9 🎧 Garbage Truck

Elle n'en revenait pas, c'était une vraie poubelle.

Une vieille Renault Clio vert vomi qui devait encore rouler par intervention divine. Ou maléfique.

Quand sa meilleure amie lui avait dit « On part en road trip ! », elle s'était imaginée roulant à bord d'une décapotable sur la route 66, les cheveux aux vents et écoutant du Beyoncé en chantant à tue-tête.

Pas un road trip dans toute la Lozère à bord de la vieille Clio des grands parents de Marlène, le copain et le petit-frère de cette dernière en prime.

— Marly, commença-t-elle, ce n'était pas le plan. Pas du tout. Ça devait être un road-trip entre meilleures amies pour fêter notre diplôme !

— Allez Mélo ! On passe juste ramener la voiture de ma grand-mère à mon oncle et on se fait une semaine de camping tranquillou.

— Tranquillou ? Mais putain, pourquoi il y a Jonathan et ton frère compris dans le plan ?! Et puis je ne voulais pas camper moi. Tu décides toujours pour nous deux...

— Si je n'avais pas décidé, tu n'aurais rien fait ! Allez, balance ton sac dans le coffre.

— C'est un coffre, ça ?

Marlène lève les yeux au ciel avant de s'exciter comme une puce, de crier et d'enfin courir jusqu'à son homme pour lui sauter dans les bras.

Ce n'est pas que je n'aime pas Jonathan, son copain depuis nos derniers mois d'étudiantes, c'est juste que... Il trouve toujours tout génial et c'est relou.

« Merde, c'est le camion poubelle. »

Je sursaute en entendant une voix grave inconnue et, lorsque je referme le coffre, vois apparaître devant moi une surprise presque aussi grande que ce voyage détourné par Marlène.

— ...Thibault ? C'est toi ?!

— Qui ça pourrait être ? me répond le petit-frère de ma meilleure amie, un sac à dos sur l'épaule.

— Tu as... changé. La dernière fois que je t'ai vu, tu devais faire 1m60 ! T'avais quoi... 15 ans ?

— Et maintenant j'en ai 20. Bon Mélo, tu me laisses mettre mon sac dans le coffre ?

Je hoche la tête et me décale, observant le morveux boutonneux devenu homme. Sa voix grave, une assurance certaine, un corps totalement sortit de l'adolescence mais toujours ses cheveux blonds indisciplinés.

Ok, Thibault a changé mais ça ne veut pas dire qu'il est plus mature. Et puis ce n'est pas ça qui va faire partir ma colère contre Marlène.

Nous nous asseyons à l'arrière de la voiture trop petite et inconfortable, des miettes et paquets de gâteau entamés sur la banquette. Je regarde au sol et me ravise en voyant un bout déchiré de paquet de préservatifs, me donnant presque envie de vomir.

Ou de brûler cette voiture.

Alors que Thibault se plaint de la saleté et que Jonathan fait preuve d'une trop grande politesse envers moi en me demandant mille fois comment je vais, Marlène démarre l'épave et nous voilà sur les routes.

Le soleil tapant désagréablement sur les vitres, cette odeur de « vieux » partout dans l'habitacle à peine chassé par les fenêtres ouvertes et l'autoradio cassé remplacé par le téléphone de Jonathan lançant une playlist type Top 50 de cette semaine.

J'essaie toutes les positions pour dormir, sans succès, et fini par observer le paysage de l'Hérault que je connais déjà par cœur, regrettant le road-trip tant espéré dans mon imaginaire.

Ce n'est que quelques heures après que je me rends compte que je me suis assoupie, laissant couler un peu de bave, et que la voiture est à l'arrêt. Vide. Dans le noir.

« Merde ! » chuchotais-je en me redressant et en cherchant Marlène du regard.

Je tente d'ouvrir la porte, sans succès et commençant à paniquer lorsque j'entends un bruit derrière moi.

*TOC TOC*

« Thibault ! » m'écrié-je alors que la lumière de son téléphone éclair son visage de façon inquiétante.

Je viens de son côté et arrive à ouvre la portière en jurant pendant que le jeune homme m'observe, un sac en plastique dans les mains.

— J'ai dormi combien de temps ?! Pourquoi vous ne m'avez pas réveillé ? On est où ? Et où sont Marly et Jonathan ?

— Tu poses toujours trop de questions. Prends le temps de respirer. J'étais aussi en train de dormir avant que l'on soit à l'arrêt. Quand je me suis réveillé, le soleil se couchait.

— Et ta sœur et-

— Chut, reprend-il en posant son doigt sur mes lèvres, calme toi.

Ce simple geste me fait frissonner et je suis rassuré qu'il fasse assez sombre pour que le frère de Marly ne remarque pas mes joues devenues écarlates. Son téléphone toujours en monde « torche », il s'éloigne pour venir s'asseoir sur le capot de l'épave nous servant de locomotion. Thibault ouvre son sachet en plastique et en sort un paquet de sandwichs triangle jambon beurre qu'il ouvre et dont il me tend l'un des deux triangles.

— Marly et Jonathan ont profité de notre sieste pour s'éclipser là-bas, dans la forêt. Ils ont installé leur tente et... enfin... Disons que je n'aurais jamais voulu les chercher si j'avais deviné à temps leurs intentions.

— Oh putain... Ils ne pouvaient pas attendre qu'on arrive chez votre oncle ?!

— Je ne sais pas, je n'aime pas l'influence qu'à ce mec sur ma sœur.

Je m'assois à ses côtés, croquant dans le sandwich fade à peine éclairé par le téléphone posé sur le capot et la lune à demi-pleine dans le ciel.

J'ai envie de lui dire que moi aussi je n'aime pas Jonathan mais Marlène est ma meilleure amie. Je dois la défendre et soutenir ses choix, c'est notre pacte... Mais qu'elle nous ait abandonné pour aller se taper son copain dans les bois, c'est un peu trop. Surtout après le plan qu'elle m'a fait pour notre « road trip ».

— J'ai l'impression que ta sœur s'est foutue de moi, chuchoté-je. Depuis toute cette année, elle m'a fait ce genre de plan, me laissant toujours à l'écart de son couple. Je me disais que c'était de la faute de Jonathan mais ce gars ne laisse rien paraître. Il est gentil comme une crème, c'est limite chiant.

— Désolé.

— Pourquoi tu t'excuses ?

— Je ne savais pas que c'était vos vacances entre copines.... Je ne serais pas venu sinon.

— Pourquoi tu es là alors, Thibault ?

— Parce que Marly m'a dit qu'il te faudrait de la compagnie pendant qu'elle est avec Jonathan.

— Mais je ne suis pas un animal, bordel ! Et puis merde, elle aurait pu partir à un autre moment avec lui ! J'en ai marre de tenir la chandelle ! Pourquoi t'as accepté toi aussi ? Ce n'est pas ton genre de rendre service à ta sœur.

— Ce n'est pas pour elle que... bref.

Je penche la tête vers lui, attendant qu'il en dise plus mais il continu à manger son sandwich en silence. Avant de parler de tout et de rien.

De me demander ce que je cherche après mon diplôme, si je continue d'autres études, si mes parents et mon frère vont bien, si j'ai encore le poster de Scott Pilgrim VS The World dans ma chambre et d'autres banalités.

Une discussion qui me fait me replonger dans mes souvenirs avec Marly, du temps où tout était plus simple avec elle et où je n'avais pas l'impression de marcher sur des œufs lorsque je lui fais une réflexion.

Ce temps où nous rêvions de voyager ensemble un peu partout, où Thibault le petit morveux débarquait dans sa chambre pour nous voler des bonbons, où mes parents étaient encore ensemble et heureux et où l'on n'avait pas besoin de se retrouver sur une voiture poubelle pour refaire le monde...

Où la vie se jouait en mode « facile ».


A suivre...


https://youtu.be/fhGu2CDqQqo

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