15 octobre 2025 : Les autres, les traîtres

Sabrina se regarde dans la glace. Quand elle croise son propre regard, celui-ci la frappe, comme un rappel de la réalité. Mais, et si la vérité était trop lourde à porter ? Néanmoins, l'employée revêtit sa cape, son costume de la personne banale, celle qui se fait oublier.

Pendant ce temps, Isaac arrivait déjà au boulot. Sa cravate lui serrait beaucoup trop à son goût. Mais il se pliait à l'image qu'il se devait de rendre : un homme en costume-cravate.

Quand Sabrina entra au bureau, elle le salua :

« Bonjour Monsieur !

— Bonjour. Ça va ?

— Tout va pour le mieux ! » s'exclamait-elle, avec un sourire forcé.

Isaac fit comme ça collègue : il lui sourit par convenance. Néanmoins, il était soulagé qu'elle ne lui retourne pas la question. Il n'aimait pas mentir.

Sabrina, Isaac et leur collègue passèrent la journée entière dans le même bureau, à pianoter, à discuter et rire parfois. Pourtant, Sabrina n'avait qu'une hâte : que cela cesse. Et Isaac avait sa propre idée fixe : quitter ce lieu pour trouver un endroit où il pourrait être lui.

Chaque jour, Sabrina arrivait après Isaac, puis le reste de l'équipe les rejoignaient, puis s'ensuivait la mascarade habituelle. Parfois, la vérité ronge, grignote tant qu'elle transparaît, l'espace d'un instant, sur le visage du meilleur des comédiens. Ce jour-là, Isaac voulait juste faire la conversation pour maintenir les apparences :

« Sabrina, vous aviez l'air tendue, ou stressée hier. Tout va bien ?

— Oui. Je suppose... »

L'homme eut un pincement au cœur. Surpris, il voyait son interlocutrice plus raide que jamais, presque au bord des larmes. Il n'avait jamais apprécier Sabrina : elle n'était pas très belle pour lui, et côté caractère, il n'avait rien de plus beau chez elle non plus. Elle était hypocrite, se maquillait à l'excès. Les rides qui zébraient le visage de Sabrina pouvaient laisser penser qu'elle savait mieux cacher ses émotions que cela. Néanmoins...

Le cadre s'inquiéta :

« Sabrina ?

— Je dois supporter de travailler entre ces quatre murs, avec des gens qui nous dévisagent. Ils ont tous un avis, tous une présomption ! De qui je peux être, de qui est comment, de la bonne conduite à avoir. Je n'en peux plus ! J'ai surpris une conversation hier que je préfère oublier.

— Ah ! Ça ! C'est la traitrise typique de l'être humain ! voulu relativiser Isaac.

— Vous pensez ?

— Est-on tous honnête ? A cent pour cent ? »

Sabrina voyait un homme faire exagérément des mimiques de réflexion. Alors qu'Isaac, en réalité, ne cherchait qu'à refouler son malaise. Qu'est-ce que je suis gonflé ! Je suis le premier à ne pas l'être à cent pour cent...

Et s'il était complètement honnête ? Que se passerait-il ? Isaac arracherait cette maudite cravate pour la lancer par la fenêtre, pour commencer. Puis, il déshabillerait ici et maintenant de cette tenue ridiculement carrée et inconfortable. Ses collègues seraient probablement médusés mais avant qu'il ne se fasse virer, il prendrait la porte, avec son petit string léopard qu'il cachait jusque-là. Et après ? Il rentrerait s'habiller en femme, en la personne qu'il est vraiment. Inaya sortirait alors du placard et filerait voir ses parents. Il briserait tout ce que l'on attend de lui.

Mais Isaac savait ce qu'il encourrait à être honnête, à cent pour cent. Il perdrait ses parents. Ses amis seraient dubitatifs, incapables de comprendre. Il savait qu'il n'aurait alors peut-être que de rare surprise de son entourage.

Sabrina, médusée, vit le visage de son interlocuteur viré au rouge de colère.

« Et si vous étiez vraiment honnête sur tout, quelques soient les situations, qu'est-ce que cela changerait pour vous ?

— Vous voulez mon hypothèse ?

— Ça m'intéresse, soutint-il.

— Ce serait le chaos ! Les autres me pointeraient du doigt et je veux dire par là, plus que ce n'est déjà le cas !

— Les autres, le chaos ! C'est vide de sens ! Tout ça ! »

Isaac s'emportait, en montrant avec de grands gestes les locaux autour d'eux. Sabrina, était aussi surprise qu'impressionner. Elle devait reconnaître qu'elle avait sous-estimé le jeune cadre. Il n'était pas qu'un simple costume visiblement... Sabrina chassa son étonnement et la sérénité l'emporta sur elle quand il continuait à s'énerver :

« Les autres nous assigne un rôle ! Celui de l'homme, du père, de la mère, ou de l'employé bien fidèle ! Si nos branches poussent hors de la haie, elles sont coupées ! Sabrina, je vous comprend. C'est bien la traitrise des gens ! Je ne les aime pas ! Les humains se dressent eux-mêmes contre la vie d'être humain ! »

Nina, la jeune stagiaire, se faufila dans la pièce, légèrement apeurée de voir Isaac dans son excès de colère. Pourtant, elle trouvait cette rage fascinante ! Les Autres étaient bien les traîtres à leur singularité, leur humanité. Pourtant, elle avait l'impression que ce n'était pas une explication suffisante à cette vie en société insatisfaisante.

Sabrina, silencieuse, laissait Isaac s'exprimer. Son regard croisa néanmoins celui de la petite jeune. Elle lui fit un sourire qui se voulait rassurant. Nina réagit aussitôt. Elle avait compris ce qui clochait dans le raisonnement de son supérieur ! Les autres que soit avaient beau dos, mais chacun était responsable de ce... taillade abusif de haie récalcitrante. Ou... peut-être que non ? Après tout, si l'on est seul à se révolter, à part de faire couper la branche, à quoi cela mène-t-il ? La société n'était-elle alors pas une impasse autant qu'une solution à la vie des Hommes ?

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