Chapitre 7

Un petit tambourinement se fait entendre tout de suite après le coup de sonnette. Cependant, mon état d'esprit actuel est à des kilomètres d'ici que je ne réagis pas immédiatement. Mon visiteur semble s'impatienter puisqu'il appui à nouveau à nouveau sur la sonnette en plus de taper plus fort contre la porte en bois, ce qui casse le silence ambiant des minutes précédentes.

Je me lève donc du sol qui a meurtri mon fessier pour aller ouvrir. La porte est à peine ouverte que l'étranger entre chez moi dans un vacarme agressant mes oreilles. Clara est dans ma pièce principale, téléphone à la main, complètement décoiffée. D'habitude, elle est toujours très bien coiffée, aucun frisottis du à l'humidité hivernale, aucun cheveux qui dépasse de sa queue de cheval.

-Alors ? Qu'est-ce qui se passe d'aussi important pour me faire venir jusqu'ici ?

Elle me détaille de la tête au pied en grimaçant.

-C'est quoi ce truc à la main ?

Toujours déconnectée, je regarde ma main où un « A » noir est écrit et dont l'encre commence à s'effacer. D'une voix éteinte je lui explique ma soirée d'hier à la fraternité dans les moindres détails. A la fin de mon récit, elle s'est assise sur mon petit canapé, les sourcils froncés. Elle réfléchit. Son regard est vide, fixé sur un objet invisible devant elle.

-Les Malhunter sont une très vielle famille de chasseur, spécialisée dans la chasse aux loups. Mais il y a une dizaine d'année, je crois, leur famille a été décimée. Ils ont été pris au piège. Une vraie boucherie, apparemment. Seulement deux personnes ont survécu. Personnellement, je pense que ces deux personnes étaient à la fois trop jeune ou trop vieille pour chasser. Alors la grand-mère et sa petite fille se sont exilées. Et donc, si cette Coleen est la petite-fille cela veut dire que les deux derniers membres de la famille Malhunter sont de retour. Et que si elle t'a vu exercer de la sorcellerie, cela veut dire qu'elle est ouverte à n'importe quel type de chasse. Il va falloir faire très attention.

Sur ces belles paroles, Clara m'aida à renforcer les barrières de protection de mon appartement car le coven universitaire ne prendra pas en charge ma protection. Tout en levant un bouclier de défense, je lui parle de la bague en pierre de lune et elle trouve que c'est une bonne idée comme moyen de prévention du danger. A bout de force, on s'assit sur le canapé, la tête posée sur le dossier. Une goutte de sueur perle de mon front. La mise en place de cette barrière de protection est moins difficile en cas de présence de plusieurs sorciers alors à nous deux nous avons puisé dans notre réserve d'énergie. Les minutes passaient et nous étions toujours avachis sur le canapé à ne pas bouger. Après quelques temps, je décide de me lever et d'aller chercher des verres, de l'eau et de quoi grignoter. La carafe d'eau ne fit pas long feu, tout comme le paquet de bonbons gélifiés. C'est comme ça, qu'au final, Clara passa le reste de sa soirée chez moi à regarder Netflix et à manger des cochonneries tout en critiquant le jeu d'acteur de la série américaine qui nous divertissait.

Le lundi matin, j'ai repris la direction de l'université pour profiter de la bibliothèque universitaire encore vide. Les étudiants préfèrent travailler jusqu'à tard le soir alors que je préfère me lever aux aurores pour m'acquitter de mes obligations d'étudiante en Histoire. Assise seule sur la chaire universitaire, la lumière de chevet tamisé éclairait les feuilles blanches noircies par mon écriture. Mes écouteurs branchés à mon ordinateur diffusaient Les Quatre Saisons de Vivaldi dans mes oreilles. Quand les premiers instruments font résonner les notes de l'Hiver, un étudiant s'installa en face de moi. Il pose sa sacoche à main devant et en sort un ordinateur dernier cri d'une marque très connue. Les notes s'intensifient et au point culminant du morceau, nos regards se croisent. Vivaldi m'hypnotise et je me perds dans son regard sombre. L'histoire de la création des administrations de mon pays m'importe peu en cet instant. Je suis charmée par Vivaldi et par cet étudiant en face de moi. Il passe une main dans ses cheveux et quitte mon regard pour fixer l'écran lumineux en face de lui. Le contact est rompu alors que les dernières notes de la symphonie s'éteignent. A bout de souffle je me lève, attrape ma veste et sors dehors prendre l'air pour me remettre l'esprit en ordre. Un nuage de condensation s'échappe de ma bouche à chacune de mes expirations. Quand mon nez commence à voir froid, je comprends que j'ai passé assez de temps dehors. Alors je me prends la direction de ma place où j'ai laissé mes affaires, je peux sentir son regard sur moi. D'un coup d'œil à ma bague, la pierre de lune est blanche. Il ne me veut aucun mal ce qui est rassurant. Cette fois, je me concentre sur mes feuilles, et me plonge dans mes cours corps et âme au rythme cette fois de la Septième Symphonie de Beethoven.

A midi, je m'achète une petite salade préparé que je mange vite fait avant d'aller en cours de Sciences Politiques. En jetant l'emballage avant d'entrer dans le bâtiment, je percute quelqu'un qui fait volte-face.

-Oh, tiens ! Aglaé ! Comment vas-tu ?

Un homme brun, plus grand que moi se tient à quelques pas. Son visage me dit quelque chose mais aucun nom ne me vient. Je suis incapable de lui donner un prénom. C'est un ami d'Alban mais lequel des sept.

-Bien et toi, je fais en souriant.

-Tu ne me reconnais pas, hein ?

Je baisse la tête fautive et enfonce encore plus mon visage dans mon écharpe.

-Vous vous ressemblez tous aussi ! Ce n'est pas de ma faute et puis j'étais alcoolisée à cette soirée.

Il ricane en couvrant sa bouche d'une de ses mains. Je continue de l'observer. Il ne porte pas de lunettes, il semble assez vieux et ce n'est pas Adrian car maintenant que je sais qu'il est avec moi en Histoire j'arrive à le reconnaitre. Alors qui de Cillian, Thomas, Hugo ou Lucas ?

-Cillian ? Je tente.

-Et non, dommage pour toi. Mais je suis en STAPS, donc tu es sur la bonne voie. Je te laisse une autre chance.

-Euh... Je fais incertaine. Hugo ?

-Encore raté, c'est Lucas.

-Je suis vraiment désolée.

-Ne t'en fais pas, tu sauras un jour nous différencier, il fait avec un clin d'œil.

Il s'enquiert de mon retour chez moi vendredi matin et m'informe qu'Alban n'a pas dormi de la nuit car il attendait un message de ma part. Je m'excuse. Il m'informe qu'il a fini sa journée après plusieurs heures de training, quant à moi, je lui dis que je vais en cours avec son ami. Il me souhaite bonne chance. Je lui souris et me tourne pour prendre la direction de mon cours mais quelqu'un m'en empêche. Je détaille la personne qui me fait barrage. Des boots noirs, un jean droit brut avec des revers sur les chevilles, une veste en cuir agrémenté une écharpe marron clair. Quand mon regard remonte sur son visage, je m'écarte de instantanément de lui. C'était l'étudiant de ce matin. Ses prunelles noires me fixent intensément alors que je me rends compte qu'il a les cheveux longs légèrement ondulé qui lui arrivent aux épaules. Une barbe de trois jours ombre ses joues. En ayant une vu d'ensemble de lui debout, je trouve qu'il ressemble à l'image que je me fais de Sirius Black jeune à l'époque des Marauders dans la saga Harry Potter.

-Tu n'avais pas les cheveux attachés ce matin, lui demande Lucas.

-Quel fin observateur. J'ai pété mon élastique à l'instant en voulant me les rattacher convenablement.

Sa voix est grave, chaude, un brin sensuel. Il ressemble aux bad boys des films des années soixante-dix et quatre-vingt.

-Aglaé, Je te présente Gabriel, le dernier membre de la bande, celui qui n'a pas pu nous honorer de sa présence lors de notre petite soirée à la fraternité jeudi dernier. Gab', je te présente Aglaé, la copine d'Alban.

-Je suis plus sa camarade de promo en option politique que son amie.

Le fameux Gabriel me pris ma main gantée et la secoua de haut en bas comme pour signifier le plaisir qu'il a à me rencontrer. Ses doigts enveloppent toute ma main et la chaleur de sa poigne traverse l'épaisseur de mon gant, me réchauffant ainsi tout mon corps.

-Nous allons devoir te laisser, Aglaé. Nous rentrons chez nous, m'informe Lucas.

Les deux comparses me laissent donc seule, pantelante devant le bâtiment où mon prochain cours va se dérouler. Des petites gouttes tombent sur mon visage. Je sors de ma transe et prends la direction de l'amphi avant que la pluie dégringole à flots. Dans le hall, un stand de gâteau est présent. Derrière la petite table, Coleen vend des parts aux étudiants affamés. De loin, je vois Alban en train de lui acheter un gâteau au chocolat. Je m'approche donc de lui.

-Ah, Aglaé ! Tu veux une part pour le cours ?

-Non merci, j'ai déjà mangé.

-Moi aussi mais je ne refuse jamais un bon gâteau.

Il remercie Coleen d'un hochement de tête alors que j'attrape le bras du futur juriste pour l'entrainer en cours magistral. Il n'y a plus de place devant alors on s'installe sur les côtés. A peine nous venions de nous asseoir que le maitre de conférence commença à nous parler de l'organisation politique dans la Rome Antique. Chaque étudiant pianote sur son ordinateur en prenant chaque mot, chaque intonation de voix et chaque soupire du professeur. Le tapotis des touches couvraient la voix du prof qui doit absolument prendre un micro pour se faire entendre jusqu'en le fond de l'amphi. De temps à autre, Alban regardait mon écran car il était perdu mais la plupart du temps, il se contente de prendre en note le minimum, sa prise de note est en fait des fiches de révision. Son esprit de juriste lui permet de tout condenser pour ne retenir que le plus important. Alors qu'à cause de mes études, je suis obligé de retenir le moindre petit détail. Au milieu du cours, le professeur nous donne une pause de quelques minutes.

-Tu veux un bout de gâteau, me propose Alban en me pointant du doigt la part chocolaté posée sur une serviette en papier.

-Non, merci, je fais en surfant sur les réseaux sociaux.

-Tant pis pour toi, il me fait en commençant par manger la pointe.

Je ricane face à la gaminerie dont il fait preuve parfois. Il exagère sa mastication pour me faire regretter mon choix et je souris. Il mangea un autre bout tout en mettant des miettes partout sur notre table. Les yeux fixés sur mon téléphone je l'entends tousser. En faisant le gamin, il a sûrement du s'étouffer. Je lui tape dans le dos pour faire passer mais il continue de tousser. Son visage passe au rouge.

-Quelqu'un a de l'eau, je hurle à travers l'amphi.

Une jeune fille descend les escaliers et me tend une bouteille d'eau pleine. Je dévisse le bouchon et lui donne la bouteille pour qu'il puisse boire. Il avale avec difficulté l'eau. Les veines sur son visage ressortent. Je commence à paniquer.

-Il n'y a pas un étudiant en médecine ici ?

Aucune réponse. Clara est à l'hôpital aujourd'hui pour des cours de pratique et donc pas immédiatement disponible. Alban a le souffle court et sa respiration est devenue un râle.

-Il faut l'emmener à l'infirmerie, me dit la fille à la bouteille d'eau.

J'essaie de lever mon camarade, mais celui-ci est fixé sur le clavier de son ordinateur à vouloir taper quelque chose pour se faire comprendre.

« T2L2PHONE APPEL GABRIEL

DIS ACONIT

VENIR »

-Aider à l'emmener dehors pour qu'il puisse respirer de l'air frais. Prévenez le prof que nous sommes partis.

Je range nos affaires en quatrième vitesse, et le sort tant bien que mal de l'amphi alors qu'il est toujours en train de s'étouffer sauf que maintenant il est en train de pleurer des larmes de sang. A peine sorti qu'il s'effondre sur le sol. Il tremble et son front brille de sueur. Il est brûlant. E sors le téléphone des poches de son manteau et fais défiler sa liste de contact avant de tomber sur le prénom de Gabriel. Sans aucune hésitation je compose l'appel.

Une sonnerie.

Deux sonneries.

« Bonjour, vous êtes biens sur la messagerie de Gabriel Adaams, je suis indisponible pour le moment, laissez-moi un message et je vous rappellerai. »

Je rappelle à nouveau et cette fois-ci je tombe directement sur la messagerie. Je panique encore plus. Je compose un nouveau numéro, celui de Lucas car il doit être avec Gabriel. J'entends les tonalités mais ça sonne dans le vide. A mes côtés Alban est au plus mal et des étudiants se massent autour de nous mais aucun ne me vient en aide. Le visage rougi par le manque d'oxygène, les yeux révulsés, injectés de sang, il fait peur à voir. Il salive beaucoup. Alors que je compose à nouveau le numéro de Lucas, j'essuie la bouche et les yeux d'Alban tout en criant aux étudiants de m'aider. Je pleure et à travers mes larmes je vois des curieux en train de filmer la scène.

-Allô ?

-Lucas, je fais.

-Aglaé ? Il y a un problème ?

-Il faut que Gabriel revienne au campus, Alban... Alban... Il...

-Calme-toi. Qu'est-ce qu'il se passe ?

-C'est Alban il a mangé du gâteau et il est en train de s'étouffer.

-Quoi ?

-Il m'a dit de vous dire un mot commençant par un « a » mais je ne me rappelle plus.

De l'autre côté du téléphone j'entendais des grondements et des injures. Du bruit se faire entendre me faisant comprendre que j'avais changé d'interlocuteur.

-Aconit, me demande Gabriel.

-Oui, je crois que c'est ça.

Le bip me dit qu'il avait raccroché. Autour de moi, des enseignants font évacuer les curieux et essaient de me venir en aide. J'ai cru entendre qu'ils ont appelé les pompiers.

Alban se met à cracher du sang. En essayant de prendre son pouls, je pu constater qu'il était très faible. Trop faible même. Il s'épuise et je ne peux rien faire à par attendre et pleurer.


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