Epilogue


Six mois plus tard

- Dans cinq cents mètres tourner à gauche.

La voix du GPS me fait sortir doucement de mes songes.

- Tourner à gauche.

Je sens la voiture tourner et prendre la route indiquée. Je garde les yeux fermés encore un instant.

- Dans deux cent cinquante mètres, votre destination se trouvera sur la droite.

Cette fois j'ouvre définitivement les yeux en grand. La vue dégagée du site s'offre à moi et à mon conducteur. Le ciel est bleu clair et le soleil méridional tape sur le pare-brise. Je ne peux m'empêcher de sourire et de regarder partout telle une enfant avide. J'enregistre les moindres détails. Les pins qui bordent un côté de la route, le sable que l'on voit au loin, la couleur de la mer qui se mélange avec l'horizon.

L'homme à ma gauche se gare entre deux voitures sur un parking de terre battu. Il se tourne vers moi les yeux aussi pétillants que les miens. Il prend ma main entre les siennes et me fait un baisemain avant de remettre une mèche de mes cheveux derrière mon oreille. Celle-ci chatouille mon épaule découverte. En effet après les évènements de cet hiver, j'ai décidé de couper mes cheveux dans un carré long et j'ai aussi arrêté les colorations. J'ai désormais retrouvé ma couleur naturelle, un brun clair où l'on peut encore voir des reflets de mon dégradé de rouge de temps à autres.

- Comment tu te sens, il me demande.

- Excitée et stressée à la fois.

Il rigole et passe sa main dans ses cheveux blonds. Ces derniers mois je me suis énormément rapprocher d'Alban, il est devenu mon confident et mon meilleur ami. Il m'a beaucoup aidé avec mon petit frère. Il m'a aussi aidé pour le déménagement. Désormais je vis avec Alexandre dans un plus grand appartement où il peut avoir sa propre chambre et qui est assez proche de sa nouvelle école. Clara a quitté le Coven universitaire et s'est installée en coloc avec moi. Son copain est jaloux mais il a très vite compris la situation. Il a d'ailleurs tenu à m'aider avec mon propre ancien Coven et a réussi à démettre Père Thornycrown de ses fonctions. Il gère provisoirement le Coven, le temps que l'Eglise nomme une autre personne pour le poste. Au fond de moi, j'espère qu'il sera nommé, il est parfait pour gérer et administrer un Coven.

- Il n'y a pas de raison !

- Je sais mais c'est plus fort que moi.

- Après cette année difficile tu mérites d'être heureuse alors file. J'ai loué une petite maison dans le village voisin, vous n'aurez qu'à nous rejoindre quand vous serez prêt. Les garçons et ton frère ne devraient pas tarder à arriver.

Je me jette à son cou mais ce n'est pas simple avec le levier de vitesse et le frein à main.

- Merci, je pleurniche.

- Tu n'as pas à me remercier Aglaé.

Il passe ses bras autour de mon corps et ses mains glissent sur mon dos.

- Allez, file !

Je rigole doucement et essuie mes yeux. J'ouvre la portière et descend de la voiture. Je la contourne et ouvre le coffre pour attraper mon grand sac de plage. La brise marine fait soulever ma robe. Un peu plus loin un passage s'ouvre pour descendre sur la plage. Je remercie encore Alban de m'avoir conduit et lui fait un signe de la main.

Le sable rentre dans mes chaussures. Je les enlève donc et continue de marcher pieds nus. Une fois arrivée en haut de la plage, je vois une marée humaine. Nous sommes en plein milieux des vacances scolaires. Il y a beaucoup de famille. Le soleil est éblouissant. Des enfants courent dans tous les sens. Des parasols ombragent le sol.

La brûlure du sable chaud sous mes pieds me ramène des années plus tôt. Je savoure. Une odeur saline emplit mes narines. Je ferme un instant les yeux et le bruit des vagues, le cri des mouettes, le rire des enfants me font le sentir à la maison. Cette plage fait partie de moi. C'est un bout de ma vie. C'est une sensation extraordinaire, comme le fait de rentrer chez soi après une longue journée harassante. Un frisson parcourt mes bras et j'ouvre les yeux.

Il est là.

Je sens sa présence au plus profond de moi.

J'avance vers la mer tout en faisant attention de ne pas bousculer des enfants. Dans l'eau on peut voir des baigneurs, des surfeurs, des joueurs de beach volley. Je me concentre sur le lien et mes jambes me guident légèrement sur ma gauche. Quand j'avance je reconnais une serviette vide avec un livre intitulé Dracula et un sac de cours. Je pose mon sac de plage sur la serviette et enlève ma robe. Je suis désormais en maillot de bain. Je ne suis pas à l'aise mais le regard des autres m'importent peu. Je sens le lien se tendre. Il sait que je suis là.

Je continue mon chemin vers la grande étendue d'eau qu'est l'océan. Plus je m'avance et plus mon regard inspecte les environs avant de s'ancrer sur le dos d'un homme. Il ne porte qu'un bermuda la peau de son dos est offerte au soleil de plomb. Ses cheveux sont attachés en en chignon lâche où quelques mèches s'échappent et volent au vent. Il tourne la tête sur le côté et je peux admirer sur son profil un sourire amusé.

- J'espère pour toi que tu n'as pas oublié ta pelle et ton sceau.

- Pourquoi ? Tu voulais faire des châteaux de sable, je demande en passant mes bras autour de sa taille.

- C'est ce que je préfère faire quand je suis à la plage.

Je pose ma tête sur son dos et écoute les battements de son cœur alors qu'une de ses mains vient caresser mon bras gauche, prendre légèrement mon poignet et le lever pour le porter à ses lèvres où il embrasse l'endroit où devrait se trouver ma marque. Au même moment ma main droite remonte le long de son ventre vers son sternum. J'arrête mon mouvement à l'endroit où est gravé sur sa peau notre lien, le sceau des sorcières. L'étoile à cinq branches. Je ferme les yeux de bonheur.

- J'ai reçu un message de Coleen juste avant que tu arrives. Elle tenait à ce que l'on se voit. Elle veut s'excuser. Sa grand-mère est morte, elle est désormais la seule chasseuse encore en vie. La perte de son unique famille lui a fait ouvrir les yeux apparemment.

Il se tourne vers moi et garde mon poignet gauche dans sa main tout en faisant des mouvements circulaires du pouce sur les vestiges du croissant de lune.

- Je ne veux pas parler d'elle. Je ne suis pas prête à lui pardonner. Mes parents sont morts, j'ai été bannie et j'ai dû aller chercher mon frère en Enfers par sa faute.

- Je sais tout ça Aglaé, j'étais là moi aussi. Elle ne mérite peut-être pas ton pardon, mais je tenais à te le dire.

Il se baisse pour être à ma hauteur et m'embrasse. J'en oublie instinctivement Coleen et me concentre sur Gabriel. Je passe mes bras autour de son cou et plonge mes mains dans ses cheveux. Je tire sur l'élastique qui les retient. Une masse de cheveux bruns s'abat sur mon visage. Il rigole doucement et se recule.

- Je te préfère les cheveux détachés.

- N'inversons pas les rôles, veux-tu ?

Je rigole à gorge déployée car c'est souvent la situation inverse qui se passe. Avec son élastique je me fais une demi-queue de cheval qu'il tire quand je lui tourne le dos pour retrouver nos affaires.

Nous sommes désormais allongés sur nos serviettes, nos corps collants à cause de la crème solaire. Il est en train de lire son livre tandis que je feuillète une revue sur l'Empire d'Autriche. J'ai validé ma deuxième année de fac et l'année prochaine je serais à la moitié de mon cursus universitaire. Je ne sais pas encore quoi faire. C'est compliqué de choisir un métier je sais juste que l'Histoire me passionne et que l'option politique a été très intéressante. Beaucoup de mes camarades veulent devenir professeur, c'est le cas d'Adrian notamment, c'est pourquoi il est en double cursus histoire-géographie. Pour ma part, j'aimerai bien me spécialiser et l'histoire politique me tente beaucoup.

- « Nul homme ne soit, tant qu'il n'a pas souffert de la nuit, à quel point l'aube peut être chère et douce au cœur », lis Gabriel à voix haute me faisant légèrement sursauter. C'est ce que je préfère dans ce livre. Et je comprends mieux cette phrase depuis que tu as accepté le lien. Tu es mon aube, Aglaé.

Je quitte ma lecture pour regarder l'homme à mes côtés. Ses yeux sombres plongent dans les miens après avoir retiré mes lunettes de soleil. Il est allongé sur le ventre, le buste légèrement relevé, tourné vers moi.

- J'ai toujours vécu dans le noir, tu as été ma lumière dans mon enfance et le soleil s'est finalement levé sur ma vie quand tu as m'a accepté. Quand un loup aime, il le fait une seule fois, et c'est pour sa vie entière.

- Hier j'ai pris un rendez-vous chez le tatoueur. Je voulais te faire la surprise mais je ne vais pas pouvoir te cacher ça plus longtemps. Je vais me faire tatouer ta marque au creux de mon poignet gauche, là où elle doit être.

Son visage est figé par la surprise puis doucement il ferme les yeux et ses lèvres s'étirent vers le haut.

- Tu ne peux pas dire des choses comme ça s'en prévenir.

- C'est toi qui as commencé en me lisant un passage de Dracula !

- Je suis prêt à lire tous les livres du monde et te les citer juste pour te dire à quel point tu comptes pour moi.

J'ai vécu le pire qu'une personne pouvait vivre cette année. Des mois se sont écoulés, tout n'a pas été simple mais j'ai su me relever avec de l'aide. Aujourd'hui encore je dors mal et un trauma s'est installé dans ma vie. Une sauterelle me provoque des crises de panique et voir qu'Alexandre ressemble à papa dans sa façon de parler et de se mouvoir me pince le cœur. Avoir Gabriel et la meute à mes côtés m'a permis d'avancer. Ces derniers mois ont été compliqués et je pense que le plus difficile est derrière nous. J'ai bon espoir pour les mois à venir.

J'ai envie de retenir que le positif désormais et ce que je me souviendrais de cette journée c'est que ce jour-là il faisait beau. Très beau même. Le soleil illuminait le ciel bleu à m'en faire pleurer. La plage était bondée. Des corps à perte de vue bronzait sur le sable et les glaces fondaient sous la chaleur. Les parasols ombrageaient le sol brûlant. C'était l'été des rencontres, des amours éternels et des plus belles amitiés.

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