Chapitre 15
Dans une petite maisonné, à peine plus grande qu'une cabane d'enfant, deux jeunes garçons passaient leur temps.
Tout deux blond, une couleur choisi à l'unisson, ils cachaient leurs cheveux sous d'épais bonnets rosâtres. Autrefois ils les portaient blanc, ils avaient tenté le bleu, le vert, le jaune, le orange, le violet, le gris, le beige, le mauve, le marron et le rouge. Mais le blanc restait la couleur qu'ils préféraient, car elle s'associait parfaitement à leurs visages junevilles.
Cette tentative de rose était décevante d'ailleurs, et ils pensaient déjà à changer pour revenir à leur teinte de prédilection.
Le plus vieux des garçons, étrangement plus petit en taille, fit glisser un papier entre ses doigts, si rapidement que l'un des bords vient créer une petite entaille sur le haut de son index.
Un bref juron échappa de sa gorge alors qu'il voyait sa peau devenir rouge autour de la coupure, cette dernière s'emplissant lentement de fines gouttelettes rouges.
- Chenle ? Qu'est-ce-qu'il se passe ? Demanda le second garçon, le plus jeune mais également le plus grand des deux.
- Rien, je me suis coupé. Pourquoi faut-il que le papier soit aussi tranchant ? Lui qui est pourtant si faible ? Il me faudrait à peine 5 secondes pour le réduire en miette.
Il porta son doigt à sa bouche, suçotant le maigre sang qui s'en deversait, et fourra la feuille dans les mains de Jisung. Ce dernier le fixa un instant dans comprendre, avant de poser ses yeux sur le papier qui avait toute les allures d'une invitation.
- Qu'est-ce-que c'est ?
- Ça vient du Chapelier, c'est arrivé ce matin, expliqua Chenle en grimaçant sous le goût de fer dans sa bouche.
- Une invitation à une fête ? Un bal ? Un mariage ? Un enterrement ?
- J'y est pensé, mais non ça n'en est pas une.
Prit de curiosité, Jisung déplia l'invitation afin d'entreprendre une lecture de cette dernière. Mais, contre toute attente, seul trois petits mots noirs tachaient la surface blanche de la feuille.
"Jouez avec elle"
- Elle ? Qui est-elle ? Demanda-t-il en tendant la lettre à son ami.
- Une fille sans aucun doute, si ça avait été un garçon il y aurait écrit "Jouez avec il".
- On ne dit pas plutôt "jouez avec lui" ?
- Bien sur que non ! Cela rend la phrase vraiment laide.
- C'est vrai, tu as raison Chenle.
- J'ai toujours raison.
- C'est vrai. Et donc, ce elle, qui-est-ce ?
- Peut-être un garçon ?
- Mais tu as dit que ça devait être une fille.
- Que tu es bête Jisung, "elle" ne peut vouloir décrire qu'un garçon.
- Vraiment ?
- Bien entendu !
- Oh, tu es si intelligent Chenle !
- Je le suis bien plus que toi.
- Sans aucun doute. Bon, ce "elle", qui est-ce ?
- Qu'est-ce-que j'en sais moi ? C'est toi le cerveau de nous deux.
- Ah c'est vrai ! Je suis bien plus intelligent que toi !
- Bien entendu ! Tu es si intelligent Jisung !
- Je le sais. Et donc, ce elle, qui est-ce ?
Les deux jeunes hommes prirent place autour de la table, les yeux fixant le morceau de papier comme si celui-ci renfermait une énigme bien complexe.
Chenle suçotait toujours son doigt blessé, et Jisung en vient bien vite à l'imiter sur son propre doigt, bien que ne présentant pas la moindre blessure.
Chenle suçotait le doigt de sa main droite, Jisung celui de sa main gauche, comme un reflet parfait dans le miroir.
Ils restèrent un long moment ainsi, avant que le plus jeune ne vienne prendre la parole.
- Ne devrions-nous pas nous concentrer sur le mot "jouer" ? "elle" n'a peut-être aucune importance.
- Oh quelle bonne idée !
- Et donc, ce "jouer", que signifie-t-il ?
Chenle afficha soudainement un grand sourire, presque aussi étiré que celui du fameux Chat du Cheshire, et Jisung l'imita dans la foulée.
Bien qu'au font, il ne connaisse pas la raison de ce sourire.
- Attend ! C'est le Chapelier qui a envoyé cette lettre !
- Mais oui ! Pourquoi je n'y ai pas pensé !
- Parce que je suis plus intelligent que toi Jisung.
- C'est vrai, tu es si génial Chenle.
- Lucas veut qu'on joue... Mais jouer avec qui ?
- Et bien... Avec "elle" ? Mais oui ! Il veut qu'on joue avec "elle"!
- Oh mais oui ! "Jouez avec elle" ça signifie qu'il veut qu'on joue avec elle ! Par le nez d'un lapin, que tu es intelligent Jisung !
- Je sais, je suis le plus intelligent de nous deux.
- Ah oui c'est vrai. Bon affaire résolu ?
- Affaire résolu !
Sur ces mots, les deux jeunes garçons partirent dans une série d'applaudissement qui dura bien longtemps.
Si longtemps que leurs mains en deviennent aussi rouge que le sang qui ne gouttait plus par le doigt de Chenle.
°°~~°°
Jaemin avait fini par s'assoupir, le visage toujours reposé sur l'épaule de Renjun.
Ce dernier l'avait maintenu comme il pouvait, mais aurait bien vite été écrasé sous son poid sans l'aide bienvenu de Jeno.
- Quel idiot...
Le violoniste avait simplement lâché cette insulte en portant Jaemin sur son épaule, des traits contrariés se formant sur son visage alors qu'il prenait la direction de la maison.
- Tu es là depuis quand ? Demanda Renjun en lui emboîtant le pas.
- Le début.
- Oh... Et donc tu...
- J'ai tout entendu, si c'est ce que tu te demandais.
Renjun hocha doucement la tête, sa lèvre venant trouver place entre ses dents pour se faire mordiller un peu.
Trop de réflexions se mélangeaient dans son crâne, remplaçant les sentiments emmêlés qui s'étaient doucement calmé depuis son étreinte avec Jaemin. Ce dernier l'avait apaisé sans même le vouloir, alors que pourtant il avait semblé le plus mal au point des deux.
Ça serait mentir que de dire que Renjun était vraiment fier de ce moment, surtout en sachant que Jeno y avait assisté.
Il savait que les deux garçons avaient été un couple, il devinait également que Yerim était la cause principale de leur rupture. Dans ces conditions, câliner Jaemin n'avait peut-être pas été la meilleure de ses idées.
Enfin, il ne savait pas trop ce qui était bon ou non de faire, tout était encore trop flou dans son esprit.
Que s'était-il vraiment passé il y a 10 ans ?
Qu'est-ce-que Yerim avait fait ?
Quel était son lien avec ce Doyoung ?
Pourquoi était-elle si persuadé que Jaemin voulait leur mort ?
Quelle était la profondeur de la relation entre Jaemin et Jeno ?
À quel point ces deux-là s'étaient-ils aimé ?
Comment en étaient-ils arrivé à se détester ?
Et surtout, est-ce-qu'une relique de sentiment amoureux résidait encore en eux ?
Trop de question qu'il devait ajouter à cette liste déjà si longue.
Trop de question qui ne tournaient qu'autour d'une seule et même personne.
Alice.
Renjun ne saurait même pas dire s'il avançait vraiment à découvrir la vérité, ou s'il s'enfonçait seulement dans un brouillon d'interrogation sans réponse.
Et tout cela lui donnerait presque mal à la tête.
Il ne pourrait pas découvrir la vérité tout seul, c'était bien trop complexe pour lui.
Il lui fallait un allié, une personne qui pourrait lui fournir les informations dont il avait cruellement besoin, ou du moins le guider à découvrir par lui-même ce qui c'était passé.
Un allié qui n'était pas Mark, Ni même Jeno ou Jaemin.
Le Loire avait bien dit qu'il n'obtiendra rien d'eux s'il demandait directement, il fallait qu'il soit subtile et un poil manipulateur pour obtenir des réponses.
Il lui fallait une personne en apparence détaché de tout, une personne qui ne gardait pas remord des événements et qui pourrait facilement s'enfoncer à ses côtés dans la noirceur d'un passé ensanglanté.
Et, bien malheureusement pour lui, il ne voyait qu'une seule personne, dans son entourage proche, qui pourrait remplir ce fameux rôle.
- Ah vous voilà enfin ! Amber commençait tout juste à nous préparer le repas ! S'exclama Haechan en accueillant les trois garçons avec un signe enjoué de la main.
Renjun vit que Jeno levait les yeux au ciel, rapidement imité par Mark, toujours assit auprès du chat sur le canapé.
Haechan ouvrait à peine la bouche que tout le monde en était déjà excédé, parfois il pourrait presque inspiré la pitié s'il ne restait pas aussi impassible.
- Je ne prépare pas de nourriture pour toi sale matou ! Cria Amber depuis la cuisine.
- Pff, ça manque de gentillesse par ici.
Haechan disparut soudainement du canapé pour réapparaître accroché au bras de Renjun, son doigts logé sur le front de ce dernier.
Il tapotait doucement la rougeur qui tachait sa peau depuis qu'il s'était cogné, provoquant ainsi une faible douleur qui fit grimacer le blessé.
- Tu vas avoir...
- Une bosse, j'ai compris, le coupa-t-il en dégageant la main du chat de sa blessure.
- J'allais dire un bleu, mais une bosse c'est possible aussi. Vous avez assommé mon petit Jaemin ?
Renjun leva les yeux vers le chasseur, toujours paisiblement endormie sur l'épaule de Jeno. Ce dernier commençait visiblement à avoir du mal à supporter le poids du garçon, ses jambes tremblaient légèrement alors qu'il posait un regard mauvais sur la main que Haechan enroulait autour du bras d'Alice.
- Il est pas assommé, ce con s'est endormi.
- Ça n'est pas une raison pour l'insulter, tu es vraiment méchant Jeno.
- Oui oui je suis méchant. Je vais le montrer en haut, ne m'attendez pas pour manger.
Sur ces mots, le violoniste remonta le corps sur son épaule et prit le chemin des escaliers.
En passant devant le canapé, où Chen et Sehun étaient assis avec Dodo, il ignora royalement les regards insistant que ses aînés lui lançaient. Ces deux derniers désaprouvaient clairement son comportement. Même s'ils ne faisaient aucune remarque à voix haute, cela se lisait dans l'expression de leurs visages.
Renjun resta immobile durant un petit instant, son cerveau fumant toujours sous les rouages d'un plan très très bancal qui se formait dans sa tête.
Il savait bien que son idée était des plus mauvaise, mais pour le moment il n'en avait pas de meilleure.
Il allait devoir tenter le tout pour le tout, et sûrement signer un pacte avec un horrible petit diablotin.
- Il faudra qu'on discute après, toi et moi, souffla-t-il à l'oreille d'Haechan.
Ce dernier pencha la tête sur le côté en souriant, visiblement aussi curieux qu'impatient à l'idée de cette conversation.
- À propos de ?
- Tu verras.
Renjun retira la main du chat de son bras, et ignora à son tour les regards de tous alors qu'il emboîtait le pas à Jeno en lâchant un bref "je reviens".
Il sentit les yeux inquiets que Mark posait sur lui et se doutait bien que son ami se posait des questions sur ces agissements. Mais pour le moment il ne pouvait pas lui expliquer, tout était encore trop compliqué.
Et puis, Mark était bien le premier à faire des cachotteries, ça serait malvenue de sa part de lui en vouloir s'il se mettait également à y prendre goût.
En arrivant à l'étage, Renjun constata que la porte de la chambre de Jeno était grande ouverte, signe que ce dernier s'était sûrement rendu à l'intérieur.
Ça fut effectivement le cas, le violoniste couchait justement Jaemin sous les draps de son propre lit.
Le geste était fait avec une extrême douceur, contrastant avec le ton dur et froid avec lequel le noiraud s'adressait toujours quand il parlait au rosé.
Les doigts de Jeno effleuraient le corps de Jaemin, comme si ce dernier était une petite chose fragile. Comme si le simple contact trop brutal d'un drap pourrait le briser en un millier de morceaux.
C'est ainsi que l'endormi semblait à cet instant, il parraissait si faible et vulnérable qu'on ressentait le besoin incontestable de le cajoler et le protéger avec la plus grande des délicatesse. Et encore plus quand, dans la tendresse de son sommeil, il en vient à se recroqueviller sur lui même et attrapa le bord de la couverture pour la serrer contre son corps.
Renjun avançait silencieusement à travers la pièce, ne sachant même plus ce qu'il comptait faire quand il avait suivit les deux garçons.
Est-ce qu'il avait vraiment eu quelque-chose en tête ? Ou les avait-il juste suivit instinctivement ?
La vision de Jeno, adoptant des gestes doux envers le chasseur, l'avait perturbé au point qu'il ne sache même plus ce qu'il venait faire là.
- Il ne dort pas quand il est seul, il a constamment besoin d'une présence à ses côtés, confia Jeno dans un murmure.
Renjun leva les yeux sur le noiraud, ce dernier n'ayant pas quitter Jaemin du regard.
Ses doigts étaient encore posté sur les extrémités du drap, pourtant bien relevé jusqu'au cou de l'endormi.
- Même quand il était petit, il allait constamment dans le lit de son grand-frère pour dormir. Je ne sais pas pourquoi il est comme ça, mais c'est plus fort que lui.
Un petit hochement de tête fut la seule réponse que le violoniste obtenu.
Renjun voulait dire beaucoup de choses, il voulait poser beaucoup de question. Mais rien ne sortait, il était juste capable de détailler le visage fatigué de Jeno.
- Je pensais qu'il dormirait avec Haechan, mais ça n'a visiblement pas été le cas. J'aurais dû m'en douter, Haechan est un peu...
- Tu prend vraiment soin de lui.
Jeno eu un léger sursaut, comme s'il avait oublié la présence de Renjun dans la pièce.
Il en était presque venu à parler pour lui même, évoquant des choses qui, pourtant, ne devraient pas être dite face à Alice.
- C'est bizarre... vous êtes vraiment bizarre tout les deux. J'aimerai vraiment te demander de m'en parler, mais je me doute bien que tu ne voudras pas, continua Renjun.
- De... De t'en parler ? À toi ?
- Pourquoi est-ce-que tu agis comme ça ?
Jeno cligna une ou deux fois des paupières, sa tête se penchant légèrement sur le côté alors qu'il détaillait le visage de son vis à vis. Renjun tentait de rester impassible, le regard franc et le menton relevé. Il lui fallait donner un air autoritaire s'il voulait obtenir des réponses, et ce malgré le brouillard infâme qui obtruait toujours ses pensées.
- Comment ça ? Demanda Jeno, visiblement perplexe.
- Avec lui et... Avec moi. Tu es bizarre, pourquoi est-ce que tu as tant insisté pour venir alors que tu ne me connais pas ? Et que tu "detestes" Jaemin ?
- Ça ne te plaît pas ? Que je sois là ?
Une drôle de fissure se faisait entendre dans sa voix, comme si les mots de Renjun s'étaient transformé en une pointe douloureuse qui s'enfonçait dans la chair du violoniste.
- Non ce n'est pas ça ! Enfin... Je suis content que tu sois là et... Je t'aime bien tu sais, mais... Enfin... Je me posais la question parce-qu...
Ses mots moururent dans sa gorge dans un son étranglé alors que Jeno, ayant rapidement contourné le lit, venait de se planter face à lui. Son visage était désormais si prêt que Renjun pourrait le détailler à la perfection, de ses pupilles noires légèrement voilé, au grain de beauté sur le haut de sa joue jusqu'à ses lèvres qui...
Elles tremblaient, ses lèvres.
- Parce que tu... Vous...enfin...
Ses mots se mélangeaient et il ne savait plus ce qu'il avait voulu dire. La proximité de Jeno le perturbait tellement qu'il en venait à doucement reculer sur le parquet.
Mais la fuite était voué à l'échec, car à chaque pas qu'il faisait en arrière, Jeno en faisait un nouveau à l'avant.
- Tu...
Plus aucune phrase correcte n'était capable de sortir de sa bouche, son esprit ne pouvait plus faire autrement que de se concentrer sur le regard perçant de son vis à vis, ainsi que sur le souffle chaud que Jeno laissait s'écraser sur son visage.
La proximité s'accentuait, et il ne cherchait même plus à reculer.
- Pourquoi crois-tu que je sois là ? Renjun ?
La voix de Jeno n'était plus fissuré, et ses lèvres ne tremblaient plus.
Il semblait désormais avoir repris tout ses moyens, malgré ses yeux toujours rouge et certainement piquant de larmes.
- Penses-tu que je sois là pour Jaemin ?
La main du violoniste trouva place sur sa joue, le faisant frissonner.
Renjun se sentait à la merci total d'un Jeno devenue étrangement différent. Loin du discret et gentil violoniste, il semblait désormais fort, effrayant, envoutant et presque... Séduisant.
Ce changement de comportement n'était que de trop dans un moment comme celui-ci, ou ses pensées et sentiments étaient déjà si compliqué à mettre en ordre.
- Alors tu es là... Pour quoi ? Demanda-t-il avec une petite voix.
Jeno ne répondit pas, le fixant juste avec une certaine fascination.
Ses doigts caressaient la peau de sa joue, alors que ses pupilles mouvaient sur l'ensemble de son visage, comme découvrant un sublime cadeau.
Renjun deglutit, mal à l'aise face à ce regard qui le détaillait en toute part, mais il ne s'y dégagea pas pour autant.
Il y avait quelque-chose dans les yeux de Jeno qui le poussait à demeurer statique, quelque-chose qui faisait tambouriner son cœur au point où ça en devient douloureux.
Personne ne l'avait jamais regardé comme cela, personne ne lui avait jamais fait ressentir une telle chose avec un simple contact visuel.
Les doigts de Jeno, sur sa peau, semblaient soudainement brûlant.
Une brûlure agréable, s'ajoutant à la chaleur réconfortante que leurs corps dégageaient.
Renjun ne prenait même plus en compte leur intense proximité, trop concentré sur le visage qui se trouvait en face.
Le visage de ce violoniste, qu'il avait déjà trouvé si beau et envoûtant à la fête, et qui semblait l'être encore plus vu de près. Un visage viril et parfaitement taillé, garnit d'une forme de beauté presque pur qui se mélangeait à l'impression de force.
Décidément, Lee Jeno était un homme remplie de contraste. Parfois aussi robuste qu'un loup et à d'autre moment aussi adorable qu'un jeune chiot.
Et cela plaisait à Renjun, tellement qu'il attendait inconsciemment que la distance entre leurs visages se réduise enfin, bien qu'il n'osait pas instaurer le geste.
- Il est là pour toi.
Cette réponse, offerte par la voix endormie de Jaemin, ne les fit même pas sursauter.
Ils ne se détachèrent pas non plus l'un de l'autre, Renjun dirigea simplement sa tête vers le chasseur.
Ce dernier était toujours allongé sous la couverture, le corps tourné dans leur direction et le visage fermé.
Il ne les regardait pas vraiment, sûrement consciemment, et fixait un vide situé à leurs pieds.
- Jeno, si tu te decides à l'embrasser, ne le fait pas devant moi.
Renjun frissonna face au ton froid employé par Jaemin. Il tourna une nouvelle fois la tête pour refaire face à celui qui était toujours collé à lui, ne sachant plus bien quoi faire sous cette atmosphère devenue étouffante.
Jeno avait baissé la tête, le regard désormais porté sur son propre torse. Sa main n'avait pas quitté la joue de Renjun, bien qu'il ait cessé toute caresse.
- Je n'allais pas le faire, souffla-t-il d'une voix rauque.
Jaemin lâcha un petit ricanement, qui sonnait bien plus amer qu'amusé.
- C'est ça, et bien à l'avenir pense à l'embrasser loin de moi.
- Je ne le ferais pas.
- L'embrasser ? Ou le faire devant moi ?
Jeno releva doucement la tête et repositionna son visage face à celui de Renjun. Son regard resta un instant figé sur les lèvres du garçon, puis remonta jusqu'à ses yeux.
Il ne répondit pas, laissant simplement le silence parler pour lui.
Jaemin sembla comprendre, puisqu'il hocha la tête, mais Renjun resta perplexe.
Aucun de ses questionnements n'avaient vraiment été résolu, cette conversation en avait simplement rajouter quelques autres.
Et puis, même s'il arrivait à peine à se l'admettre, une frustration grandissante brûlait en lui face au silence de Jeno.
N'allait-il vraiment pas l'embrasser ? Ni ici, ni jamais ?
Cette idée avait un goût de déception, le cerveau de Renjun s'étant déjà pleinement préparé à l'idée d'un baiser.
Il savait que cela aurait été une erreur. Lui et Jeno se connaissaient à peine, et la relation du noiraud avec Jaemin ne semblait ni clairement règlé, ni vraiment terminé.
Ça aurait juste été malsain, surtout si le chasseur était profondément endormi à leur côté. Ou pire, bien éveillé à les regarder faire.
- Dans ce cas, pourquoi est-ce ta main reste accroché à sa joue ? Demanda Jaemin en se redressant légèrement.
À peine eut-il fini de parler que Jeno se recula immédiatement, comme si le corps de Renjun l'avait soudainement électrocuté.
Il resta un instant immobile, les yeux sur sa main, donnant l'impression qu'il la reprimendait intérieurement. Puis il sembla se ressaisir et tourna la tête vers Jaemin.
- Tu devrais te reposer, si tu n'es pas assez en forme pour marcher on te laissera derrière.
Renjun constata que le ton employé était de nouveau froid et qu'un voile de sérieux mêlé à l'ennuie avait de nouveau fait place sur le visage du violoniste.
Il semblait redevenu le Jeno qu'il connaissait depuis le début, laissant la faiblesse ou le désir masqué derrière d'intenses pupilles blasées.
- D'accord, mais chaton reste avec moi, répondit Jaemin avec un sourire de nouveau narquois.
Les deux semblaient avoir retrouvé les personnalités qu'ils montraient depuis le début. Toute les faiblesses qu'ils avaient dévoilé plus tôt avaient été balayé d'un revers de main, si bien qu'on pourrait presque penser à un mirage que Renjun aurait imaginé.
Et c'était perturbant, tellement qu'il les fixait tout deux en fronçant les sourcils. Comme s'il tentait de les analyser en voyant à travers les masques qu'ils avaient revêtu.
Il était tellement concentré dans ses réflexions qu'il ne compris pas tout de suite que Jaemin parlait de lui en disant "Chaton". Ce n'est que quand celui-ci le tira par le bras, pour le faire tombé sur le lit, qu'il se reconnecta à la réalité.
- Amber a sûrement fini de préparer le repas, Renjun doit manger, affirma Jeno
- Va lui chercher une assiette et revient ici alors, moi je ne le laisse pas partir.
- Jaemin...
- Si tu l'emmènes vous risquez de vous embrasser, moi ça ne me plaît pas.
Renjun eu un hoquet de surprise alors que Jaemin enroulait ses bras autour de son ventre, la tête venant reposer sur son épaule avec une mine boudeuse.
Jeno sembla hesiter un bref instant, puis il poussa un soupir qui annonçait un abandon de sa part.
- Je reviens, lacha-t-il en passant la porte.
Jaemin afficha un sourire satisfait avant de s'allonger sur le matelas, entraînant Renjun dans sa chute.
- Grâce à moi tu vas avoir un petit-déjeuner au lit, tu devrais me remercier... chaton.
Renjun ne répondit pas, se contentant d'un bref soupir en regardant le plafond. Il se sentait vidé, comme si son cerveau, à force de réfléchir, ne demandait plus que du repos bien mérité.
Le soleil s'était levé il y a peu, mais il avait le sentiment que des jours entiers s'étaient écoulé depuis son dernier rêve.
Il sentit que Jaemin le serrait contre lui, approchant son visage afin que son nez se retrouve collé à sa joue.
Cette même joue qui avait accueilli les doigts brouillant de Jeno un peu plus tôt.
- Tu es en colère ? C'est parce que je vous ai interrompu ? Lui demanda Jaemin avec une voix d'enfant.
- Tu n'as rien interrompu.
- Si si, vous alliez vous embrasser. Au début j'ai pensé à vous laissez faire et à juste détourner les yeux... puis je me suis rendu compte que ça faisait mal.
Tu sais, là.
Jaemin lui prit la main et la mena à son cœur, comme il l'avait fait un peu plus tôt quand il s'était ouvert à lui. Les battements du chasseur retentissaient sous sa paume, plus rapide que la moyenne.
- Je ne veux pas que vous vous retrouviez seul sans moi. Même si je ne suis pas là pour voir, l'idée qu'il puisse t'embrasser m'énerve.
Leurs visages se décollèrent un peu, juste pour que Renjun se tourne et se mette face à Jaemin.
Aucun des deux ne souriait, ils avaient simplement planté leurs yeux les uns dans les autres avec une expression des plus sérieuse.
Tel deux rivaux, sachant pertinemment qu'ils convoitaient la même chose.
- Ne tombe pas amoureux de lui, ordonna Jaemin.
- Pourquoi pas ?
- Parce que, le jeu n'est pas équitable. Tu pars avec un avantage, tandis que moi je suis handicapé jusqu'au cou.
- Un avantage ? Quel avantage j'aurais ?
- Il ne pourra pas te résister, si tu te decides à le séduire. Il ne résiste jamais bien longtemps face aux Alices, la malédiction est plus forte que lui.
Renjun cligna plusieurs fois des paupières pour signaler son incompréhension.
Une malédiction ? Quelle malédiction ?
- Tu sais, je déteste les Alice à cause de ça, à cause de ce que vous provoquer en lui, continua Jaemin sur un ton soudainement nostalgique.
- Tu me détestes ?
- Je viens de le dire, je déteste les Alice.
- Ça ne répond pas à ma question.
- Si.
- Non, je ne te demande pas si tu déteste ou non Alice. Je veux savoir si tu me détestes moi, Huang Renjun.
Jaemin ne répondit pas, il ferma simplement les yeux avant de se positionner sur le dos.
- Dois-je en conclure que la réponse est oui ?
Toujours aucune réponse. Renjun émit un nouveau soupir, colérique cette-fois, avant de se tourner à son tour.
Il tenta même de se redresser, mais Jaemin lui tenait toujours la main et ne semblait pas désireux de la lâcher. Il resserra simplement sa prise, accentuant la pression sur sa poitrine afin que Renjun ressente encore plus les battements.
- Je ne dors pas, si je suis seul.
- Je sais, Jeno me l'a dit.
Jaemin ouvrit de nouveau les yeux et tourna les pupilles vers Renjun. Il le detailla un long moment, dans un silence complet qui fut seulement coupé par un bruit de pas dans les marches.
- À la fête, quand tu étais ivre, tu as dit que j'étais beau, confia le rosé.
- Ah oui ?
Les lèvres de Jaemin s'étirèrent légèrement, dans un petit sourire à l'apparence bien triste.
- Tu as aussi dit que Jeno était beau, mais que nous étions pas beau de la même manière. Qu'est-ce-que ça signifiait ?
La porte de la chambre s'ouvrit, et Jeno entra munit de deux assiettes garnit de nourriture. Il resta sur le pat de la porte, une expression d'incompréhension marqué sur le visage.
- J'avais trop bu, je ne me souviens pas avoir dit ça, avoua Renjun.
- Les mots ont toujours un sens, j'aimerais connaitre le sens de tes mots à toi.
- Un sens ? Depuis que je suis ici j'ai l'impression que rien n'a de sens.
- Rien n'a jamais eu de sens dans ce pays, intervient Jeno.
Ce dernier ferma la porte à l'aide de son pied, avant d'avancer jusqu'au lit où il déposa une assiette.
Renjun se redressa lentement, sa main toujours enfermé par celle de Jaemin qui avait de nouveau fermé les yeux.
- À des moments, je me dis que tout ça est un rêve. Que vous n'existez que dans mon imaginations et qu'en réalité je me suis juste endormie à cette foutu fête où mes parents m'ont traîné.
- Les Alice disent toute ça, Peut-être que c'est le cas, lui répondit Jeno.
- Peut-être oui.
- Si tout cela est un rêve, alors tu dois être plus fou encore que n'importe qui ici, affirma Jaemin.
Le Chasseur tapotait doucement sur sa main, à l'allure d'un tic tac d'horloge. Il se mit même à tripoter la montre toujours accroché à son poignet et dont Renjun avait même commencé à oublier l'existence.
- Parfois je me dis que ça serait bien que les Alice ait raison, que nous ne soyons que le fruit de leurs imaginations, ajouta Jeno.
Renjun avala un bout de sa nourriture, le regard vaguant doucement entre ses deux camarades.
Un rêve, une illusion, le fruit de son imagination...
Il ne savait pas vraiment si l'idée que tout ceci ne soit pas réel lui était vraiment plaisante.
Dans un sens, il préférait ce monde au sien, aussi étrange que soit les habitants du pays des merveilles.
Aussi étrange que soit ces deux garçons, avec qui un lien invisible se forgeait sans même qu'il n'en prenne conscience.
Un lien qui s'enroulait sur son corps, et qui le piegeait lentement.
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