Jour 26 : Pour un silence
Un plateau télé de chaîne d'information en continu s'agite. Le polémiste et candidat à la présidentielle est invité de la matinale pour parler de ces futurs projets. Il est surtout là pour aller dans le sens où ces feutres électeurs soufflent : immigration, souveraineté, impôt, chômage, religion. Encore une fois il relit les fiches que l'équipe éditorial de la chaîne lui ont donné sur les questions qui lui seront posé. Misogyne, raciste et homophobe, il plait à son électorat, et essaye de convaincre une grosse autre partie du bienfondé de ces mesures. Sa secrétaire vient alors avec des fiches qu'elle avait préparé, toussotant le dos tourné. Ric le polémiste lit alors ces fiches, et sourit en voyant les nouvelles qu'elle lui apporte. Il la félicite :
« Depuis que tu as eu ton cancer de la gorge et que tu fermes ta gueule j'ai que des bonnes nouvelles, gardes le silence jusqu'au présidentiel, c'est d'intérêt public. »
Elle s'en va sans réagir. De tout manière, ce n'est pas la première ni la dernière fois qu'il fait ce genre de réflexion. Il relit une nouvelle fois ce qu'elle lui avait apporté, une fois cette dernière partie dans le public avec les autres personnes qui s'occupent de sa campagne. C'est vrai que depuis que son assistante a perdu la voix. Sondage en hausse, une population globalement en accord avec ce qu'il propose, et pour la première fois, il se retrouve en tête du premier tour dès présidentielles. Il connaît déjà la première question qu'on lui posera, avant qu'on lui pose les autres qu'il sait aussi. Il est en pleine réflexion devant son rapport quand une main vient sur son épaule gauche. Il sursaute et se retourne, voyant que ce n'est qu'un technicien du plateau de couleur, sans doute pour lui dire qu'il est temps de s'installer en plateau. Il rentre alors dans une colère noir et le sermonne :
« Putain vous n'auriez pas pu vous annoncer avant ? Espèce de macaque ! »
Il le bouscule en se levant et se dirige vers le plateau. Il n'a pas besoin qu'on le guide dans le dédale du studio de télévision, à force de venir, il connait le bâtiment par coeur. Il attend alors, tout est calme bizarrement, on s'agite dans le silence, aucune parole n'est échangé. Il attend un moment, quand le même technicien se met face à lui et lui parle, sans qu'aucun son ne sorte. Pourtant, il n'est pas sourd, il entend le bruit ambiant. Mais c'est comme si le technicien lui faisaient une farce en simulant qu'il parlait, en tout cas c'est ce que Ric pense :
« Vous avez fais l'école du rire ou quoi ? Je vous préviens, vous pouvez déjà faire vos clics et vos clacs parce que je vais en toucher deux mots à votre directeur de chaîne que je connais très bien, et il fera en sorte que vous ne travaillerai plus jamais sur un plateau télé. »
Il remet sa veste comme si cette dernière est froissé, laissant le technicien le regarder d'un air d'incompréhension, avant de partir et de le laisser dans les coulisses. Il jète un œil sur le plateau, et il constate que les animateurs le regarde avec assistance. Il pense que le technicien lui a fait un sale coup en ne lui annonçant pas qu'il était temps de venir sur le plateau. Il s'avance alors, et observe le plateau en rentrant dessus. Un silence de cathédrale s'impose alors à lui, que ce soit dans le public ou avec les présentateurs. Il voit pourtant que la camera a le voyant du direct allumé, il est donc bien en direct. Il s'installe alors à sa place, et s'excuse platement :
« Je suis franchement navré d'être en retard, mais je pense que vous devriez mieux recruter vos techniciens. »
Il s'attend à une réaction du plateau, il n'en ai rien, toujours ce silence.
« Qu'est ce que j'ai dis, j'ai dis quelque chose... »
Soudain, il se laisse surprendre par le présentateur. Il le regarde et lui parle, mais sans qu'aucun son ne sorte de la bouche, comme pour le technicien. Pourtant, il entant le bruit ambiant, alors pourquoi il n'entend pas le son de la voix.
« Vous me faites une blague n'est ce pas ? Elle est très drôle, mais je pense qu'il est temps de parler de chose sérieuse. »
Le présentateur le regarde alors, surprit, et recommence à parler sans parler. Il ne comprend pas ce qui se passe. Il regarde autour de lui, perdu. Il n'est pas sourd pourtant, il entend sa respiration, il entend les bruits de tamponnements qu'il fait sur la table, mais il n'entend pas la voix, comme si tout le monde lui faisait une blague. Il se lève et déclare :
« Je suis encore navré de devoir partir mais je ne me sens pas bien et je dois m'en aller, j'espère que vous me comprendrez. »
Il ne leurs laisse pas le choix et commence à partir, devant des présentateurs médusés et interrogatif. Il allait pour partir quand soudain il voit les techniciens de plateau venir vers lui, une banderole à la main, et avec des post-it sur les pulls, écrits "grève" dessus. Ils déploient la banderole au public et commence à parler sans parler. Il voit la banderole de dos et lit à l'envers "Non au racisme sur cette chaîne". Ric comprend qu'il est sans doute allé trop loin avec ce technicien de couleur, il contourne alors le mur de gréviste et s'exprime :
« Si c'est à cause de ce technicien je suis désolé de ce que je lui ai dit. »
Il se fait alors prendre par le bras, et le technicien en question commence à lui gueuler en silence. Il sent son souffle, il entend jusqu'aux mouvements de sa mâchoires, mais aucun son de voix ne vient. Il comprend alors que c'est vraiment lui qui a un problème. Il s'échappe de l'étreinte et recule devant la foule de gréviste. D'une petite voix il avoue :
« Je n'entend plus rien depuis le début, je suis désolé, je croyais que vous me faisiez une farce. Et pour les propos racistes envers ce technicien, je suis vraiment désolé, vraiment. »
Le ton monde dans le silence, le service de sécurité monte aussi sur le plateau, et commence alors une bagarre générale. Ric ne comprend pas ce qui se passe, et commence à reculer. Soudain, tout le monde s'enfuit, et une détonation se fait entendre. Ric ne s'aperçoit que trop tard que sa secrétaire avait sortie une arme, et avait tiré. Il touche son ventre, du sang se retrouve sur les mains. Il tombe alors à terre, envahit de plus en plus par le silence. La lumière commence à faiblir aussi. Il ferme les yeux dans la peur de l'inconnu, l'incompréhension, la honte. Le silence dévore entièrement Ric, dans le noir du sang et le blanc du silence.
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