Média : Creep – Radiohead
Jeudi 24 octobre 2019
Je suis dans l'avion de retour du rendez-vous à Chicago. Natasha me parle mais je ne l'écoute pas. Mon esprit est préoccupé par le silence de Bella, aucune nouvelle d'elle depuis mardi matin. J'ai d'abord eu peur qu'il lui soit arrivé quelque chose. J'ai contacté Daniel pour qu'il me rassure mais comme il est en déplacement avec Angela Armanini, il n'a pas pu m'en dire davantage. Je suis donc contraint d'avouer mes craintes à Natasha qui bien entendu se moque de moi.
— Elle est mordue de toi crétin, cela crève les yeux, déclare-t-elle
— Tu crois ? Alors pourquoi elle ne m'a pas répondu hier lorsque je l'ai appelée ou encore ce matin, le SMS que je lui ai envoyé pour lui proposer de passer la soirée ensemble. Je sais qu'elle l'a lu, regarde il y a l'accusé de réception en dessous de mon message. Quelque chose m'échappe.
— C'est ton sang-froid qui se fait la malle. Déstresse cousin, je suis sûre qu'il y a une raison logique. Si cela peut te rassurer, je demanderai des nouvelles à Sandro lorsqu'on aura atterri.
— Sandro, alors tu es passée au surnom toi aussi, la taquiné-je pour me détendre. C'est sérieux entre vous ?
Parler de ma cousine me fera oublier pendant un instant mon anxiété.
— Disons que depuis la soirée au Loft, on s'est revus plusieurs fois et qu'on a un peu dérapé, avoue-t-elle en rougissant.
— Ohh, regarde-moi ! Depuis quand tu rougis en parlant d'une de tes conquêtes toi ?
— Pfff t'es bête, se marre-t-elle. Là c'est différent, il me plaît vraiment. Je ne sais pas comment te dire, il me ressemble. C'est un hédoniste qui aime la bouffe, l'alcool et la baise. Et avec le sport, il a un corps, je ne t'en parle même pas !
— C'est bon, épargne-moi les détails sur l'anatomie du frère de ma copine. Et pour ta bisexualité, il en pense quoi ?
— Je ne lui en ai pas encore parlé. Pour le moment, il me suffit, il est aussi doué avec sa langue qu'avec sa...
— Ça ira comme ça, l'interrompt-je. Si tu veux un conseil, ne te change pas pour un mec, il doit t'accepter comme tu es. Donc n'attend pas trop avant de lui avouer tes penchants. On ne sait jamais, je ne voudrais pas que tu souffres et par la même occasion que tu mettes en péril le partenariat.
J'ai à peine le temps de terminer ma phrase que l'hôtesse annonce notre arrivée à New-York. Cette discussion m'a fait du bien, elle m'a permis de me changer les idées et je n'ai même pas senti la phase d'atterrissage qui me ramène à la réalité, le silence de Bella.
En attendant le taxi, Natasha envoie un message à Alessandro certainement pour le voir ce soir et récupère des informations sur Bella comme promis. Visiblement mon Ange a été malade mais a quand même assuré sa présence à la joaillerie pour travailler sur la première création WithArmanini. Je me sens à la fois rassuré qu'elle ait pu aller au bureau mais je ne m'explique toujours pas son absence de réponses à mes messages surtout en ayant la certitude qu'elle les a reçus. L'angoisse m'assaille de nouveau, pourquoi me fuit-elle ? Serait-ce la soirée avec ses amis qui lui aurait redonné des doutes sur notre relation ? Autant de questions fusent dans ma tête auxquelles il me faut absolument des réponses ce soir.
Le chauffeur me dépose en bas de chez moi, je lui glisse un billet et sans attendre la monnaie, je file au parking récupérer ma Tesla. Je fonce en direction de Greenwich Village. La circulation est fluide ce qui me permet d'arriver rapidement en bas de chez Bella. Je gare ma voiture et jette machinalement un regard en direction de ses fenêtres. La lumière qui se diffuse à travers les vitres me rassure sur sa présence chez elle.
Au fur et à mesure que je monte les escaliers, la boule d'angoisse grossit dans ma poitrine. Et si elle ne voulait plus me voir et ne m'ouvrait même pas. Je le saurais très vite et sans plus me poser de questions, je frappe à la porte. L'attente me paraît interminable mais soudain j'entends le bruit de son verrou et le battant s'entrouvre me laissant apercevoir enfin mon Ange.
Mais ma liesse de la retrouver est éphémère, les traits de son visage sont tirés, aucun sourire, aucune lueur dans ses yeux de biche ne viennent éclairer son minois habituellement si doux. Elle me tourne le dos pour se diriger vers sa cuisine, sa démarche est lasse et je constate qu'elle s'est déjà changée pour enfiler un t-shirt large et un pantalon de yoga. Même si l'accueil n'est pas à la hauteur de mon attente, au moins, elle me laisse le champ libre pour entrer chez elle.
Sans bruit, je lui emboîte le pas et vais m'installer sur une tabouret haut de l'autre côté de l'îlot central. Elle ne me parle pas, ne me regarde pas mais pose un verre de whisky face à moi. Cette femme est parfaite. Elle porte son verre de vin à ses lèvres, elle ne m'a visiblement pas attendu pour boire un verre. Cela ne lui ressemble pas.
Le son de « Creep » de Radiohead me parvient aux oreilles et les paroles de Natasha dans l'avion me reviennent en tête. Je suis vraiment un imbécile de ne pas lui avouer mes sentiments. Car à cet instant en l'observant si distante, mon cœur se brise. Je dois lui dire à quel point elle est spéciale, la rassurer, si je ne veux pas la perdre définitivement. Alors j'avale une gorgée de liquide ambré et me lève pour la rejoindre.
Je saisis délicatement son visage dans le creux de mes mains pour river ses yeux aux miens. Même si son regard reste lointain, je prends mon courage et me lance, de toute façon je n'ai plus rien à perdre vue l'état dans lequel elle se trouve.
— Bella, je vois bien que quelque chose ne va pas. Je t'aime mon Ange et je ne supporte pas de te voir triste. Parle-moi s'il te plaît car je ne comprends pas ce qu'il t'arrive.
Ses iris noisette se mettent à briller et alors que mes yeux glissent vers ses lèvres qui se crispent, elle repousse mes bras pour se libérer de mon emprise et part se réfugier vers la fenêtre.
— Bella...
— Tu n'as pas honte, me coupe-t-elle le regard toujours fixé dehors. Tu viens jouer le bellâtre ici. Tu ferais mieux de la rejoindre. Je ne veux plus de toi chez moi.
Sa voix est sèche et détachée, comme si son âme avait perdu le souffle de joie de vivre qui l'anime.
— De quoi parles-tu mon Ange ?
— Ne m'appelle plus comme ça, je ne suis plus rien pour toi. Rentre chez toi, je ne veux plus te revoir.
— Mais Bella c'est insensé, m'effondré-je en m'approchant d'elle. Je t'aime, tu m'as ensorcelé la première fois que je t'ai aperçue au restaurant pour l'ouverture de la Fashion Week. Tu ne pouvais pas me voir mais tu l'as ressenti toi aussi cette attraction, tu as passé la soirée à tourner la tête dans ma direction.
Elle pivote pour me faire face. Son visage est empli d'incompréhension, mais avant qu'elle n'ouvre la bouche, je continue :
— J'ai su que mon cœur serait à toi dès le lendemain lorsque nos yeux se sont aimantés. Bella, nous sommes différents mais comme le Yin et le Yang, on se complète pour former le parfait équilibre. Je t'en supplie, ne me rejette pas.
— Et Amber, elle est quoi ? La dinde que tu gardes sous le coude et que tu vas te farcir pour Thanksgiving ? me balance-t-elle amèrement.
— Qu'est-ce que tu racontes ? Qu'est-ce qu'elle vient faire là ?
— Donc tu ne nies pas avoir une liaison avec elle ?
— Bella, je ne peux pas te mentir, oui j'ai couché avec elle mais c'était avant de te connaître. Je ne t'ai pas caché que j'avais eu des relations avec des femmes, mais elle n'a jamais compté pour moi. De plus Amber est mariée, donc c'était juste une aventure sans lendemain. Mais comment la connais-tu ?
— Elle est venue me voir à la boutique, c'était elle ma cliente pour la montre. Elle s'est présentée comme ta compagne et avec tout ce qu'elle connaît sur toi, ta famille, tes amis, tes passions, elle était crédible, se radoucit-elle.
— La garce ! Elle a voulu se venger en t'atteignant. Je suis désolé mon Ange, elle n'aurait jamais dû s'approcher de toi. Dès demain je lui enverrai un message pour la voir et elle va payer le mal qu'elle t'a fait, tenté-je de la rassurer en la prenant dans mes bras.
— Ne fais surtout pas ça, si tout ce que tu me dis est vrai, elle attend d'avoir un tête-à-tête avec toi. Elle veut te reconquérir, constate-t-elle avec lassitude. Demain matin, j'ai rendez-vous avec elle pour lui présenter la création qu'elle m'a commandée. Tu n'auras qu'à venir à la joaillerie. Daniel sera là normalement.
— Tu as raison mon Ange, je viendrai et je te prouverai que tu peux avoir confiance en moi, conclus-je en la serrant contre moi.
Aussitôt, son parfum vanillé envahit mes narines, je me sens apaisé, j'ai retrouvé ma place auprès d'elle. Je me penche pour l'embrasser tendrement et elle ne me repousse pas.
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