[insérer nom] n'était ni trop fine, ni trop grosse, ni trop belle ni trop laide, ni trop gentille ni trop méchante, ni trop généreuse ni trop égoïste. Elle était tout ce qu'on voulait faire d'elle et, si le monde le désirait, elle pouvait être un peu plus ou un peu moins.

Elle avait rencontré Aimée en sortant de son carton. La petite fille avait joyeusement observé ses coutures, un air fasciné sur le visage.

Et [insérer nom] avait pris vie.

Aimée avait passé des heures à lui choisir un prénom, puis des années à s'amuser avec elle. Elle était la meilleure amie d'Aimée et Aimée était tout son monde. Il y avait la balançoire, le jardin, les goûters, le parc, la balançoire... Plus loin, ça devenait flou. Plus loin il y avait eu une faille. Plus loin, elle ne voyait plus.

Le monde l'avait voulu féroce, puis c'était trop. Le monde l'avait voulu soumise, puis c'était trop. Le monde l'avait voulu musicienne, pilote, médecin, peintre, architecte, actrice, policière, voleuse, et tout un tas de métiers qu'elle apprenait en quelques secondes à peine. Le monde l'avait voulue différente.

Et Aimée était tout son monde.

Enfin, lorsqu'elle n'avait plus pu la satisfaire, Aimée l'avait rangée. Pour plus tard, elle lui avait dit, on rejouera après. Mais [insérer nom] savait qu'on n'ouvrait jamais ce placard fermé à clés.

Des cris étouffés lui parvenait d'au-delà la porte, et puis des pleurs. Mais elle ne savait plus consoler, le dehors avait trop grandi. Alors elle attendait. Un jour, une nuit peut-être, on ouvrirait. Elle n'espérait plus tant les bras d'Aimée, mais peut-être ceux d'une autre enfant qui aurait besoin d'une épaule sur laquelle pleurer et d'un sourire pour partager ses rires.

Un grincement, métal contre métal. Une lumière colorée de leds. Puis deux yeux, bouffis et rougis. Un regard circonspect.

– Tiens, c'est ma vieille poupée. Comment je l'avais appelée ?