Chapitre 14
Clara m'attrape le poignet et m'oblige à me diriger et à entrer dans la sororité. Au sein de cette maison, un chaos monstre s'offre à moi. Les filles courent de partout souvent suivit pas leur familier à poil, à plume ou à écaille. C'est l'effervescence. Chacune est occupée à une tache précise comme allumer des bougies, lire de gros grimoire ou encore commencer des incantations de protection. Mon amie m'arrache de ma contemplation en me tendant un cierge à moitié brulé. Elle se plante devant moi et allume le cierge à l'aide d'un briquet rose. Une fois la flamme haute et brillante, la jeune sorcière, commence à faire des gestes absurdes au-dessus de celle-ci tout en psalmodiant dans une langue sûrement morte car la sonorité de la langue m'est inconnue. La flemme vibre et brille de plus en plus. Malgré mon incompréhension de la langue utilisée, j'arrive à faire des rapprochements avec des mots qui me sont plus familiers. Je devine, alors, rapidement l'utilité de ce qu'elle est en train de faire. La cire chaude coule le long de la cire froide et me brûle les mains au passage. La cire forme une croûte froide qui tiraille ma peau maltraitée. Clara continue de réciter l'incantation alors que la cire brûle de plus en plus vite. Cependant, au lieu de ressentir les bons effets du sort, je ressens un vide au creux de mon estomac et je commence à avoir froid. Tout autour de moi commence à tourner. D'une petite voix, je demande à Clara d'arrêter constatant que le sort ne fonctionne pas. Voyant qu'elle continue à incanter de plus en plus rapidement, je l'interpelle de nouveau en prononçant son prénom plus fort. Elle me regarde sans réellement me regarder et s'efforce et continuer. Mes muscles tremblent et je tombe durement sur les genoux en lâchant le cierge dont la flemme s'éteint alors qu'il roule sur le carrelage de la pièce commune.
-Aglaé !
Mon amie s'agenouille et prend mes mains gelées dans les siennes. Le chaud de ses mains contre le froid des miennes brûle mon épiderme.
-Je ne comprends pas pourquoi ça ne veut pas fonctionner, je suis tellement désolée, commence-t-elle à pleurnicher. Tu crois que c'est à cause de...
Je veux répliquer que non, mais je suis coupée par une des filles de la sororité qui se plante devant nous. L'étudiante en médecine se relève et commence à discuter avec elle. J'essaie d'écouter mais mes oreilles bourdonnent à m'en donner mal à la tête. Ma vue est brouillée comme si mes yeux étaient remplis de larmes prêtes à déborder. Je frissonne à cause de ma température corporelle qui est en train de chuter. Je vois une jeune femme blonde s'accroupir devant moi. Cette personne me prend les mains et les caresse avec ses pouces.
- Maeve vient de m'annoncer ce qu'il se passait.
Clara. C'est Clara en face de moi mais je n'ai pas réussi à la reconnaitre. Elle vient s'installer à mes côtés alors que je suis toujours sur les genoux, Azul le long de mon mollet à se frotter contre mon pantalon.
- Elle m'a dit qu'un Grand Prêtre venait d'arriver en grande pompe avec une partie de son Coven. Elle a réussi à le localiser dans la forêt en bordure du campus de l'université. Elle a réussit à s'y projeter et elle les a vu dessiner un pentagramme à la poudre de fer. C'est sûrement pour cela que nos familiers ont senti le danger. Ce Grand Prêtre s'apprête à faire une invocation sur notre territoire. Aglaé, ça va ?
Je suis toujours en train de grelotter, transie de froid en train de gratter la cire froide sur mes mains alors que ma tête tourne toujours et que ma vision est floutée. Au loin, j'entends une voix grave m'appeler de façon répétée. J'attrape le poignet de Clara, paniquée, d'une force qui aurait pu m'impressionner si je n'étais pas complètement à l'ouest. Les sons sont de plus en plus lointains et la seule chose auquel je me raccroche est mon nom et mon prénom répétés de plus en plus distinctement, comme si on me le chuchotait à l'oreille. Je me sens plus légère, comme libérée du poids de mon corps. J'ai impression de flotter comme lorsque l'on fait la planche dans la piscine et que l'on regarde le ciel. Un sentiment de plénitude gonfle en moi. La seule chose que j'ai envie de faire est de suivre la voix qui m'appelle. Comme si cette personne allait m'apporter la lumière, un rayon de soleil parmi les nuages chargés en électricité. Je retrouve partiellement la vue, et face à moi, Clara semble complètement hystérique, à l'opposé de moi. Elle me parle, je pense, mais je ne l'entends pas. Elle fait de grand mouvement avec ses mains, avant de les reposer sur moi. Comme pour me retenir de quelque chose.
La voix m'appelle une dernière fois, mais cette fois, au lieu de répéter mon nom, elle le crie à m'en percer les tympans. Je ferme les yeux pour essayer de me soustraire à la douleur, tout en serrant mes mains sur les avant-bras de Clara. Une lumière éclatante filtre à travers mes paupières, tel un flash d'appareil photo.
Le noir revient. La douleur disparait. Le silence. C'est ce que je constate immédiatement. Tout est silencieux. Plus personne ne m'appelle. J'ouvre alors les yeux doucement et constate que j'ai retrouvé ma vue, elle n'est plus brouillée. Je n'ai plus froid, enfin si, toujours un peu, mais c'est comme si le froid ne venait pas de moi. En face, Clara est agenouillée et au lieu de me regarder, elle inspecte notre environnement. Je desserre alors ma poigne et je l'imite. Je découvre alors que je ne suis plus à la sororité mais sur un lit de feuille morte, entourée d'arbre. Je me lève à l'aide de Clara qui me tend la main pour me mettre debout. Nous sommes dans une forêt, ou en tout cas cela y ressemble fortement car il y a des arbres à perte de vue. Un raclement de gorge se fait entendre derrière moi. Nous nous retournons alors et découvrons une femme d'une quarantaine d'années habillée d'une toge blanche.
- Elle vient d'arriver, Monsieur, et elle n'est pas seule, dit-elle intelligiblement d'une voix forte.
- C'est parfait, tout est parfait. Merci Mérida.
Sur notre gauche, un petit groupe de personne se déplace pour aller se placer aux côtés de la femme. Je reconnais alors Père Thornycrown, le Grand Prêtre de mon Coven. Il avance fièrement, le torse bombé, les épaules en arrière, le dos bien droit. Plus il s'approche, mieux je distingue un rictus sur ses lèvres. Une fois arrêté à une bonne distance de moi, un groupe de sorcier s'approche à son tour pour se placer derrière lui, d'un bloc. Dans cette masse, je reconnais des visages familiers, des voisins, des amis, des connaissances avec qui j'ai grandi. Je vois surtout des personnes qui m'ont rejeté, tourné le dos. Ils sont figés, le regard baissé. Le Grand Prêtre ouvre les bras de façon théâtrale et tonne mon nom qui se répercute entre les arbres gelés, humides.
- Aglaé ! Quel plaisir de te revoir mon enfant.
- Plaisir non partagé. Que voulez-vous ?
- Toi bien évidement. Et toi uniquement.
Il s'avance et se plante juste devant moi et Clara. Il lève une de ses mains devant mon visage et fait un mouvement sec avec ses doigts. A ma droite, mon amie s'effondre faisant soulever les feuilles brunies par les saisons. Mes yeux font la navette entre elle et l'homme que je considérais comme un protecteur. Il ricane alors que je m'agenouille pour comprendre ce qu'il s'est passé. Clara respire faiblement.
- Que lui avez-vous fait ?
- Je l'ai juste endormie car ce qui va se passer ne la concerne pas.
Je me relève précipitamment pour me jeter sur lui. Je bondis sur mes appuis et m'élance, bras en avant, vers cet homme infâme. Je suis vite arrêtée par un mur invisible. Le choc fait vibrer tout mes muscles bandés au maximum. L'homme aux cheveux grisonnants rigole à gorge déployé, se confondant à un ricanement d'hyène. Il pointe du doigt le sol me faisant baisser les yeux. Une fine line grise brille à la luminosité du ciel. Je la suis des yeux tout en faisant le tour sur moi-même. Un cercle parfait entourant une étoile à cinq branches. Un pentagramme. Je suis enfermée dans un pentagramme fait de fer. Impossible pour moi d'y échapper, à moins que quelqu'un brise le cercle. Je frappe de mes mains la surface formant le pentagramme. Prisonnière, je me défoule de toutes mes forces pour pouvoir m'échapper. Le Grand Prêtre de mon Eglise rigole doucement tout en m'observant m'acharner. Il plonge ses mains dans ses poches négligemment. Il en ressort une espèce de bijou avec un pendentif qu'il place devant son visage. Il l'obverse sous toute ces coutures avant de me le tendre. Je reconnais immédiatement le bracelet que m'a confectionnée Clara pour Azul. La petite clochette dorée tinte quand l'homme donne un petit coup de doigt dessus. Il appelle mon familier.
-Non ! Je me jette contre le pentagramme. Vous n'avez pas le droit de faire ça. Laissez-le tranquille !
Le groupe de sorciers de mon Coven ne bouge pas. Ils préfèrent observer et opiner du chef plutôt que de désobéir.
- Vous ne pouvez pas faire ça !
- Bien sûr que si Aglaé. Tu es toujours sous ma protection.
- Vous m'avez bannie, je n'appartiens plus à votre Eglise.
- Alors pourquoi es-tu toujours vivante ?
- Je ne sais pas, commençais-je à geindre.
- Si, tu sais, me hurle-t-il dessus.
Je me retourne quand j'entends le petit grelot d'Azul au loin. Je vois une tâche bleue courir vers moi, ou plutôt vers le bracelet. Je flanche en le voyant arriver. Je ferme les yeux un instant et quand je les rouvre, mon familier est devant moi, en train de feuler. Lord Thornycrown l'attrape par la peau du coup et le brandi devant lui. Azul se débat tout en feulant et griffant l'air.
-Abandonne ta condition de sorcière et refuse la marque des loups.
Il est donc au courant, Coleen lui a dit. Je me concentre sur les sorciers en arrière-plan et là je la distingue un sourire triomphant sur les lèvres. Quand mon regard se pose de nouveau sur mon interlocuteur, je lui réponds distinctement.
- Jamais.
- Sois gentille Aglaé, et donne-moi ce que je veux, grogne-t-il tout en secouant mon chat.
- Pourquoi cela vous intéresse tant, hein ? Qu'avez-vous à y gagner ?
- Absolument tout.
Alors que j'allais répliquer, un évènement inattendu arrive me donnant un peu de répit mais bousculant tous les plans du Grand Prêtre. Azul devient plus féroce et en se débattant de la main humaine qui le paralyse, il arrive à blesser l'homme d'un âge avancé. Par surprise celui-ci lâche mon familier qui retombe sur ses pattes avant de s'enfuir en courant.
-Même ton stupide familier t'abandonne, il va falloir te faire une raison quant à ta condition de sorcière, Aglaé, il me dit en se massant son poignet blessé.
Un bruissement de feuille fait tourner la tête du Grand Prêtre et des sorciers vers ma gauche. Un loup gris apparait entre les petits bosquets, suivis de près par des humains à moitié humain, à moitié loup. J'ai lu dans le petit journal que j'avais récupéré à la sororité que dans une meute, l'alpha pouvait se transformer complètement alors que les autres membres ressemblaient à des bêtes humanoïdes. Deux à trois fois plus imposants que les humains, ils sont recouverts d'un fin pelage, leurs mains se terminant par des griffes acérées, leurs sens sont décuplés et ils peuvent se déplacer à deux ou quatre pattes.
Il existe donc bien des loups-garous sur le campus. Ce qui veut dire que nous sommes sur leur territoire et que mon Coven s'y est invité sans autorisation. Cela va être un carnage.
Et là, alors que le temps c'est arrêté, je remarque un petit détail qui va faire toute la différence par la suite. Une petite boule de poil bleue est aux côtés du loup alpha. Mon familier est allé chercher du renfort.
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