9 octobre : Casper le grand frère
« J’en peux plus ! »
Maria flotta dans le mur, laissant s’éteindre les bougies de la chambre de son fils, reconvertie malgré elle en bibliothèque.
« J’veux pas terroriser les gens pendant mille ans ! Beugla son fils. »
Les occupants vivants de la maison tressaillirent en entendant ce bruit orageux, dans ce noir soudain, les os gelés par le courant d’air frais.
« C’est notre mission ! C’est notre but ! Et ça depuis cent ans !
- Tu peux parler ! Tu détestes tous les nouveaux occupants ! C’est facile pour toi !
- T’as vu ce qu’ils ont fait de la maison ? S’énerva la mère, tout en prenant le chien des nouveaux vivants dans ses bras blancs, et en le caressant énergiquement. »
Michel et Bernadette bondirent sur leurs pieds et tentèrent de ramener au sol leur caniche nain, flottant au milieu des plafonniers.
D’agacement, Maria laissa tomber l’animal dans les bras de la vivante.
« Ah ! Tu m’énerves ! Ils sont vieux ! En deux jours ça peut être fait !
- Et si t’y vas trop fort et qu’ils meurent ici ? Bonjour les colocs !
- Ça suffit, j’ appelles Casper ! »
Maria descendit auprès des vivants et fit bouger leur verre, sous leurs doigts, sur la planche de Ouija. Bernadette hurla de peur : « Casper ! L’esprit frappeur s’appelle Casper ! ». Le courant d’air fit s’éteindre les bougies et, auprès de Maria, apparut un vieux fantôme, pipe en bouche, en gilet de costume.
« Moui ? Vous m’avez appelé ? »
Les murs de Michel et Bernadette se mirent à trembler, les obligeant à se réfugier dans les bras l’un de l’autre.
« Monsieur Casper, mon fils refuse de terroriser ces gens ! Il me bassine avec ses « valeurs », il leur rend même service ! Une fois il a ouvert leur porte d’entrée alors qu’ils avaient oublié leurs clés à l’intérieur !
- Je vois… Mon garçon… Tu sais, ce n’est pas de la méchanceté que de terroriser ces vivants ! C’est notre devoir de fantôme de leur faire comprendre qu’il y a un au-delà !
- Cause toujours Grand-père, y a pas moyen que je me réjouisse de la souffrance d’autrui !
- Je pourrais t’envoyer dans les limbes… Tu irais errer pour l’éternité, avec les non-baptisés, les âmes SDF et autres criminels… Loin de ta mère et du confort de ce foyer…
- Bah vas-y ! Go ! »
Le jeune homme disparut un instant, et quand il revint, son visage avait changé, mué en une expression figée de terreur :
« Montrez-moi comment on fait peur !
- À la bonne heure... »
Casper apprit au jeune mort, à allumer et éteindre bougies et luminaires, à claquer des portes et faire suinter des tableaux. Puis vint l’heure du verdict : la soirée du 31 octobre.
« Attention ! Prévint Casper. Cet unique soir, les gens sont en général plus hermétiques à la peur, persuadés à tord de maîtriser cette belle émotion…
- T’inquiètes, je gère ! »
Michel et Bernadette furent plongés dans le noir, mais n’eurent peur : c’était le 31 octobre, rien d’anormal ! Quand le vent s’engouffra dans toutes les pièces, brisant verres et claquant les portes, Michel et Bernadette n’eurent peur : c’était le 31 octobre, rien d’anormal ! Quand une voix d’outre-tombe leur hurla de disparaître, Michel et Bernadette n’eurent peur : c’était le 31 octobre, rien d’anormal ! Mais quand leur caniche apparut, peint en rose, avec un petit nœud dans les cheveux, Michel et Bernadette prirent peur : un fantôme gentil, ça ! C’était anormal !
Quelques heures plus tard, quand le SAMU emporta à grands cris, le couple de petits vieux, Casper déclara à Maria que finalement, le petit, pouvait être le fantôme qu’il veut.
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