Chapitre 4


La nuit de mardi à mercredi a été très courte. J'ai du dormir tout au plus quatre heures. Le livre annoté m'a tenu en haleine. J'ai lu chaque commentaire et l'écriture arrondie m'est devenue familière au fil des pages. Au final, j'en ai appris beaucoup plus en une nuit écourtée qu'en toute une vie. Ce manuscrit est clairement le Saint-Graal pour comprendre ces créatures. D'ailleurs j'ai appris une chose que je ne savais pas sur eux. Selon une tradition ancestrale, l'alpha de la meute doit porter ses cheveux longs sous sa forme humaine alors que les membres, eux, doivent avoir les cheveux courts par respect et pour légitimer le dominant. Comme à l'époque des serfs où leur maître leur coupait les cheveux à cause de leur conditions dans la société et pour qu'ils soient reconnus comme tel par les autres. Il me reste à lire une partie sur ce qui est appelée « Imprégnation et marquage ». Seulement, je ne sais pas quand je vais pouvoir finir de lire car aujourd'hui nous sommes jeudi et ce soir il y a la soirée à la fraternité.

Après un peu de recul, je me rends compte que j'ai paniqué. Cela va faire deux jours que je suis bannie et rien n'a changé. Du coup, pour ne pas décevoir Alban, j'ai dû bâcler mes TD à rendre. Il est tellement impatient, que ce matin en me levant j'ai vu un message de sa part me demandant si je venais toujours. Et tout à l'heure en géopolitique, il souriait comme à fou à l'idée que je vienne à sa soirée. Il était tellement heureux qu'il a écouté le cours et il a même pris des notes ! Chose qu'il ne fait pas souvent puisqu'il se vente d'avoir une mémoire auditive, ce qu'il l'empêche de prendre le cours. Après, cet après-midi, j'ai eu un TD d'histoire moderne où on a eu un devoir surprise car le chargé de TD avait posé une question de cours et que personne n'a su répondre. Du côté de Clara, cette dernière ne cesse de paniquer. Elle me demande des nouvelles presque toutes les heures. C'est du harcèlement. Mais le plus souvent, elle m'envoie des photos ou des captures d'écran de ses recherches. Elle veut m'aider et je l'en remercie mais au bout de deux jours, je me suis rendue compte que ce n'était pas la fin du monde finalement.

En attendant, je suis en train de me préparer pour ce soir. Après avoir vidé mon armoire, je me suis décidée à porter une combinaison en tailleur blanc, que je m'étais acheté à la base pour le rite sacrificiel de cet été que j'ai refusé de faire. Une fois habillée, je coiffe à la main mes cheveux ondulés où les pointes bordeaux tombent sur mon dos. Je mets un peu de mascara sur mes cils. Sur ma table de nuit, où repose le manuscrit avec la couverture en croûte de cuir, je prends mes bracelets que je mets à mon poignet gauche pour cacher ma cicatrice en demi-cercle qui est à l'intérieur. Je ne me rappelle plus trop comment je me suis blessée ici, je sais juste que j'étais toute petite, encore plus jeune qu'Alex. Et depuis, j'ai honte de la montrer car elle n'est pas très belle. On aurait dit qu'une petit cuillère s'est enfoncée jusqu'à la garde dans mon poignet, laissant cette marque à vie. Le seul problème c'est que ce n'est pas une petite cuillère. C'est assez flou, mais je me rappelle très bien que c'était un jour sur la plage alors que j'étais en vacances avec mes parents.

A ma tenue, je rajoute la bague en pierre de lune à mon majeur que j'ai acheté hier soir et que j'ai trempé dans une potion que j'ai trouvé dans le grimoire de Clara car je l'ai trouve assez utile, puisque la pierre changera de couleur en cas de danger imminent sur ma personne. Une fois prête, je recouvre le miroir qui m'a servie pour me maquiller d'une serviette de bain, évitant ainsi tout curieux. J'allume les bougies une à une en récitant le sortilège de protection. J'attrape un petit sac à main où je mets mon téléphone. Je ferme à clefs mon appartement et prend la direction du campus à pieds. En bas de mon immeuble, je croise Azul qui revient de sa ballade. Il se frotte à mes jambes, miaule une fois et s'assoit devant la porte d'entrée de la copropriété. Je lui donne alors une caresse et commence à partir.

Je descends la rue principale et croise les badauds sur les trottoirs. Arrivée devant les trois déesses de la Trinity College, je leur jette un coup d'œil avant de les contourner. Je fais le tour du campus, emprunte un petit chemin de terre battue qui m'emmène à la forêt qui borde l'université. Au bout, la fraternité Alpha Beta Oméga apparait. Le calme environnant est propice aux plus grosses soirées organisées par la fraternité. Leur maison est dans le même style que la sororité sauf que l'extérieur est plus foncé. Je grimpe les quelques marches. La musique se fait déjà entendre de l'extérieur alors que toutes les fenêtres sont fermées. Au lieu de frapper et me faire ignorer, je préfère sonner. A peine mon doigt enfoncé dans le bouton de la sonnette que la grande porte marron s'ouvre en grand. Alban est en face de moi, tout sourire. Il s'efface de l'encadrement de la porte pour me laisser entrer. A l'intérieur, les meubles ont été poussés contre les murs pour laisser de la place aux danseurs, qui sont pour le moment pas très nombreux. Des petits groupes sont formés autour du stand de nourriture et de boisson.

-Je suis vraiment heureux que tu es pu venir, il me fait près de mon oreille pour que je puisse l'entendre.

Je me contente de lever les épaules et se sourire à son encontre. Pendant que je regarde tout autour de moi en jouant au jeu des sept différences entre la fraternité et la sororité, Alban a attrapé ma main et je sens un truc humide glisser contre le dessus de ma main. Un « A » noir y est inscrit.

-C'est pour dire aux gars de la fraternité que tu es avec moi. C'est pour te protéger.

-Me protéger de quoi, je l'interroge inquiète.

-Et bien des étudiants trop saoul qui ne se rende pas compte que ce qu'ils font n'est pas légal, si tu vois, ce qui je veux dire, me dit-il en pointant un couple derrière lui qui sont en train de se lécher le visage. Mais t'inquiète pas, ce n'est pas indélébile, c'est un feutre à encre à eau. Ça s'enlève très bien.

Donc en faite, à tout moment, quelqu'un pourrais me faire des choses où je ne suis pas consentante. Les soirées à la fraternité craignent un peu quant même. Je vois Alban qui m'abandonne pour rejoindre la table de boisson. J'en profite alors pour faire le tour de la propriété. Le lambris des murs est sombre et aucune décoration n'habille le rez-de-chaussée à part les meubles. C'est endroit est typiquement masculin. Il renferme la virilité avec tout ce bois brut. Des combats de testostérone doivent faire rage ici. Un grand canapé est installé contre tout un pan de mur, où des étudiants sont assis et jouent aux cartes. Ils ont l'air de bien rigoler ensemble. Un gobelet bleu apparait devant mes yeux. Je l'attrape et regarde autour de moi.

-Vodka black et coca, me dit Alban. Je suis sûr que tu vas aimer.

Je trempe mes lèvres dans le breuvage. Le soda me pique la bouche et l'alcool me brule l'œsophage. Le mélange n'est pas mauvais, il est plus agréable que les vodka-orange de Clara qui sont infectes. J'approuve alors en lui disant qu'en effet, j'aimais bien. Tout sourire, il me alors la main et me tire vers les étudiants aux cartes.

-Je vais te présenter aux autres de la fraternité. Tu vas voir, ils sont super sympas.

Et voilà, comment je me suis retrouvée assise avec des personnes que je ne connaissais n'i d'Adam ni d'Eve à jouer au Président avec des règles remasteurisées car les jeux d'alcool c'est plus « chouette ». Cillian est celui qui distribue les cartes, il a le même âge qu'Alban et passe son diplôme de STAPS à la fin de l'année. A ma gauche se trouve Adrian qui est en double licence histoire et géographie. Il suit les cours d'histoire avec moi, il est toujours au premier rang, devant les maitres de conférence. A la droit d'Alban, donc à ma droite, est assis Axel qui suit des études de lettres, il est facilement reconnaissable dans le groupe car c'est le seul qui porte des lunettes. En face de moi, trois garçons, Thomas, Hugo et Lucas qui sont aussi en STAPS. Ils sont tous bruns. Je n'arriverai jamais à les reconnaitre. Ils ont la même carrure presque, pour moi, ce sont des clones. Alors si un jour, j'en croise un sur le campus et qu'il vient me dire bonjour, je pense que je serais capable de me tromper de prénom. Un étudiant vient s'assoir en face de moi et pose un verre en face de lui. Il me fait un signe de tête.

-Lui, c'est Samuel. Il est arrivé en septembre, c'est le dernier à avoir intégré la fraternité et il étudie l'anglais, me dit mon camarade d'option politique en jetant un sept de trèfle par terre. Donc, là tu as fait connaissance avec toute la fraternité.

-Pas vraiment, fait l'un des gars en face de moi.

-Elle n'a pas fait la rencontre de Gabriel, dit l'étudiant à lunettes.

-Gabriel est un peu le leader de la fraternité, m'explique Alban. Il a le même âge que toi et il étudie les sciences. Ce soir, il n'a pas pu être là car il devait retourner chez lui. Bref, peut être qu'un jour tu le croiseras. Un jour, où il sera bien luné, j'espère.

Les garçons rigolent et abattent leurs cartes. Ils boivent beaucoup et moi aussi. A plusieurs reprise, je me suis retrouvée trouduc, ce qui fait que mon état d'ébriété est assez élevé. Finalement cette soirée n'était pas plus mal pour me faire sortir de la tête toutes les merdes qui mes sont arrivées depuis deux jours. A la fin d'une énième partie. Je me lève, titube un peu et part en direction de la cuisine pour boire de l'eau car l'alcool a asséché ma bouche. Le long du plan de travail, une jeune femme y est appuyée et regarde la soirée battre son plein. Elle est habillée tout en cuir, mon pantalon, sa veste. Ce qui fait que son carré blond contraste avec ses vêtements.

-Tu es toute seule, je lui demande.

-Non, je suis venue avec une amie, mais elle est partie. Dis-moi, tu connais bien les garçons avec qui tu jouais ?

-Euh, pas vraiment, je viens de les rencontrer. Je connais juste le blond, Alban. On est ensemble en cours.

-Méfie-toi d'eux, elle me fait énigmatique, tout en fixant le groupe de joueurs.

-Pourquoi ?

-Simple précaution.

Et elle part, me laissant, là, seule. Devant le robinet de la cuisine. Je la rattrape et la tourne vers moi.

-Comment tu t'appelles ?

-Coleen

-Coleen, comment, j'insiste.

-Malhunter.

Cette fille était bizarre. La conversation qu'on a eue était étrange. Mon instinct de sorcière me disait de ne pas lui faire confiance. En regardant la pierre de lune à ma bague, je pu voir que la couleur était la même. Aucun danger imminent. Pourtant, je ne me sens plus trop en sécurité.


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top