Jour 3 : Rôti
(Attention, l'écrit qui va suivre peut heurter la sensibilité de certains lecteurs.)
L'odeur de la rue est pleine de choses appétissante ce soir. Il y a ce doux fumé provenant de la boulangerie, celui des épices du restaurant asiatiques, l'arôme fumant de kebab entêtant. Toutes ces bonnes odeurs m'ouvrent l'appétit. Cela me rappelle nombre de souvenirs. J'allais souvent chercher le pain à la boulangerie avec ma mère lorsque j'étais petite. On y restait parfois plusieurs heures à discuter d'un peu tout et n'importe quoi. Elle m'achetait toujours un biscuit en forme de tête de chat. C'était un biscuit sablé dans lequel était enfermé une gelée à la fraise. C'était tellement bon ! J'en demandais à chaque fois. Quand à elle, c'était plus un croissant ou un pain au chocolat accompagné d'un café au lait. On aurait pu aller dans le simple café du coin pour déjeuner ainsi mais elle voulait absolument aller dans cette boulangerie. "Le pain y est meilleur" disait-elle. Et c'était les seuls à faire mes biscuits. Quand j'y repense, cela me fait sourire et un sentiment indescriptible me gagne. Un mélange entre de la tristesse, de la joie et de la haine.
L'odeur du restaurant asiatique se fait plus présente, dominant celle de la boulangerie. Je regarde à travers la vitre et vois une famille manger en rigolant, le père s'occupant de la petite fille. Quel mensonge. Un être aussi vil peut-il réellement sourire aussi franchement à sa progéniture ? C'est idiot. Et la mère les observe, le sourire aux lèvres. Ils me font pitié. Eux et leurs vies idéales. La famille n'est qu'une illusion. Surtout quand le père est présent en son sein. Comment faire confiance à un homme qui "remplit" ce rôle ? Cela peut-être un simple profiteur. Qui te dit que tu ne retrouveras pas ta fille cuite et rôtie demain ? Hein ? Et ça se prétend mère ? Protège ton enfant de lui bon sang. Ou il la dévorera !
Je sens tout à coup des regards sur moi et tourne la tête vers leur origine ; plusieurs passants se sont stoppés pour m'observer avec insistance. Quoi ? Vous avez un problème ? Mes yeux froids les fusillent et ils se dispersent peu à peu. Dégagez. Je ne veux pas voir vos visages. Je ne veux pas de votre haine, de votre inquiétude, de vos commentaires futiles et inutiles. Je ne suis pas dignes de tout ça. Après tout ça je suis une anomalie. Un sourire se dessine sur mes lèvres. Fou et torturé à la fois. Je n'ai pas choisi d'être une anomalie. Alors stoppez votre attention sur moi !
Une odeur prononcée de rôti me saute aux narines. Mon ventre gronde aussitôt. Tellement longtemps que je ne me suis rien mis sous la dent. Ça en devient de la torture. Je ne sais même pas comment je peux encore tenir debout... Peut-être parce que c'est nécessaire et obligatoire, que si je ne le fais pas, personne ne le fera pour moi. Sûrement pour ça.
Mes pas se dirige vers la provenance de cette douce odeur de rôti. Elle me rappelle celle de ceux de maman. Elle en faisait le dimanche quand elle avait le temps et qu'Il n'était pas là. Lorsque nous étions seule l'une pour l'autre. On se suffisait, je n'avais besoin de personne d'autre dans ma vie que d'elle. Je m'en sortais parfaitement, j'avais de bonnes notes, je travaillais bien, j'étais sage. Je n'ai jamais eu besoin de lui continuer à avancer. Mes pas s'accélèrent, le fumé du rôti se renforce. Puis une fumée. Noire. Et des cendres. Je cours. L'odeur. Elle est si puissante ! Je n'en peux plus ! je dois dévorer ce qui sent aussi bon !
Je tourne enfin dans la rue d'où tout cela provient. Et c'est là que je le vois. Mon repas. Un cadavre fumant. Comme lui. A cause de lui. Tout est de sa faute. TOUT ! Si je suis comme ça, c'est de sa faute ! La faute de ses vices ! De ses satanées habitudes ! S'il n'avait pas mis le feu, je ne les aurais jamais eu ! S'il ne l'avait pas brûlé, elle serait toujours là ! S'il ne l'avait pas tué et dévoré, je serais toujours une personne comme les autres ! Je n'aurais jamais pris ses habitudes de vivre avec lui ! Pas une de ces choses ! Pas une anomalie ! Pas l'un de ses monstres nécrophages et cannibales ! Je n'associerai pas une odeur de rôti à "ça" ! Je penserai simplement à nos dimanches, à la cuisine de maman, à des choses normales ! Des souvenirs heureux !
Je préfère disparaître plutôt que de continuer. Le feu me paraît une bonne idée. Après tout, la maison d'où s'est échappé le corps est encore en feu...
Je me demande quel goût j'aurais une fois rôtie à point.
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