chapitre 34 : proposition

Deux semaines plus tard.

Heden est une drogue. Chaque seconde qui passe loin d'elle, de ses lèvres gourmandes, de ses hanches ondulantes et de ses putains d'yeux, me font frémir.

J'ai besoin qu'elle me soit ancrée, comme un fix dans le coude d'un junkie.

J'ai besoin qu'elle soit agglutinée dans mon étreinte.

J'ai besoin d'elle, tout court.

Pourtant, en deux semaines, j'ai à peine eu le temps de l'effleurer.

Avec Ollie partie pour de bon, son humeur divague entre sérieuses baisses d'attention et crises de colère si véhémentes que parfois, on peut l'entendre hurler à l'autre bout des zones d'extraction. Même Prescott commence à avoir peur d'elle et prétends d'avoir des contractions si le ton monte.

J'aimerais pouvoir faire quelque chose, mais il faudrait déjà que je réussisse à lui parler... Et ce n'est pas en m'évitant, que je vais réussir à le faire.

Sous cette pensée, ma grippe se resserre autour de la hache que je tiens et je l'abats violemment dans un tronc d'arbre, le libérant ainsi de son socle, une bonne fois pour toutes. Je me décale juste assez pour qu'il vienne s'effondrer dans un amas de neige et souffle les flocons qui saupoudrent mes cheveux. Cependant, j'ai à peine le temps de le faire qu'Heden déchire mon champ de vision.

Quand on parle du loup...

Le front froncé, ses yeux semblent foudroyer le dossier qu'elle tient entre ses mitaines colorées.

— Heden ?

Elle redresse violemment la tête et manque de trébucher.

— Caleb !

— Heden.

Répété-je avec un sourire.

Elle se rapproche et s'incline sur le tronc que je viens d'abattre.

— Colby t'as encore pré-coupé un arbre ou tu l'as abattu tout seul ?

— On ne saura jamais.

Elle s'apprête à repartir, mais je la rattrape.

Après tout, ma fierté ne saurait tenir le coup plus longtemps.

— Tu crois qu'on recommencera ?

Heden pivote, son bonnet à la main, faisant chuter ses cheveux roux sur ses épaules graciles.

— Je te demande pardon ?

— Tu sais... Nous embrasser...

D'abord, elle ne dit rien. Elle reste simplement figée sur place, ses doigts crispés autour des rebords des poches de sa veste, au point où je suis persuadé qu'il n'y aura que du silence de sa part.

Encore et toujours.

Je soupire lourdement, reprend ma hache, mais au moment où je m'apprête à reprendre mon travail, elle décide de se rapprocher.

Et avant que je ne puisse tourner la tête vers elle...

Elle plaque ses lèvres sur ma joue.

— La prochaine fois qu'on se retrouve dans une salle de bains, sans Carsen pour venir nous embêter... Pourquoi pas.

Heden fait mine de partir, mais je la rattrape par la taille en l'élevant suffisamment dans les airs pour qu'elle troque sa moue morose dans un éclat de lumière presque flamboyant... Juste assez pour me réchauffer le cœur.

— Allons en trouver une, alors.

— Arrête, on va nous voir !

— Tu veux vraiment que j'arrête ?

— Caleb ?

Cette fois-ci, ce n'est pas Carsen qui nous interrompt, mais le père d'Heden. Je la relâche dans l'instant et alors qu'elle ramasse son bonnet, tombé dans la sciure de bois et la neige, Jonah arrive dans la clairière.

— Je peux te voir une minute ?

— Bien sûr...

Il disparaît aussi vite qu'il est venu et j'échange un regard inquiet avec Heden.

— Tu crois que c'est pourquoi ?

— Je n'en sais rien, mais... Prends ta hache avec. Sait-on jamais.

***

Stupidement, j'ai obéi. Alors me voilà dans le bureau de Jonah, une hache à la main, comme si à tout instant, j'allais livrer une bataille digne d'un livre fantasy à neuf cents pages. Pourtant, il n'y aucune colère sur son visage, seulement de l'irritation, lorsqu'il m'indique de fermer la porte de la pièce, derrière moi.

— Tu peux déposer la hache, fiston. Je n'aime pas avoir des armes dans mon bureau.

— Sauf votre respect, mais vous avez un fusil accroché au-dessus de votre tête.

Rétorqué-je en indiquant le Winchester placardé sur les planches du mur. Ma remarque le fait rire et il m'autorise à m'asseoir en face de lui.

— Tu marques un bon point. Mais même avec une hache, tu ne pourras rien contre un Winchester.

— Suis-je venu pour me faire tuer ?

— Non. Non, tu as raison, redevons sérieux. Je t'ai appelé ici parce que ça va faire un mois que tu travailles pour nous et... Je dois dire que si j'étais très dubitatif à ton arrivée... À présent, tu te débrouilles plutôt bien. Grâce à toi, nous avons pu récupérer des moteurs qu'on croyait pourtant morts.

Et voilà où part mon éducation à 27 000 livres le semestre à Oxford.

Je garde cependant ma remarque pour moi et me contente simplement d'ouvrir ma veste et d'hocher la tête. Jonah ouvre un dossier et alors qu'il fait cliqueter son stylo sur sa mâchoire carrée, il poursuit.

— Qui plus est, tu t'entends vraiment bien avec ma fille.

— Je n'aurais tout à fait dit ça, mais...

— Pas de ça avec moi, Caleb. Elle ne ramène pas juste des étrangers chez nous si elle ne croit pas qu'on peut leur faire confiance... Et tu l'as prouvé à plusieurs reprises. Alors pour ça, je tiens à te remercier.

— C'est plutôt à moi de le faire. Vous n'aviez aucune obligation.

Il arque un sourcil et me décoche un regard amusé.

— Je dois aussi dire que ça fait du bien d'avoir quelqu'un de poli, par ici. Le dernier étranger à New Garden à avoir été engagé pour de bon, c'était Carsen. Et à son entretien, il m'avait démoli l'épaule.

— Que... Attendez, vous êtes en train de m'engager pour de bon ?

— Ce n'est pas ce que tu voulais ?

J'ouvre la bouche pour répondre, mais aucun mot n'en sort.

Un emploi. Pour de bon. Ici.

Une vie. Pour de bon. Ici.

J'ai l'impression de sentir la présence de Jon et Lev, à mes côtés. Je suis persuadé de les voir, en train de me regarder avec leurs yeux vitreux, du sang sortant de leurs blessures béantes... Me rappelant constamment la promesse que je n'ai pas tenu.

— Caleb ?

— Je... Oui, mais est-ce que... Je veux dire...

— Qu'est-ce qu'il y a ?

Encore un silence. Jonah dépose son stylo sur ses dossiers et croise ses mains pour mieux se pencher sur moi.

— Écoute... Je ne sais pas d'où tu viens et honnêtement, comme tous ceux avant toi, j'en ai pas vraiment quelque chose à faire. Mais je peux dire que tu es un élément utile à mon entreprise et tu as réussi à bien t'insérer dans ce village. Crois-moi, ça n'arrive pas à tout le monde qui met le pied ici. Alors je serais ravi de t'engager pour de bon si ton choix, bien sûr... Est celui de rester. Alors qu'est-ce que tu en dis ?

J'ai déjà failli partir, lorsque je suis tombé sur le tombeau sauvage de mes compatriotes.

J'ai vu les lisières de ce village. Je pourrais aisément les dépasser.

Mais je ne l'ai pas fait.

Je ne pense pas que je le ferais.

Alors pourquoi est-ce que j'ai autant de frissons d'horreur ?

Pourquoi est-ce qu'il faut que je sois autant tiraillé par plusieurs aspects de cette lâcheté dont je fais preuve ?

Peu importe quel choix je fais...

Peu importe ce que je choisis enfin de voir au grand jour...

Je finis par trahir quelqu'un.

Je baisse les yeux vers le sol et prends une grande inspiration.

— Je... J'en sais rien encore. Est-ce que je peux avoir un peu de temps pour réfléchir ?

Jonah me scrute pendant une longue minute, mais finit par hocher la tête.

— Bien sûr. Je ne te forcerai à rien. Je te donne jusqu'à Black Friday. Ça te va ?

— C'est... C'est la semaine prochaine.

— Oui. Et en attendant, considère-toi d'invité à Thanksgiving. Tout le village se réunit à la salle des fêtes et... C'est très important de fêter ça ensemble.

— Merci, monsieur.

— Très bien, dans ce cas. Ferme la porte en sortant.

Je me redresse de ma chaise, reprend ma hache et m'exécute avec des gestes presque fantomatiques. Mon esprit rejoint les battements furibonds de mon cœur qui menace à tout instant d'éclater dans ma poitrine.

Pourquoi est-ce que tout reviens, dans ce genre de moments ?

La douleur du vent glacé, des branches de pins, de la glace...

Les larmes désespérées qui creusaient les sillons des yeux de Lev...

Je plaque ma tête contre le mur et serre les dents pour étouffer le gémissement qui transperce ma gorge.

Serais-je un jour tranquille ?

— Caleb, tu vas bien ?

Je redresse la tête vers Colby qui fait irruption dans le couloir, accompagné de deux de ses frères, y compris West. Celui-ci enroule son bras autour de mes épaules et je fais mine d'acquiescer.

— Oui, oui, bien sûr.

— Tu viens avec nous ? C'est bientôt l'heure et on avait prévu d'aller au bar.

— Tu nous feras d'autres calculs d'ivrogne.

Je souffle avec aigreur et finis par hocher la tête, à leur plus grand bonheur.

Après tout... J'en aurais bien besoin.

Désolée pour hiiiiier j'ai fait une fausse manip en publiant mon chapitre mais il était pas fini 😂 du coup le voici ! Bon, au moins Heden assume hehe 💙 mais paivre Caleb a bien quelques tourments qui le tracassent plus que notre chère rouquine...

Comment va t il s'en sortir ?

Et qu'est ce qui leur attend à Thanksgiving ? 🤭

Je vous dit à Lundi pour découvrir la suite ! 💙

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