Chapitre 27 : le moment de prendre une décision
Prétendre qu'Heden et moi n'avions pas échangé ce baiser a été un réel supplice, ces derniers jours. Plus encore lorsqu'elle a commencé à complètement devenir insupportable. Si avant, les répliques cinglantes pouvaient être contestés, à présent, je n'y arrive même plus.
Heden a non seulement un tempérament de feu, mais elle peut être une véritable peste acariâtre quand elle s'y met.
Et comme tous les chats qui feulent et hissent un peu trop, je n'ai qu'une seule envie, c'est de la jeter dehors. Mais bon. Après tout c'est moi qui la squatte et non l'inverse.
Un soupir las s'échappe de mes narines, tandis que je pose ma main sur mon ventre. Ma blessure ne me fait plus autant mal et mes réflexes reviennent peu à peu. J'arrive déjà à tenir quelque chose dans mes mains plus d'une dizaine de minutes, c'est déjà ça. Mes bleus jaunissent et disparaissent sous mon épiderme qui restera à jamais marqué par ce qui m'est arrivé.
— Hey, Cal. Tu te bouges le cul ou tu veux que je fasse ton travail à ta place ?
La voix tonitruante de Colby m'arrache de mes pensées et je reprends la sangle qu'il me tends depuis une bonne minute.
— Pardon.
— Je préfère ça.
Je me pince les lèvres pour ne pas rétorquer quelque chose de cinglant, mais c'est en silence que je me remets au travail. Ce n'est que la veille que nous avons enfin réussi à traverser le barrage en toute sécurité, brisant tout le reste de la glace qui nous gênait afin d'atteindre le rivage.
Le bruit des tronçonneuses et des haches n'a pas arrêté de résonner dans mes oreilles, depuis.
Les copeaux de bois fusent dans tous les sens et se mélangent à la douce neige qui chute depuis les cieux de plus en plus obscurs et c'est visiblement ce qui irrite Colby. Celui-ci rassemble plusieurs tronçons déjà finement ciselés et m'indique de les entourer avec la sangle, ce que je fais en grognant sous l'effort.
— Tu sais, Cal...
Pourquoi est-ce qu'il s'est mis dans la tête d'utiliser un surnom ? Il croit qu'on est amis ?
— Je n'aurais jamais pensé que tu sois aussi efficace avec des troncs d'arbres.
— Ah ouais ? À quoi est-ce que tu croyais que j'étais doué, alors ?
— Hm. Bonne question. Boire du thé ?
— Tu sais que c'est incroyablement raciste ?
— Oh pitié. Ne me dis pas que c'est la première fois que tu as entendu cette blague.
Malheureusement, c'est la triste vérité. C'était l'une des préférées de Lev. Mes narines se dilatent sous son souvenir et tandis que je finis d'accrocher la sangle, je me redresse pour laisser place à d'autres bûcherons de venir les embarquer à l'arrière du bateau. Essoufflé, Colby passe son avant-bras écorché sur son front dégoulinant de sueur et balance ses gants dans son sac.
— Tout se passe bien avec Heden ? À la maison ?
Je me fige et plisse les yeux à demi.
Si j'ouvre la bouche, je rentrerai surement dans un pièges qui se refermerait sur moi.
— Alors ?
— Je peux savoir pourquoi tu poses autant de questions ?
— Parce que je tiens à elle ?
— J'ai remarqué.
— Je tiens à elle, Caleb. Alors j'estime avoir le droit de...
— De quoi ? De me faire chier ?
— Tu habites chez elle, pas vrai ? T'es quoi alors ? Un sorte de... De sans-abris ?
"Réfugié du ciel".
Un sourire corne mes lèvres lorsque je me souviens de l'insulte qu'avait lancé Heden.
— Ouais. C'est ça. Je suis le parfait sans-abris qui squatte chez ton ex. Enchanté. Je m'appelle Caleb.
Je tends ma main vers lui dans un geste exagéré et ricane de plus belle lorsque ses mâchoires se mettent à grincer. Il n'a cependant pas le temps de rétorquer que Jonah débarque, son casque de protection en mains.
— Bon, les garçons, vous avez fini de discuter ? La nuit tombe, il faut rentrer. Colby, c'est toi qui ramènes le nouveau.
— Super.
Raille-t-on en cœur.
Ouais.
Super.
***
Avec tous les camions et les convois remplis de bois qui envahissaient tout New Garden, je manque de m'endormir sur la fenêtre passagère. Mes paupières se closent à peine que la main de Colby glisse sur le klaxon et me fait sursauter dans mon siège.
J'oblique sur lui un regard furieux, mais il ne fait rien d'autre que sourire.
— Oh pardon, ma belle... Je t'ai réveillé ?
— Bordel...
Il ricane avec l'agilité d'une hyène et tandis que j'étends mes jambes en face de moi, il poursuit.
— On passe un merveilleux moment ensemble. Tu ne trouves pas ?
— On n'est pas obligés de parler.
— On n'a pas vraiment fini, tout à l'heure.
— Tu as eu trop peur de Jonah. Ce n'est pas mon problème.
— Je te mets au défi de parler de Heden en face de son père. Je payerai cher pour voir ça !
— Il n'y aura rien à dire, de toute façon.
— Ah ouais ?
Agacé, je décroche mon poing de mon menton et abat ma paume sur la radio pour faire taire la petite musique country qui retentissait en harmonie avec les klaxons des camions.
— Écoute... Si tu as réellement envie de me dire quelque chose, fais le. Parce que je ne vais pas supporter tes remarques délibérés plus longtemps.
— Ce sont des menaces ou je rêve ?
J'aimerais lui dire qu'il n'est personne comparé à ceux avec qui j'ai dû faire mon entraînement d'astronaute ou encore ceux avec qui je suis parti. Cependant, je m'abstiens et poursuis simplement, en grinçant des dents.
— Tu tiens peut-être à Heden mais tu surestimes à quel point je le fais. Je ne la veux pas...
Mensonge.
—... Je ne la désire pas...
Mensonge.
—... Alors si tu tiens autant à te la trousser... Vas-y.
Si tu touches à un seul de ses cheveux, tu seras le prochain à te noyer.
—... C'est bon ? Content ?
— Wow, Caleb, calme-toi, je ne faisais que rigoler avec toi... Où t'as foutu ton humour ?
Surement là où j'ai planqué mon courage et ma dignité.
Je repose lourdement ma joue contre la vitre et soupire si violemment que de la brume vient se dessiner sur le verre.
— Tu sais, si je te dis tout ça, c'est parce qu'elle a l'air de tenir à toi. Alors dans le cas où ce n'est pas réciproque... Laisse-moi te dire que tu n'as pas intérêt à lui faire du mal.
— Ah ouais ? Et qu'est-ce qui se passerait ?
— On est bûcherons, Caleb. On sait comment se servir d'une hache. Et puis il serait grand temps de dépoussiérer les piques de bois qui pourrissent dans l'arrière de la menuiserie.
— Très drôle.
Les feux de New Garden passent enfin au vert et le bouchon commence enfin à se détendre. Colby enfonce à nouveau ses clefs dans le contact et tandis qu'il repose ses mains sur son volant, il m'indique le petit cadre rempli de photos, accroché au rétroviseur.
— Tu sais... Si c'est aussi difficile d'être avec elle, je peux te proposer un logement. Mon frère tient un gîte à l'entrée de la ville, tu pourrais y avoir un appartement. Ce n'est pas cher et au moins tu pourras te reprendre comme tu peux.
— Parce qu'il y en a d'autres des comme toi ?
Pesté-je en lorgnant sur l'une des photos où se trouve Colby pendu au cou d'un homme qui lui ressemble à une couleur de cheveux près.
— On est cinq, pour être précis. Ne l'oublie jamais.
— Cinq haches ?
— Cinq haches.
Je ne peux m'empêcher de rire, mais cette fois-ci, c'est quelque chose de plus sincère qui transperce ma gorge. Peut-être que ce n'est pas une si mauvaise idée...
Parce que putain, si je reste une seconde de plus avec Heden, je vais soit la tuer...
Soit, l'embrasser à nouveau.
Et aucune de ces possibilités n'est envisageable.
Bah oui. Caleb va dire à Heden qu'il va partir.
Et à votre avis, quelle sera sa réaction ? 🤭😂
À vos théories hehe ! En attendant, je vous dit à vendredi pour la suite 🤭🥰
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