Act I: Starry night


Il était 11:11 du soir quand Kaan chevaucha maladroitement la rambarde usée du vieux perron. Sa mère était paisiblement endormie ayant succomber à la fatigue de sa énième crise de larmes, elle s'en remettra au petit matin, elle oubliera et passera à autre chose, du moins c'est ce que Kaan aimait se dire. Si i il n'y avait personne pour le réconforter, il se réconfortera seul, il était accommodé, habitué et entraîné à ce rouage amer. Il avala sans trop réfléchir le chewing-gum qui occupait sa bouche depuis l'heure du dîner qu'il n'avait pu savourer, la casserole de soupe ayant valser contre le mur avant même qu'il ne pu sentir la douce odeur du potage. Il entendit des voix qui s'élevaient parmi les aboiements de chiens et les conversations qui se heurtaient aux barrières invisibles des fenêtres mis-closes .Un claquement de porte, un moteur qui vrombit et un coup de klaxon accompagné d'un geste si gracieux, si élégant , qui impliquait une position plutôt équivoque du majeur; le spectacle avait commencé;

"C'est ça! Enfuis toi encore une fois!" une voix grave mais croassante, porteuse d'un surplus d'émotions qui ne peut plus se contenir .

Kaan regarda attentivement le jeune homme qui venait d'émerger de la porte d'entrée jaune tournesol. Il pressa ses mains sur sa tête, comme si elle allait exploser et donna un coup de pied qui portait toute la frustration et la détresse du monde dans la poubelle métallique, provocant à l'occasion un vacarme dont le jeune homme irait sûrement s'en excuser auprès de ses voisins le lendemain matin. Ses yeux décoraient de minuscules veines rouges dérivèrent comme un bateau sur le large et rencontrèrent enfin un port d'exil, le regard cerné de Kaan.

"Quoi?" l'interpella-t-il soudainement

Kaan cligna des yeux bêtement, il garda le silence, bien blottit dans sa gorge. On lui reprochait moins de chose quand il était silencieux.

"T'as jamais vu une dispute?" relança-t-il, une mine agressive surplombé par des larmes et un nez ensanglanté qui le rendaient plus vulnérable que intimidant.

"Si..." Les murs de sa maison étaient tapissés de disputes, ses draps sentaient la dispute et son corps portaient les stigmates de ces disputes.

"Alors qu'est ce que tu regardes comme ça!?" Kaan ignora la question et descendit de la rambarde, faisant silencieusement son chemin jusqu'à la maison en face de la sienne, sous le regard confus surplombé des sourcils froncés de son interlocuteur.

"Tu as mal?" demanda -t-il en pointant son nez à une distance assez raisonnable pour ne pas l'effleurer. Le jeune homme loucha sur son nez, extirpant de l'estomac de Kaan un spasme quand il se retint de rire ;"N-non ça va... c'est juste le sang qui donne l'impression que c'est grave" répondit le jeune homme nonchalamment en haussant ses frêles épaules dissimulés sous un cardigan couleur vert d'eau, trois fois trop grand pour sa carrure plutôt chétif.

"Hum si tu le dis" Kaan haussa des épaules à son tour et la scène glissa de nouveau dans un silence perdu entre les bruissements de feuilles et la bagarre féline qui laissait une étrange sensation de chaos dans l'atmosphère.

"T'en veux une ?" Kaan posa les yeux sur la paquet de malboros que le jeune homme lui tendait d'une main écorché et tremblante.

"Non merci, je fume pas" Il l'avait peut être dit plus sèchement qu'il ne l'aurait voulu mais au moins le sentiment était transmit et compris.

"T'as raison, t'es probablement trop jeune pour ça de toute façon" répondit le jeune homme en insérant un bâtonnet de nicotine entres ses deux lèvres rêches et desséchées.

"Pas si jeune que ça" souffla Kaan d'une voix pratiquement inaudible, son compagnon de perron avait sûrement dû manquer cette remarque. Le clique d'un briquet retentit et Kaan observa du coin de l'oeil la flamme consumait la tête de la cigarette, il demanda;

"Tu t' appelles comment?"

"T'es de la police?" répondit le jeune homme en laissant un traîne de fumer blanche s'évaporer de sa bouche.

"Non mais ils passent souvent par ici" répliqua Kaan distrait par un caillou en forme d'étoile qui traînait à ses pieds. Il y donna un léger coup de pied et condamna le caillou à une valse effrénée jusqu'à ce qu'il heurte la poubelle en fer dans un nouveau fracas qui fit grincer les dents l'inconnu.

"Je sais, j'habite ici" rétorqua le jeune homme en encerclant sa taille de son propre bras gauche et Kaan ajouta aussitôt; "Depuis pas longtemps"

"Depuis 1 an" Ses yeux roulèrent en arrière et Kaan hésita un instant, ne sachant pas si il s'agissait d'un malaise ou de l'exaspération de l'homme à ses côtés.

"Je t'ai pas vu emménager"

"C'est mon co-" le jeune homme plaqua subitement sa main devant sa bouche, laissant la cigarette dans sa main opposé s'écraser au sol dans un dernière étincelle rougeâtre.

"Mon colocataire, c'est mon colocataire qui s'est occupé de tous " renchaîna le jeune homme, les joues griffées d'un rose qui rappelait à Kaan les roses que son père avait l'habitude de ramener chaque vendredi soirs pour sa mère. Elles étaient ses fleurs préférées, si seulement elle n'avait jamais découvert que le parfum de ses roses était seulement pour masquer l'odeur de la culpabilité de son père et de l'eau de toilette bas de gamme de la femme avec qui il la trompait.

Kaan feignit d'ignorer le lapsus de son compagnon de perron, il savait, du moins il se doutait que le jeune homme ne se mettrait pas dans un état pareil si il s'agissait d'un simple colocataire.

"Chesed"

Kaan émergea de la rivière tumultueuse de ses pensées et accorda au jeune homme un regard porteur d'une légère interrogation.

"Je m' appelle Chesed" Il lui tendit encore une fois sa main maladivement pâle parsemé de petit éclats rouge qui révélaient par moment un peu de sa chaire. Kaan hésita un moment avant d'embrasser cette main tremblante de la sienne. Il avait eu peur, peur de lui faire mal mais l'expression que Chesed arborait sur son visage alors qu'il anticipait déjà son rejet lui fit encore plus mal.

"Enchanté" murmura-t-il

"Et toi ? tu es qui au juste?" répondit Chesed d'un air espiègle que Kaan semblait découvrir en même temps que le jeune homme lui même.

"Ton voisin"

Des éclats de rires illuminèrent la nuit opaque jusqu'à que la chaleur de l'aube chasse doucement la froideur des nuits sans sommeils de Kaan. Il aurait pu parier qu'il avait vu plus d'étincelles ce soir là que dans le ciel du 14 juillet .


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