Chapitre 12
Une odeur de friture se fait sentir dans cette grande pièce où se mélangent les étudiants pour un laps de temps très court. Ce lieu de rencontre, de rire et de joie est à l'opposé de mon humeur actuelle. Je joue avec la nourriture devant moi, sans en manger un seul bout. J'ai l'estomac noué. Face à moi, Clara mange avec appétit. A la pause de mon cours précédent, je l'ai supplié de manger avec moi à la cafétéria universitaire. D'habitude, elle mange en coup de vent entre deux créneaux de révision et moi, je rentre la plus part de temps à l'appartement pour manger. Mais cette fois, je lui ai demandé à ce que l'on se pose toutes les deux pour manger ensemble et pour faire le point sur nos vie respective. Subtilement, je lui ai fait comprendre que j'avais besoin de lui parler de toute urgence à l'écart des oreilles indiscrètes. Elle m'a répondu à l'affirmatif quelques minutes avant que je reprenne mon cours. D'ailleurs pour l'heure et demie restante, Alban ne m'a pas adressé la parole une seule fois. Il a été étonnamment silencieux. Et même lorsque je lui ai souhaité un bon après-midi, il a marmonné des mots incompréhensibles.
On a parlé de quelques banalités, mais je sais qu'elle attend que je lui parle. Elle ne veut pas me brusquer mais je la vois s'impatienter à chaque coup d'œil qu'elle me lance entre deux bouchées de pizza. Alors qu'elle me regarde une énième fois attendant que j'ouvre enfin la bouche pour aligner une phrase, j'attache mes cheveux en en chignon lâche et relève la manche de mon chemiser pour y faire apparaitre le tatouage à l'endroit de ma cicatrice. Elle arrête de suite de mâcher et avale sa bouchée. Tout comme Alban précédemment, elle attrape ma main et l'approche de son visage pour mieux voir.
- Ça fait mal, me demande-t-elle tout en caressant délicatement le croissant de lune.
- Non, enfin je ne me sentais pas bien ce matin et je ne sais pas si c'est à cause de ça ou pas.
- En tout cas, il est cool ton tatouage ! Tu aurais du me le dire je t'aurais accompagné ! Et moi qui croyais que tu avais une mauvaise nouvelle à m'annoncer !
Elle en rigole et continue de manger tout en me parlant du fait qu'elle aimerait elle aussi se faire tatouer. Je rabaisse alors ma manche pour cacher du mieux possible cette marque indélébile sur la fine peau de mon poignet.
-Ce n'est pas un tatouage, Clara.
-C'est quoi alors ? Parce que ça m'a tout l'air d'être un tatouage.
-C'est une marque, un lien entre moi et un loup-garou.
Elle a l'air totalement perdu. Cependant, elle repousse son reste de pizza et me regarde avec de grands yeux. Elle essaie de me sonder pour connaitre la gravité de mes futurs propos. Voyant que je peine à aligner deux mots pour lui expliquer ce qui se passe. Elle regarde tout autour de nous et prend un air sérieux quand son regard accroche le mien.
-Tu as toute mon attention.
Je baisse les yeux sur mon repas à peine entamée pour organiser mes pensées. Je trie les ingrédients qui composent ma salade. Les poivrons sont regroupés à gauche et les courgettes froides à droite. En dessous, la mâche colle aux parois de mon bol. Quand je relève les yeux, Clara me regarde toujours. Elle attend sagement mes explications.
J'entame alors le début de mon récit sans vraiment la regarder, par peur de son jugement. Je commence par lui dire que depuis que je suis toute petite, j'ai une cicatrice à la place du tracé noir. Puis, j'enchaine en lui parlant de mon bannissement et des livres que j'ai récupérés à la sororité. Je lui raconte alors tout ce que j'ai découvert dans le livre sur les loups-garous. Je lui confie toutes mes recherches et les questions que j'ai commencé à avoir en faisant la comparaison de ma cicatrice et de mes découvertes. Je lui avoue finalement que mes parents ont confirmé mes doutes et aussi que le Grand Prêtre de mon Coven est au courant. Alors que je débite un flot de paroles, mon amie a recommencé à manger tout en hochant la tête de temps à autre pour me confirmer qu'elle suivait toujours. Quand vient le moment où je lui raconte ma journée d'aujourd'hui et que c'est Alban qui a découvert la marque avant moi, elle s'étouffe.
-Donc si j'ai bien compris, tu es liée à un loup depuis ton plus jeune âge. Tu as atterri ici, sûrement à cause de ce lien qui s'est distendu au fil des années. Et paf, le lien est à nouveau opérationnel depuis ce matin. Et moi qui croyais avoir une vie passionnante !
-C'est pas drôle, je la rouspète gentiment.
-Excuse-moi, mais un peu si, ricane-t-elle. Tu me dis que c'est un contact physique avec la personne avec qui tu es liée qui reforme le lien. Il suffit juste de savoir avec qui tu es entrée en contact depuis ce matin pour déterminer ton âme-sœur. Comme c'est romantique.
-Pas du tout ! Je ne connais cette personne ni d'Adam, ni d'Eve. On m'impose un truc que je n'ai même pas choisi.
-On se croirait dans un film romantique.
-Mais pas du tout. On est dans la réalité et si ça se trouve j'ai été bannie du Coven à cause de ça et non pas à cause de mon comportement.
-Connaissant ton Grand Prêtre par réputation, je suis désolée de te dire que c'est ton comportement qui a valu ton bannissement. A moins, qu'il savait pour ton union avec un loup et qu'il attendait un faux pas de ta part pour te bannir. Les unions inter-espèces sont très mal vues par la communauté. Mais ce n'est pas ce qui doit te tracasser car comme le lien existe, ton bannissement ne vaut rien. Regarde-toi ! Tu es fraiche et pimpante. Ou en tout cas, tu es une belle mourante. Ce que je veux dire, c'est que tu es déjà acceptée dans la meute de ton loup et il t'assure indirectement une protection.
-Dons si je ne suis pas encore affaiblie, malade et autre c'est parce que je suis protégé par un groupe.
-En tout cas c'est ma théorie la plus plausible et la plus rapide auquel j'ai pensé. Ton bannissement t'a peut être exclue de la communauté des sorcières mais à côté de ça, tu fais partie d'une meute. Donc maintenant, supposons que ton âme-sœur soit sur le campus. Ça pourrait être n'importe qui !
Je suis contente de voir que mon malheur fait le bonheur de Clara. Elle est prompte à retrouver la personne à qui je suis liée. Elle fait le tour de mon entourage, chose assez rapide. Selon elle, Alban serait mon loup. Sauf que je le connais depuis plusieurs mois et nous avons eu des contacts peau à peau très fréquemment alors que le lien s'est réactivé que depuis ce matin. Derrière Clara, à une table éloignée de la notre, une jeune étudiante blonde m'observe avec un petit rictus aux lèvres. L'ignorant, je me tourne vers l'étudiante en médecine.
-Coleen m'a averti à plusieurs reprises sur les garçons de la fraternité.
-Coleen qui, me demande-t-elle.
-Coleen Malhunter, la chasseuse survivante.
-Ah oui, elle. Sa famille chassait les loups-garous, alors peut-être qu'elle a des prédispositions pour en reconnaitre un quand elle en voit un. Cela voudrait dire que la semaine dernière tu as fait la fête avec des loups sans le savoir, et eux avec une sorcière ! Oh la, la, si les filles savait ça !
-NON ! Je dis un peu trop fort. Elles ne doivent rien savoir.
Elle me jure de ne rien leur dire. Je fais alors la liste des garçons dans ma tête et je n'ai été en contact avec aucun d'eux depuis que je suis arrivée sur le campus. Alors, on les écarte de nos suspicions. Clara élabore un plan pour essayer de découvrir l'identité de la personne avec qui je suis liée. Tout en parlant, elle continue de manger sa pizza et la finie. Alors que moi, j'ai juste picoré les poivrons et les petits lardons chauds. Elle parle avec des grands gestes et fais des plans sur la Lune. C'est limite si elle n'essaye pas de me caser avec tous les gars qu'elle connait sur le campus. Je la ramène sur Terre pour lui rappeler que ce n'est pas aussi simple que ça et que même si je me trouve devant la personne avec qui je suis liée, je risquerais de ne pas le reconnaitre car je n'ai pas encore accepté le lien.
-Et bien qu'est ce que tu attends pout accepter le lien ?
- D'une, je ne sais pas comment faire et de deux, je ne vais pas le faire car je ne connais pas l'identité de cette personne.
Clara grogne à ma réponse. Elle attend de moi, que j'accepte le lien et que je m'unisse à un parfait inconnu ou une parfaite inconnue. Elle croit que tout est aussi simple que dans un film à l'eau de rose, mais c'est de ma vie dont il s'agit. Et qu'elle est déjà assez bouleversée, et ce depuis plus d'une semaine maintenant. Je n'ai pas envie de me rajouter des complications.
Au moment de partir de la cafétéria, nous balançons nos ordures dans les poubelles de tri prévues à cet effet. Elle me fait un rapide signe de la main et s'en va en direction des bâtiments scientifiques pour son prochain cours. Alors que moi, je traine des pieds vers la bibliothèque universitaire. A peine sortie du bâtiment aux grandes baies vitrées, que mon téléphone sonne à l'arrivée d'un message. La notification m'indique mon expéditeur : Alban. Son message est court mais parfaitement compréhensible. Il souhaite s'excuser de son comportement de ce matin et m'invite à le rejoindre à la fraternité jusqu'à ce que mon prochain cours commence. Adrian doit être à la fraternité avec lui et l'a probablement informé de mes horaires de cet après-midi. Je lui réponds alors et bifurque vers la fraternité.
Alors que je range mon téléphone dans la poche de mon manteau, une personne me rentre dedans délibérément.
-Oh pardon, je ne t'avais pas vu.
Mais bien sûr, je pense pour moi-même tout en levant les yeux au ciel. Je regarde alors la blonde en face de moi et qui il y a quelques minutes à peine écoutait sans vergogne ma discussion avec mon amie.
-Donc c'est vrai ? Tu es liée à un loup-garou ? Moi qui ne voulais pas le croire !
- Et alors ? Maintenant que tu le sais, tu vas essayer de me tuer pour faire d'une pierre deux coups ?
- Non, mais je vais aller le rapporter, me fait Coleen avec un sourire carnassier sur les lèvres. A cet instant, elle me fait penser au chat de Cheshire dans le film Alice aux Pays des Merveilles produit par Tim Burton.
- Et à qui vas-tu aller colporter cette rumeur.
- A Lord Thornycrown.
Je suis tellement étonnée d'entendre le nom du Grand Prêtre de mon Coven que je n'arrive pas à lui répondre.
-Je sais que tu sais que ma famille était une famille de chasseur, mais elle a été décimée et ma grand-mère ne peut pas subvenir à tous nos besoins. Alors j'accepte des petits boulots par-ci, par-là, jusqu'à ce que je sois contactée par ton Grand Prêtre qui m'a demandé d'être ses yeux et ses oreilles ici, tout en lui rapportant tout tes faits et gestes.
-Tu m'espionnes pour lui, je fais offusqué.
- Il se pourrait bien. Il là, je vais lui donner une information des plus capitales. Je suis sûre qu'il me parait double pour ça.
Et elle part, en rigolant. Me laissant planter là, la bouche entre-ouverte, figée.
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