EPILOGUE

25 décembre, New Garden.

Assise à table, les jambes étendues devant moi, je laisse mon regard se perdre dans mon salon. On a poussé les meubles, pour que Carsen, Prescott ainsi que leur petite fille Sage et mon père puissent y trouver leur place.

Noël ne se passe pas comme prévu, et ce, pour tout le monde présent.

J'aurais dû être seule aujourd'hui. Travailler à la menuiserie, rentrer et m'allumer une bougie pour éclairer les restes de la grande fête de veille de Noël.

Mais ça n'a pas été le cas.

Mon père aurait dû être parti pour des contrats en ville...

Mais il est revenu avec une bouteille de vin.

Et Prescott aurait dû passer le premier Noël de sa fille avec sa mère...

Mais elle n'y est pas allée.

À la place, ils se sont tous pointés chez moi. Ignorant le fait qu'on avait déjà éclaté nos capacités gastronomiques la veille. Que nous avons, en l'espace de quelques mois, passé plus de temps qu'il ne le faut ensemble.

Sauf que l'euphorie de décembre ne passe pas aussi rapidement chez nous, à en croire le déni dans lequel nous nous plongeons si gracieusement.

Et voilà que je souris.

Nostalgique, je me tourne vers l'escalier en spirale qui mène à ma chambre, mais surtout à l'endroit précis où se trouvait le panier d'Ollie.

J'ai enfin réussi à l'enlever... Mais pas à le jeter. J'ai caché son coussin, rempli de ses poils blancs, dans le reste du parachute de Caleb... Parce que surprise du jour : ça non plus, je n'ai pas réussi à le jeter.

Viendra un moment, peut-être...

Mais pas aujourd'hui.

Je prends une grande inspiration, me redresse sur mon siège et repousse mon assiette encore à moitié remplie, simplement pour mieux m'étaler sur l'épaule de mon père. Et si celui-ci était en train de faire un bras de fer avec Carsen, il se voit vite déconcerté et se fait écraser sur la table par le bûcheron.

— Ouais ! J'ai gagné ! Prends ça, vieil homme !

Prescott sort une serviette pour essuyer le vin qui a coulé sur la table à cause de l'euphorie de son mari et marmonne entre ses dents serrées :

— Fais attention, on risque de se retrouver à la rue si tu continues de lui parler comme ça...

— Oui, Carsen, tu es viré, gronde mon père en faisant tourner son poignet engourdi, et toi Heden, je ne te remercie pas de m'avoir déconcentré ! Un peu plus et je l'avais !

Penaude, sachant pertinemment que c'est ma faute, je me lève doucement de table en levant les mains en l'air.

— Pardon, pardon ! C'est bon, je m'en vais !

Je fais mine de me diriger vers la sortie quand soudain, j'arrête de sourire face à la branche de gui accrochée au-dessus.

Encore un coup de Prescott qui s'entête à rendre ma vie un peu plus magique...

Je me retourne brusquement vers elle, agacée au point où je manque de m'étrangler sur mes propos :

— Bon sang, est-ce que tu te promènes avec une réserve de gui sous ton manteau ? Tu les caches dans les couches de Sage ?

Mon amie oblique vers moi un regard confus et secoue la tête.

— De quoi tu parles ?

— Du gui, au-dessus de ma porte. De quoi d'autre ?

— Est-ce que j'ai l'air d'être une personne qui s'amuse à mettre des plantes chez des gens ?

— Oui, on répond, tous en chœur.

Piquée dans son égo, la jeune maman se lève de son siège et se rapproche de moi, plaidant toujours son innocence.

— Je te jure que ça ne vient pas de moi. J'ai bien appris ma leçon quand j'ai reçu ma boîte de cookies à la cannelle sur le pas de ma porte... C'était très vexant, je te signale !

Je lève les yeux en l'air et lui indique la maudite branche.

— Tu es en train de me dire que c'est apparu comme par magie ?

— À moins que tu l'as mis sans réfléchir ?

— Bien sûr. Parce que je n'ai que ça à faire, répliqué-je en arquant un sourcil.

Prescott soupire et s'éloigne à nouveau pour aider mon père et Carsen à débarrasser et me laisse ruminer sur le pas de la porte.

Super. Merci beaucoup.

J'en fonce mon cou dans le col de mon sweat gris et tout en décrochant la plante, j'ouvre la porte.

Mais une bourrasque a à peine eu le temps de me gifler le visage d'une farandole de flocons, que je tombe face à un pot de fleurs qui retiens un bout de tissu sur la petite table de la pergola. Avec le gui toujours en mains, je m'en rapproche...

Que pour découvrir que ce n'est rien d'autre qu'un énième morceau de parachute... Bien plus ternie par le temps, mais la lettre "N" de la NASA y est bien ancrée.

Caleb.

Poussée par une injection d'adrénaline qui manque de faire éclater mon cœur, je descends le long des petites marches et scrute les alentours.

J'ouvre la bouche pour crier son prénom, mais aucun son n'en sort...

Comment est-ce que j'avais fait, à Manchester ?

Comment est-ce que j'avais pu courir à travers des rues entières, sous la pluie et le froid, pour le retrouver...

Et pourquoi pas maintenant ?

Je dépasse nos pick-ups et plisse les yeux pour trouver mon chemin à travers l'obscurité nocturne...

Que pour tomber à nouveau nez à nez avec un autre élément...

Une photo.

Accrochée à la cime d'un pin grâce à un clou, elle m'arrache un petit rire qui retentit dans une nuit un peu trop houleuse.

C'est lui. Et une hache. Du moins la première qu'il avait essayé de soulever avant de manquer de la planter dans le pied de Colby...

Celle que j'avais réussi à capturer alors qu'il grimace sous l'effort... Celle où l'on voit ses muscles saillir sous son t-shirt...

Celle qui m'avait fait mordre ma lèvre, pour la première fois.

C'est avec délicatesse que je la décroche, avant de réaliser que sur un pin un peu plus loin, se trouve une autre photo.

D'un pas rapide, je le rejoins et mon rire décuple lorsque c'est à mon tour de me faire humilier...

C'était une nuit particulièrement venteuse et j'essayais d'allumer la cheminée, mais le taux de cendres encore présentes avaient teint mon visage aux couleurs de charbon...

Et ce con avait réussi à rire pour la première fois depuis que je l'avais repêché... Malgré la douleur de ses sutures.

Plus j'avance et plus, je tombe sur des photos. Je les décroche soigneusement, une à une, jusqu'à ce que je réalise que je me rapproche de l'endroit où nous nous sommes promenés, une fois, et où je lui avais demandé de venir filer un coup de main à la menuiserie...

Là où nous avons regardé les étoiles ensemble, pour la première fois...

Et le dernier arbre nous offre une dernière photo.

Celle où il me câline, mais où je suis trop occupée à essayer de nous photographier...

Elle est floue.

L'on y voit la moitié de ma main.

Elle est horrible.

Et pourtant magnifique.

— J'ai remarqué que tu n'avais pas beaucoup de photos chez toi, alors... Alors, j'en ai tiré quelques-unes. Celles qui me font comprendre à quel point tu m'as fait découvrir une vie que je n'aurais jamais soupçonné vouloir.

Si mon âme sursaute dans mon corps, celui-ci, en revanche, ne bouge pas d'un sourcil. Je relève à peine la tête vers le lac gelé et me racle la gorge pour être certaine de lui répondre sans me briser :

— Je n'ai pas de cadres. Et tu les as ruinés avec tes clous.

Je plaque ma main sur ma bouche, réalisant que ce sont les premiers mots que je lui adresse.

Sérieusement, Heden ? Bravo. Quelle classe.

Mais quand je me retourne enfin...

Caleb sourit.

Il sourit.

Ses mèches blondes reposent sur son front, parsemées de petits flocons, tous plus uniques les uns que les autres. Il semble tenir quelque chose dans sa grosse doudoune rouge, mais je n'y prête pas attention...

Pas encore.

Pas tant que ses yeux me regardent comme ça.

— On en fera d'autres. Et je te les donnerai pour que tu ne me laisse pas les ruiner.

Je baisse lentement la tête vers les photos et souris à nouveau, réalisant qu'elles sont toutes imparfaites, mais qu'il n'existe rien de plus magistral au monde.

— Non. Ce n'est pas grave. Je les préfère comme ça.

Caleb ricane et ouvre enfin sa doudoune... Que pour en sortir un petit chiot, plus blanc encore que la neige qui tombe autour de nous.

— Je suis désolé du retard, déclare-t-il en lui ébouriffant ses oreilles, j'aurais dû arriver hier, mais je suis allé demander à West et Colby le nom du gars à qui tu avais acheté Ollie. Je me suis perdu, tu t'en doutes bien, alors...

— Je...

— Je sais très bien que personne ne remplacera Ollie, coupe-t-il avant que je n'aille plus loin, mais j'ai refusé de m'en tenir à là.

Il me tend le chiot que j'attrape lentement. Et quand mes doigts retrouvent la douce fourrure de l'animal, qui, affectueux, me lèche la joue de sa petite langue rose, mon cœur menace d'exploser, tant il se gonfle.

Je ne sais pas si c'est le chagrin.

Je ne sais pas si c'est le bonheur.

Je ne sais pas si c'est l'amour.

Mais c'est là.

Et une larme non identifiée glisse le long de mon visage.

Caleb redresse ma tête en pressant son pouce sous mon menton et chuchote à l'aurore de mes lèvres :

— Tu ne croyais quand même pas que j'allais abandonner la femme de ma vie pour Noël ?

Ses mots achèvent le peu de doute qui résidait en moi et je me presse contre son torse.

Parce qu'il faut que je le sente, pour réaliser qu'en effet, il est là.

Que j'hume la douce odeur qui s'échappe de son cou.

Que j'entende son cœur battre contre mes tympans.

Que je sente ses bras se serrer autour de nous, comme si on formait une famille unie.

Je veux y croire.

Oui. J'y crois.

Une seconde larme perle sur ma joue, mais cette fois-ci, c'est le chiot qui se débat pour être sûr que j'aille bien.

J'éclate de rire et le blond m'annonce :

— Je me suis permis de donner un nom au chiot, au fait. Orion. Comme...

— Comme la constellation qui nous unit, finis-je en caressant les oreilles de la bête.

Caleb me regarde.

Je le regarde en retour.

Et il cueille mon visage entre ses mains pour m'embrasser.

Tout prend un sens.

C'est comme ouvrir les yeux après avoir survécu des années aveuglantes. Je suis éblouie, mais d'une façon suffisamment lumineuse pour que je prenne plaisir dans la douleur... Je m'esclaffe même lorsque sa petite barbe de quelques jours se met à irriter la commissure de mes lèvres.

Je l'attrape par le col de sa doudoune et attarde mes dents sur le lobe de son oreille quand je viens y glisser quelques mots :

— Je savais que j'allais te manquer. Que tu allais revenir.

— Ne ruine pas tout, Heden, s'offusque-t-il, faussement, m'arrachant un énième rire.

— Je m'en fiche. J'avais raison.

Il m'embrasse à nouveau et enroule ses bras autour de mon cou pour me câliner.

— Allez. Tu avais raison.

— Échec et mat, Gallager.

Mes yeux se reposent sur mon chiot, sur notre chiot et je me laisse tout doucement bercer dans son étreinte, comme si une orage de neige n'était pas du tout en train de menacer de nous emporter.

Il n'y a plus d'importance.

— Tu m'as manqué aussi, Caleb. Je n'aurais jamais cru ça possible, pourtant, quand tu avais ouvert la bouche, pour la première fois, après que je t'avais repêché du lac.

— Quoi ? Tu n'avais pas aimé l'uniforme et le sang ? se moque-t-il en déblayant une mèche rebelle de mon front.

— Je te préfère comme ça. C'est comme les photos. Amoché et flou.

On rit tous les deux avant que ses yeux ne s'injectent à nouveau d'affection et de bonté... Et alors que sa main se presse contre ma joue, je sais que c'est bon.

Que j'ai trouvé la pièce manquante à mon puzzle.

Parce que moi aussi, je suis amochée et floue.

On est parfaits. Et je me moque de mon arrogance... Je la croque à pleines dents.

— Joyeux Noël, Heden.

Je l'embrasse avec tout l'amour du monde et murmure à mon tour :

— Joyeux Noël, Caleb.

FIN


ET VOILÀ !

Winter est à présent FINI 🥲🧡

Commencé en novembre pour ne le finir que maintenant... Je sais, je sais, ça a été long 😂 ça n'a pas été un long fleuve tranquille, certainement pas pour moi qui suit fan des histoires où tout se passe mal... Mais je me suis attaché à tous ces persos un peu fous et laissez-moi vous dire que j'ai adoré voir vos réactions et vos impressions !

C'est pour ça que j'ai décidé qu'il y allait avoir un préquel à cette histoire : bien avant l'atterrissage raté de Caleb !

Et oui : Prescott et Carsen auront leur histoire ! Une romance entre une biscotte toute cassée et un gardien de phare bourru ? Qui vote pour ? 🤭

Ce sera cependant pour cet hiver ! Je vous donne à nouveau rendez-vous le 1er décembre pour Coast ! Et qui sait... Vous allez peut-être même retrouver des habitants de New Garden dedans 😎🥰

Est-ce que l'histoire vous a plu ? Est-ce que vous avez aimé cette fin que j'ai donné à tout le monde ? Quelles sont vos impressions ? Dites-moi tout ! 🥰

Vous pouvez me retrouver, en attendant, avec Stains Never Fade ! Une Dark romance entre un avocat impitoyable ainsi que son mariage chaotique avec une auteure de romances, Saddie... Je vous laisse avec le résumé, si jamais ça vous intéresse 🥰 les publications sont le mercredi et le vendredi, ce serait super de vous retrouver dessus ! 🥰

Certaines blessures sont difficiles à fermer... Quant à certaines cicatrices, impossibles à cacher.

Saddie Parsons en sait quelque chose.

Célèbre romancière au passé tourmenté, elle est cependant retranchée sur sa vie monochrome alors que son mariage avec Holden, un avocat impitoyable, bat de l'aile.

Cruel et froid, il devient son cauchemar.

Si tout le monde voit en eux le couple idéal, il n'en est rien.

Du moins, jusqu'à ce que Saddie reçoit l'invitation de venir célébrer les dix ans de sa promotion de lycée. Il n'en faut pas plus pour la faire saigner à nouveau et tandis que les fantômes reviennent la hanter, Holden en profite pour dévoiler son visage de bourreau.

Il la forcera.

La brisera.

La ploiera.

Tout ce qu'il faudra pour enfin découvrir ses plus noirs secrets... Mais est-ce qu'il serait prêt à autoriser quelqu'un d'autre de le faire ?

Holden est peut-être le pire cauchemar de Saddie, mais il sera son unique.

Peu importe si ça veut dire qu'il se perdra aussi, au passage.

N'hésitez pas à vous abonner pour me retrouver sur d'autres de mes histoires !

Gros bisous, mes lecteurs d'amour et merci encore de m'avoir suivi sur Winter 🥰

- Eleonora.

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