Chapitre 15


Azul s'assoit et passe négligemment sa patte sur une de ses oreilles nullement apeuré par ce qui l'entoure. Il me fixe avant de pousser un faible miaulement. Un des loups bouge pour se mettre en première ligne, devant son alpha. Ce demi-humain regarde intensément le Grand Prêtre et mon ancien Coven. Une fois son inspection finie, il me regarde ou plutôt le pentagramme dans lequel je suis prisonnière. Il se tourne vers le loup gris qui semble hocher la tête. Le loup-garou s'avance encore tout et se poste devant Père Thornycrown. Le fin pelage sur ses bras et son visage disparait pour laisser place à une peau blanche. Ses membres rapetissent pour redevenir un homme de taille normal. Le visage déformé par la transformation laisse place au visage d'un jeune homme blond. Entièrement nu, il ne semble pas se formaliser de ce détail. Le froid de l'hiver ne semble pas l'impacter. Le loup se place rapidement dos à moi. Je peux alors remarquer la musculature de ses épaules et de son dos, ainsi que le creux de sa colonne vertébrale. J'évite de descendre mes yeux plus bas.

-Axel, siffle le jeune homme à peine transformé.

Un autre loup s'approche sur ces pattes arrière et tend un sac. Le blond y sort un sous-vêtement et s'habille d'un jogging et d'un sweat à capuche.

- Voilà qui est plus civilisé. Maintenant dites-moi ce que vous et vos hommes faites ici sur un territoire de loup-garou.

- Nous ne voulions pas vous embêter longtemps, je venais juste chercher une de mes partisanes.

Le blond se tourne vers moi et je suis déstabilisée de découvrir son identité. Je recule sous le choc et tombe après voir trébuché sur un des pieds de Clara toujours endormie à même le sol froid. Il me fait un clin d'œil alors que je le fixe les yeux grands ouverts. Ces derniers font la navette entre la meute qui est apparue quelques minutes auparavant et le garçon devant moi. Je compte neuf loups au total. C'est le même nombre que compte la fraternité Alpha Beta Omega. J'ai fraternisé avec une meute de loup-garou sans même m'en rendre compte. Je réfléchis vite, cherchant des indices dans ma mémoire me permettant de voir si un moment ou un autre ils se sont démasqués auprès de moi. Puis me revient en mémoire l'incident avec Alban qui remonte à quelques jours. Sur le coup je n'ai pas relevé quand il a marqué le mot aconit sur son ordinateur mais maintenant je prends conscience de l'ampleur des évènements. Il a ingurgité de l'aconit qui était dans le gâteau, un puissant poison plus connu sous le nom de tue-loup. Il possède les mêmes effets que le fer sur un sorcier ou une sorcière. Autrement dire, il aurait pu mourir ce jour-là. A présent il est là, devant moi, en pleine forme et près à affronter mon ancien Coven. Il fait de nouveau face au Grand Prêtre.

- Si vous veniez la chercher pourquoi est-elle prisonnière d'un pentagramme et son amie à ses pieds ?

- Oh, ça ! Ce n'est qu'un léger contretemps. Voyez-vous, elle a été corrompue par quelqu'un de votre espèce et je lui demandais juste de tout quitter pour revenir avec moi, ses parents et son petit-frère.

Au même moment, deux hommes, plus imposants l'un que l'autre, avançaient en fendant la foule pour finalement mettre à genoux deux adultes ligotés et bâillonnés. D'un geste théâtrale, la foule se fend tandis que Père Thornycrown s'écartait pour me permettre de mieux voir. Un homme et une femme, tous les deux blonds. Lui se laissait faire alors qu'elle se débattait avec fureur essayant tant bien que mal de donner des coups d'épaules à gauche et à droite. Mes parents sont là devant moi, soumis et en piteux état. Je me précipite alors vers la délimitation du pentagramme et cogne contre la paroi invisible qui me retient prisonnière.

- Laissez les tranquille ! Ils n'ont rien fait de mal, ce n'est pas de leur faute, je pleurniche.

- C'est là que tu te trompes Aglaé. Ils t'ont élevé donc si tu es comme ça aujourd'hui c'est en parti de leur responsabilité. Et puis ils ont caché ce lien qui t'unit avec eux, il crache en pointant du doigt la meute d'Alban.

D'ailleurs, ce dernier s'est reculé de l'homme d'Eglise alors que les loups, eux, se sont rapprochés tandis que l'alpha marche nerveusement devant ses hommes. Il a les babines retroussées sur ses canines. Il ne grogne pas, ou alors je ne l'entends pas. Azul, quant à lui, est toujours assis, imperturbable, à fixer le rassemblement de sorcier. Je réplique donc que j'ai fait mes choix toute seule et que j'en assume l'entière responsabilité.

- Comme c'est mignon, dit le Grand Prêtre tout mielleux. Tu fais preuve d'un grand sens du sacrifice. D'ailleurs, j'ai un marché à te proposer. Que les loups en soient témoins ! Tu reviens dans les rangs et il ne t'arrivera rien ou alors tu pactises contre Satan et tu en paieras le prix fort.

- Jamais je ne reviendrais au Coven. J'ai été bannie pour une raison tout à fait scandaleuse. Vos idéologies ne me font plus rigoler. Etre sorcière ce n'est pas seulement vouer un culte à Satan et à faire des rites sacrificiels. Les mentalités ont évolué et vous auriez du faire la même chose ! Nous ne sommes plus à Salem, nous ne sommes plus persécutés. Il faut apprendre à vivre avec son temps.

Je passe la main dans les cheveux pour les lisser pour éviter de trembler. Mes doigts rencontrent un nœud dans mes pointes rouges et je tire d'un coup sec à m'en faire pleurer. D'un commun accord silencieux, les deux hommes farfouille je ne sais quoi dans leur ceinture avant de sortir des lames aiguisées, éclatante à la luminosité hivernale. L'un tirait les cheveux de ma mère en arrière, tandis que l'autre attrape fermement le menton de mon père. Les lames sont maintenant sur leur gorge blanche, menaçante. Le Grand Prêtre rigole. Un rire hystérique digne du grand méchant d'un film de James Bond. Mais le pire est quand il s'arrête brusquement de rire. Et qu'il me regarde sérieusement comme si j'avais un choix à faire. Et au vu des éléments actuels et de la situation, mon seul choix concerne mes parents. Je frotte mon poignet gauche. Mon père le voit et se met à me parler doucement, ce qui contraste avec l'ambiance qui se dégage des arbres qui nous entoure.

- Ne fais pas ça, chérie. Cette marque t'a façonnée, tu mérite le bonheur à bien des égards. Tu as fais tes propres choix de vie et nous sommes fière de la jeune femme que tu es aujourd'hui, nous sommes tellement fiers de toi et d'Alexandre. On t'aime, mais s'il te plait ne se sacrifie pas pour nous. Vis ta vie. Et puis de toute façon c'est dans l'ordre des choses, il est normal que les parents disparaissent avant les enfants. Tout ce que nous te demandons, c'est de le retrouver et de vivre à fond. Si tu es encore là aujourd'hui c'est que tu fais partie de sa meute, tu n'es pas seule. Alors, s'il te plait, laisse-nous partir. Ne t'accroche pas à nous, accroche-toi plutôt à lui. Vis pour lui et ton frère, ne vis pas pour nous.

- Que de belles paroles, Jim. Très touchant, vraiment.

Père Thornycrown s'approche de mes parents et se place aux côtés de ma mère avant de me regarder droit dans les yeux. Alban n'a pas bougé mais il consulte son alpha d'un coup d'œil. Sa meute se retrouve le cul entre deux chaises. Il ne sait pas s'il doit agir ou s'il doit abandonner et partir. L'alpha, quant à lui, est nerveux. Cela se voit à sa posture, à sa façon si particulière de piétiner le sol gelé. Ma vue se floute et quand je passe une main sur mes yeux, j'ai les doigts mouillés. Je pleure. Mon choix est déjà fait, je le sais au fond de moi. Alors pourquoi je pleure ? Par peur pour mes parents ou pour une chose que je ne vivrais jamais ?

Un grognement étouffé me parvient aux oreilles. Toujours la lame sous la gorge, mon père fait une grimace qui déforme ses traits si masculins. Sa gorge se couvre d'un rouge sombre, presque brun.

- J'attends ta réponse Aglaé, s'impatiente l'homme d'Eglise.

- D'accord, je fais d'une voix forte mais tremblante. Je vais abandonner la marque mais ne leur faite pas de mal, je vous en prie.

- Tu me prie ? Voilà qui est parfait, nous sommes enfin sur la même longueur d'onde. Cher alpha, je vais avoir besoin de toi, finalement tu as bien fait de venir.

Le loup gris grogne face au ton enjouer du Grand Prêtre. Ce dernier m'explique que seul un alpha peut m'enlever le lien tant que je ne l'ai pas accepté. En revanche, si j'avais accepté le lien qui m'unit au loup que j'ai rencontré lors de mes vacances d'été il y a quatorze ans, il aurait été le seul à pouvoir m'enlever la marque. Le loup s'approche tout en restant à une bonne distance. Il grogne toujours, mais je pense qu'il veut sauver sa peau.

-Tu sais ce qu'il te reste à faire Alpha. Ensuite je quitte ton territoire et tu n'entendras plus jamais parler de moi, de mon Coven et de cette petite prétentieuse.

-Il va falloir que vous brisiez le pentagramme, siffle Alban. Sinon il ne pourra jamais le faire.

Le responsable du Coven fait un signe et la femme qui répondait au nom de Mérida. Elle s'approche de moi. Une fois qu'elle se trouve sur l'extérieur le plus proche de ma prison, elle s'agenouille, fait une prière satanique et brise le pentagramme. Le loup s'approche alors de moi, la tête baissée en signe de soumission. Il s'assoit en face de moi, je m'agenouille pour être à sa hauteur. Il regarde Alban pour lui transmettre une information. Tout le monde retient son souffle. La nature est figée tout comme les sorciers et les loups-garous dans cette forêt.

-Enlève ton manteau et pose-le sur lui, me demande le jeune homme blond.

Je m'exécute et le froid s'insinue dans mes vêtements. Je frissonne. Je pose alors mon manteau sur le pelage gris. Un craquement me parvient à mes oreilles. Puis deux, trois et enfin plusieurs. Je retiens un haut-le-cœur. Je me bouche les oreilles à l'aide de mes mains et ferme les yeux comme si j'allais atténuer le bruit. Puis au bout d'un court laps de temps, deux mains chaudes m'attrapent chacun de mes poignets. Surprise, je lève donc les yeux et je suis percutée par deux orbes sombres. Je recule vivement comme si son contact m'avait brulé et tombe sur les fesses. Des cheveux noirs, longs tombent sur ses épaules recouvertes par mon manteau. Gabriel.

Il garde ma main gauche entre ses mains et caresse de la pulpe de son pouce le croissant de lune fait d'entrelacs noirs. Ses yeux fixent toujours les miens d'une intensité s'en pareille.

-Je suis désolée, chuchote t-il.

Je cligne des yeux ne comprenant pas pourquoi il s'excusait.

-Maintenant, ferme les yeux. Ecoute ce qui t'entoure et essaie de ressentir le lien. Visualise-le.

Je fais ce qu'il me dit. J'entends le bruissement des feuilles entre elles à cause d'une légère brise. J'entends la respiration chaotique de mon père et les gémissements de douleurs de ma mère. J'entends des murmures et des vêtements se froisser. J'entends mon cœur battre dans mes oreilles tout comme je sens le souffle chaud de Gabriel s'échouer sur mon poignet gauche. Mon cœur s'accélère et là, je le vois, le lien, ou plutôt les liens. Aussi tout que de la soie, ils m'entourent les bras, les jambes, le torse. Ils glissent sur moi telle une caresse.

- Je les vois, je chuchote à mon tour.

- Parfait. Je veux maintenant que tu attrapes celui qui sort de ton cœur.

Un lien rouge vibre aux battements de mon cœur. Je le prends délicatement entre mes doigts. Il est doux au toucher. Et là je me souviens de ce petit garçon qui m'aidait à faire des châteaux de sable. Et je me rends compte que je ne me bats pas assez pour ce qui me tient à cœur. J'ouvre alors les yeux en grand et surprend l'alpha. Il m'interroge du regard et c'est à mon tour d'être désolé. Je me lève précipitamment et titube sur mes jambes. Le pentagramme étant brisé, je peux à nouveau invoquer des sortilèges. Très rapidement, je murmure une formule latine et tend mes bras vers le jeune homme aux cheveux longs. Il suffoque par manque d'air avant de tomber raide, au sol, aux côtés de Clara. Je sors rapidement du pentagramme et devant moi, sorciers comme loups sont stupéfait par mon geste, inattendu.

- Est-ce qu'il est...

-Mort, je déclare d'une voix forte qui se veut neutre.

Les loups ne réagissent pas. Alban me regarde sidéré pour finalement entrer dans le pentagramme et tomber à genoux devant le corps de son alpha recouvert par mon manteau.

-Très bien Aglaé, tu as voulu jouer et maintenant tu vas perdre.

Il prend le poignard que tient l'un des hommes et tranche la gorge de mon père devant moi. Je hurle de douleur. Je vois son corps tomber sur le sol alors qu'un flot noir se déverse sur les feuilles mortes. Je veux me précipiter vers lui mais le Grand Prêtre est plus rapide que moi, malgré son âge et répète son geste sur ma mère.

-Ton frère est le prochain sur la liste, Aglaé. Je te donne encore une chance de réfléchir.

Une fumée noire l'entoure lui est les membres du Coven. Elle est épaisse et irritante pour les bronches. Je tousse à en cracher mes poumons. Je ne vois rien de ce qui m'entoure. J'agite mes bras pour dégager la fumée devant moi mais rien n'y fait. Puis la fumée disparait comme elle est apparue. La forêt est vide de présence humaine. Seuls, reste Alban, la meute et moi. J'entends un loup se transformer alors que mes yeux accrochent les corps sans vie de mes parents. Ils sont là, devant moi, affalés sur les feuilles brunies par les saisons, les yeux grands ouverts. La peau de mon père est plus claire que celle de maman, cette dernière me fixe comme si elle voulait me regarder une dernière fois avant de mourir. Je veux m'avancer vers eux, les prendre dans mes bras et leur dire que tout va bien. Mais une poigne ferme crochète mon avant-bras et me fait tourner sur moi-même.

-Qu'as-tu fait ?

Cillian, nu comme un ver suite à sa transformation, me secoue comme un pommier pour me faire réagir.

-Répond !

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