Chapitre 16

-Je...

-Tu quoi ? Tu es désolée ? Je ne crois pas. Tu as tué un alpha de sang froid ! Tu es de la pire espèce qu'il soit. Les sorciers ont toujours considéré les autres comme des êtres inférieurs. Ne pense que tu es meilleure que tes congénères du fait que tu tiennes tête à ton Grand Prêtre.

- Cillian ! Ça suffit, gronde une voix grave derrière nous.

Le loup continue de me regarder méchamment et sa prise sur mon avant-bras me fait mal. Il ne compte pas me lâcher et un des garçons est obligé de le séparer de moi. Mes genoux flanchent et je tombe durement à côté de mes parents. Je suis dans un état d'inconscience. Je ne sais pas si je pleure ou si je suis en colère contre le monde entier. Je suis déconnectée de la réalité. Mes parents gisent non loin de moi, leur sang forme un halo autour d'eux et mon jean en est imbibé. Les feuilles ont pris une teinte rouge. Non loin, un hurlement sinistre se fait entendre. Cette complainte mortuaire me fait frissonner et sans m'y attendre les larmes coulent à flots le long de mes joues. La vue légèrement brouillée, j'arrive tout de même à voir Alban quitter le pentagramme pour se placer près de moi. Il est debout et me fait dos. Comme une petite fille apeurée, je me recroqueville sur moi-même près de ma maman. Elle est décoiffée, maman, mais elle reste toujours aussi jolie.

-Qu'est-ce que c'est, demande l'un des garçons à Alban.

Ce dernier ne lui répond pas ou en tout cas je n'entends pas sa réponse, trop occupée à essayer d'arranger les cheveux de maman. Ses pointes blondes sont aussi rouges que les miennes. Cela ne lui va pas du tout. Je me rappelle de la fois où je suis revenue du coiffeur avec mon balayage rouge sur mes cheveux noirs. Elle avait piqué une crise avant de finalement me dire que ça m'allait bien. Aujourd'hui, c'est à mon tour de lui dire que ce n'est pas son genre et surtout que ce n'est plus de son âge de faire ce genre d'essai capillaire. Je rigole mais mon rire est vite effacer pas un étranglement du à mes larmes. Je m'essuie les yeux mais mon visage est toujours aussi mouillé, je n'arrive pas à m'arrêter de pleurer. Pourtant je ne ressens aucune tristesse. J'entends quelqu'un auprès de moi, je me tourne et le visage de Lucas rempli mon champ de vision. Il me serre doucement contre lui avant de me forcer à me relever. Il me tient fermement sachant surement que je ne peux pas tenir debout toute seule. Il ne sourit pas, il est complètement fermé. Je sanglote toujours mais il m'impose le silence en posant son index sur mes lèvres. Surprise je le regarde et il me montre quelque chose devant nous.

Alban est en première ligne. J'essuie mes yeux avec les manches de ma chemise et observe ce qui se passe autour de moi. Les garçons m'entourent, à notre gauche les corps de mes parents et derrière nous les corps de Clara et Gabriel. Devant nous, une femme dans un long manteau blanc, les cheveux relevés en queue de cheval, les mains dans les poches.

- Nous t'avons entendu crier Banshee, mais il était trop tard pour nous prévenir car ils sont déjà tous morts.

- Je vous avertissais juste de ma présence.

- Pourquoi es-tu là ?

- Je viens récolter les morts au nom de Satan.

- Se sont là tes nouvelles attributions ? Ou tu fais ça uniquement pas charité ?

-Soit heureux que je ne vienne pas pour toi Bêta.

J'observe la femme marcher en direction de mes parents. Ma mère a toujours les yeux grands ouverts. Elle se place entre les deux corps et s'agenouille entre eux. Chacune de ses mains sont terminées par de longs doigts fins et des ongles tout aussi longs peints de blanc. Du bout de l'ongle elle dessine une rune entre les yeux de mes parents. Je fais un mouvement vers elle pour l'empêcher de profaner le corps de mes parents mais quelqu'un m'en empêche. Axel à présent humain, et cette fois, c'est lui qui me tient fermement par les épaules. Il ne porte pas ses lunettes et même sans elles, il regarde tout autour de lui à l'affut du moindre mouvement suspect. J'essaie de me débattre, cependant, il est plus fort que moi et je retrouve rapidement collé contre lui, entravée par ses bras autour de moi. Je vois les corps de mes parents s'évaporer. Je commencer à les appeler et bouge plus virulemment. J'hurle leurs noms mais eux continuent à disparaitre, comme de la cendre. En essayant de me défaire d'Axel je lui donne un coup de tête et finalement il me libère trop sonné, je pense. Je me précipite vers eux et quand je tombe à genoux devant mon père, le vent s'engouffre entre les arbres soufflant sur nous. Mes parents avaient disparu avant même que je ne puisse les toucher. Le vide se referma sous ma paume. Les feuilles mortes sont froissées là où se tenaient encore mes parents. Je pose mes mains à même le sol et ferme les poings sur la litière de feuilles poissées de sang. Je sens la terre chaude, contrastant avec l'hiver glacial autour de nous, entrer sous mes ongles. Je regarde la femme habillée en blanc se nettoyer ses ongles exagérément longs comme si de rien était. Furieuse, je me lève et commence à lui lancer les feuilles que je serre encore dans mes mains. Axel se jette sur moi et m'ordonne de m'arrêter mais je ne peux pas. Il faut que j'expulse ma colère.

-Essaie de contrôler ta reine, Bêta.

Tout le monde regardait la femme aux cheveux longs, même moi.

-Comment, chuchote un des garçons.

-Tout se sait. Même au royaume des morts, enfin surtout en Enfers. Oh, vous entendez, nous interroge-t-elle en posant ses doigts derrières sont oreille. Le doux murmure d'une âme agonisante. Je vais devoir vous laisser.

- Et Gabriel, demande Cillian.

-Ton Alpha n'est pas mort. Même si elle aurait voulu le tuer, elle n'aurait jamais pu. Vous devriez le savoir. Dernière chose avant que je parte.

L'inconnue s'approche d'Axel et moi et plante son regard dans le mien.

-Vous être pitoyable mais petit conseil d'ami : reprenez-vous vite, Mademoiselle Spokman, votre frère vous attend.

- Quoi mon frère ? Qu'est ce qu'il lui est arrivé ?

La femme disparait et Axel mis du temps avant de me libérer. Je trébuche légèrement et commence à partir. Au loin, un hurlement strident se fait entendre avant de ne devenir qu'un son parmi les autres. Rapidement, je me fais rattraper par Cillian, qui me regarde méchamment et qui m'attrape le bras pour me forcer à avancer vers le pentacle brisé. Il pointe du doigt Clara et Gabriel allongé à l'intérieur du cercle de sel. Je regarde les garçons un par un sans m'aventurer plus sur leur nudité et quand je crois le regard d'Alban, celui-ci me supplie de faire quelque chose.

-Je ne connais pas la formule inverse. Il me faut un grimoire, je dis piteusement.

-Parfais alors, la meute les ramène à la fraternité et toi et moi allons aller chercher un grimoire, me dis sèchement Cillian.

-Tu es nu, tu ne vas pas traverser le campus comme ça, j'irais avec elle tandis que toi et les garçons irez à la maison.

Je sais que je ne peux pas rentrer chez moi pour aller chercher un grimoire, il va donc falloir que je me résigne à aller à la sororité. Je commence alors à prendre la sortie de la forêt ou en tout cas à ce que je pense être la sortie mais Alban m'indique un autre chemin pour rejoindre le campus. On ne parle pas, on marche vite. Les températures de saison me font grelotter. Sans manteau je ne peux pas me protéger contre l'air ambiant.

Une fois sur le campus, je me dirige vers la maison de Clara. J'entre telle une furie sans frapper, ni sonner. Alban reste sur le perron.

- Désolée mais tu ne peux pas entrer, un sort de protection protège la sororité.

- Des sorcières ?

- Aussi étonnant qu'une fraternité de loup-garou.

- Pourquoi ne pas avoir cherché à intégrer ce Coven si tu as été bannie, il me demande.

- Comment tu le sais ?

- C'est ce que tu as dit tout à l'heure.

- Et bien lors de mon arrivée sur le campus, les filles ont voulu m'intégrer à leur Coven au début j'ai dit oui. Mais les rituels d'intégration ont mal été exécutés et j'ai failli tuer une sorcière. Depuis, je m'efforce de rejeter tous rituels impliquant la souffrance et la mort. J'ai fait des recherches et je me suis rendue compte que beaucoup de Coven ont su évoluer avec le temps mais que certains sont restés très... Enfin, c'est le cas de mon Coven et de mon Grand Prêtre. Bref, reste là, j'arrive.

- De toute façon je ne peux pas entrer.

J'essaie de me repérer pour retrouver la bibliothèque où je suis venue emprunter des grimoires il y a plusieurs jours de ça. La sororité est entièrement vide. Je ne sais pas où sont les filles et personnellement, je m'en moque un peu. Une fois devant les étagères remplis de vieux manuscrits, je lis les dos pour finalement prendre le plus fin de tous. En rebroussant chemin, je passe dans la chambre de Clara pour lui emprunter en manteau.

Dehors, je montre le petit grimoire à Alban avant qu'il m'entraine à la fraternité. Nous marchons vite. Les étudiants qui sont dehors ne nous remarquent même pas. Nous nous mêlons à eux mais nos préoccupations sont tout autres. Mon ami ouvre la porte en grand et s'engouffre dedans. Il monte à l'étage et je le suis, le grimoire serré tout contre ma poitrine. Dans la première chambre se trouve Clara, elle est allongé sur le lit, elle semble paisible. Je m'agenouille alors devant la tête de lit et pose le grimoire sur la couette. Je le feuillète avant de trouver le contre-sort. Je demande alors aux garçons de m'apporter une bougie. Faute de moyen, Thomas m'apporte un chauffe-plat qu'il allume à l'aide d'un briquet avant de me le donner. Je lis la formule dans ma tête avant de la prononcer. Une fois que je l'ai bien en tête, je la formule à voix haute, trois fois. Une fois fait, je pince la mèche de la bougie avec mon pouce et mon index.

J'entends Clara reprendre son souffle comme si elle avait été en apnée depuis tout ce temps. Elle regarde autour d'elle et quand son regard se pose sur moi elle m'interroge silencieusement.

-Gabriel, maintenant, m'ordonne Cillian.

Alban s'assoit sur le lit aux côtés de mon ami et prend de ses nouvelles. Je pense qu'il va devoir tout lui raconter.

Je sors de la chambre poussé par le plus âgé de la meute. Je rentre dans une autre chambre. Chambre que je connais déjà puisque je pensais que c'était celle d'Axel, à cause de tous les livres présents, quand je suis venue à leur soirée. A l'inverse de Clara, Gabriel est dans son lit pour cacher sa nudité. Mon manteau étant posé négligemment sur la chaise de bureau. Cillian m'arrache le chauffe-plat des mains, allume la mèche et le rend avec impatience. Je renouvelle alors l'opération et quand j'éteins la bougie avec mes doigts rien ne se produit.

-Pourquoi cela ne fonctionne pas ?

- Je ne sais pas, je panique.

-Réessaie !

Je m'exécute après que Cillian est rallumée la mèche. A la fin du sortilège je fais la même manipulation mais toujours rien. Gabriel est allongé sur le dos, les yeux fermés. J'entends l'étudiant en STAPS souffler et sortir de la chambre pour revenir aussi rapidement. Clara est derrière lui.

- Quel sortilège as-tu utilisé, elle me demande doucement.

- Je ne sais pas, ça été très rapide, je pense que c'est mon instinct qui a parlé.

- Laisse ton instinct prendre le dessus alors. Ne te fie pas aux bouquins mais plutôt à ce qu'il y a là, elle me fait en posant un doigt sur ma poitrine, au niveau de mon cœur. Ne réfléchis pas. Agis.

J'hoche la tête et tend le chauffe-plat à Cillian qui le rallume de nouveau. Les garçons de la fraternité sont tous entrés dans la chambre, je peux sentir cette force brute, animale régner dans la pièce. Je les regarde un par un comme si chacun allait me donner la réponse sur ce qu'il fallait que je fasse. Je remarque alors qu'ils sont tous habillés. Je m'assoie à même le sol et ferme les yeux. J'inspire puis expire profondément à plusieurs reprises. Je me concentre sur le sang dans mes veines, la respiration de chaque personne présente dans la pièce, j'entends tout et je vois tout. Derrière mes paupières, je sens le lien qui m'unit au loup qui m'a marqué. Tout à l'heure, ils étaient doux et m'entouraient le corps, là, ils sont rêches, droit et pointent vers une personne dont je ne peux pas voir le visage. Je veux en attraper un mais au moment de le toucher il se défait de moi et tombe à mes pieds. Le chauffe-plat pèse lourd dans ma main. Je me concentre alors un peu plus oubliant mon lien avec le loup qui s'effrite.

Au lieu de prononcer la formule du grimoire, je prononce une citation latine vu dans le manuscrit à la reliure noire. Les syllabes glissent doucement sur ma langue et mon palais Les sons sont harmonieux à l'oreille. J'ouvre les yeux à la fin pour observer Gabriel, je pose mon regard sur son visage dépassant des draps. Puis je souffle doucement sur la bougie pour l'éteindre.


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