Chapitre 20
Point de vue d'Alban
Thomas est parti avec les filles depuis quelques minutes à peine, que j'entends déjà des cris à l'étage. Les garçons sont dans la salle à manger, silencieux. Je monte les escaliers et découvre Cillian et Gabriel en pleine argumentation. Ce dernier est impassible, les mains dans les poches, appuyé contre le garde-corps de l'escalier. Alors que le plus âgé de la meute, fait de grand geste et hausse le ton. Le prénom d'Aglaé m'interpelle et comprend immédiatement le sujet de leur différent.
- Je l'ai appris en même temps que vous, dis notre alpha sans pour autant lever la voix.
- C'est la pire espèce qu'il existe.
- C'est parce qu'on ne les connait pas assez. Nous avons des aprioris. Il est temps qu'on apprenne à les connaitre et puis Aglaé et son amie ne m'ont pas l'air d'être si terrible que ça.
- Tu te fou de moi ? Elle a failli te tuer !
- Et je ne suis pas mort à ce que je sache.
- Mais merde, ouvre les yeux Gabriel ! C'est une sorcière ! Putain !
- Un peu de respect pour ton alpha et sa liée, Cillian, je dis en m'interposant entre eux.
Gabriel hoche la tête, me remerciant de mon intervention, puis son attention se reporte sur le plus âgé de nous. Il déploie sa puissance, son pouvoir sur nous. L'ombre du dominant s'étend, se disperse, s'allonge et fait plier le contestataire qui rentre sa tête dans ses épaules.
-Cette femme de la pire espèce, comme tu le dis, s'appelle Aglaé, elle est liée à mon existence et à cette meute. Elle va devenir un jour ou l'autre mon égal et tu lui devras autant de respect qu'à moi, à moins que tu ne retournes dans la meute de tes parents. Elle est liée à moi depuis notre enfance. A cette époque je ne savais ce que ça voulait dire, aujourd'hui j'en ai pleine conscience. Ce qui veut dire que je lui fais autant confiance qu'à vous et je ne vous abandonnerai pas pour elle tout comme je ne l'abandonnerai pas pour vous. A ce stade, aucun choix n'est possible, surtout qu'aujourd'hui elle se retrouve sans la protection de son Coven. Elle fait partie intégrante de cette meute depuis cette fameuse soirée étudiante où vous l'avez accueilli à bras ouverts. Je me rappelle de votre enthousiasme à la rencontrer. Je me souviens encore de votre euphorie le lendemain. Et là, tout ça parce qu'elle est une sorcière, vous la rejetez. C'est trop facile, Cillian.
Gabriel pointe sur lui un doigt accusateur. Je m'avance pour les séparer mais le regard sombre de mon alpha m'en empêche. Je fais alors demi-tour et les laisse régler leur problème entre eux. Je descends et rejoins donc le reste des garçons. Je m'étale sur le canapé sous le regard de cinq de mes frères. Je leur explique alors ce qu'il se passe là-haut et leur fait part de mon incompréhension face au comportement de l'étudiant en STAPS. Axel, qui porte ses lunettes sur sa tête au lieu de son nez nous explique qu'une partie de la meute de ses parents a été décimée par un Coven de sorcières. Tous, y compris moi-même, le regardons interloqué. Comment se fait-il que personne ne soit au courant ? Il se met alors à nous raconter une histoire vieille de plusieurs années comprenant des loups-garous, des sorcières et une célèbre famille de chasseur dont seules les sorcières sont sorties indemnes et sans aucune perte.
Je peux comprendre son mal-être envers les sorcières mais Aglaé n'est pas la raison de ces maux. Elle n'a pas à en payer le prix. Cette brune est entrée dans notre vie rapidement et c'est tout aussi vite qu'elle a su nous faire succomber. Elle ne sait pas qui nous sommes pour elle. Elle connait l'existence de son lien sans savoir à qui elle est liée. Trop d'inconnus pour elle. Sa vie est depuis plusieurs heures maintenant totalement chamboulée et Gabriel ne veut pas plus la perturber. Pourtant en tant que beta, je connais son désir. On sait tous qu'il souhaite qu'elle accepte le lien qui s'est réactivé hier soir. Pourtant, il la laisse s'enfuir loin de nous, loin de lui.
Le soleil commence à se coucher et une brume blanche recouvre le sol de la forêt derrière la fraternité. Les minutes s'étiolent pour laisser place à des heures. Personne ne bouge. Chacun est prostré sur un bout du canapé. Axel lit un magasine qui était posée sur la table basse en face de nous. Hugo zappe les chaines de la télévision tandis que les autres sont concentrés sur leur téléphone. Pour ma part, je fixe l'écran sur le mur d'en face. Je suis vidé, lessivé. Complètement dépassé par les évènements. Cela fait maintenant deux heures que Thomas est parti.
J'entends quelqu'un descendre les escaliers et tout le monde se redresse. Gabriel est seul. Cillian doit sûrement ruminer dans sa chambre ou alors il a du sortir faire un tour. Il fera bientôt nuit. L'homme aux cheveux longs soupire et s'excuse des évènements qui se sont passés cet après-midi. Samuel vient se coller à moi pour laisser de la place sur le canapé. Quand Gabriel s'assoit, je vois mon compagnon à ma gauche fixer longuement le nouvel arrivant du canapé.
-Tu as encore du sang sur les lèvres, lui fait-il remarquer.
L'étudiant en science s'humidifie les lèvres avant de se les frotter avec ses doigts.
-Alors Adaams, ça fait quoi d'embrasser notre jolie sorcière ?
-Je ne l'ai pas embrassée.
-En tout cas, elle, elle l'a fait, s'esclaffe Lucas en lui jetant un regard lubrique.
Gabriel soupire face à la gaminerie de ses hommes, mais il lâche tout de même un petit sourire. Hugo lui demande ce que cache son sourire et alors, il explique ce qu'il s'est passé dans sa chambre une fois tout le monde parti après son réveil. Je le charrie à mon tour en lui bousculant doucement l'épaule.
-Ta gueule, Dimitrov.
-Ne m'appelle pas par mon nom de famille, je fais durement.
-Ce n'est qu'un nom de famille, il me fait. Ce sont tes origines.
-Mes parents sont russes, pas moi, je dis tout en secouant la tête.
Gabriel veut me répondre mais la sonnerie de son téléphone portable le coupe. Il nous montre son écran qui indique un appel entrant de Thomas. Il décroche et met automatiquement le haut-parleur. Nous nous regroupons tous autour du téléphone, tous sauf Cillian qui est je ne sais où. Notre frère nous indique qu'ils sont bien arrivés à destination et que le petit frère d'Aglaé est introuvable. Thomas part alors dans des grands discours, il nous explique du mieux qu'il peut se qu'il se passe, ce qu'il voit et le fait que les filles ne veulent pas dire ce qu'il se passe. Axel saute du canapé et cours dans sa chambre. Thomas continue son monologue que nous écoutons attentivement. Quand l'étudiant en littérature revient c'est avec un gros bouquin sous le bras. Il regarde rapidement le sommaire avant de chercher sa page. Il commence à poser des questions précise auxquelles notre interlocuteur répond toujours à l'affirmative. Il tourne alors le livre ouvert vers nous et on peut y lire en lettre capitale le titre de la section consultée. Un mouvement de recul nous prend.
-Passe-moi Aglaé, ordonne Gabriel.
Les secondes passent et nous nous concentrons à nouveau sur le téléphone.
-Oui, fait la petite voix fluette de notre sorcière bien aimée.
-Aglaé, c'est moi, dit l'alpha nous intimant de nous taire en posant son index sur ses lèvres. Explique-moi ce qu'il se passe ?
- Le Grand Prêtre de mon Coven a trouvé mon frère et pour me punir, il l'a emmené ailleurs. Ici c'est l'horreur. C'est le début de l'Apocalypse. On ne sait pas comment avance le brouillard. Mais on peut encore l'arrêter avec Clara tant qu'il n'est pas encore trop étendu.
Aglaé semble paniquer, elle débite ses paroles à une vitesse affolante.
-J'arrive.
D'un seul homme nous nous tournons vers notre alpha. Axel veut répliquer en pointant l'ouvrage du doigt ouvert mais le destinataire de l'appel ferme le livre d'un coup sec.
- Non, je ne veux pas mettre en danger ta meute. C'est mon frère, ma responsabilité.
-Tu fais partie de cette meute Aglaé, que tu le veuilles ou non, tu es sous ma responsabilité et par conséquent, ton frère aussi.
-Hein ?
La pauvre est perdue. Normal, il lui balance ça comme ça alors qu'elle s'inquiète pour la disparition de son frère. Gabriel respire fortement. Je ne fixe plus l'écran de son téléphone mais plutôt chacun de ses mouvements et de ses expressions faciales. Sa mâchoire est crispée.
-Où est ton frère, Aglaé ?
-Je ne sais pas, dit-elle en pleurnichant.
-Ne me mens pas. Thomas m'a dit que vous saviez des choses et que vous évitiez le sujet devant lui. Alors je ne me répèterais pas, dis-moi où est ton frère.
Il prend sa voix d'alpha. Celle-ci est grave, profonde. Je ne pense pas que l'ordre prenne sur elle. Certes elle fait partie de la meute, mais c'est une sorcière, et l'égal de notre alpha qui plus est. Je ne me fais pas de grandes idées quant à sa réponse. Elle va rester évasive et va nous laisser dans le flou total même si Axel a essayé de nous apporter une réponse qui n'a pas l'air de plaire à Gabriel. On attend sa réponse. Nous sommes tous scotchés à ses lèvres. On se rapproche un peu plus du téléphone à chaque fois pour ne pas louper un mot de sa réponse.
-En Enfers.
Et boum, la réponse est lâchée. Finalement, elle a obéit à l'ordre. Elle s'est soumise. Puis elle semble reprendre ses esprits et nous explique tout compte fait, la manœuvre qu'elle envisage avec son amie. Et dans leur plan, Thomas est mis à l'écart. Il n'entre pas en compte. Il n'a jamais fait parti de l'équation. Gabriel proteste et la supplie de prendre Thomas avec elle, mais elle nous explique par A plus B qu'il ne pourra jamais traverser. Il devra donc rentrer et attendre comme nous le retour des filles. L'étudiant aux cheveux longs grogne tout en attrapant le téléphone et coupant le haut-parleur avant de le placer sur son oreille. Il part dans la cuisine.
Axel reprend son bouquin et l'ouvre à la page souhaitée. Il commence alors à faire la lecture de plusieurs paragraphes et à nous en résumer d'autres. Les garçons commencent à s'exciter. Moi, je fixe la porte de la cuisine où je vois Gabriel arpenter la pièce, le téléphone dans la main. Il se tire les cheveux, les ramène en arrière, signe de son agacement. Il se plante devant la porte et me regarde. Il me fait un signe de tête pour m'inviter à le rejoindre. Chose que je fais immédiatement. Une fois dans la cuisine je ferme la porte derrière moi. Il se pince l'arrête du nez avant de me tendre le téléphone.
- Allô ?
- Qui est à l'appareil, me fait une vois féminie qui n'est pas Aglaé.
- C'est Alban. Je suis le blond de la bande.
- Je sais qui tu es.
- Peux-tu m'expliquer ce qu'il se passe.
Viennent alors les explications. Je laisse Clara m'annoncer ce qu'il se passe chez les parents d'Aglaé. Le brouillard rouge, les symboles du soufre et les nuées de sauterelles. Elle m'explique la marche à prendre. Ce qu'elles vont faire pour récupérer le petit frère de la brune. Ce sauvetage est complètement surréaliste. Depuis quand les Enfers existent ? Et surtout depuis quand Dieu existe ? Certes les créatures surnaturelles ne sont pas des légendes mais là on parle de religion tout de même ! J'écoute Clara d'une oreille quand je vois Gabriel attacher ses cheveux et se lisser le visage. Je raccroche donc rapidement avec la blonde pour me concentrer sur mon alpha. Il me dit qu'il part à sa recherche et qu'il va l'accompagner. Je lui réponds à la négative car si Thomas ne peut pas les accompagner, lui non plus. J'essaie de le raisonner et de lui faire comprendre qu'il faut juste que l'on attende patiemment.
Quand j'ouvre la porte de la cuisine, Je vois que Cillian est revenu et que les garçons essayaient temps bien que mal de lui faire comprendre ce qu'il se passait.
-Nous allons devoir attendre de leur nouvelle. On ne peut rien faire de plus malheureusement. Il va falloir que l'on prenne notre mal en patience, je fais à l'assemblée devant moi.
Hugo prend alors son téléphone et passe commande pour le repas de ce soir, puis tout le monde se rassoit dans le canapé, même Gabriel qui est dépité.
Le temps passe, peut-être qu'une heure ou deux heures se sont écoulées. En tout cas, notre repas est posé sur la table basse mais personne n'y a touché. Une notification de message se fait entendre sur le téléphone de l'alpha. Il regarde et nous dit que les filles sont parties et qu'il prend le chemin du retour pour nous rejoindre.
A nouveau le temps passe sans que personne ne parle ou ne mange. Heureusement que ce n'était pas un plat chaud qui a été commandé. Je me lève pour me dégourdir les jambes et faire couler un café. Alors que je reviens avec un plateau sur lequel sont posés les tasses, la porte d'entrée s'ouvre. Thomas apparait le visage complètement fermé. Gabriel lui saute dessus et lui pose plein de question mais il ne répond pas. Il garde le silence.
-Je suis désolée. Je n'ai pas su la protéger, il fait piteusement.
Et après ça, il monte à l'étage et il n'est jamais redescendu. Un peu sonné, mon alpha me regarde secoué par les paroles du brun. Je lui prends le bras pour nous faire retourner sur le canapé. On s'assoit et à nouveau on se met à attendre.
Les heures défilent. Le café a refroidi dans les tasses. A mes côtés Samuel déverrouille son téléphone et je vois qu'il est deux heures du matin. A quel moment on a attendu six heures sans nous en rendre compte. Je me lève donc et je les oblige à aller se coucher. Ils sont tous à moitié endormi. Chacun se lève pour se rendre dans leur chambre. Gabriel est toujours assis sur le canapé. Il fixe le sol, les yeux rougis par manque de sommeil. Je me place devant lui pour qu'il me regarde et quand ses yeux croisent les miens je ressens sa douleur.
- Qu'est-ce qu'il se passe, je lui demande doucement.
- Quelqu'un est en train de jouer avec notre lien.
- Comment ça ? Et depuis quand ?
- Cela doit faire une heure à peu près.
- Pourquoi ne m'avoir rien dit ?
- Je ne sais pas, il fait avec une grimace de douleur. J'ai l'impression que quelqu'un est en train de me griffer. C'est très désagréable. Parfois ça fait mal.
- Tu penses qu'elle se fait torturer ?
- Je ne sais pas. C'est la première fois que je ressens ça. Elle fait passer ses émotions et sa douleur par le lien.
Je vais pour m'assoir à ses côtés quand je l'entends gémir. Je me penche vers lui et l'attrape par les épaules pour le soutenir. Il se met à hurler de douleur cette fois. Les garçons descendent aussi vite. On aimerait le soulager mais rien n'y fait. Il transpire, il est brûlant. Il est recroquevillé sur lui-même, roulé en boule à marmonner des choses incompréhensibles. Alors que Lucas essaie de le maintenir pour éponger la sueur de son front, il marmonne un mot, comme une parfaite litanie.
- Le lien...
- Quoi le lien ? Qu'est-ce qu'il se passe ? Gabriel ?
Et là il s'immobilise et tout son corps se relâche.
-Il s'est évanoui, demande Cillian inquiet.
Je n'ai pas le temps de répondre que je sens un changement en moi, et quand je regarde les garçons autour de moi, je remarque qu'ils sont dans le même état que moi. Un vide se créé dans mon for intérieur, comme s'il me manquait quelque chose. Je pose alors ma main sur mon cœur qui bat plus rapidement face à ce que je comprends plus vite que prévu.
Le lien qui reliait Aglaé à Gabriel et à nous a disparu.
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