, souffla-t-il. »
Je fronçai les sourcils.
« Des échantillons ? répéta la jeune femme, attendant de plus amples explications.
— Oui, des échantillons, dit-il en servant son sourire de charmeur. Nous venons d'en collecter pour les analyses laboratoires et des substances étrangères se sont sûrement accrochées sur Lili, déclenchant le détecteur. C'est elle qui a prélevé les échantillons. Ça explique sûrement pourquoi elle est la seule à avoir déclenché le système de sécurité. »
Je hochai la tête, soutenant le regard sévère de l'agente. Cette excuse allait-elle fonctionner ? La jeune femme sembla nous croire, car elle fit un geste de la main aux autres gardes et ces derniers me laissèrent passer sans rien dire. Jackson et Jase me rejoignirent et je poussai un soupir de soulagement. Jackson était un crâneur, certes, mais il venait de nous sauver la vie.
Après avoir traversés un dédale de couloirs, nous nous dirigeâmes vers les ascenseurs. Une fois à l'abri des portes métalliques, la pression retomba. Nous soupirâmes de soulagement et j'appuyai l'arrière de ma tête sur la paroi froide. Nous y étions presque. Maintenant, nous devions nous séparer sans qu'aucune caméra ne nous voie. Ce qui était pratiquement impossible. Il y avait beaucoup trop de laboratoires et de salles contenant des documents confidentiels et classés « secret défense » que pour laisser n'importe qui s'y balader tranquillement. De plus, la salle de contrôle permettant de diriger les satellites était constamment protégée par une technologie qui dépassait tout entendement. Heureusement que Grace savait désactiver tout cela en quelques minutes. Du moins, c'était ce qu'elle nous avait assuré. Et j'espérais qu'elle ne se trompait pas.
« Bon, que fait-on à présent ? murmura Jase pour ne pas se faire entendre par les micros disposés sur les caméras.
— Il ne devrait pas y avoir de gardes ici, soufflai-je doucement. La question, c'est plutôt de savoir comment vous allez vous diriger vers la salle de contrôle sans vous faire repérer. »
Un long silence s'installa.
« En plus, je pense que ces deux cons à l'entrée ont dû faire appel à la sécurité interne. Ils ont sûrement placé des gardes supplémentaires à chaque étage. On va devoir faire d'autant plus attention, chuchota Jase. »
Personne n'eut le temps d'ajouter quoi que ce soit car nous étions arrivés. Les portes s'ouvrirent dans un tintement sonore, mais aucun de nous n'osa sortir.
« Jesse fait diversion, comme d'habitude, et j'en profite pour installer mon brouilleur, ajouta doucement Grace. Cela fera tourner en boucle une séquence sur leurs écrans de contrôle. Ils ne verront rien. Mais j'ai besoin de quelques secondes pour faire ça, souffla-t-elle. Après quelques minutes, je devrai désactiver mon brouilleur pour éviter que ça alerte la sécurité. C'est la seule solution que j'aie trouvée pour passer inaperçus. »
Jase sourit, fière de Grace, et acquiesça.
« C'est parfait, répondit-il avant de l'embrasser. Ça détournera l'attention pendant quelques secondes, ce qui est suffisant pour vous infiltrer dans la salle de contrôle. »
Je sortis de l'habitacle, jetant un coup d'œil furtif aux alentours. La voie était libre. Les autres me suivirent et nous avançâmes dans les couloirs silencieux. Je me sentais observée de toutes parts avec ces dizaines de caméras braquées sur moi. Le garde en faction près de la salle de contrôle se retourna en nous entendant arriver et nous observa minutieusement lors de notre progression. Il se tenait au milieu du carrefour où nous avions prévu de nous séparer. À gauche, le couloir menant vers la salle de contrôle et, à droite, le bureau de Monsieur Reichd. C'était aussi là que Grace pourrait installer son brouilleur.
« Vous voulez voir Monsieur Reichd, je présume ? nous demanda le garde en haussant un sourcil interrogateur derrière ses lunettes noires. »
Il semblait être une combinaison des deux autres gardes que nous avions vus à l'entrée. Il était immense et massif. Un véritable tank. Nous hochâmes tous la tête, ne sachant pas quoi faire d'autre. Je sentis Jesse s'agiter sur place.
« Oui, tout à fait, affirma Jase de sa voix forte puisque personne n'osait prendre la parole, bombant le torse pour paraître plus imposant. Nous avons des informations hautement importantes à lui communiquer. »
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Plus que quelques chapitres avant la fin de X-Teria ! La tension est à son comble... Lili et Jase arriveront-ils à sauver le monde ?
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Publié le 25 janvier 2019 / Modifié le 04 avril 2024
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