Chapitre 15.2
Kaden et moi avions déjeuné rapidement dans la grande salle à manger située au premier étage. Étant seuls, j'avais pu profiter du silence pour me remettre de mes émotions du matin. Alors que j'étais perdue dans mes pensées, Jackson déboula dans la pièce, essoufflé, nous priant de le suivre. Avant que j'aie le temps de demander quoi que ce soit, il repartit en sens inverse. Après avoir échangé un regard étonné avec Kaden, nous le suivîmes, pressant le pas.
Alors que nous approchions du salon rétro, je perçus des éclats de voix. Jase... J'aurais reconnu sa voix entre mille. Mais pourquoi s'égosillait-il autant ? Je courus sur les derniers mètres et déboulai dans la pièce, Kaden sur les talons. Mon frère arpentait la pièce comme un lion en cage, murmurant des propos incompréhensibles, tandis que mes amis le suivaient du regard, assis dans le divan qui se tenait au centre de la pièce. Ils paraissaient aussi incrédules que moi. Lorsque je les rejoignis pour m'asseoir à leurs côtés, tous me fixèrent.
« Il se passe quoi, ici ? murmurai-je à Jesse, qui se situait à ma gauche.
— Il se passe que ton frère a complètement vrillé. On ne comprend rien à ce qu'il raconte. C'est incompréhensible. On dirait qu'il est devenu...
— Fou ? complétai-je, suivant du regard mon frère qui continuait d'arpenter la pièce en grommelant.
— Ouais, complètement. »
Un léger silence s'installa.
« Bon, Jase, que se passe-t-il ? Qu'est-ce qu'il y a ? demandai-je doucement. »
Mon frère se figea et cligna des yeux, comme s'il venait de sortir de sa transe et de se rendre compte que j'étais là. Pendant quelques instants, il parut perdu. Puis, ses traits se déformèrent à nouveau sous l'effet de la colère.
« Il y a que ces connards de Chasseurs ont dégommé notre villa, cracha-t-il, recommençant à arpenter la pièce. »
Je haussai les sourcils. Sérieusement, tout ça pour... ça ? Je jetai des coups d'œil à mes amis. Tous semblaient complètement dépassés par la situation.
« Jase, calme-toi, finis-je par soupirer face au désarroi général. Nous savions déjà que la BPP avait fouillé notre villa, ce n'est pas si grave que ça.
— Si ce n'est pas si grave que ça ? demanda-t-il en s'arrêtant, son index pointé furieusement vers moi. Tu ne comprends pas ce qu'ils ont fait, Lili. »
Je fronçai les sourcils. Bon sang, mais que se passait-il dans sa tête ? Jase ne perdait jamais le contrôle de la sorte. Que lui prenait-il ? Je jetai à nouveau un coup d'œil à mes amis et ils me répondirent d'un haussement d'épaule. Grace pinça ses lèvres et haussa les sourcils en secouant légèrement sa tête, m'expliquant de manière muette qu'elle ne savait pas ce qui lui prenait. Je détournai le regard pour consulter Kaden qui était, depuis notre arrivée, nonchalamment appuyé contre le mur recouvert de néons. Je vis qu'il se retenait de rire en observant la scène qui se déroulait face à lui.
« Jase, vraiment, commençai-je en me levant et en lui attrapant les épaules pour qu'il cesse de s'agiter. »
Il me donnait le mal de mer.
« Assieds-toi et explique-nous calmement ce qui t'inquiète. Personne ne comprend rien ici. »
Mon frère sembla soudain revenir à la réalité et ses grands yeux bleus s'écarquillèrent lorsqu'il vit que tout le monde le dévisageait étrangement. Un malaise général et pesant s'abattit sur la pièce. Il s'excusa, passa une main dans ses cheveux blonds en bataille et s'assit enfin sur la table basse, grommelant quelques jurons.
« Oui, on savait qu'ils étaient venus, souffla-t-il finalement. Mais ils n'ont pas simplement cherché après nous. Ils ont tout saccagé. »
Il appuya sur chaque syllabe pour peser ses mots. Je fronçai les sourcils, ne comprenant pas où il voulait en venir.
« Jase, commença Grace d'une voix douce, quand nous avons été chercher vos affaires, Jesse et moi, tout était en place. Rien n'avait bougé. Alors oui, Glad-y nous a signalé une intrusion et on a regardé les vidéos des Chasseurs qui sont venus chez vous. Mais ta maison n'était pas sens dessus dessous. »
Mon frère secoua la tête fortement et rit nerveusement.
« Mais bon sang, vous n'avez rien compris ! s'exclama-t-il.
— Ah ben ça non, pas vraiment. Tu marmonnes depuis tantôt et tu cours dans tous les sens, rétorqua Jesse. »
Il parut désemparé. Il parcourut la pièce du regard, cherchant du soutien. Mais tout le monde semblait confus, moi y compris. Devenait-il fou ?
« Ce que j'essaie désespérément de vous expliquer depuis tout à l'heure, c'est que tout cela s'est déroulé après que Jesse et Grace aient été récupérer nos affaires ! Je suis allé ce matin à la villa et...
— T'aurais peut-être dû commencer par ça, non ? l'interrogea Kaden en haussant un sourcil. »
Je vis la mâchoire carrée de mon frère se contracter et il se leva, ses poings serrés contre ses flancs. Kaden, d'un air toujours aussi nonchalant, se détacha du mur et pencha la tête sur le côté, se demandant ce que mon frère allait bien pouvoir tenter. Mes amis et moi-même suivîmes cet échange muet en tournant la tête de gauche et à droite, comme si nous regardions un match de tennis. Finalement, la tension s'apaisa et Jase expira bruyamment.
« C'est bon, ça va. Je n'ai pas été clair, avoua-t-il de mauvaise grâce. »
Il se rassit.
« Ils sont revenus, annonça-t-il gravement. La BPP est revenue fouiller notre ancienne maison. Je suis parti ce matin chercher le disque dur de Glad-y afin d'obtenir plus d'informations. »
Il marqua un arrêt, déposant ses mains tremblantes sur ses genoux.
« Quand je suis entré, tout était saccagé. Les meubles étaient retournés, les divans éventrés... Tout ce qu'on a toujours connu, ce que nos parents ont construit... Détruit. »
Je cessai de respirer. Je comprenais enfin l'état de mon frère. Ce qu'il avait toujours connu, les seuls souvenirs qu'il avait de nos parents s'étaient envolés. Piétinés par les Chasseurs de la BPP.
« Ils ont réussi à entrer dans notre bureau, continua-t-il, la voix tremblante. Ils ont désactivé Glad-y pour qu'elle ne puisse plus rien enregistrer. »
Mon cœur loupa un battement.
« Ils ont... Ils l'ont... bégayai-je.
— Non, ils n'ont pas réussi à la détruire. Mais elle est dans un sale état. J'ai ramené son disque dur, mais il est fortement endommagé. Je ne pense pas qu'on pourra la récupérer. »
Je relâchai bruyamment l'air que j'avais retenu dans mes poumons et jouai nerveusement avec mes doigts. Il pouvait paraître bizarre d'être autant affligée par la mort d'un robot. Mais Glad-y était bien plus que ça. Ce n'était pas une simple intelligence artificielle domestique. Elle était une amie. Elle m'avait vue grandir. Mais, surtout, elle avait été la plus grande fierté de mon père.
Kaden vint poser ses mains sur mes épaules et me les massa tendrement, ressentant ma peine. Il était clair que, à cet instant précis, je ne faisais aucun effort pour contrôler quoi que ce soit. Mes émotions, mes pouvoirs, notre lien... J'étais une véritable cocotte-minute, prête à exploser à tout moment.
« Je... Je sais que c'est sûrement déplacé de demander ça, commença doucement Jesse, mais... Mis à part la perte de Glad-y, qu'y a-t-il de si important ? »
Mon frère la dévisagea durement.
« Personne ne savait que notre père avait créé cette intelligence artificielle, avoua-t-il difficilement. Personne ne savait qu'il y avait une porte secrète qui menait à un bureau où nous stockions toutes nos données. Personne ne savait comment enlever la protection de sécurité qui déguisait notre salle de réunion en simple placard à balais. Personne. Ce qui veut dire que notre couverture est officiellement grillée auprès de la BPP. »
Un silence pesant s'abattit. Moi-même, je ne l'avais pas vu venir, trop concentrée sur mes émotions. Maintenant, tout paraissait clair. Le comportement de Jase, sa détresse vis-à-vis de Glad-y. Oui, il était triste car elle avait une dimension sentimentale importante pour nous. Mais cela signifiait également que nous étions complètement fichus.
« Mon Dieu, soupirai-je. Ils nous observaient depuis le début ? C'est impossible autrement. Il devait y avoir des nano-caméras planquées un peu partout dans notre maison. Sinon, ils n'auraient jamais eu accès à tout cela.
— C'est ce que je pense aussi, admit mon frère.
— Mais alors, déclara Grace, comment se fait-il que Monsieur Reichd t'ait laissée partir ainsi, Lili ? Si la BPP a des doutes, pourquoi ne nous ont-ils pas suivis ? Pourquoi n'ont-ils pas capturé Lili ? Ils doivent savoir ce qu'elle est. »
Tout le monde se tut et j'écarquillai les yeux. Comment avais-je pu être aussi aveuglée par mes sentiments ? Certes, j'avais vécu et appris beaucoup de choses ces derniers jours. Mais ça... J'avais été entraînée toute ma vie. J'avais des dons hors-du-commun, une force et une intelligence plus élevée que la moyenne. Et je n'avais pas été capable de comprendre ça ?
« Bon sang, c'est encore pire que ce que nous pensions, commençai-je. S'ils nous observent depuis le début, ils ont vu Jesse et Grace entrer dans la maison. Ils ont dû les suivre. Et Reichd, je voyais bien qu'il était suspicieux. Mais de là à me manipuler de la sorte... »
Je me levai, prête à frapper quelque chose. N'importe quoi pour évacuer ma colère.
« Ne me dis pas que... me coupa Jase.
— Tout était prévu, débitai-je à toute vitesse en secouant la tête, les éléments se connectant enfin dans mon esprit. Ils ont fait exprès de me laisser partir. Et maintenant...
— Ils connaissent la localisation exacte du Repaire, m'interrompit Kaden d'une voix glaciale. Ils t'ont laissée partir pour que tu les mènes directement à l'endroit qui abrite pratiquement tous les extraterrestres de la ville.
— Mais, grimaça Jackson, ça signifie...
— Ça signifie que le Repaire n'est plus sûr, annonça Kaden, la voix lourde. C'est pas vrai ! »
Il abattit son poing contre le mur, faisant trembler le bâtiment en entier. Une aura écrasante émana de lui et nous eûmes tous du mal à respirer correctement. Je tentai de m'approcher pour le calmer, sans succès. Lui comme moi ne contrôlions plus rien. Nous nous étions faits berner comme des idiots de première. Et c'était difficile à accepter.
Il se retourna vers moi, ses yeux sombres luisant de fureur. Alors que je m'apprêtais à lui parler, il partit à toute vitesse, nous laissant seuls dans la pièce. Le silence s'abattit sur la pièce. Nous étions tous désarçonnés. Je me sentais si bête...
« Qu'est-ce qu'on va faire maintenant ? demanda Grace d'une petite voix.
— Je n'en ai aucune idée... soupirai-je en secouant la tête. Il faut partir. Mais pour aller où ? »
***
Pendant que Kaden apprenait la nouvelle aux autres, Jase et moi nous concentrions sur ma Marque qui avait encore évoluée hier soir. Nous n'avions plus reparlé de la situation délicate dans laquelle nous nous trouvions à présent. La BPP pouvait arriver à l'instant, comme elle pouvait nous attaquer dans plusieurs jours. Pour le moment, tout ce que nous pouvions faire, c'était poursuivre nos vies en attendant de trouver une solution.
Jackson passa ses doigts sur mon tatouage, l'air admiratif. Je souris malgré les circonstances. En plus des volutes noires, des dessins uniques, des symboles formant des phrases dans une langue qui m'était inconnue et de ce « X » joliment gravé au centre d'un cercle sur ma main, de fins traits légèrement verdâtre étaient apparus. Les lignes délicates encerclaient le X calligraphiée. Mon frère fronça les sourcils. Ma Marque, malgré qu'elle ait parfois des reflets verdâtre, restait noire. À présent, mes nouveaux dessins étaient d'un vert émeraude éclatant. Ce qui était loin d'être normal. Mais qu'est-ce qui l'était me concernant ?
Jase finit par hausser les épaules en concluant que cette teinte devait être due à ma nouvelle nature. Je le pensais aussi, mais n'en étais pas certaine. Sans Glad-y, il était difficile de poursuivre des recherches plus poussées.
C'est alors que Grace nous proposa son aide. Elle s'y connaissait très bien en informatique et elle serait ravie de nous aider avec notre intelligence artificielle. J'avais ouvert la bouche, totalement surprise. Grace qui était si délicate, si timide, si insouciante, était en réalité un crack en informatique. Elle se dandina sur place, mal à l'aise face à nos regards surpris, et nous expliqua qu'elle avait déjà hacké plusieurs réseaux extrêmement protégés et qu'elle n'avait aucun doute sur ses capacités à réparer Glad-y. Nous étions tous sidérés. Et dire que Jesse et Jackson la connaissaient depuis des années... Même eux n'étaient pas au courant de cette facette de sa personnalité. Jase, tout aussi surpris que nous, hocha la tête et l'emmena vers la salle informatique où se trouvait le disque dur.
À partir de là, chacun vogua à ses occupations. Je tentai de retrouver Kaden, mais me perdis à nouveau dans le dédale de couloirs du Repaire. Allais-je m'y faire un jour ? Aurais-je seulement le temps de m'y faire à présent ? Après avoir tourné trois fois en rond, je décidai d'attendre qu'il revienne dans le salon rétro, ne sachant que faire d'autre. En me baladant, j'avais remarqué que l'atmosphère était particulièrement lourde. Les nombreux habitants du bâtiment s'agitaient, complètement paniqués par l'annonce qui venait de leur être faite.
Peu avant midi, nous étions à nouveau réunis dans le salon rétro qui était en quelque sorte devenu notre endroit de réunion. La tension était à son comble et nous ignorions tous comment résoudre la situation. Personne ne savait quand la BPP allait frapper, ni si elle allait réellement nous attaquer.
« Jacks... On n'est pas là pour ça, soupira Jesse de sa voix haut perchée, agacée, me ramenant à la réalité. »
L'intéressé se retourna vers nous, les joues gonflées par toutes les confiseries dont il s'était empiffré. Il ouvrit sa bouche, laissant quelques bonbons s'échapper et avala difficilement ce qui restait. Son air innocent me fit sourire et me rappela nos journées passées ensemble à la fac. Je retins un rire lorsque Jesse lui donna un coup de coude pour qu'il se décide à lâcher son sachet de bonbons préférés et à rester concentré sur ce qui se passait. Jackson s'excusa, mal à l'aise, expliquant qu'il ne pouvait s'empêcher de s'empiffrer quand il était trop stressé. Tout le monde sourit. Il n'y avait que lui pour détendre aussi vite l'atmosphère.
« Grace a eu accès aux dernières données de Glad-y, mais impossible de la réactiver, commença mon frère. On pense qu'elle a dû comprendre ce qui se passait et qu'elle a rapidement sauvegardé les données qu'elle possédait avant d'être débranchée. »
Nous hochâmes tous la tête, rassurés par cette bonne nouvelle.
« J'essaie de la réparer, nous informa Grace, mais elle a bloqué tous ses accès. On dirait qu'elle a exactement compris ce qui arrivait, dit-elle admirative. Je ne parviens pas à lire sa carte mère et je ne sais pas comment faire pour y arriver. C'est hors de mes compétences. Cette intelligence artificielle a été très bien pensée et elle est complètement devenue autonome. Je n'ai jamais vu un robot agir de cette façon, c'est impressionnant ! s'exclama-t-elle. Je n'ai jamais eu affaire à une IA aussi développée que Glad-y. »
Les jubilations de Grace s'estompèrent rapidement. L'atmosphère était plus que pesante. Un long silence s'ensuivit. Pendant ce temps, une idée germait peu à peu dans mon esprit afin que nous puissions sauver les habitants du Repaire avant que la BPP n'agisse. Mais je n'osais pas la formuler à voix haute. Personne ne me laisserait jamais faire un truc pareil. Je préférais pour le moment garder ce plan dans un coin de ma mémoire, à l'abri de la curiosité de Kaden, au cas où la situation dégénèrerait et que je n'aie pas d'autre choix.
« Je connais quelqu'un qui pourrait nous aider pour Glad-y, déclara Kaden après un moment de réflexion. »
Carly, qui assistait à notre réunion depuis le début, assise dans un coin, les bras croisés, sourit et fit un clin d'œil à Kaden. Je tentai de sonder l'esprit de celui-ci pour comprendre de quoi il s'agissait, mais n'y parvins pas. Alors que nous attendions tous que le Teria poursuive son explication, la voix de Carly brisa le silence :
« Il arrive.
— Qui arrive ? murmura Jackson, affolé, la main enfoncée dans le sachet de bonbons qu'il avait récupéré. »
Quelques secondes plus tard, un grand blond aux yeux bleus étonnamment clairs, presque blancs, pénétra dans le salon. Toute l'attention fut braquée sur lui et il nous servit un sourire carnassier. Je vis les yeux de Carly pétiller tandis que Kaden affichait un sourire sincère, comme s'il était heureux de revoir un vieil ami. Ces deux-là se connaissaient bien, manifestement. Pendant que ces derniers échangeaient quelques paroles en silence, je plaquai ma main sur ma poitrine. Je me sentais si... étrange. Je fixai à nouveau le nouveau venu, cet homme fluet aux allures hautaines. Quelque chose en lui me révulsait, mais je ne savais pas quoi. Une sensation de malaise grandissant s'empara de moi et je me mis à mâchouiller une des cordes de mon sweat à capuche. Je fronçai les sourcils, remarquant que je semblais être la seule dans cet état. Quelque chose n'allait pas. Automatiquement, mes sens s'agitèrent. Une odeur de soufre brûlé me percuta et mes yeux distinguèrent une étrange aura rouge sombre, enveloppant le corps du jeune homme qui venait de pénétrer dans la pièce. Elle était semblable à celle de Kaden. Mais alors que la puissance du Teria me rassurait, celle du jeune homme me terrifiait. Cette couleur amenait avec elle des menaces de mort. Ma Marque s'activa et brûla ma peau. Kaden, qui semblait avoir remarqué que quelque chose n'allait pas, s'approcha doucement de moi.
Soudain, sans que je sache exactement comment, je me retrouvai plaquée sur le mur en béton, à l'opposé du divan rétro. Je hurlai de douleur. Je venais d'être projetée comme une vulgaire poupée de chiffon. Mon dos me faisait souffrir le martyre et j'eus du mal à reprendre ma respiration. Mes poumons étaient comprimés et ma vision devint trouble. Une brise souleva mes cheveux plaqués sur mon front et une main forte enserra mon cou. Je m'étranglai et m'agrippai au poignet de mon agresseur. Je puisai dans mes nouvelles capacités, mais ne parvins pas à le faire bouger d'un seul centimètre. Je suffoquai sous son emprise. Je clignai des yeux, haletante, et aperçus un regard totalement blanc me fixer. Une aura rouge estompait les traits du jeune homme qui était rentré plus tôt. Que lui prenait-il ?
Pendant que je me débattais désespérément, j'entendis les autres s'agiter. Je crus même comprendre que Carly et Kaden empêchaient Jase de sauter sur l'extraterrestre qui me malmenait sans aucune raison apparente. Pourquoi ne venaient-ils pas me sauver ? Mes mains agrippèrent à nouveau le bras qui me tenait tandis que ma vision s'assombrissait de plus en plus. Je remarquai qu'une fine lueur verte recouvrait ma peau, identique à celle de Kaden. J'ouvris grand les yeux, bouche bée. Ma peau était pâle, verdâtre. Que se passait-il ? J'étais totalement dépassée par les événements. Alors que j'aurais déjà dû m'évanouir, manquant d'oxygène, je me débattais toujours. Je ne respirais plus et je n'en avais pas besoin. Je sentis un voile noir se déposer sur mes yeux et, d'un coup, tout devint plus net. Je penchai la tête sur le côté, le regard mauvais. L'homme qui me faisait face avait pris une tout autre apparence. Sa peau rouge et ses traits plissés ne me firent plus peur. Je sentis l'énergie affluer dans mes veines, mais, au moment où je m'apprêtai à frapper, une voix rauque retentit :
« David, arrête ça tout de suite ! Ça suffit, maintenant. Tu as eu ce que tu voulais. »
Le dénommé David ricana doucement. Sa peau redevint normale et j'eus à nouveau en face de moi le grand blond aux yeux bleus. Ses cheveux courts, rasés de près, lui donnaient un air dur. Son visage maigre se creusa, laissant place à un sourire effrayant.
« Relax Kaden, murmura-t-il d'une voix stridente. Je voulais voir si c'était vrai. »
Je fronçai les sourcils. Si quoi était vrai au juste ? Ma vision revint à la normale et je pus à nouveau respirer correctement. L'étrange lueur verte qui s'était déposée sur ma peau s'estompa peu à peu. J'inspectai mes avant-bras, remarquant que ceux-ci avaient repris leur couleur naturelle. Je me détachai du mur et fis bouger mes épaules. Ma Marque ne me faisait plus mal, mais mon dos était réduit en bouillie. Je ne savais même pas comment je tenais encore debout. J'avais l'impression que chacune de mes vertèbres avait été pulvérisée. J'étais étrangère à mon propre corps, comme s'il ne me répondait plus. Je sentis au plus profond de moi des choses se déplacer, me faisant froncer les sourcils. Que se passait-il à la fin ? J'étais épuisée et j'avais du mal à retrouver toutes mes sensations.
La douleur me quitta très vite et je me rendis compte que mes nouveaux gènes venaient de s'activer. J'avais même l'impression de m'être transformée. Alors que David fit un pas sur le côté pour me laisser rejoindre Kaden, je remarquai que Jase et mes trois amis étaient plaqués contre le mur, impuissants. Ils semblaient retenus par une force invisible et ce ne fut que lorsque je vis la main de Carly levée dans leur direction que je compris que c'était elle qui les maintenait ainsi. En un clin d'œil, David se trouva près de Carly et Kaden m'attrapa dans ses bras, juste avant que je ne m'effondre sur le sol, l'adrénaline étant retombée. J'étais incapable de marcher seule. Les traits de Kaden se durcir et il fixa David de ses yeux noirs.
« Si tu faisais un tant soit peu confiance aux autres, tu saurais qu'elle en est une, cracha-t-il avec hargne à l'intéressé qui me fixait, un sourire en coin.
— J'ai le droit de vérifier, non ?
— Pas comme ça. Il y avait d'autre moyen de s'en assurer. Tu n'étais pas obligé de lui faire subir ça. »
Je gémis, attirant l'attention de Kaden. Ses traits se radoucirent et il porta sa main à mon visage, caressant doucement ma joue. Je parvins à bouger le bout de mes doigts et sentis à nouveau mes jambes. C'était comme si tous mes os avaient été brisés, avant de se ressouder.
« Bon sang, Lili. Tu vas bien ? »
La voix de Kaden me rassura et je hochai fébrilement la tête, me sentant beaucoup mieux. C'était comme si rien ne s'était passé. Mon corps ne gardait aucune séquelle de mon impact douloureux. Il resserra son étreinte autour de moi et enfouit sa tête dans mes cheveux, respirant mon odeur à plein poumon. Carly baissa sa main et Jase se précipita vers moi, inquiet et fou de rage. Il resta tout de même en retrait, n'osant pas approcher Kaden, ni David qui se tenait maintenant près de moi. Je réalisai qu'un simple humain, ou même un Chasseur, n'aurait jamais survécu à cela. Je déglutis difficilement.
« Tu devrais me remercier, commença David d'un air arrogant. Grâce à moi, on sait qu'elle réagit mal aux auras puissantes. Et je te signale que le Gouvernement à plein d'alliés très puissants, ajouta David d'une voix traînante, un sourire éclatant sur le visage.
— Les auras puissantes ? murmurai-je, perdue. Que...
— Oui, je sais que les Tations sont des traîtres, merci, cracha Kaden, ignorant mon intervention. »
Kaden lança un regard noir à David et ce dernier promit de ne plus me tester.
« Elle n'a rien, ta poupée, ajouta David en chantonnant. Mais si elle avait été humaine... »
Une colère sourde monta en Kaden et me percuta de plein fouet, me coupant le souffle. Je serrai les dents, essayant de contrôler son flux d'émotions. Mais sa rage était si puissante qu'elle m'écrasa. Il me déposa délicatement sur le sol et s'approcha de David, menaçant. Sa peau vira au vert et une aura émeraude l'entoura.
« Ce n'est pas le moment de vous étriper, déclara Carly d'une voix ferme, calmant la tension qui montait en flèche. Kaden, emmène Lili dans ta chambre et explique-lui tout ce qu'elle doit savoir. Il serait temps. »
Elle insista sur les derniers mots et je grimaçai. Je pensais que Kaden m'avait tout dit. Je ne pus m'empêcher de ressentir une pointe de tristesse m'envahir. Ne me faisait-il pas encore confiance ? David souriait toujours autant et semblait s'amuser de la réaction de Kaden. Ce type avait décidément un problème.
« Grace, Jase et David vont travailler sur Glad-y pendant que Jackson, Jesse et moi, ferons un maximum pour effacer les traces de la famille Clark, enchaîna-t-elle. On ne doit plus aucune information sur Lili et Jase. Il faut aussi surveiller le périmètre. Ils n'ont peut-être pas encore trouvé le Repaire, mais ce n'est qu'une question de temps. »
Tout le monde s'activa sans rien dire. Je fixai Carly, émerveillée. Cette fille avait du charisme. Kaden passa un bras sous mes jambes afin de me soulever, me tirant de ma rêverie. Habituellement, je me serais débattue, décrétant que j'étais capable de marcher seule. Mais là, j'étais complètement décontenancée. J'étais perdue. Et je n'étais pas la seule. Je vis chacun quitter la pièce dans un silence religieux malgré leur mine confuse. Je ne connaissais pas l'étendue des pouvoirs de Carly, mais elle avait une influence sur les sentiments et les comportements. J'en étais certaine maintenant.
Kaden se déplaça rapidement et en silence à travers le dédale de couloirs, sans pour autant utiliser ses pouvoirs. Un air déterminé barrait son joli visage. Je voulais des réponses à mes questions et il semblait enfin prêt à me les donner.
Alors que Kaden s'apprêtait à me dire quelque chose, je m'agitai, me sentant mieux et souhaitant marcher à nouveau par moi-même. De plus, un drôle de sentiment grandissait en moi. J'avais besoin d'air. J'avais l'impression d'être à deux doigts de la dépression nerveuse et de la crise d'hystérie. Si Kaden me débitait maintenant à toute vitesse tout ce que je devais savoir, j'allais craquer. J'avais besoin d'une pause. Il voulut protester.
« J'ai besoin de marcher, déclarai-je durement.
— Tu n'en es pas capable.
— Lâche-moi.
— Comme tu voudras... »
Il me lâcha d'un coup et je me rattrapai in extremis, les jambes pliées et les mains posées sur le sol. Je le fusillai du regard. J'aurais apprécié un peu plus de délicatesse. Soudain, j'entendis des bruits de pas s'approcher de nous. Je relevai la tête et croisai les yeux perçants de David. Mon souffle s'accéléra et je me redressai, menaçante. Une colère sourde m'anima et je m'élançai rageusement dans les couloirs. Je voulais rendre à David la monnaie de sa pièce. Il n'avait aucun droit de me traiter de la sorte. Je fis abstraction de mes membres encore tremblants et me concentrai de toutes mes forces pour le propulser à travers le long couloir, comme il l'avait fait précédemment avec moi. Mais j'avais à peine parcouru quelques mètres que je m'écroulai complètement sous le regard hilare de David. J'entendis Kaden murmurer un « je te l'avais dit » et tentai de me redresser comme je le pouvais. Je cherchai mon équilibre, déboussolée. Je servis à David mon expression la plus sombre. Si un regard pouvait tuer, cet homme-là ne serait plus de ce monde. Kaden, qui avait utilisé ses pouvoirs pour me rattraper alors que je m'effondrais à nouveau, me serra contre lui, ses yeux étincelants de malice. Je grognai tandis qu'il partait d'un rire profond et séduisant. Je n'arrivais pas à croire qu'il m'ait laissée me ridiculiser devant David alors qu'il savait pertinemment ce qui allait arriver.
« Par Vigdar, s'écria David, on n'est pas au bout de nos surprises avec cette fille-là. Que Lagonis nous protège... Si c'est elle qui doit sauver le monde, on en aura bien besoin ! »
Je ne savais pas qui étaient ce Vigdar ou ce Lagonis, mais vu qu'ils faisaient partie de la culture de David, je les détestai du plus profond de mon âme.
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Voilà la dernière partie du chapitre 15.
-> Qui est ce fameux David et d'où vient-il ?
-> Grace réussira-t-elle à réactiver Glad-y ?
-> Quelle est cette mystérieuse histoire d'auras ?
-> Qu'est-ce que Kaden cache à Lili ?
-> Quels sont les liens qui unissent Kaden, Carly, et David ?
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LosUnivers
Publié le 04 mars 2018 / Modifié le 18 août 2022
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