Tonnerre se hissa sur la table, et debout entre les plats, il hurla :

« Et voilà le plat, un beau troll des montagnes, bien farcis comme il le faut ! »

Les congénères nains de Tonnerre hurlèrent d'approbation. Ils sentaient tous le fumet délicat de la farce à base de champignons et de fenouil. Il se rassit sur le banc, en peinant à retenir sa salive qui voulait s'échapper du coin de ses lèvres.

Quand leurs serviteur-esclave-humains leur apportèrent le gigantesque plat, les nains trépignaient. Ils tapaient le parquet de leurs petits pieds et faisaient vibrer la pièce entière. Un groupe d'une trentaine de nains comme celui-ci – que l'on appelait « communauté », était capable de dévorer un troll entier en quelques instants à peine. C'était des bêtes féroces quand l'appétit les taraudait, des bourdons intenables quand venaient les plats. Cependant, ils était également capable de partage et les festins qu'ils organisaient étaient une ode à la convivialité.

Les sales petits cabots à leurs ordres déposèrent enfin le plat. Tonnerre fut le premier à se pencher vers le plat, et à hurler d'effroi. Bientôt, les autres l'imitèrent et l'on su cru dans une chorale de guerre. Tonnerre mordit sa lèvre avec hargne, en déposant un regard langoureux sur leurs humains. Comment cela se faisait-il ! Comment osaient-ils apporter ça ! Un nain, un membre de leur honorable espère, farcis comme un troll et cuit à point !

De lourds pas tonnèrent et la communauté se fit silencieuse ; elle se tourna vers l'arche de l'entrée. Il y avait un troll, gigantesque par rapport aux hommes mais plus encore par rapport à eux. L'humanoïde à la peau coloris caca d'oie était nonchalant. Sa voix était si grave, profonde et lisse quand le troll déclara :

« Eh bien, à quoi vous attendiez-vous ? Ce n'est pas parce que nous autres les trolls vivons des cavernes que nous sommes incapables de réflexion ! A quoi vous attendiez-vous ? A ce que vos humains vous viennent en aide ? Même s'ils voulaient vous informez de notre plan, ils ne le pouvaient pas ; vous leur avez couper la langue ! Vous vous régaler à la vue d'un humanoïde doué de raison dans vos plats, mais vous dégobillez à celle de l'un des vôtres mijotés de la même façon. Je reconnais bien là la petitesse des nains ! »