/!\Histoire soft

« Booonsooir et bienvenus dans notre jeu « la roue de la ruine » ! Aujourd’hui nous accueillons la famille Mairon, ils nous viennent du Sud-Ouest ! »

Le couple de rouquins salua la foule, un sourire crispé fixé sur le visage, conscients du jeu auquel ils se préparent à jouer...

« Et la famille Gréwu, qui nous vient du Pas-de Calais ! »

Le couple de petits-vieux salua à son tour la foule, chaleureux, mais tout aussi anxieux.

« Je vous rappelle le but du jeu… continua le présentateur au costume doré. La famille gagnante ruinera l’autre ! Et quand je vous parle de ruine… Ohlala ! Je vous parle de nuits sous les ponts, de repas aux restos du coeur ! Et de générations maudites qui se transmettront vos dettes, de pères en fils…. Êtes-vous prêts à tout perdre ou tout gagner ? »

Le vrombissement du jingle fit trembler les joueurs, à moins que ce soit la peur qui agitait leurs os.

Dans le PMU du coin, Guenièvre regardait fixement la télé, ses guenilles sur le dos, elle versait une larme silencieuse tout en sirotant sa bière. Pourtant elle y croyait, à la richesse… Mais quand on tourne la Roue de la Ruine, une fois sur deux, elle vous écrase. De sa famille, aujourd’hui, elle est la dernière : Suicides, accidents… Personne n’a survécu à leur échec. Tout ça pour avoir voulu mettre du piment dans leur vie... La première morte fut sa mère, quand elle apprit en direct leur ruine, son coeur explosa. Elle qui avait toujours mené sa barque seule, poussant sa fille à l'indépendance financière, la voyait là, à nouveau dépendante d'elle et de sa maigre retraite qui ne maintiendrait jamais toute sa famille hors de l'eau...
Le lendemain du jeu, ils enterrèrent sa mère, et dirent adieu : Adieu maman, adieu maison, adieu voiture, adieu livret A, adieu livret d’épargne, adieu chien, saisi par la SPA, adieu enfants, "sauvés" par l’ASE… Son mari ne survécut pas au chagrin, et, un soir qu’ils dormaient dans un parc, ils sortit sans un bruit et se jeta sous la première voiture qui passait. Quand à ses enfants, Guenièvre découvrit deux ans plus tard que leur nouvelle famille versait dans la violence physique et psychologique.

Tout ça à cause d’un jeu…

Ce soir-là, la famille Gréwu dépouilla la famille Mairon. Ce soir-là, une autre famille fut détruite… Mais comment arrêter le jeu ? Tellement d’audiences, tellement de familles remplies d’Espoir, persuadées que leur jour fatal, elles assureront… Alors Guenièvre sortit du PMU, prenant soin de vérifier qu’aucun homme, riche ou SDF, ne la suive, et, comme tous les soirs, cacha sa féminité sous un large manteau et une écharpe mitée, avant de rejoindre un lieu, éloigné de tous, protégé des hommes. Si un jour on lui proposait de revenir en arrière et de jouer, assurément, elle refuserait.