Chapitre 6


Je regarde toujours la porte vitrée de mon immeuble où le reflet en pied de Coleen vient de disparaitre. Je suffoque littéralement. Je ne suis pas très bien et les nausées dues à l'alcool reviennent au galop. Azul est assis à mes pieds et m'observe, attendant un quelconque geste de ma part lui indiquant que tout allait bien. J'extirpe alors mon téléphone de mon petit sac et cherche dans mes contacts le numéro que je veux. Il n'y a pas de tonalité, ça sonne dans le vide. J'entreprends alors de monter les escaliers qui mènent à mon appartement. Bizarrement, je trouve que ce soir les marches sont hautes, j'ai l'impression de lever plus genoux et que mes jambes sont lourdes. Je suis en train de gravir l'Everest ou tout autre massif montagneux. Mon familier m'attend à chaque palier pour s'assurer que je le suis et que je n'ai pas disparu entre-temps. Une fois à destination, j'ai le souffle court et ma respiration se fait sifflante. D'un pas lourd je me dirige vers la porte de mon chez moi.

Une fois à l'intérieur, j'ôte ma veste, mon écharpe et mes gants. J'allume toutes les lumières pour constater ma solitude. Rapidement, je me trouve affalé sur mon lit qui n'est pas défait de la nuit dernière. Mon chat me rejoint ronronnant. Mes paupières sont lourdes et je m'endors presque directement.

Les rayons du soleil me réveillent. En fait non, c'est très nuageux dehors. Ce qui m'a extirpé de mon sommeil sans rêves c'est une sonnerie. Une très belle mélodie. Je dirais que c'est une symphonie d'un grand auteur de musique classique. C'est à la fois triste et joyeux. La musique s'arrête et je me rendors.

Quand je me réveille vraiment, je constate l'heure sur mon réveil. La journée est bien avancée. Tellement avancé que j'ai loupé le début de mon cours de la journée. Le temps que je me prépare et que j'y aille à pied, je serais plus en retard et je ne participerai qu'à seulement deux heures de cours sur les quatre prévues. J'abandonne donc l'idée d'aller à la fac aujourd'hui. Je flâne donc au lit. En me retournant, mon visage rencontre sur surface froide. Mon téléphone est posé à l'envers à mes côtés. Je le déverrouille et remarque plusieurs appels manqués de la part d'Alban ainsi qu'un message vocal. De plus, j'ai plusieurs SMS. Clara et mes parents selon les noms affichés. Je m'occupe en premier de répondre à mes parents qi s'inquiète de ne pas avoir de nouvelles de ma part ces derniers jours. Ensuite, je passe à Alban, où je me rends rapidement compte que j'ai oublié de l'avertir que j'étais bien arrivée chez moi cette nuit. Je me contente de le rassurer, mais à peine cela fait, que je reçois une note audio de sa part. Il semble apaisé par mes nouvelle mais me fait tout de même la morale car il n'a pas bien dormi par ma faute.

Pour Clara, je lui réponds en lui demandant de passer chez moi à la fin de ses cours. Elle me dit qu'elle finit à vingt heures ce soir, et qu'elle sera donc chez moi peu de temps après. Maintenant, je me lève du lit et commence ma journée. Je profite de ce temps libre pour finaliser mes fiches de révision. Des fiches cartonnées de couleurs s'entassent à tous les recoins de mon bureau. Mon ordinateur allumé devant moi projette sa lumière bleu sur mon visage. Alors que je finis ma dernière fiche, je reçois un mail avec une pièce jointe. Le corps du mail m'explique que c'est Adrian qui m'envoie le cours que j'ai raté et que c'est son ami qui lui a transmis mon adresse e-mail. Je le remercie et commence à lire le document Word pour ne pas prendre trop de retard.

Alors que je commence à m'endormir sur mon bureau et que les notions se mélangent dans mon cerveau, Azul miaule dans ma chambre. L'horreur me prend quand je découvre le vacarme. Une tempête magique a retourné toutes mes affaires. Le contenu de mon placard git sur le sol. Mes livres et manuels sont déchirés. Et des runes de magie noires sont gravées sur le bois de ma porte. Seuls les sorciers puissants peuvent avoir recours à la magie noire et connaissant mon ancien Grand Prêtre, j'ai des doutes sur l'auteur de cette attaque. Je suis bannie, mais finalement il ne veut pas me laisser, il veut me faire peur et m'obliger à accepter son offre. Je prends Azul dans mes bras et le rassure en lui caressant son poil bleuté. Le désordre de la pièce ne me donne pas envie de ranger pour le moment. Je m'occupe juste de mes livres que je remets dans la petite bibliothèque. Je ramasse un livre dont les pages sont très abimés. En le refermant, je vois que c'est le manuscrit annoté à la couverture en cuir, dont je n'avais pas fini la lecture. Je m'assoie à même le sol entre les pulls et mes robes. J'effleure la couverture de la pulpe de mes doigts. Je ressens toutes les aspérités créées à cause de la tempête qui d'ailleurs à consommer toutes mes bougies qui sont posés sur le rebord de ma fenêtre. En l'ouvrant à la page marquée par mes soins, je retrouve la fine écriture que j'ai tant appréciée il y a quelques jours.

Mon téléphone sonne, je le laisse sonner. Je ne veux parler à personne pour le moment. Mon interlocuteur s'essouffle et raccroche. Mais il est tenace car il me rappelle. Je loupe plusieurs appels mais au bout de cinq minutes, cela m'énerve et je décroche.

-Quoi, je fais rageusement.

-Aglaé, chérie ?

-Maman, je réponds plus doucement.

-Par Satan, tu vas bien ?

-Ça pourrait aller mieux.

-J'ai eu la visite du Grand Prêtre, à l'instant et il semblait furieux contre toi et ton père et moi.

-Il s'est introduit chez moi et a saccagé ma chambre sans que je ne m'en rende compte.

-Il a trouvé quelque chose ?

-Il aurait du ?

-Je ne sais pas comment, mais il est au courant.

Ma mère est complètement paniquée au téléphone. Elle parle vite et respire vite aussi. Elle n'est pas très à l'aise. Elle ne me laisse plus trop parler et commence à me débiter un monologue incompréhensible.

-Avec ton père nous n'avons rien dit à personne. Treize ans de secret et de mensonges et « pouf » tout nous revient à la figure. On a juste voulu te protéger et maintenant tu te retrouves à la fois bannie et traquée. On n'a jamais voulu que ça en arrive jusque là. J'espère que tu nous comprends. Le grand Prêtre nous a mis en garde contre toi. Il te surveille et au moindre faux pas de ta part, c'est fini. Il nous a mis sur la liste rouge. Nous n'avons plus aucun contact avec personne du coven. On essaie de protéger Alex car cela ne le concerne pas, il est encore trop jeune. Si jamais tu réveilles le lien, il viendra te chercher et...

-Stop ! Maman, Stop ! Qu'est-ce que tu me racontes ? De quoi tu me parles, là ?

-De ta cicatrice.

-Qu'est ce qu'elle a à voir avec le fait qu'il soit venu chez moi ?

-Il est au courant de ce que signifie ta cicatrice, mais tant que le lien n'est pas activé tu es plus ou moins en sécurité.

-Hein ? Mais...

-J'ai cru comprendre de sa part, que tu avais en ta possession un manuscrit qui traite des créatures surnaturelles.

-Je pense que tu auras toutes tes réponses dedans si c'est celui auquel je pense. Je ne peux pas t'en dire plus, ton père et Alex viennent de rentrer. Sache que si on t'a caché la vérité c'était uniquement pour ta sécurité, d'accord ? Mais maintenant, les paramètres ont changé, tu es sans coven et tu te dois de connaitre tes ennemis et les raisons qui vont les pousser à te traquer. Sans la protection du Grand Prêtre, tu es plus qu'une sorcière bannie.

-Je ne comprends pas, maman.

-Je vais devoir raccrocher, mais avant, sache que ton père et moi on t'a toujours aimé et que l'on t'aimera toujours. Si tu as des questions, appelle-moi plus tard.

Et elle raccroche alors que j'ai toujours le téléphone collé à mon oreille. Mon regard et attiré par le livre qui est toujours par terre au milieu de tout mes vêtements. Je pose mon téléphone sur le lit défait et reprend le manuscrit en main. Le cœur battant, je commence la nouvelle partie du livre annoté.

Les pages s'enchainent. Mes yeux sont avides de connaissances. Et des interrogations me font douter de tout mes choix jusqu'à présent. En fait, chez les loups-garous, il existerait ce qu'on appelle des âmes-sœurs, des personnes pour qui leur âme est liée à une autre. Cependant, l'âme-sœur d'un loup ne sera pas forcément un loup, même si la plupart du temps c'est le cas. Le lien entre les deux âmes est tellement puissant qu'il pousse les deux personnes liées à se rapprocher au point de n'être plus qu'une seule et unique entité, ce qui se produit au moment du marquage, c'est-à-dire quand les loups se mordent mutuellement pour accepter le lien entre eux. Mais avant tout ça, il y a l'imprégnation. Les loups tissent le lien entre eux par un premier contact et ce lien va influencer leur choix en fonction de l'autre loup puisqu'ils ne peuvent pas vivre séparément après ce premier contact de peau à peau.

Tout ça reste bien primitif. Ce sont des humains qui laissent vivre leur côté animal. Une note manuscrite est faite quand le livre explique que les âmes-sœurs ne sont pas obligatoirement deux loups. Selon l'auteur de la note, un loup peut être lié à un humain ou à toutes autres créatures surnaturelles. Même si cela reste assez rare. Dans ce cas là, uniquement le loup ressent le lien avant même tout contact. Au moment de l'imprégnation, quand le loup ressent le lien et qu'il va toucher son âme-sœur, ce dernier va recevoir la bénédiction d'Hécate et se premier contact sera matérialisé par un fin tatouage en croissant de lune avec des arabesques le remplissant. Si cette personne fuit le lien établi, la bénédiction de la déesse se transforme alors en une petite cicatrice blanche. Preuve que le lien existe toujours mais est plus faible.

D'instinct, je repousse mes bracelets à mon poignet gauche et regarde ma cicatrice d'un œil nouveau. Je colle mon poignet au manuscrit où un dessin à la plume est fait, représentant la bénédiction de la déesse grecque. La ressemblance est frappante. Rapidement, je lis la suite. Alors, il est possible de faire taire le lien entre les âmes-sœurs mais inconsciemment, ils vont se rapprocher sans se reconnaitre. Seul un second contact pourra raviver le lien entre eux. Sinon, il est possible de couper le lien entre les âmes-sœurs et faire d'eux, un loup et un humain lambda et pour cela, seul un alpha peut le faire. Cependant, la rupture du lien entraine, inexorablement, la mort du loup et la déchéance de l'humain.

Forte de ces nouvelles informations, je m'interroge sur ma condition. En résumé, je serai l'âme-sœur d'un loup-garou rencontré enfant et mes parents auraient été au courant et me l'aurait caché tout ce temps. Le Grand Prêtre est maintenant au courant alors qu'il l'ignorait et est prêt à faire je ne sais quoi si je retrouve le loup-garou et qu'il me touche une seconde fois, ce qui accentuerait le lien entre lui et moi. Déjà que mon bannissement a fait de moi une paria, mais si on rajoute ce lien en plus, c'est tous les sorciers du monde qui vont me tourner le dos. Même Clara.

Après, les annotations disent qu'Hécate est leur déesse, mais la Trinity College est placée sous la surveillance de trois déesses Grecque, Athéna, Perséphone qui est la représentation des sorcières modernes et Hécate. Cela voudrait-il dire qu'il y a des loups-garous sur le campus ? Et, est ce que je n'ai pas choisi cette université inconsciemment, à cause de la présence de loup-garou et de mon âme-sœur par la même occasion ?

Je suis perdue. En tant que sorcière, je n'ai pas les pouvoirs pour reconnaitre une créature surnaturelle. Alors je ne peux ni infirmer ni confirmer leur présence à la fac. Si ça se trouve je fais fausse route et que ma cicatrice n'a rien à voir avec ce qui est écrit dans le livre. Mais si ce n'était pas le cas, pourquoi ma mère m'en aurait parlé alors. Et pourquoi elle se serait inquiétée de savoir le Grand Prêtre au courant. Les évènements me dépassent complètement. Dire qu'il y a une semaine, j'avais encore un coven et qu'il assurait ma protection. Aujourd'hui je suis esseulée, perdue et je suis surtout la moitié que quelque chose qui est plus fort que moi et dont je ne peux pas me défaire. A moins d'avoir un loup alpha sous le bras.

Je suis vraiment perdue, je ne peux me confier à personne. Mon cerveau tourne à mille à l'heure alors que la nuit est tombée depuis quelques heures déjà. Je suis toujours assise à même le sol parmi mes vêtements.

La sonnette de mon interphone résonne dans le silence de mon appartement me faisant sursauter et m'annonçant la visite imminente d'un étranger.


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