16 🎧 No roots

Hier soir, je me suis écroulé comme un tas sur mon canapé poussiéreux. Rentrant de déplacements intensifs pendant deux mois, je n'ai même pas pris le temps de me déshabiller et de me laver.

Mes yeux cherchent une source de lumière dans ce « chez-moi » trop peu utilisé alors que mes membres s'étirent doucement pour éviter les crampes.

J'arrive à extirper mes jambes jusqu'à ce que mes pieds tapent dans mon sac et mes armes encore sur le parquet. Je me mords les lèvres fasse à la subite douleur avant de me relever entièrement et de me diriger vers les volets.

Ouverts en grand, les rayons du soleil illuminent la pièce et me rappellent pourquoi j'aime partir : l'odeur, le bruit, la chaleur, les gens.

Tout à Odyssey me répugnait.

J'étais pourtant né ici, dans les conditions les plus avantageuses possibles mais pas moyen. Je préférais être sur la route.

Échanger la cohue matinale des jours de marché pour la tranquillité de la montagne, troquer l'odeur de la ville à celle de la rosée du matin dans les bois, tout donner pour retrouver le vent balayant mes cheveux et non la brise marine m'apportant les odeurs d'urines des bas-fonds sur le chemin.

Moi qui suis né dans le luxe, entouré de parfum et de confort. Moi qui ai décidé de vivre comme un clochard dans une petite pièce au-dessus d'une rue malfamée et où tout mon environnement m'étouffe.

Ce que je préfère, c'est le moi « sans racine ». Moi qui ne m'attache pas à qu'à une terre mais à toute. Moi qui savoure chaque voyage, chaque traversée en mer, chaque balade dans les champs et chaque traque dans la forêt.

Je m'appuie sur le rebord de la fenêtre, caressant ma barbe bien trop longue à mon goût et observant une dernière fois ce que la capitale de Leonidia a à m'offrir... Mais je ne vois rien.

Tout est terne, comme si devant mes yeux, il y avait un voile gris.

C'est à ce moment-là que mon esprit vagabonde entre mes souvenirs de voyage les plus lointains.

Une oasis en plein milieu d'un désert après des heures de marche.

Une source chaude en pleine montagne gelée.

Le piaillement des oiseaux un matin où je pensais ne jamais me réveiller.

Le vent transportant une odeur de pain chaud alors que j'étais affamé depuis des jours.

L'hospitalité autrefois méfiance des gens m'accueillant dans leur demeure.

La neige fondue sur les terres condamnées à un hiver éternel... Et sa voix. Une voix de la nature, réveillant la faune et faisant pousser la flore.

Le cri d'une bande de voleurs passant en bas de chez moi, ayant dérobé la bourse d'un marchand, me fait sursauter et me tire de mes agréables pensées pour me ramener à cette réalité qui me dégoûte.

Pas de racines, tu es un voyageur. Un chasseur. Tu t'adaptes et tu ne restes jamais bien longtemps à un endroit.

Je quitte la fenêtre et me dirige vers ma vasque remplie d'eau me servant de douche lorsque mon pied écrase quelque chose de fin. Une lettre. Glissée sous ma porte surement très tôt dans la matinée, elle est cachetée du sceau de la famille royale de Leonidia.

Des armoiries que j'ai côtoyées toute ma vie.

J'ouvre la lettre et lis rapidement son contenu jusqu'à ce qu'un sourire se dessine sur mon visage : une convocation de la part du roi au palais pour le lendemain.

Pourquoi suis-je heureux ? Parce que j'allais revoir mon oncle ? Parce que ma famille ne m'avait pas oublié ? Rien de cela.

Je suis heureux car grâce à mes « racines », j'ai l'intime conviction que je vais à nouveau quitter cette ville et ce pays et ça, pour une longue période.

Et le voyageur que je suis ne peut en être bouillant d'impatience.


[Texte en lien avec le personnage principal de La complainte de Givreciel, une histoire fantasy préquel à Flambée de désir.]


https://youtu.be/PUdyuKaGQd4

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