Lorsque Lacie rouvrit les yeux, toutes les infirmières étaient dans la salle de repos. Elle regarda sa montre et remarqua qu'elle avait raté l'heure du repas d'une demi heure déjà, elle sortit de la pièce et se précipita vers la cantine pour récupérer les plats de ses patients. Les couloirs étaient étrangement calmes et l'atmosphère plus lourde que de coutume, il y avait une inhabituelle odeur de souffre. Elle cessa de courir et commença à marcher plus silencieusement, en guettant le moindre bruit. Aucun bruit, ni les rires du Chapelier, ni les pas de Cheshire dans la ventilation, rien du tout. Devant la cantine, et dedans aussi d'ailleurs, il n'y avait absolument personne et aucun des plats n'étaient prêts. On aurait dit un endroit abandonné ou un décor de film d'horreur, elle entendait des bruits parasites, comme à la radio, des murmures... Elle secoua la tête en se disant qu'elle dormait probablement encore et qu'elle était en plein rêve. Elle finit par se pincer aussi fort que possible et fut bien obligée de réaliser que ce qu'elle prenait pour un rêve était bien la réalité. Entourée par le silence glaçant du Carroll's Asylum, elle ne pouvait que trembler et imaginer les pire scénarios qui auraient pu conduire à une pareille situation.

Lacie sursauta tandis que des chants religieux raisonnaient dans l'asile. Elle se figea sur place en entendant ceci. Elle commençait à avoir de plus en plus peur, elle décida de retourner dans la salle de repos le plus vite possible. Alors qu'elle trottait dans les couloirs, elle entendit les pas de Cheshire dans la ventilation, il était plus rapide que d'habitude et semblait se diriger vers un endroit précis. Elle suivit les bruits en courant jusqu'au 3ème étage, alors qu'elle sortait de la cage d'escalier, elle entendit une grille de ventilation tomber, et quelques paroles inaudibles, puis des pleurs d'homme, une voix qu'elle n'avait jamais entendu avant. Elle avança doucement vers la source des bruits. Cheshire était accroupi devant un homme qui pleurait en se tenant le visage, l'homme avait des cheveux noirs profonds, avec de beaux reflets bleus. Il se tourna vers Cheshire et murmura;

"Je n'en peux plus... Je n'en peux plus... Elle me parle, dans ma tête... Elle me contrôle... Je veux qu'elle me tue, Ash... Je veux qu'elle me tue... 

- Il faut 'etou'er dans vot'euh cellule mon pè'e... Lui répondit Cheshire. 

L'homme se leva en tremblant, il était aussi grand que Lewis et portait un habit de prêtre, il tremblait de tout ses membres, le duo se tourna vers Lacie qui sursauta, l'homme pleurait des larmes de sang, du sang noir, dégoûtant qui lui tombait sur les joues. Le prêtre remarqua Lacie, il se tourna vers elle et la montra du doigt.

"Partez. furent ses seuls mots, articulés d'une voix tremblante. 

Cheshire se tourna vers Lacie avec un regard effrayé, l'homme s'immobilisa et sous les yeux médusés de la jeune fille et le regard impuissant de Cheshire, ses pieds quittèrent le sol et il s'éleva au dessus du sol. La voix du pauvre homme se fit plus effrayée.

"Non... Pose moi par terre, Lewis ne t'as pas appelée... Il faut retourner dormir... "

Ses yeux devinrent blanc et une voix de femme caverneuse raisonna. 

"Pas maintenant misérable petit Loir, Jabberwocky a faim, Jabberwocky veut manger...  "

Un sourire dentu déforma la bouche du prêtre qui fixait Lacie de ses yeux blancs, cette dernière sentit ses jambes se dérober sous elle et elle tomba à genoux. La silhouette flottante se rapprocha de la jeune femme en glissant dans l'air en récitant des paroles étranges.

" Il était grilheure ; les slictueux toves

Sur l'alloinde gyraient et vriblaient ;
Tout flivoreux étaient les borogoves
Les vergons fourgus bourniflaient." 

Cheshire lança un de ses couteaux dans le dos de la chose , cette dernière se stoppa lorsque la lame pénétra sa chaire, il saisi le couteau, le retira de son dos dans un craquement inhumain avant de le renvoyer au chat d'une force inestimée. Le garçon eut juste le temps de se jeter sur le côté pour éviter la lame qui déchira son sweat, puis la chose poussa un hurlement inhumain qui fit vibrer les murs et le sol. Elle s'éleva encore plus haut, il était maintenant allongé au dessus de Lacie et souriait toujours, ses dents menaçantes et pointues bien visibles, prêtes à dévorer la jeune femme vivante. Lacie était paralysée par la peur et sentait de la sueur froide couler le long de son dos, des frissons parcourir tout son corps et des larmes couler le long de ses joues, tout les sons étaient bloqués au fond de sa gorge et elle entendait son cœur battre à tout rompre. La chose tandis sa main griffue vers Lacie et caressa sa joue, puis d'un geste de main, il souleva le corps de la jeune femme sans même la toucher. Elle sentit un a un ses membres quitter le sol, perdant tout ses repères. Les chants religieux n'étaient plus qu'un son lointain. Lacie regardait la chose dans les yeux, incapable de bouger ou de parler, ni même de détourner les yeux, elle était comme happée par les yeux vides de la créature. 

Elle se sentit soudain très détendue, le froid avait disparu et une douce chaleur commençait à l'envelopper, sa respiration se calma et ses muscles se détendirent et elle ferma les yeux, elle sentait comme un poids quitter doucement son corps, elle sentit soudain une pression froide sur ses lèvres. Elle crut entendre la voix de Cheshire mais elle semblait si loin, et elle était si bien, elle entendit deux autres voix qui semblaient elle aussi très lointaine et pourtant si proches, la voix d'Olivia... et une autre qu'elle n'avait jamais entendue mais qu'elle avait l'impression de connaître, Charlotte. Puis des dizaines, des centaines de voix qui lui murmuraient de partir, de ne pas se laisser faire, Lacie aurait aimé les écouter mais la torpeur avait prit possession de tout son corps et elle se sentait partir. Elle se sentit soudain tomber de ce qui semblait être plusieurs mètres, une infinie distance, puis elle perdit la notion de ce qui l'entourait. 

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle se sentait comme dans une bulle, tout était flou et les sons semblaient être lointains également. Puis tout redevint clair, Lewis la tenait dans ses bras et claquait des doigts devant son visage. Les bruits redevinrent clairs à leur tour et elle entendit le directeur lui demander;

"Vous m'entendez ? Vous pouvez me parler ? 

Sa bouche était pâteuse, comme après une soirée  bien arrosée. Néanmoins elle parvint à répondre;

"Oui... 

- Comment vous vous appelez ?

- Lacie... Euclase... 

-  Et vous savez où vous êtes ? 

Elle regarda aux alentours et eut du mal à recoller les détails, elle mit plusieurs secondes à reconnaître le bureau de Lewis.

- A l'asile, au quatrième étage, dans votre bureau.

- Bien, est ce que vous pouvez vous lever ? Ou même bouger ?"

Elle remua doucement les mains et les pieds mais elle ne se sentait pas capable de se lever ou de tenir debout, elle leva les yeux vers Lewis et réussi à articuler;

"Qu'est ce qui s'est passé ? 

- Et bien mademoiselle, on vous a trouvée aux mains de Jabberwocky, en train de vous faire dévorer vivante, votre âme tout du moins. Vous nous avez fait une peur bleue et à vrai dire, si Cheshire ne m'avait pas apitoyé en me suppliant de ne pas la laisser vous tuer je peux vous assurer que vous ne seriez pas dans mon bureau à l'heure qu'il est. 

- Dévorée vivante...? Par Jabberwocky ? Qui est-ce... ?

- La personne, enfin la personne, l'antithée qui partage son corps avec le Loir. Il y a eu une faille dans la sécurité aujourd'hui et elle à réussi à sortir de sa cellule. Nous avons donc enclanché la procédure d'urgence mais vous vous êtes jetée dans la gueule du loup en ne la respectant pas. J'aurais pu vous laisser mourir pour cela. 

- Je suis désolée... Où est Cheshire ? Et pourquoi est-ce que cet homme l'a appelé Ash ? 

- Ash ? Aucune idée, ça doit faire partie de son délire, il est abreuvé de somnifère du matin au soir, nul doute qu'il a des hallucinations. Quant à Cheshire, il est parti peu après que je vous ai sauvé, il ne m'aime pas beaucoup. Mais il est sans doute en train d'attendre près de ma porte."

Il souleva la jeune femme et la fit s'asseoir sur une chaise, il lui servit du thé avec beaucoup de sucre pour qu'elle se remette sur pied rapidement et qu'elle quitte son bureau, il n'avait jamais d'interactions avec ses employées et les évitaient au maximum. Lacie engloutit sa tasse de thé rapidement et regarda son patron qui semblait assez nerveux. Comme mal à l'aise, Lacie posa sa tasse de thé, elle sentait que ses forces commençaient à revenir. 

"Alors, qui êtres vous dans ce délire ? Demanda t'elle d'un ton assez impoli, mais elle estimait qu'après avoir vécu une expérience de mort imminente, ses bonnes manières pouvaient aller se faire foutre. 

- Ce délire, petite sotte, est mon pays des merveilles. Et... a vrai dire je me suis toujours identifié au Dodo. 

- Sérieusement ? Vous êtes la tête pensante de cet endroit et vous vous comparez à un vulgaire dodo ? 

- Je suis toujours plus haut qu'une simple carte. La discussion est terminée. Dehors."

Elle ne se fit pas prier et sortit de son bureau en boîtant légèrement. Comme l'avait prédit Lewis, Cheshire sauta de la bouche d'aération la plus proche et courut vers Lacie avant de l'enlacer le plus fort possible. Elle le câlina en retour et embrassa sa petite tête noire. Il refusa de la lâcher pendant plusieurs minutes. Puis il leva ses grands yeux larmoyants vers elle et lui signa avec vigueur;

- Pourquoi tu es arrivée !? Idiote !!

- Je suis désolée Cheshire... Je ne savais pas en quoi consistais la procédure et je me suis inquiétée quand je t'ai entendu courir dans les conduits. 

- Jabberwocky est dangereuse, elle aurait pu te tuer !! 

- Je sais... Je te promet que je serais très prudente à l'avenir. signa t'elle de ses mains tremblantes. 

- Je te déteste. Signa t'il avant de croiser les bras. 

- Je ne le referai plus... Dis-moi Cheshire, pourquoi est-ce que le Loir t'as appelé Ash ?

- Je ne sais pas... Peut-être un surnom à cause de la couleur de mes cheveux. 

- Sans doute... "

Elle soupira et regarda aux alentours, tout était redevenu calme et serein et l'atmosphère n'était pas plus lourd que d'habitude.

"Je crois que je vais faire une pause, Cheshire. Je vais demander deux semaines de congé et prendre une bonne pause.

- Tu ne veux plus me voire ?

- Si, si ! Mais je suis fatiguée et j'ai besoin de me retrouver, de passer du temps avec ma famille, mon copain...

- Tu as de la chance d'avoir une famille.

- Mais toi aussi tu as une famille, j'en suis sûre.

- Ma famille est ici, mais elle est cassée en mille morceaux. J'ai pas envie d'une famille comme celle-là.

- Je suis désolée... j'aurais aimé pouvoir t'aider plus que je ne le fais. Avec mes vacances je serais revenue pile pour le jour de noël, et on le fera en famille ! Tous ensemble !

- Et on aura des cadeaux ? Demanda t'il.

- Bien sûr.. sourit elle en caressant sa petite tête noire.

Cheshire eut l'air tout content et se mit à sautiller partout comme une sauterelle en riant joyeusement. Il tapait dans ses mains et tournait autour de Lacie avant de lui signer.

"C'est quoi mon cadeau !?

- C'est une surprise.

- Mais je veux savoir !!

- Le but de noël c'est de faire des surprises aux gens, si je te dis ton cadeau maintenant tu n'auras plus de surprise.

- C'est pas juste. Lewis me dit toujours ce que je vais avoir à l'avance.

- Il t'offre des cadeaux ?

- Des objets liés à Cheshire. C'est lui qui m'a offert mon sweat.

- Et bien moi je vais t'offrir autre chose que ça mais je ne te dis pas quoi.

Il croisa les bras et fit une moue boudeuse. Lacie ne céda pas et le laissa faire sa petite crise. Elle se dirigea vers la chambre du Chapelier avec le petit être qui tapait du pied derrière elle, le but de l'opération étant de dégager le cadavre de son amie en espérant que le psychopathe aie fini de jouer avec. Elle passa sa carte dans le verrou et ouvrit la porte. Le jeune homme dormait dans un coin de la pièce, il n'avait pas trop abîmé le corps et avait dû se contenter de... Lacie ne voulait pas savoir. Elle tira le corps en dehors de la cellule et la ferma avant de le ramener dans la sienne. Elle la mit dans son lit et tira les couvertures sur elle. Elle caressa son front et frissonna en remarquant qu'il était encore chaud malgré les nombreuses heures passées après le décès. Elle espérait que Cheshire ai raison. Elle sortit de la cellule après avoir laissé une petite lettre d'excuses à son amie lapine. Le petit chat l'attendait dehors en boudant toujours.

"Je ne te le dirais pas. Maintenant je vais voire la reine pour lui demander un congé. Toi fais ce que tu veux. Signa t'elle d'un air un peu maternel. Ensuite elle se dirigea vers le quatrième étage et frappa à la porte du bureau de la DRH. On lui somma de rentrer, la jeune femme rentra en regardant ses pieds, connaissant les habitudes de sa collègue. Puis elle leva les yeux en remarquant qu'elle était habillée. Elle lui expliqua qu'elle souhaitait poser ses 15 jours de congés dès le lendemain, cette journée ayant été trop pleine en émotions. La reine rouge nota quelques mots sur son ordinateur avant de lui faire un signe de tête en guise d'approbation.

"Soyez de retour dès le lendemain du dernier jour. Pas de retard.

- Évidemment que non. Soupira Lacie. Son regard se posa sur un diplôme au dessus d'une commode.

"Li-Xia Wong, diplômée en psychologie, 1901."

Elle ne resta pas plus longtemps dans son bureau et partit pour finir sa journée, nourrir les patients et quitter une fois de plus l'asile, pour longtemps cette fois.