Retrace II; I: Loïs

Ma vie n'a aucune importance pour les autres, aucun impact et la plupart ne se souviennent pas de moi, je marque leur vie un instant et puis ils m'oublient. Mon corps n'est qu'un simple objet de divertissement ou d'épouvante. Un bec de lièvre qu'on m'a sculpté dans le nez et les lèvres, les oreilles qu'on m'a cousu sur la tête et les moustaches qu'on m'a enfoncé dans les joues. Un monstre hybride, un humain souillé comme tout les autres ici.

C'est Papa qui nous a fait ça.

Il n'est pas notre père, il nous a acheté et il nous à sculptés selon son imagination pour nous placer dans son cirque macabre. Il est un génie sans aucun doute, puisque aucun de nous n'est mort de ses expériences, même si les oreilles me font mal quelques fois, j'entend avec et je peux les bouger. Dans notre cirque, ils sont tous comme moi, des hybrides fusionnés avec des animaux divers, ma meilleure amie, qui était là avant moi à été fusionnée avec une chèvre, elle se fait appeler Aries et sert de guide aux visiteurs. Deux enfants, jumeaux ont été fusionnés avec des lions, ils font des tours d'adresse sous les ordres de Papa, ils s'appellent Léo et Lucius. Une petite fille, Océane qui à été fusionnée avec un poisson, qui repose seule dans une baignoire. Ces personnes sont ma famille, la seule que j'ai jamais eu. 

Le cirque des non-humains. 

Des enfants achetés sur le marché noir, modelés des mains d'un dieu improvisé. Des gens qui n'ont leur place nulle part ailleurs que dans le cirque. Nous ne sommes ni humains ni animaux, nous n'avons nulle part où aller.

Le déroulement d'une journée au cirque se passe toujours de la même manière, le matin, très tôt, on se levait et Papa nous apporte notre nourriture dans nos cages. Nourriture adaptée à nos animaux respectifs. Légumes pour moi, donc. Parfois, Aries réussit à nous échanger notre nourriture entre nous quand elle est libre de circulation. Après le petit déjeuner, Papa nous rappelle les consignes quand les spectateurs sont là. Je pourrais les réciter par cœur. 

Règle numéro 1: On ne touche pas les clients et on essaye pas d'interagir avec eux, sauf si ils nous le demandent.

Règle numéro 2: Agir comme nos animaux attribués, pour une meilleure illusion.

Règle numéro 3 et la plus importante: Avoir l'air heureux. 

Après cela, les premiers spectateurs arrivent, comme les horaires du matin ont des tarifs réduits, ce sont généralement des gens pauvres qui viennent nous voire, ils sont amusant ceux-là. Ils sont ébahis de voire des créatures dont même les pires légendes populaires ne parlent pas. En général ils se contentent de regarder et de se poser des questions du genre; "De quel pays tu viens ?" "Est-ce que tu as des pouvoirs magiques ?" et toutes sortes de questions d'enfant. J'aime beaucoup ces personnes là. Ils ne nous voient pas comme des monstres mais comme des créatures fantastiques. 

Puis vient l'heure du repas, Papa vient avec son chariot de nourriture et nous les distribue devant les spectateurs, parfois, il autorise les enfants à nous nourrir. Je me souviens d'une petite fille qui m'avait donné une carotte en tremblant de tout ses membres. Elle était trop mignonne, j'ai voulu lui donner une petite tape sur la tête mais Papa m'a donné un coup de cane sur la main et m'a sévèrement grondé. 

Ensuite les spectateurs partent. Nous avons un temps de pause et nous discutons entre nous, des spectateurs la plupart du temps, ou nous rassurons les nouveaux qui ont passé leur matinée à pleurer. Je suis une des plus ancienne du cirque après Aries, c'est mon devoir de les aider. Puis Papa nous fait cesser et les spectateur de l'après-midi entrent. Des nobles pour la plupart. Eux, je les déteste. Ils nous regardent de haut en nous appelant monstres, ils demandent à nous voire de plus près, alors Papa nous sort de nos cages et on doit faire des tours devant ces gens pour les impressionner. En général, je chante des chansons populaires, les nobles ne les connaissent pas car c'est le petit peuple qui les chantent, alors ils sont impressionnés. Une fois, pendant mon numéro, un spectateur m'avait lancé de la boue à la figure, et tout le monde à rit, je lui ai donné un coup de pied. Il a appelé Papa et il lui a dit que j'avais essayé de l'attaquer et le tour du jour a été de voire combien de coups de cane j'allais supporter avant de tomber dans les pommes. La réponse est cinquante. 

Quand le soir vient, Papa nous félicite et nous redonne de la nourriture. Puis il nous ordonne d'aller nous coucher. Et c'est tout les jours la même chose. Je me sens comme un vulgaire objet, que l'on pose sur une étagère quand on s'est lassé de lui. Rien venant de moi n'a un impact sur ces gens, je ne suis qu'un point dans leur vie qui disparaîtra au point suivant. 

Bref, comme je l'ai dit, nous ne sommes rien.  Je ne suis rien. 

Aujourd'hui encore, l'après-midi vient de commencer et les gens me regardent de haut, une fois de plus. Un homme s'approche de ma cage, il n'est pas habillé comme les autres nobles, il a un chapeaux gris et un long manteau de la même couleur, il m'observe quelques instants avant de me demander;

"Sais-tu parler ?

- Oui Milord. Je sais parler."

Il se tourna vers son domestique derrière lui, un géant avec une grosse barbe, et lui demanda.

"Va me chercher le propriétaire, c'est cette fille-là que je vais interroger, elle m'a l'air plus agée que les autres.

- Bien, maître Glen."

Le géant partit, je considère l'homme, il est blond et a de longs cheveux, des yeux bleus et une peau pâle, il a aussi l'air fatigué et malade. Il s'approche de ma cage.

"Je m'appelle Glen Lazulite, et toi ?"

C'était la première fois qu'un noble me disait son nom, et pire, me demandait le mien, je devint alors méfiante.

"Loïs. 

- C'est tout ? Tu n'as pas de nom de famille ?

- Non Milord. 

- Je ne suis pas un Lord, tu peux arrêter avec ça. Monsieur suffira.

- D'accord, Monsieur. Pourquoi vous voulez me parlez, Monsieur ?

- J'ai des questions à te poser, je préfère le faire en face de toi que à cinq mètres de distance et toi dans une cage."

Le domestique revint avec Papa. Ce dernier ouvrit la cage et me fit sortir. Il attendit que je sorte et demanda.

"Quel tour, voulez-vous qu'elle fasse, Milord ?

- C'est pas un Lord. J'ai murmuré.

Il me donna un coup de cane.

- Quelle insolence ! Pardonnez-la, Milord. S'excusa Papa.

L'homme fronça les sourcils. 

- Je ne suis effectivement pas un Lord. Laissez nous s'il vous plaît, j'aimerai lui parler seul à seul. 

- Ce n'est pas possible, Monsieur, le règlement l'interdit.

- Permettez moi d'insister. Dit-il en regardant Papa dans les yeux.

- Je regrette Monsieur, c'est impossible. Soutint Papa.

Le Monsieur eut un air ennuyé et sortit une carte de sa poche et la montra à  Papa.

"Inspecteur en chef Glen Lazulite, de Scotland Yard. Je suis en train d'enquêter sur un trafic d'enfant et je vais poser des questions à cette demoiselle seul à seule. Puis je viendrai vous en poser à vous. 

Papa sembla avoir peur, il me fusilla du regard, comme si j'avais fait une bêtise. 

- Pardonnez-moi, monsieur l'inspecteur.

Il partit mais gardait un œil sur moi, l'homme se tourna vers moi, j'avais peur, je ne savais pas ce que signifiait tout ce qu'il avait dit à Papa. 

"Bien, commençons. 

- Non. Je veux pas que vous me posiez de questions, vous allez me faire du mal... Ou faire du mal à Papa.

Il sourit.

- Ecoute Loïs, je suis de la police, et la police est là pour protéger les gens. Et là, j'essaye de protéger des enfants qui sont achetés et utilisés par des gens mauvais. Les indices m'ont amenés ici. J'ai besoin de ton aide pour capturer ces gens mauvais, d'accord ?

Il ne semblait pas mentir, mais le regard de Papa me faisait peur. Je pouvais deviner le nombre de coup de cane que j'allais recevoir rien qu'en regardant ses yeux.

"Je regrette mais je ne peux pas.

Le policier se tourna vers Papa qui détourna les yeux. 

- Ecoutez, mon brave, je suis ici pour faire mon enquête et je n'ai pas l'intention de me laisser importuner par vous, j'ai mon arme de service avec moi et si vous n'allez pas surveiller vos autres créatures, je vous la ferai goûter.

Papa sembla très fâché.

- C'est une menace ? Vous me menacez ? Chez moi ? 

- Vous menacez cette jeune femme de même, elle est terrifiée ! Regardez- la !

- Je fais ce que je veux de mes employés. Ca ne vous regarde en rien Monsieur l'inspecteur.

- Employés ? 

Il se tourna devant moi et me demanda.

- Vous recevez de l'argent pour vos tours, mademoiselle ?

Non évidemment, mais je ne savais pas si Papa allait aimer ma réponse. Papa me donna un coup de cane.

- Répond à l'inspecteur !!

- Non je ne reçois pas d'argent !! Dis-je en protégeant mon visage. 

Il me donna d'autres coups de canes. Le policier demanda à son domestique de l'arrêter et le géant souleva Papa comme si c'était un brin de paille. Il me prit la main.

"Ca va aller, répondez juste à mes questions et je vous promet qu'il ne vous donnera plus jamais de coups.

- Très bien... 

- Comment tu es arrivée ici ?

- Mes parents m'ont vendue.

- Et les autres ? 

- Je crois que Papa les a achetés. 

La main du monsieur commença à trembler il commença à accélérer.

- Est-ce que vous êtes nourris ?

- Oui...

- Est-ce que vous avez des lits et de quoi vous laver ?

- Non..."

Sa main commençait à serrer la mienne, il arrêta soudain de parler, il tremblait de tous ses membres. Il me faisait mal avec sa main ! J'ai essayé de le pousser, il commençait à dire une suite de mots sans aucun sens et ça à toute vitesse. Le domestique lâcha Papa et se dirigea vers lui, l'homme avait commencé à pleurer, il le fit lâcher ma main, l'homme tremblait énormément.

"Monsieur, reprenez - vous, vous faites encore une crise."

L'homme mit ses mains sur son visage et commença à le gratter en pleurant toutes les larmes de son corps, tout les spectateurs regardaient et personne ne comprenait ce qui se passait, mais l'homme commença à crier au meurtre et d'autres choses incompréhensibles. Son domestique regarda autour, puis il souleva son maître pour l'empêcher de se faire mal d'avantage. 

"Apportez moi une chaise et des cordes ! Vite s'il vous plaît ! Il a de la force !" 

Papa courut chercher une chaise et des cordes qu'il avait dans la réserve et revint près de nous, le domestique et quelques hommes autour vinrent aider à attacher l'homme sur la chaise. Il hurlait et essayait de s'échapper, le domestique sortit une fiole de sa poche et força son maître à en avaler le contenu. Après encore quelques minutes de cris, l'homme se calma complètement, puis il leva les yeux et regarda autour de lui.

"Donald... pourquoi je suis attaché... ? Et qui sont tous ces gens ? Et où est-ce qu'on est ? 

- Vous avez fait une nouvelle crise, Monsieur.

- Qu'est ce qu'on fait ici ?

- Pour votre enquête, vous étiez en train d'interroger la jeune fille." 

Il posa les yeux sur moi, j'avais peur à ce moment-là, je n'avais jamais vu personne agir de la sorte. Il ne semblait pas me reconnaître.

"Nous allons rentrer, Monsieur. Vous devez vous reposer.

- Le temps qu'on revienne, le gars sera partit, on prend la fille avec nous. Murmura t'il.

Je frémis, ils veulent que je vienne avec eux ? Hors du cirque en plus ? Je secoue la tête pour signifier mon désaccord. Hors de question que j'aille dans un endroit que je ne connais pas, avec des hommes que je ne connais pas. Papa aussi commença à se disputer avec l'homme, qui ne répondait que par des chuchotements. Le domestique finit par détacher son maître qui se blotti contre lui comme un petit garçon qui aurait peur de quelque chose. Il se tourna vers moi et Papa avant de déclarer;

"Nous partons et nous emmenons la fille avec nous. De gré ou de force."

Je regarde alors Papa qui me fait signe de les suivre avec un regard furieux, mes amis me regardent avec inquiétude tandis que les nobles se pavanent toujours comme des paons avec leur air supérieur. Je baisse les yeux et je marche aux côtés du géant et de son maître, qui s'était endormi. Nous avançons jusqu'à une calèche, attelée à quatre chevaux blancs. Le domestique plaça son maître sur un siège et m'invita ensuite à m'asseoir, ce que je fis. Il monta avec nous après avoir fait signe au cochet de démarrer. Après quelques minutes de silence, le géant me sourit d'un air bienveillant. 

"Moi c'est Donald au fait.

- Loïs. 

- Il ne faut pas avoir peur, je n'ai rien d'un monstre, mon maître non plus. J'ai vécu dans une foire aussi tu sais, alors je te comprend un peu, même si ce que j'ai vécu n'a rien à voire avec ce que tu as subi. Mais je sais ce que c'est que d'être exploité.

- Merci... 

Je pose mon regard sur son maître;

- Ca lui arrive souvent ?

- Assez. Mais aujourd'hui je pense que c'était à cause de la fatigue, il a passé la nuit sur ses recherches, mais quelques fois, c'est pire. L'autre jour, nous avons dû le faire vomir parce qu'il avait mangé une sacré quantité d'insectes. 

- Berk... Et on ne peut pas le soigner ?

- On essaye, mais c'est long et difficile, sans compter que son métier lui génère énormément de stress alors ça empire, mais si il s'arrête de travailler il ne pourras plus nous payer ou payer ses médicaments.

- C'est triste... Murmurais-je.

Nous arrivons finalement devant une grande maison, elle était un peu terne mais pour moi qui n'étais jamais sortie du cirque, elle était très belle et impressionnante. Nous sommes alors rentrés et le majordome emmena son maître dans sa chambre, une femme arriva dans le couloir et cria en me voyant, heureusement, Donald redescendit à temps, juste avant qu'elle ne me donne un coup de balais dans la figure. Il lui expliqua la situation et lui demanda de me donner un bain et des vêtements propres.  Un homme à la peau marron arriva et fut également surpris de me voire, la femme lui donna des explications avant de partir accomplir sa tâche. L'homme avança vers moi.

- Je m'appelle Rupert, la demoiselle que tu as vu c'est Madeleine, Maddy si tu veux. 

- Loïs...

- Vous devez avoir faim, nous avons un reste de gâteau à la fraise si vous voulez.

- Un gâteau à la fraise ?

- Oui... 

- C'est quoi ? 

Il sembla très étonné;

"Vous savez quoi ? Je vais vous faire goûter."

Il quitta la pièce et revint peu après avec un morceau de quelque chose qui sentait très bon. Il me proposa de passer à table pendant qu'il allait chercher des couverts, le temps qu'il revienne, j'avais déjà mangé le gâteau. J'avais de la crème tout autour de la bouche et sur les doigts. C'était très bon mais vu le regard que me lança le majordome, je n'étais pas supposée le manger comme ça. Madeleine revint ensuite me chercher pour le bain, elle me conduisit dans une petite pièce ou un grand bol de porcelaine trônait au milieu de la pièce. Le bol était rempli d'eau chaude, elle me fit me déshabiller et entrer dans le bol de porcelaine. C'était chaud et assez confortable, le mieux était quand Madeleine m'aida à me laver, le lavage des cheveux était particulièrement agréable. 

Je me suis finalement endormie dans le grand bol, me sentant bien pour la première fois depuis longtemps. 

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