Comment est-ce qu'on est passé du plan « Road Trip entre meilleures amis pour fêter notre diplôme » à « Soirée anniversaire des 40 ans de mariage du cousin éloigné au fin fond de la Lozère » ? Mystère et boule de gomme.

Mes coudes sur mes genoux, assise inconfortablement sur un siège d'enfant, j'observe une ribambelle d'inconnus se trémousser ridiculement sur la piste de danse quand d'autres sont en train de dévaliser le buffet.

J'agite mes pieds par ennui et regarde pour la millième fois mon smartphone que je finis par ranger dans la poche de mon jean.

Je ne suis pas d'humeur et les gamins s'agitant autour de moi n'arrangent rien.

Fatiguée alors qu'il n'est que 23h, je cherche Marly des yeux, sans succès. Ma flemme surmontée miraculeusement par mon envie d'uriner, je file aux toilettes avant d'en ressortir et de quitter la salle pour respirer l'air encore chaud d'été.

Un souffle et une odeur de cigarette chatouillant mes narines me forcent à me rapprocher des silhouettes collées à un arbre et à peine éclairées par des lampions. Des « jeunes », comme moi mais sortant à peine du lycée, en train de fumer et de critiquer leur famille respective.

Et Thibault.

Le beau Thibault qui a gagné en tout : physique, charisme, humour et conversation. Un mélange parfaitement tentateur mais que je m'interdis pour une raison même pas valable.

La raison est qu'il est le petit-frère de ma meilleure amie.

« Hey ! Vous avez vu passer Marly et son copain ? » demandé-je en avançant devant le groupe. Tous secouent la tête avant qu'une des filles n'émette l'hypothèse la plus énervante de l'univers :

— Ils ne sont pas rentrés il y a vingt minutes ?

— Ahah n'importe quoi ! On devait rentrer ensemble ce soir et c'est Thibault qui a les clés de la voiture.

— Je les ai vu partir à pied, rajoute l'un des garçons, ils étaient en train de se manger la bouche, c'était écœurant !

— Non... Marly ne m'aurait pas fait ce coup-là.

Et pourtant, elle enchainait les mauvais coups et abandons envers moi depuis le début des vacances.

Je serre les dents, rageuse contre ma meilleure amie et son copain avant de faire des tours sur moi-même en me rongeant les ongles lorsque Thibault se décolle de l'arbre et viens me saisir la main.

— Qu'est-ce que t-

— Allez viens, m'interrompt-il, tu as besoin de te détendre.

— Je n'ai pas besoin de me « détendre », j'ai besoin de tuer ta sœur et ce con de Jonathan ! Comment est-ce qu'ils ont pu partir comme ça sans nous prévenir ?! Ils doivent encore être en train de copuler dans les bois comme des lapins en chaleur ! Ça me saoule !

— Mélo, calme-toi.

— Je ne peux pas être calme ! Je devais vivre des vacances fabuleuses et à la place elle me laisse en plan dans une soirée où je n'ai rien à faire rempli d'inconnus !

— Je suis là moi. Suis-moi.

Pourquoi sa voix est si tendre ? Si chaude ? Comme s'il me caressait de ses mots... Ressaisis-toi Mélo !

Nous entrons dans la salle et le blond me fait signe de l'attendre alors qu'il s'approche du DJ de la soirée, blasé de passer du Patrick Sébastien, avant de lui chuchoter quelque chose à l'oreille provocant un fin sourire sur son visage terne.

Thibault revient vers moi pour m'entrainer au milieu de la piste, pile sous les éclairages roses et bleus. Il m'attrape le poignet, me fait tourner autour de lui avec une grande facilité avant de me coller à son torse et de me chuchoter :

« Prépare-toi à enflammer la piste. »

Tu m'enflammes déjà, sale gosse.

Une musique complètement différente de la playlist tournant en boucle depuis 20h se lance, un rythme entrainant, un son entièrement a capella et je reconnais dès les premières sonorités « Cheap Thrills » de Sia mais version Pitch Perfect 3.

Thibault que je ne soupçonnais pas de connaître ce genre de film, se met à danser devant moi sans avoir peur du ridicule et des regards surpris des membres de sa famille. Il me fait signe de la main de suivre le mouvement avec lui et je me laisse entrainer en suivant une chorégraphie improvisée à ses côtés.

Des déhanchés côte à côte donnant une ambiance presque sensuelle autour de nous, nos corps s'éloignant pour mieux se retrouver collé-serré, dansant un zouk endiablé faisant grimper la température entre nous.

Un frisson intense et avec presque rien.

— Putain Thibault, lui dis-je collée contre lui et mes pieds suivants toujours la musique, t'es vraiment un sale gosse.

— Et encore, t'as rien vu.

Mon corps retourné d'un geste dos au sien, ses mains attrapant les miennes et les bougeant en rythme, je sens son souffle dans mon cou alors qu'on pourrait avoir l'impression que je frotte mes fesses contre lui pour le chauffer.

Mais il est déjà brûlant.

La chanson se termine sur des exclamations et les lèvres de Thibault venant embrasser ma tempe comme pour me remercier d'avoir accepté de me lâcher dans la danse avec lui.

L'esprit perdu et toujours coincé entre les bras du sale gosse devenu homme, je n'ai qu'une envie : céder. Me laisser tenter par sa bouche, que ses cheveux blonds caressent mon cou, que ses mains se perdent sur mes hanches et que ses mots continuent à titiller mon audace.

« Mélo ! On rentre ? »

Je sursaute et m'écarte de Thibault en voyant sa sœur nous regarder avec des yeux grands comme des soucoupes. Son frère se racle la gorge pendant que je me mords la lèvre pour cacher mon rougissement, sans succès.

Marly ne fait pourtant aucun commentaire, se contentant de tendre la main vers son petit-frère déposant les clés de la « garbage truck » dans sa main. Nous la suivons en nous évitant du regard et craignant la réaction de sa sœur.

Pourtant, qu'est-ce qu'elle pourrait nous reprocher ?

Nous n'avons fait que danser.

[Je devais mettre l'originale de Sia mais j'aime beaucoup la version a capella des Bellas du film Pitch Perfect 3. Elle correspondait bien au pas de danse que j'imagine entre Mélo et Thibault, un peu collé-serré.]

https://youtu.be/qbDwcRgFBtw