Chapitre 31
Un rayon de soleil me fait ouvrir les yeux. Je soupire doucement d'inconfort car il me brûle la rétine. Je roule sur le côté pour être dos à cette fenêtre et à ce soleil de malheur. Je ferme les yeux pour me rendormir mais un détail me fait rouvrir les yeux automatiquement. J'essaie de me souvenir, de remettre en route mon cerveau. Rien ne vient. Aucun flash, aucune image. Je me concentre un peu plus mais rien. C'est le trou noir. J'inspecte la chambre qui s'avère ne pas être la mienne. Instinctivement je regarde sous les draps pour voir si je suis habillée et je le suis, ce qui est un premier soulagement. Cependant, le tee-shirt qui me couvre n'est pas le mien.
Ai-je été à une soirée trop alcoolisée ?
Ai-je couché avec un inconnu ?
Quel jour sommes-nous ?
Qu'est-ce que j'ai mangé hier ?
Je suis incapable répondre à la plus simple des questions de mon passé proche. Tant de question sans réponses me frustre. Et me fait paniquer. Je me lève donc subitement et essaie de trouver mes affaires sans succès. Uniquement une paire de chaussure est au pied du lit mais elle ne m'appartient pas. Je m'approche de la fenêtre mais une sortie discrète par le premier étage ne m'enchante guère. Je me décide donc à ouvrir la porte de la chambre le plus discrètement possible.
Des bruits sourds de conversation se font entendre. J'essaie de suivre le son qui parvient à mes oreilles. Je n'ai aucune échappatoire. Plusieurs portes fermées décorent le couloir où je me trouve. Je me donne du courage pour descendre l'escalier et affronter les voix, le futur et ses conséquences. A pas de loup, je descends les marches de l'escalier. Une fois en bas, je suis dans ce que je pense être un salon mais il n'y a personne. Sur ma gauche un éclat de voix se fait plus distinct. S'offre alors à moi deux solutions : fuir pieds nus et en tee-shirt par la porte d'entrée sans savoir si je suis loin ou pas de mon appartement ou alors affronter des inconnus. Le premier choix est le meilleur, mais le moins sécuritaire. J'opte à contre-cœur pour le second choix. Je me dirige vers une nouvelle pièce qui s'apparente à une cuisine. Ici, beaucoup de jeune gens, majoritairement des hommes, tous aussi bruns les uns que les autres. Seule une femme est aux côtés du seul blond de la pièce.
Clara et Alban.
Ce dernier est le premier à me remarquer et m'interpelle. D'un coup tout l'attention est concentrée sur moi. Je stresse et avance rapidement vers Clara, en baissant la tête. Une fois à son niveau, elle me fait un grand sourire et me serre dans ses bras. Elle m'étouffe.
- Enfin ! Elle me hurle dans les tympans. On a cru que tu n'allais jamais te réveiller.
Puis, comme dépossédée de mon propre corps, je passe dans les bras de chacune des personne présente dans la pièce. Chacun y va de sa petite remarque. Une fois que tout le monde à terminé de me toucher sans que je n'ai donné mon accord, je me colle de nouveau à Clara et approche ma bouche doucement de son oreille pour ne pas être entendu des autres.
- On est où, je chuchote.
D'un seul homme tous les garçons se tournent vers moi comme si je venais de hurler.
- Qu'est-ce que tu viens de dire, me demande-t-on.
Le seul jeune homme qui porte des lunettes donne une tape sur le bras de celui qui venait de parler.
- Tu as très bien entendu ce qu'elle vient de dire.
Le garçon à lunettes me regarde et me pose une question auquel je suis incapable de répondre. Un brouhaha intense fait saigner mes oreilles. Clara essaie de me rassurer mais à la place je suis hypnotisée par les yeux noirs du seul garçon aux cheveux longs qui se trouve être face à moi. Je me tortille, ne sachant pas où me mettre pour me soustraire à son regard. J'ai comme l'impression de l'avoir déjà vu quelque part, son prénom est au bout de ma langue, tel un cheveu que l'on n'arrive pas à enlever. Sa crinière lui arrive à hauteur d'épaule. Il porte un haut blanc maculé qui épouse parfaitement le haut de son corps. En poussant plus loin, je me rends compte qu'il est le seul à ne pas prendre part au débat qui s'animait autour de la table. Malgré tout, son anxiété est palpable. Il joue avec un élastique à cheveux qui est autour de son poignet.
J'entends que l'on m'appelle et une main fait irruption devant mon champ de vision me faisant vivement sursauter. Alban m'interpelle par mon prénom. Il me parle doucement comme pour ne pas me brusquer. A l'intonation, je sais qu'il essaie de tester ma mémoire. N'ayant aucune réaction de ma part, il commence alors à faire un tour de table pour présenter chaque personne présente dans la cuisine.
Gabriel. C'est son nom. Guttural et rauque en bouche. Il y a un petit côté sauvage à le prononcer dans l'intimité. Ce que je fais, pour moi-même. Un sourire est esquissé sur les lèvres du jeune homme face à moi. Il passe une main sur sa bouche pour ne pas se faire remarquer des autres mais ses yeux deviennent plus sombres et pétillent. Il m'a entendu prononcer son prénom. Je rougis d'inconfort.
- Tu te rappelles que tu es une sorcière, demande un des garçons à haute voix et de manière désinvolte.
Paniquée je regarde Clara.
- Pour résumer, elle commence pour me rassurer, ici, tout le monde sait que nous sommes des sorcières et pour contrebalancer ce petit secret, nous savons qu'ils sont tous les loups-garous.
Estomaquée, je la regarde avec les yeux grands ouverts comme si le plus grand mystère du monde venait d'être découvert. Alban passe un bras autour de mes épaules et me secoue gentiment pour faire passer l'effet de surprise. Il tente même une petite blague mais elle ne passe pas auprès de Clara qui l'insulte juste après l'avoir tapé sur l'épaule.
- Mais tu te souviens, au moins, être lié à un loup-garou, demande sèchement un autre garçon. Cillian il me semble.
Par instinct je regarde mon poignet où aucune marque n'apparait. Il est vierge. Même la petite cicatrice a disparu.
- Oui, je me souviens, je souffle pour moi-même.
Nostalgique je passe mon pouce sur l'endroit où devrait apparaitre les vestiges d'un jour d'été.
- Sache que tu as encore cette protection, dit Alban, même si la marque n'existe pas, tu l'as transmise à ton loup, pour votre survie à tous les deux.
Une main se pose sur mon épaule et la presse doucement. Clara me parle directement en parlant de mon frère qui est en sécurité, de mon Coven et de mes parents. Là je suffoque, c'est trop d'information d'un coup. Ma respiration devient harassante, je vois flou et mes jambes ne supportent désormais plus mon poids. Je m'écroule.
- Bordel, Clara, j'entends.
- Mais je ne sais pas qu'elle allait réagir ainsi, elle se défend.
Ma poitrine se comprime à m'en faire mal. Je suis incapable de respirer correctement. J'aspire de grande goulée d'air mais la panique et la douleur me font pleurer.
- Sortez tous ! Laissez-nous seul.
- Gabriel...
- C'est bon, Alban, à partir de maintenant je gère.
Des tâches blanches floutent ma vue. A travers ma respiration lancinante, je vois tout le monde quitter la cuisine. Une personne s'agenouille devant moi. Elle me tend un espace de sac en papier kraft pour m'aider à réguler ma respiration mais mes doigts tremblent et je suis incapable de l'attraper. Des spams secouent mon corps et ma trachée me brûle. La personne me parle doucement mais à mes oreilles, j'entends uniquement le son de ma respiration chaotique. Voyant que je ne réagis pas et que je peine à retrouver mes esprits, elle se penche vers moi et une voix grave me parvient. Je ne l'ai pas entendu parler mais je sais que c'est Gabriel. Il prend mon poignet et fait poser le plat de ma main contre sa poitrine que je sens se soulever et s'abaisser à mesure qu'il inspire et qu'il expire mais aussi les battements affolés de son cœur.
- Suis ma respiration.
Son souffle chaud s'écrase contre mon cou.
- Inspire et expire.
J'essaie mais je n'y arrive pas. Par manque d'oxygène, je commence à tousser. Son corps est penché sur le mien, à tel point que lors d'une nouvelle quinte de toux, je pose mon front contre son épaule. Sa main chaude force à rester sur la mienne. Un léger picotement se fait ressentir dans mon poignet qu'il a agrippé en premier lieu. J'essaie de caler ma respiration à la sienne tant bien que mal.
- C'est ça, Aglaé, inspire et expire profondément. Encore.
Je répète ces instructions jusqu'à ce que ma respiration se calme. Cependant, mes larmes ne se tarissent pas. A la place, des flashs me reviennent. Mes souvenirs remontent à la surface, comme libérés de leur prison. Tout me semble plus clair, même ce que je ne voulais pas accepter. On reste dans cette position jusqu'à ce que je me sois complètement calmée. Quand Gabriel se redresse, son regard percute le mien, honteuse je baisse la tête. Il attrape mon menton pour me forcer à le regarder de nouveau. Face à la puissance de son regard, je dévie mes yeux sur la gauche.
- Ne pas baisse pas la tête et ne détourne jamais ton regard. Tu es forte et tu vas te relever de tout ça. Tu vas y arriver. Ça va peut-être prendre du temps, mais tu sauras te relever, comme toujours. Et je serais là pour t'aider.
- J'ai accepté le lien, je fais quand je le regarde de nouveau alors que mon menton est toujours coincé entre ses doigts.
Il sourit doucement.
- Je sais.
Il me lâche alors et tire le col de son haut vers le bas, dévoilant ainsi une partie de sa poitrine. Au milieu de son sternum une étoile à cinq branches remplie d'arabesque. L'endroit où mes lèvres se sont posées.
- Tu es mon âme-sœur, Aglaé.
- Pourquoi ne pas me l'avoir dit plus tôt ?
- Tu n'étais pas prête, et puis je craignais ta réaction aussi. Tu m'intimidais. Et quand Alban t'a officiellement présenté à la meute, je prenais sur moi pour ne pas te sauter dessus. Tu avais d'autres problème, notamment avec ton Coven et je ne voulais pas t'imposer ma présence, de te créer d'autres problèmes. Alors j'ai préféré te suivre de loin, t'observer jusqu'à ce que tu sois prête à m'accepter dans ta vie.
- Et si les derniers événements qui se sont passés dans ma vie ne s'étaient jamais produit, tu ne me l'aurais jamais dit ?
- Je préférais te savoir heureuse avec une autre personne que malheureuse avec moi.
- Et maintenant ?
- La balle est dans ton camp. Je serais toujours là pour toi peut importe ton choix.
J'essaie de me relever péniblement, m'aidant du mur derrière moi et de la main tendue de Gabriel que j'attrape immédiatement.
- On a réussi à vivre presque vingt ans sans se voir, on peut le refaire. Certes je suis un loup-garou mais j'ai des manières et des principes. Je ne te forcerai à rien que tu ne veuilles pas faire. Je respecterai ta décision et je demanderai aux gars d'en faire autant.
- Et mon frère ?
- Il a la protection de ma meute, personne ne le touchera sans conséquences de ma part. Il aura le même statut que toi, sorcier sans Coven mais il survivra grâce à ma meute.
Son ton est sérieux et le mien aussi. Un nouveau dilemme à résoudre s'offre moi. Je prends une chaise et m'avachi dessus. Mon cerveau tourne à mille à l'heure. Je ne sais pas quoi faire.
- Ma famille et mon frère ont toujours été ma priorité.
- Je comprends, il me dit en s'adossant au bar de la cuisine.
- Je n'ai plus que lui maintenant, il est ma seule famille. Il est encore jeune et je vais avoir besoin de tout mon temps libre pour m'en occuper.
- Ce qui est louable de ta part.
- Cependant, je sais que toute seule je ne vais pas y arriver. Je vais avoir besoin de quelqu'un pour m'aider, pour m'épauler. Je vais devoir déménager car mon appartement est trop petit pour deux.
Je le vois hocher la tête et croiser les bras sur sa poitrine.
- Cela ne va pas être simple tous les jours, surtout que c'est un futur adolescent. A ses yeux je ne remplacerais jamais nos parents.
- Si tu as besoin de temps pour réfléchir, tu peux me le dire au lieu de tourner autour du pot.
Je relève la tête vers lui et quand je le regarde, chaque cellule de mon corps me supplie de le rejoindre. Je vois bien à la ligne de sa mâchoire qu'il est tendu. Il essaie de paraitre nonchalant mais c'est peine perdue. N'écoutant que mon instinct, je me lève brutalement pour aller me planter devant lui. Etant plus grand, il baisse la tête pour me regarder alors que je suis obligé de me déboiter les cervicales pour pouvoir l'observer de plus près.
- Je n'ai pas besoin de temps, ni d'espace. Je pense en avoir eu suffisamment ces dernières années. Sache que j'ai longtemps pensé à toi, à ce petit garçon qui avait joué avec moi à faire des châteaux de sable. Quand la marque est réapparue sur mon poignet tout ce que je voulais c'était te retrouver, te revoir. Alors maintenant que nous sommes face l'un à l'autre, que j'ai accepté le lien, que nous avons survécu à une potentielle mort imminente, je ne veux pas que tu disparaisses de nouveau.
Je vois ses muscles se détendre d'un coup. Ses bras tombent le long de son corps.
- C'est ce que tu veux ?
- Tu m'aurais posé cette question quand tu t'es présenté à moi dans le salon de la fraternité il y a quelques jours je t'aurais dit non. Entre-temps, il s'est passé des choses horribles dans ma vie et je ne veux pas perdre d'autre personne qui me sont chères alors oui, aujourd'hui c'est ce que je veux.
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