Chapitre 30
Je vais pour me retourner mais je suis arrêtée dans mon élan par Clara qui me supplie de ne rien faire et surtout de ne pas approcher Gabriel. Je ne peux pas lui expliquer le pourquoi du comment, en effet, je pense savoir comme le sauver mais ce n'est qu'une hypothèse, une théorie. Et si cela s'avérait exact, je ne saurais pas réellement comment réagir après.
-Cillian est à fleur de peau. Il ne parle à personne et personne ne lui parle depuis des jours. Alban fait tout son possible pour essayer de l'apaiser mais rien ne fonctionne. Alors, s'il te plait, ne fait rien. Repose-toi encore un peu et après je te ramène chez toi.
Elle attrape une de mes mains et la sert fort dans la sienne avant de me contourner et de sortir de la chambre où je me suis réveillée. Je presse mes paumes sur mes yeux et hurle de désarroi. Des larmes de colère s'échappent de mes yeux. J'attrape la première chose qui me tombe sous la main et la balance à travers la pièce. Il s'agissait d'un tee-shirt et l'effet escompté n'était pas là. Il retombe mollement au sol, sans un bruit, comme s'il se moquait de moi. Je l'entends presque rigoler. Je m'assoie au bord du lit et regarde de nouveau mes mains. La pulpe de mes doigts semble couverte de poudre. Je frotte alors mes mains l'une contre l'autre mais la poudre est toujours là. J'essuie mes mains contre la couverture du lit qui se solde de nouveau par un échec.
Il faut que j'aille voir Gabriel. Pour cela, il ne faut pas que je sois empêchée par qui que ce soit. Je fabrique un sort de localisation de courte portée sur la fraternité. Je ferme les yeux et laisse mon subconscient me guider à travers chaque pièce. Je repère chaque garçon s'activant à différentes tâches, se reprenant la tête entre eux pour certains et Clara qui est assise sur le canapé aux côtés d'Axel qui portait ses lunettes sur la tête. Par la même occasion je visualise le chemin pour me rendre dans la chambre de Gabriel.
Alors que j'ouvre les yeux pour revenir à la réalité, une grosse fatigue me fait courber l'échine. Je ressens la solitude, je suis seule et sans aucune protection. La Mort marche dans mes pas, se rapprochant de plus en plus de moi. Je m'accorde quelques minutes afin de retrouver mes forces pour me lever. Utiliser un sortilège m'a plus affaiblie que je ne veux le croire. Une fois debout, je marche quelques pas vers la porte avant d'être prise d'un vertige. Je me retiens juste avant de tomber. Je m'encourage mentalement à continuer. J'ouvre la porte de la chambre et me dirige vers celle de l'alpha le plus silencieusement possible.
Une fois devant, je commence un peu à paniquer. Je ne sais plus si je dois y entrer au pas. Je reprends mon souffle car cette petite marche m'a légèrement épuisée. La main sur la poignée je pèse le pour et le contre mais il n'y a ni pour ni contre. C'est une question de survie en fait. J'inspire et souffle doucement par la bouche pour me donner du courage. J'abaisse la poignée et entrouvre doucement la porte, juste de quoi me laisser entrer.
La chambre est dans la pénombre. Les volets sont à moitié fermés et au milieu, le lit. Des livres éparpillés un peu partout. Je ferme la porte derrière moi et un miaulement m'interpelle. Une boule de poil bleu dort en boule au pied du lit.
-Azul ? Mais qu'est-ce que tu fais là, je chuchote à mon chat.
Je me rapproche et tends la main vers sa tête. Je l'ai à peine touché que ce dernier se met à ronronner fort. Il tend une patte avant pour s'étirer et baille en même temps. Il me regarde avant de se lever et se diriger vers la tête de lit. Gabriel est là, étendu dans son lit, une couverture remontée jusqu'à ses épaules. Ses cheveux sont éparpillés sur l'oreiller, formant un halo noir autour de sa tête. Une bassine d'eau est posée sur le chevet avec un gant sur le rebord. Azul s'assoit sur le matelas, aux côtés du brun. Il pousse un léger miaulement, un peu chaotique à cause de son ronronnement. Des gouttelettes de transpiration se forment sur le front de l'alpha. Instinctivement je prends le gant que je plonge dans l'eau tiède. Après l'avoir essoré je tamponne son front humide. Il ne bouge pas d'un pouce. Je réitère la même chose mais cette fois je passe le gant sur son cou. Je le découvre un peu et fait courir le gant humide le long de ses bras, son torse nu et son ventre. J'invoque une légère brise qui vient caresser sa peau et un frisson parcourt son corps.
Je m'assoie sur le bord du lit et Azul vient se coller à moi. Je le caresse tout en lui parlant. Il ne me répond pas mais sa présence me réconforte. Il me donne de son énergie pour que je ne m'effondre pas. Assise dans cette pénombre sur un lit inconnu avec une personne à l'article de la mort à mes côtés, me fait froid dans le dos. J'avais dit à Clara que je savais comment le sauver mais là, tout de suite, j'en doute. Dos à Gabriel, je regardais mes mains où un léger fourmillement se faisait de nouveau sentir.
Un murmure à mon oreille. Une voix féminine.
« Touche-le »
« Tu as notre bénédiction »
« Toi seule peut le sauver »
Je ferme les yeux et un petit garçon apparait devant moi sur une plage d'un jour d'été. Il a les cheveux sombres et le regard tout aussi noir. Il me sourit de toutes ses dents. Il tend sa main vers moi et sens son toucher sur ma peau. S'en est irréel. Il caresse le creux de mon poignet, là où s'est longtemps trouvé ma cicatrice avant de devenir un croissant de lune noir rempli d'arabesque.
Ce souvenir s'efface pour laisser place au campus de l'université. Je sens que l'on me regarde depuis la rentrée mais jamais je n'ai trouvé qui posait un tel regard sur moi. J'ai laissé tomber et finalement je me suis habituée à me sentir épiée. J'ai redoublé de vigilance pendant deux ans et tout compte fait, c'est quand j'ai rencontré les gars de la fraternité que tout a basculé dans ma vie. Je me revoie de nouveau dans la bibliothèque universitaire face à cet inconnu qui ne m'était pas si inconnu.
Je suis dans la fraternité et je sens qu'on m'accroche le poignet. Lorsque que je me retourne je plonge mes yeux ceux de Gabriel. Un léger courant électrique traverse ma peau et longe mon échine. C'était notre premier contact depuis des années. Ma peau et mon cœur réagissent comme s'ils se souvenaient d'un instant trop longtemps oublié. Ils se réveillent d'une longue période de sommeil.
Une sensation étrange sur le dos de ma main me fait émerger de cette étranger transe. Azul lèche ma main. Sa petite langue râpeuse devient désagréable au bout du troisième coup de langue. J'inspire une grande goulée d'air qui remplit mes poumons à les faire exploser. Une dose de courage. Je tourne la tête vers la gauche et fais courir mes yeux sur cet homme au corps sculpté comme un dieu grec. Finement taillé à en faire rougir n'importe quelle fille attirée par la gent masculine. Je sens mes mains devenir moites. Le stress commence à monter. Et si j'avais tort ? Et si cela ne fonctionnait pas ? Si on allait mourir tous les deux ?
Sans faire de geste brusque j'approche une de mes mains vers lui. Je fais glisser mes doigts contre les siens. D'abord par une légère caresse. Je les fais courir contre sa peau. Le dos de sa main, son poignet, son avant-bras, le creux de son coude, son biceps. J'arrive à son épaule quand je décide finalement de poser l'entièreté de ma main sur lui. Je refais le même chemin de son épaule à ses doigts. Rien ne se passe. Absolument rien.
« Encore »
Je grogne de frustration et recommence. Je fais parcourir mes doigts, aussi léger qu'une plume.
« Accepte le lien »
Plus facile à dire qu'à faire. Je me rapproche encore plus de lui. Je suis désormais assise au niveau de sa hanche. Je me penche vers lui tout en fermant les yeux. J'essaie de visualiser le lien, ses fils rouges qui m'entouraient, aussi doux que du velours. J'essaie de les projeter vers l'étudiant en biologie. Je les imagine nous liant l'un à l'autre. Afin de me stabiliser, je pose une de mes mains contre ses côtes. Je sens sa cage thoracique de lever et s'abaisser à chacune de ses respirations. Je suis sensible à son souffle et au battement de son cœur sous mes doigts.
Je suis en équilibre précaire, assise, à moitié penchée sur un homme dont je n'ai pas recueilli le consentement pour le toucher ni pour faire ce que l'on me soufflait de faire. Je suis tellement proche de lui que je sens un léger parfum émaner de sa peau avec une petite odeur aigre de transpiration. Je me rapproche encore toujours les yeux fermés je prépare ma bouche à l'impact.
J'embrasse le milieu de son sternum.
Je me relève doucement, coupe tout contact avec lui et attend le moindre signe de sa part. Les secondes s'égrainent pour laisser places aux minutes. Rien ne se passe. Plus aucune consigne ne m'est donné. J'ai échoué. Lui, comme moi, allons mourir. Résignée, je me décide à sortir de sa chambre au bout de ce qui semble une demi-heure.
Je longe le couloir et entre dans une première chambre sans trouver ce que je voulais. J'ouvre trois portes comme ça avant de tomber dans une chambre où un petit garçon semblait endormi. Sans faire de bruit je me déplace jusqu'au lit, entre dans les draps et serre mon petit frère contre moi. Une immense fatigue s'abat sur moi et des larmes commencent à couler sans que je ne puisse les arrêter. Je sens la Mort me murmurer des mots doux à l'oreille. Je ferme les yeux et m'endors, bercée par la respiration d'Alexandre.
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