Jour 30 : Lovecraft
Après des heures de routes, j'arrive enfin là où le chauffeur de taxi me dépose. Je suis dans un coin paumé d'Angleterre, à la limite de l'écosse, dans des terres bien inhospitalières. Je suis là à cause d'une lettre, un héritage oublié qu'on me lègue, légué par un défunt oublié. Je me suis retrouvé avec un bout d'église détruite, le prieuré d'Exham. Je ne sais pas pourquoi cette bâtisse à été détruite, mais j'ai le temps et l'argent pour redonner forme au bâtiment. J'ai dû réclamé avec insistance, un anglais avec un fort accent français entre les lèvres, les archives sur ce prieuré. C'est la dernière fois avant un bon bout de temps que je fais la route dans un taxi, car l'église est achevée après deux ans de travaux, et des soucis de rongeur. C'est donc avec soulagement que je pose mes valises dans ma nouvelle demeure d'été.
Les ouvriers ont fait un travail fantastique. La demeure est sur trois étages, avec une dizaines de chambres, des salles de bain à tous les étages, un large salon, et une cuisine, ainsi que quelques autres pièces sans importances. J'ai invité des collègues de bureau pour occuper le plus possible cet demeure. Je n'ai pas voulu modifier plus que cela l'architecture d'origine, je n'ai même pas voulu mettre de la domotique, cette demeure est le plus authentique possible. Je visite toutes les pièces, m'émerveille de tous ces boiseries, du carrelages, des dorures, de la faïence, et des couleurs chaudes que dégagent la tapisserie. Je fini ma visite par par le grand lustre de cristal à l'entrée, éclairant le hall et les escaliers.
Un peu plus tard, je m'extirpe des préparatifs de la petite beuveries que j'ai commandé. J'ai délégué tous cela à des professionnels de l'événementiel. Je dépense sans compter comme dirait l'autre. Une crémaillère à la hauteur de ma demande n'est qu'un minimum pour une bâtisse comme celle-là. Je commence à vagabonder dans les étages quand j'entends comme des petits pas dans les murs. Je colle mon oreille à l'un d'eux, dans le couloir du second. En écoutant attentivement, j'entends bien le passage régulier d'animaux, la présence de rongeur. Je pensais que ce problème était réglé, me voilà bien embêté à devoir appeler une société de dératisation, qui ne pourra pas venir avant la cérémonie. Je vais devoir donc faire avec, en espérant que je ne devrais pas expliqué la chose à mes convives...
Le soir venu, tout le monde est venu, tous ceux qui ont bien accepté mon invitation. Tous les cadres de ma société sont là à boire du vins d'Ecosse et à manger des petits canapés, sans trop se soucier de moi. Je sais que ce sont dès pic-assiettes, mais au moins, j'aurai inauguré la maison...
« Mange.... »
Je me retourne. Une voix lointaine vient me chuchoter ce mot, une voix presqu'inhumaine. Je pense avoir rêvé, et je rejoins mes collègues pour discuter travail, famille, et banalité.
« Mange....
- Ça ne va pas Yves ? »
L'un des cadres avec qui je discute me voit tressaillir. J'ai encore entendu cet hallucination auditive. C'est aussi que j'ai faim, je n'ai pratiquement pas mangé depuis ce matin, le temps de tout organisé, on m'appelé à droite à gauche...
« Mange... »
Je commence à angoisser. Je préfère m'absenter en mentant sur un soin-disant contrôle à faire au niveau de la cuisine, et je quitte le salon qui commence à supporter des gens alcoolisés.
« Mange... »
Je n'arrête pas d'entendre ces voix, je trouve du pain, je commence à trancher des tartines pour étaler du pâté
« Mange... viande... fraîche... »
Je tressaille à nouveau. Je regarde autour de moi une cuisine vide de personne douée de parole. Je délire ou quoi ? Je deviens anxieux, ma vue ne sait où se fixer, mes oreilles n'entendent ce qu'elle ne veut t'entendre. Elles n'entendent plus le brouhaha du salon, je n'entends que le bruit des rats dans les murs, et cet voix lancinantes, presque dansante :
« Viande... Viande... »
Je commence à suer, je me mets ma main sur la bouche pour étouffer un cri imaginaire. J regarde autour de moi, et fixe le frigo. Il y a une juteuse dinde à l'intérieur, encore cru.
« Viande... Viande... »
Cette voix m'ensorcelle peu à peu, je n'entends plus qu'elle. Je résiste, la dinde n'est pas encore cuite, elle est pour demain. Fébrilement, je prends un couteau, et je coupe une tranche fine de gigot de dinde. Je la mange, le goût est horrible ! Pourquoi ai-je manger cette dinde crue ? Pourquoi j'ai cet voix qui m'assassine la tête ?
« Viande... humaine... »
Non... non... qu'est ce que je deviens ? Pourquoi j'ai des idées aussi morbide... bide... c'est un joli nom ça bide... un coup de couteau dans le bide... en plus, ils ont tous mangé... de la bonne viande juteuse...
je me gifle. Je ferme les yeux un instant, en mettant ma main devant la bouche pour empêcher un vomi imaginaire. Je respire un bon coup pour reprendre mes esprits. Les voix se taisent alors, et j'entends l'un de mes collègues prendre de mes nouvelles :
« Tu as l'air nauséeux, ça va Yves ?
- Oui, je lui réponds fébrilement. Je dois avoir chopé une maladie.
- Bienvenu en Ecosse mec. Tu devrais aller te coucher, je connais ça, c'est juste le mal du pays.
- Ouai... tu as raison... je suis au premier si on me cherche, faite comme chez vous, mais ne touchez pas au frigo, c'est pour demain. »
J'évite son regard pour qu'il ne voit pas la peur m'envahir. Et s'il avait raison ? Si c'était juste une maladie que j'ai attrapé ici... je salut tout le monde de loin, étonné de me voir les quitter très tôt. Les nerfs me lâchent d'un coup, accumulé durant la journée, et cet hallucination, et je me sens fatigué. Je rentre dan mes draps blancs, dans mon lit à baldaquin, je m'allonge, et ferme les yeux...
« Ils sont appétissant pas vrai ?
- Oui ils le sont...
- Mords en un pour goûter...
- Juteux, moelleux...
- Tu deviendras plus fort !
- Tu as très faim...
- Tu as une grosse envie de ... MANGER »
Je n'arrive pas à dormir, je n'entends que le passage de ces maudits rats dans les murs, et de ces voix, par centaines, qui m'ordonne de manger, de mordre, de dévorer mes compatriotes. Je m'enferme dans les couvertures, j'enferme ma tête dans le traversin jusqu'à en suffoquer, les voix ne s'atténuent pas. Je n'arrive plus à penser, je ne pense qu'à ces voix qui me demande de manger de la chair humaine... j'ouvre les yeux, et je sors effrayé de mon lit : les draps étaient devenus rouges sang.
Je les entends, je les entends piétinés entre les murs, j'entends leurs mâchoires...
« Mange... »
Je devient fou. Je n'ai pas réussi à dormir, j'entends des bruits de partout, des voix qui me font devenir cannibale et pour couronner le tout, mon estomac commence à crier famine...
« Faim... tu as faim... viande... juteuse...moelleuse... mange... »
Je me mets en position fœtal, les mains sur mes oreilles :
« Arrêtez s'il vous plaît, arrêtez s'il vous plaît, arrêtez s'il vous plaît, arrêtez s'il vous plaît, je ne fais que répéter.
- Tu as le droit de manger...
- Écoutes ton estomac...
- Humain inutile pic-assiette...
- Bien dodu, bien musclé...
- Délicieux fois gras d'humain...
- POURQUOI ÇA S'ARRÊTE PAS !!! »
Tout tourne dans la tête, le bruit, les voix, la faim, cette faim qui me tiraille le ventre, qui m'empêche de me concentrer, une faim qui me dévore, une faim sans fin... Je me lève, mon corps réagit à des spasmes incontrôlés. Mon ventre me réclame à manger, une faim si immense que je n'ai plus le choix maintenant. Je descends les escaliers, un sourire sadique entre les lèvres. Je prends un large couteau de cuisine affûtés, mon visage et celui d'un dément. Ils sont là, endormis sur le canapé pour certain, rond comme des cochons, de délicieux cochons... j'égorge le premier, le second, et le troisième, avant que les autres ne se réveillent et s'enfuit de peur. Je suis recouvert de sang, je lèche méticuleusement le pourtour de mes lèvres. Délicieux !
« Mange... »
Mon estomac me tiraille encore une dernière fois, avant que je ne mord dans le biceps du premier que j'ai égorgé. La chair est filendreuse, la graisse se mêle au goût de la viande. Je m'arrête pour savourer cet instant, ce goût si exquis et juteux, le sang me coule de la bouche. Je reprends une autre bouché, et une autre, et une autre. Mes spasmes se calment, et se transforme en rage dévorante. Je m'attaque au jambes, j'arrache la jambe gauche pour rogner l'os, je deviens un animal carnassier. Je dévore le second, puis le troisième, avant de me rendre compte que ma rage m'a fait beaucoup trop manger. Ma folie glisse en douleur insoutenable, je peux sentir mon estomac se déchirer sous la pression. La douleur me fait évanouir dans la mort que je mérite. Je ne vois plus les rats sortir des grilles de ventilations, me grignoter par millier, en devenant leurs gardes-mangés.
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