8 - 30 Millions de loups-garous
« Dans la suite de l'actualité, des manifestations pour les droits des lycanthropes se sont déroulées dans plusieurs villes de France. Parmi leurs revendications, la conservation du jour de Pleine Lune et plus de reconnaissance dans le milieu de la santé. Notre envoyée spéciale est allée à leur rencontre ».
La caméra suit le flot d'une foule qui encombre les rues, qui proteste, scande, crie les slogans. Arrêt sur une manifestante brandissant un carton sur lequel est peint en lettres noires : « Occupe-toi plutôt de ta Lune ».
« Aujourd'hui à Paris, c'est pas moins de 23 000 personnes qui ont défilé dans les rues. Leur but, bloquer le projet de suppression de la journée de congés payés pour les jours de Pleine Lune. »
Apparaît Lupita De Leon, porte-parole de l'association Alba Lupa, principale organisatrice de l'événement. Grande, fière, elle a, comme nombre de ses consoeurs, laissé pousser de chaque côté de son visage, les favoris typiques de la lycanthropie de type III. Quand elle prend la parole, c'est d'une voix claire et puissante :
« Il faut comprendre qu'aujourd'hui, on est sur environ 5% de la population qui est concernée par la lycanthropie. En France, ça représente près de deux fois la ville de Paris. Donc il ne me semble absolument pas normal que nous ne répondions pas à leurs besoins en tant que travailleurs. C'est pousser beaucoup d'entre nous à une précarité qui est déjà galopante. D'autant qu'il n'y a actuellement aucune protection contre les discriminations à l'embauche. »
Coupure. Lupita est montée sur une estrade et harangue la foule, armée de son mégaphone. La reporter poursuit, en voix-off :
« Pour le symbole, les organisateurs ont tenu la manifestation pour la Nouvelle Lune. Ce qui n'empêche pas de faire dans la foule quelques rencontres... cocasses. »
Plusieurs plans s'arrêtent sur de gigantesques lycans, sous leur forme bestiale, tous poils et crocs dehors. L'un d'eux, simplement désigné comment : « Conor — Manifestant », se gratte la tête, un brin gêné face aux questions :
« Je suis un non-métamorphe, donc moi, jour de Pleine Lune ou pas, ça ne change rien à ma vie. Mais je suis là pour soutenir les collègues, c'est normal, ils ont fait pareil pour moi.
— Et, simple curiosité, vous avez un emploi ?
— Oui oui. Je suis videur dans une boîte de nuit.
— Une boîte de nuit pour humains ?
— Oui oui... »
Coupure. Quelques images de manifestants divers et variés se succèdent, on zoome sur des pancartes, sur lesquels sont inscrits des slogans plus ou moins inspirés. Plan discret sur un groupe d'humains, portant banderole : « Nous hurlons avec les loups ».
« Mais ces revendications ne sont pas du goût de tout le monde. »
C'est au tour de la foule d'être scrutée. Passants confus, agacés, curieux ou indifférents. La caméra s'arrête sur un couple de retraité, qui observe en marge du cortège. Monsieur prend la parole :
« Moi, je trouve que c'est pas normal, d'être payé si on ne travaille pas. De mon temps, quand on prenait un jour pour maladie, on n'était pas payé et on s'en contentait, c'est normal. »
Sans transition, on enchaîne sur un jeune homme, modèle de l'entrepreneur dynamique, qui pose à l'entrée d'un magasin de vêtements et ne s'attendait visiblement pas à être interrogé :
« Ben, les meutes ont des jours de Pleine Lune d'office en fait, donc s'ils en ont vraiment besoin, ils ont quand même l'option de travailler pour leur meute. Moi, en tant que patron d'un petit commerce, je peux pas me permettre d'avoir un employé qui aura des absences comme ça, vous voyez... ».
Enfin, la voix off, de conclure :
« Le projet de suppression devrait être présenté le mois prochain devant l'Assemblée. D'autres manifestations sont prévues d'ici là, sur tout le territoire »
Coupure. La présentatrice revient à l'écran, sourire discret de circonstance, inspire et enchaîne :
« Dans le reste de l'actualité, la Présidente s'est rendue aujourd'hui dans le lycée équestre Saint-Georges de Lydda, près de Metz, école d'exception, seule en France où l'on apprend à monter ces nobles créatures que sont les centaures. Notre correspondant Lykos Cirillo était sur place »
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