Chapitre 14.1

Les draps en satin glissèrent entre mes doigts tandis que j'observai le reste de la pièce d'un air absent, assise en tailleur sur le lit de Kaden. Il m'avait délicatement déposée devant la porte de sa chambre, avant de me faire signe d'entrer. J'avais souri franchement, étonnée par tant d'attention venant de sa part. J'étais à peine entrée dans la pièce qu'il m'avait intimée de rester ici et de me mettre à mon aise pendant qu'il prenait sa douche dans la salle de bain attenante. Je me retrouvai donc seule dans sa chambre, seul le bruit de l'eau ruisselant brisant le silence. J'arpentai alors la pièce décorée avec goût, curieuse d'en découvrir tous les recoins pour en savoir plus sur Kaden. Quelques cadres ornaient les murs, ajoutant de la couleur à la pièce grise. Le lit trônait au milieu de la chambre et quelques meubles en bois se situaient juste à côté. Il y avait une porte en face du lit qui menait à la salle de bain. Mais je n'avais pas encore pris le temps d'y jeter un coup d'œil étant donné qu'elle était occupée.

Alors que je couvris la chambre du regard, retenant chaque détail tout en me perdant dans le fil infini de mes pensées, ma main ne pouvait s'empêcher de caresser distraitement le fin tissu noir recouvrant l'immense lit sur lequel j'étais assise. Cela faisait maintenant quelque temps que j'avais des doutes sur la Brigade des Phénomènes Paranormaux. La mort de nos parents, les intentions de Monsieur Reichd... Tout cela m'avait semblé étrange. Mais je n'aurais jamais imaginé que la BPP pouvait être à ce point mauvaise. Ils avaient assassiné nos parents. Ils exterminaient tout autre forme de vie sans se poser de questions. Et ils voulaient en plus coloniser une planète parce que nous, humains, n'étions pas capable de prendre soin correctement de la nôtre ? Tout cela me dégoûtait. Et maintenant que je détenais la vérité, je ne pouvais m'empêcher de m'en vouloir. Pourtant, je savais que je ne devais pas me sentir coupable. La BPP nous avait manipulés et je faisais ce qui me semblait juste, ce qu'on m'avait appris à faire. Je ne connaissais rien d'autre à ce moment-là et rien n'aurait pu m'aider à comprendre ce qu'il se passait réellement. Je répétai cette phrase inlassablement dans ma tête, tentant de me convaincre. Mais rien n'y fit. J'étais rongée par cette masse infâme de remords qui me collait à la peau.

Je n'étais pas la seule à être aussi bouleversée par toutes ces révélations. Nous l'étions tous. Humains, Chasseurs ou extraterrestres. Même mon frère paraissait complètement abasourdi. Pour lui, le choc ne pouvait être que plus important. Toute sa vie, il avait cru venger nos parents et faire le bien alors qu'en réalité, il fonçait tête baissée vers un gouffre immense. Je serrai les poings, un sentiment de colère m'envahissant. Heureusement, nous avions découvert la vérité à temps. Nous pouvions encore changer les choses, j'en étais persuadée.

De leurs côtés, Jesse, Jackson et Grace semblaient s'adapter beaucoup plus rapidement à cette nouvelle situation. Ça m'avait étonnée. Mais par la suite, cela me sembla tout à fait logique. Ils étaient des Protecteurs. Ils n'avaient jamais tué. Ils n'étaient pas responsables des décisions prises par la BPP. Ils assuraient uniquement la protection des Chasseurs sur certaines missions. Même s'ils étaient aussi choqués que nous par la nouvelle, ils devaient certainement se sentir moins coupables. Ils n'avaient pas réellement été manipulés, eux.

Secouant la tête pour arrêter de ruminer, je me levai pour me changer les idées et continuai mon exploration de la pièce, touchant chaque objet que je croisais. Cette pièce était élégante, indéniablement masculine, mais emplie de douceur. Ici et là, des objets, sûrement des souvenirs, étaient disposés sur le mobilier en bois.

Le doux son de l'eau provenant de la salle de bain m'apaisait. Je rougis. C'était étrange de me dire que, maintenant, j'étais avec Kaden. Nous n'en avions pas vraiment parlé, mais il était évident que nous formions un couple. Nous étions liés. Je l'aimais, j'en étais certaine. Et lui aussi semblait attaché à moi.

Je me détournai de la porte menant à la salle d'eau et m'attardai sur les différents tableaux qui décoraient les murs de sa chambre. Il y en avait deux : un assez contemporain, mélangeant diverses formes et couleurs, l'autre plutôt réaliste. Ce dernier attira mon regard. C'était un petit cadre représentant l'espace qui trônait au-dessus de son lit. Moi qui étais plutôt douée en astronomie, je ne parvenais pas à déterminer de quel système solaire il s'agissait, ce qui me fit froncer les sourcils. J'avais étudié un nombre incalculable de systèmes, de galaxies et de planètes. Après avoir passé ma vie entre les murs de la BPP, il était évident que l'Univers n'avait plus de secret pour moi. Mais à présent, je savais qu'il n'en était rien et que la BPP ne disposait pas tant d'informations que cela.

Je fixai à nouveau mon regard sur la peinture. Ce tableau m'intriguait. Je m'approchai et passai délicatement mes doigts sur les fins rebords et les mises en relief. Un léger frisson me parcourut et je me perdis totalement dans cette œuvre, comme happée par les couleurs. Les planètes étaient plus belles les unes que les autres, mais seule une captait réellement mon regard. Elle était d'un bleu magnifiquement épuré. Elle ressemblait fortement à la Terre, mais semblait plus pure, comme si le peuple qui y habitait en avait pris grand soin. Quelque chose en moi me disait que je connaissais mieux que je ne le devrais cette magnifique planète. Je penchai la tête sur le côté et me grattai le menton, pensive. Je l'avais déjà vue quelque part. Alors que je remuais dans mes souvenirs, une voix rauque et puissante me fit sursauter :

« Elle te plaît, n'est-ce pas ? »

Je me retournai rapidement et frissonnai en sentant deux mains enserrer ma taille. Kaden m'attira contre son torse musclé, et nu, de fines gouttes d'eau dévalant ses pectoraux. Je rougis et gesticulai, mal à l'aise suite à ce contact inattendu. Mon cœur manqua un battement. Son souffle chaud chatouilla agréablement ma peau et je sentis un sourire naître sur son visage. Ses mains parcoururent délicatement mon dos et mes flancs, faisant naître une myriade de sensations en moi. Je fermai les yeux et rejetai la tête en arrière, offrant mon cou à ses lèvres. Je me sentais flotter dans un cocon de douceur. Les sensations grisantes que j'avais ressenties lors de notre dernier baiser m'assaillirent et j'en demandai plus.

« Lili ?

— Mmmh, répondis-je distraitement, les yeux toujours clos. »

J'étais bien trop déconcentrée pour l'écouter attentivement. Kaden rit face à mon manque de réaction. Il savait l'effet qu'il me faisait et il en jouait. J'aurais pu le détester pour cela, mais, en réalité, j'appréciais son caractère joueur et taquin. Je me sentais vivre grâce à lui. Ses mains s'immobilisèrent sur mes hanches et il s'écarta légèrement, à mon plus grand regret. J'ouvris finalement les yeux et affichai une moue boudeuse en croisant les bras sur ma poitrine. Il me détailla de son regard noir, chargé de désir, et des frissons me parcoururent. Sauf qu'à la place de me donner cet effet de chaleur étouffante que j'avais ressenti la dernière fois, j'eus l'impression que la température de la pièce avait soudainement chuté de plusieurs degrés. Je resserrai mes bras autour de moi et me recroquevillai légèrement. Je me retournai, fixant le cadre étrangement. Que se passait-il ? Kaden dut remarquer mon état car, instantanément, il me prit dans ses bras et plaqua son torse dur et chaud contre mon dos. Je poussai un soupir de soulagement et me blottis un peu plus contre lui, lui arrachant un sourire. Tous mes gestes, toutes mes réactions me venaient naturellement lorsqu'il était près de moi.

J'attendis qu'il m'explique ce qu'il venait de se produire, mais il ne dit rien. À la place, il se contenta de me mordiller doucement le lobe de l'oreille, me faisant lâcher un petit gémissement de plaisir qui le fit sourire. Je posai l'arrière de ma tête sur son torse chaud et ses mains se posèrent délicatement sur mon ventre. Je recouvris ses bras des miens et nous observâmes ainsi le tableau pendant quelques instants. Après quelques minutes, Kaden brisa le silence pour me montre sa planète, X-Teria. Cette même planète bleue qui attirait mon regard depuis tout à l'heure.

« Ah bon ? m'exclamai-je en me retournant et en posant délicatement mes mains étonnement froides sur ses épaules musclées, le faisant sursauter. Je me disais bien que cette planète me rappelait quelque chose.

— Tu l'as déjà vue ? me demanda-t-il, perplexe.

— Oui, à la BPP. Avec Monsieur Reichd, murmurai-je. Mais elle semblait différente. Je pense qu'ils ne l'ont pas encore localisée précisément, ajoutai-je en remarquant son air affligé. Ils doivent juste en avoir une idée vaguement précise. Je suis sûre que ton peuple ne risque rien pour l'instant. »

Je débitai ces paroles à toute vitesse, sentant la terreur et l'angoisse de Kaden grandir en moi. Je n'avais pas pensé que ce sujet le toucherait autant. Je ne savais pas ce qu'il avait vécu et pourquoi il se retrouvait sur notre planète. Je n'avais même pas pensé un seul instant que lui dévoiler cette information le blesserait. Parler de la BPP et de leurs différents plans était aussi simple que de parler littérature ou activités culinaires pour moi. Cela faisait partie de mon quotidien.

Je sentis les muscles de son torse se contracter et je grimaçai, consciente de mon manque de tact. Je portai sur la mâchoire crispée de Kaden, penchant la tête sur le côté. Ses mandibules étaient prêtes à craquer sous la pression et son corps entier était tendu à l'extrême. Je cherchai ses magnifiques yeux noisette pour m'excuser et le consoler, mais je n'aperçus que deux énormes orbes noirs. Surprise, je hoquetai et remarquai qu'une étrange lueur verte émanait de lui. Je reculai, méfiante. Je n'avais pas forcément peur. Mais je ne savais pas exactement comment je devais réagir quand Kaden était dans cet état. Son visage paraissait déformé, mais je parvenais tout de même à reconnaître ses traits. Ses yeux étaient envoûtants. Était-ce à cela qu'il ressemblait réellement ? Une fine pellicule verte recouvrit sa peau. C'était cette même lueur que j'avais aperçue au lac, le jour où j'avais failli perdre la vie.

Aussitôt, un tas d'émotions me submergea et je reculai de quelques pas, sous le choc. Je ne m'attendais pas à ce qu'une telle puissance déferle par notre lien. Je tentai d'ériger des murs afin de me protéger, comme Kaden me l'avait appris plus tôt, mais ses émotions étaient si fortes qu'elles brisèrent toutes mes défenses d'un coup, déclenchant un flot inexplicable de larmes sur mon visage. Je reculai, inquiète et désemparée. Une puissance écrasante se dégageait de son corps et je me sentais impuissante. Je me plaquai contre le mur, le souffle court, me recroquevillant sur moi-même. Je tentai de l'appeler pour le faire revenir à la réalité, mais je ne parvins pas à ouvrir la bouche, ma poitrine étant comprimée par le poids de ses sentiments.

Alors que j'essayais de me lever pour lui faire face, puisant dans mes nouvelles forces, une suite d'images défila devant mes yeux. Soudain, je me trouvai coupée du monde. J'étais persuadée d'être dans la chambre de Kaden, juste à côté du lit, mais, pourtant, je ne voyais plus rien. Des souvenirs m'assaillirent et je les regardai défiler à toute vitesse, incapable de les déchiffrer, ne sachant pas comment contrôler ce qui m'arrivait.

Après ce qui me sembla une éternité, les images s'estompèrent et je retrouvai à nouveau la vue. J'étais à présent debout, près de son lit, mais je ne sentais plus son aura écrasante. Les émotions que j'avais perçues s'atténuèrent petit à petit et je devins plus sereine. Kaden se trouvait à la même place qu'auparavant, les poings serrés et les traits tirés, son regard fixé sur le tableau. Je n'avais plus besoin de demander quoi que ce soit pour comprendre ce qui l'avait mis dans cet état. Cela m'apparaissait comme une évidence. La BPP l'avait trouvée. Elle avait trouvé sa planète, précisément. Elle l'avait même peut-être déjà visitée à l'aide de satellites ou de drones. Je n'avais aucune idée de la provenance de cette pensée, mais c'était un fait, j'en étais certaine. La BPP avait une grande longueur d'avance sur nous. Elle l'avait toujours eu. J'étais effarée. Qu'est-ce que j'étais naïve ! Tout paraissait clair, maintenant. Il ne manquait plus que Kaden et l'équation était terminée. Il était la clé. Si la BPP mettait la main sur lui, ils sauraient si les humains pourraient vivre ou non sur cette planète qu'ils avaient déjà clairement identifiée et minutieusement étudiée.

Kaden sortit enfin de sa torpeur et ses yeux reprirent leur couleur naturelle. Il secoua la tête et parut désorienté pendant quelques instants. Je restai en retrait, silencieuse, ne sachant pas quoi faire exactement. Finalement, son regard se posa sur moi et ses traits s'adoucirent. Il me prit par la taille avant de me presser contre lui, sans rien dire. Il n'avait pas besoin. Je ressentais sa peine comme si elle était mienne. Il me serra tellement fort que je manquai de m'étouffer. Ses mains caressèrent tendrement mes cheveux tandis que je cachai ma tête dans son cou en encerclant sa taille, humant son odeur de terre chaude et de cannelle qui me rendait folle. Notre étreinte s'éternisa, le temps que la rage et le désespoir qui animaient Kaden s'estompent. Il trembla un peu et finit par se reprendre.

« Je suis désolé, me souffla-t-il a l'oreille. »

Son ton semblait lourd et son regard était chargé de culpabilité. Je le regardai, étonnée. Sa main droite se posa sur ma joue, caressant tendrement ma peau rebondie de son pouce. Je l'interrogeai silencieusement du regard afin qu'il poursuive sa pensée.

« Je suis désolé de ne pas avoir contrôlé mes sentiments. Tu n'étais pas prête pour ça. Tu viens de te réveiller et tu découvres à peine ta nouvelle nature. Et moi, je t'inflige un truc pareil, sans te prévenir ni t'y préparer. »

Il pressa ses paumes sur ses tempes et secoua la tête.

« En plus, je suis complètement injuste avec toi. Je te bloque toutes mes pensées, tous mes sentiments. Je devrais être plus transparent. Comme tu l'es avec moi. Je n'ai rien à te cacher. Je ne comprends pas pourquoi je me bloque. Toi, tu me laisses libre accès à ta mémoire et à ton ressenti.

— C'est parce que je te fais confiance, murmurai-je tout naturellement. »

Et peut-être aussi parce que je ne contrôlais pas forcément ce qui passait par notre lien. Malgré ce détail, les faits étaient là : je ne cherchais pas à lui cacher quoique ce soit. Je m'en moquais qu'il surprenne mes réflexions stupides ou mes pensées dénuées de sens. J'étais connectée à lui et cela ne me dérangeait pas.

Je caressai sa joue, délicatement. Il me regarda de ses beaux yeux noisette et s'appuya doucement contre moi. Des tonnes de sentiments m'assaillirent et j'eus du mal à les décrypter. Ce lien était nouveau, pour lui, comme pour moi. On ne savait ni l'un, ni l'autre, comment le maîtriser. Il avait certes plus d'expérience dans ce domaine, sachant comment interpréter les différents signaux qu'il recevait et comment contrôler ses pouvoirs. Mais il n'avait jamais vécu une situation pareille. Nous découvrions ensemble ce phénomène. Mes mains caressèrent distraitement son dos avant de se nouer derrière sa nuque. J'encrai mon regard au sien et l'embrassai tendrement.

« Ce n'est pas grave, déclarai-je entre deux baisers. Tu as besoin de temps, et je le comprends. Tout ça est encore nouveau pour toi, pour moi. Pour nous. Je ne contrôle rien non plus. Tu ne dois pas t'en vouloir.

— Mais je... Tu... »

Je posai mon doigt sur sa bouche pour le faire taire.

« Laisse-moi terminer. »

Il acquiesça silencieusement, un maigre sourire étirant ses lèvres, et me souleva pour me déposer délicatement sur le lit. Je croisai mes jambes en tailleur et me plaçai bien au centre tandis qu'il me tournait le dos, restant sur le bord du lit, la tête entre ses mains.

« Ce n'est pas grave, répétai-je. C'est une nouvelle situation et on va s'y faire. Et tu ne dois pas t'inquiéter en ce qui me concerne. Tu sais tout de moi. Depuis le début, tu sais qui je suis. Je suppose même que tu connais mon histoire, commençai-je. Sûrement mieux que moi... »

Je sentis une vague de colère et de honte monter en lui.

« Et je m'en moque, me précipitai-je de rajouter, à son plus grand étonnement. Tu avais besoin de savoir contre qui tu te battais. Tu as le droit de savoir qui je suis. Comme tu as le droit de ne pas vouloir tout partager avec moi maintenant si c'est trop tôt pour toi. Le destin nous a menés l'un à l'autre pour une bonne raison, tu sais ? »

Je pris une profonde inspiration, attendant sa réaction. Kaden me regarda pendant un long moment, sans rien dire. Il était toujours assis au bord du lit, le plus loin possible de moi.

Mes dernières paroles résonnaient en écho dans mon crâne et je souris. Je n'arrivais pas à imaginer tout ce qu'il aurait pu se passer si je n'avais pas rencontré Kaden. Sans lui, je n'aurais jamais découvert la vérité. Et surtout, je n'aurais jamais développé un lien aussi puissant avec quelqu'un. J'étais persuadée que le destin nous avait réunis pour une bonne raison. Il fallait laisser au temps faire les choses. 

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Un moment un peu plus intime entre Lili et Kaden...

J'espère que ça vous a plu. Et pour les amoureux de l'action, cela va très bientôt se corser !

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LosUnivers

Publié le 28 janvier 2018 / Modifié le 08 février 2022

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