Chapitre 20 : la tribu Keye

La nervosité m'envahit au point où je reste figée derrière mon volant, alors qu'on est déjà arrivés depuis une bonne minute. Les rayons du soleil matinal éclairent les bleus violacés du visage de Caleb qui me toise et je me tourne vers lui pour abattre plus profondément son bonnet sur sa tête.

— Hey ! Tu n'es pas ma mère à ce que je sache !

— Laisse-moi réfléchir... Je te nourris, je te vêtis et te fais prendre des médicaments quand tu es malade... Si tu n'es pas mon fils, très bien, mais au moins un chien !

— Je...

— Tu ?

— Rien.

Grince-t-il en se rasseyant dans son siège. Je souris. Je dois avouer que cette satisfaction fait raviver mon sourire sur mes lèvres. Je me détache même de mon volant et jette un coup d'œil autour de moi. Les camions sont déjà tous présents dans l'allée, parés pour une mission qui me paraît toujours et encore borderline stupide.

Tout comme ces présentations, d'ailleurs.

Caleb retire sa ceinture de sécurité qui claque violemment contre la portière et fait mine de partir avant que je ne le rattrape.

— Il faut que je te prévienne.

— De quoi donc ? D'à quel point ta famille est aussi déjantée que toi ? Ne t'en fais pas pour ça, j'ai déjà remarqué.

— Ne fais pas le malin. Je ne crois pas que tu supporteras plus d'une journée avec des gars comme Carsen, je ne tiens pas à te ramasser à la petite cuillère à chaque fois. La première fois, c'était déjà bien assez !

L'astronaute fronce les sourcils et réplique presque aussitôt sous l'irritation.

— Excuse-moi, mais je viens de passer neuf mois avec des sales grincheux, enfermés dans des pièces volantes, obligés de les supporter même si je voulais les tuer. Je crois que je peux faire tout ceci sans encombres.

— Oui. Enfin, tu dis ça, mais tu ne me supportes déjà pas. Et ça ne fait pas neuf mois, que l'on se connaît, toi et moi.

— On peut sortir, maintenant ?

Je souffle en guise de réponse et ouvre ma portière. Le vent frais s'engouffre à l'intérieur et s'abat sur mon visage qui se met instantanément à rougir, pour se protéger. Je peux sentir mes pommettes brûler et picoter, tout comme le font mes yeux. Malgré le soleil qui brille à son sommet, le froid s'installe de plus en plus.

Merde. Le lac va être plus gelé que jamais.

Tandis que je porte mes ongles à ma bouche pour défouler ma nervosité sur eux, je sens la carrure de Caleb venir se presser contre la mienne. Je ne sais pas s'il essaye de se tenir ou si l'appréhension à fini par le gagner, mais ça m'arrache un sacré sourire.

— Ça va aller. On ne te demandera pas d'être bûcheron, ne t'en fais pas.

— Si je le pouvais, je le ferai.

Marmonne-t-il en portant sa main là où se trouve sa blessure. Je tapote gentiment sur son bras et lui indique l'un des bâtiments principaux vers lequel nous nous dirigeons.

— Mais oui, mais oui. C'est ça.

— Quoi ? Tu ne me crois pas ?

— Oh, si, ne t'en fais pas. C'est juste que...

— J'ai les muscles pour, mademoiselle-je-n'arrive-pas-à-ouvrir-un-bocal-de-confiture-toute-seule.

— Pour ma défense, c'était une confiture faite par ma grand-mère, il y a à quatre ans de ça. Et je ne parle pas de tes muscles, qui sont très... Présents, c'est juste que ce ne sont pas ceux qu'ils faut pour soulever une tronçonneuse et découper un arbre.

— Ah non ? Et il faut quel genre de muscles, alors ?

Réplique-t-il en obliquant vers moi un regard furibond.

— Oh, tes muscles sont ceux que j'appelle "décoratifs". Tu sais, le genre que les mannequins ont pour les pubs de parfum ? Mais en réalité, ils ne pourraient pas soulever une buche, si la tache leur est présenté.

— Pardon ?

— Je t'aurais vexé, Monsieur Muscles ?

— Bordel qu'est-ce qu'il faut pour t'impressionner, alors ?

Je m'arrête brusquement en face de lui et croise mes bras sur ma poitrine, un sourire curieux étirant le coin de mes lèvres.

— Pourquoi ? Tu tiens à le faire ?

Il ouvre la bouche pour répondre, mais c'est une autre voix qui appelle mon nom.

— Heden !

On se tourne tous les deux vers l'homme en question pour découvrir que ce n'est personne d'autre que Colby. À son appel, plusieurs de nos bûcherons se retournent, mais retournent vite à leur travail acharné. Après tout, à part mon ex-amant, il n'y aura pas grand monde qui saura que je suis plus importante que l'infernale et dangereuse journée qui nous attend. Caleb me jette un coup d'œil en coin, mais je me contente de rester courtoise et d'indiquer le nouveau venu pour faire les présentations.

— Ah, Colby ! Salut, je... Voici Caleb. Caleb, voici Colby, le bras droit de mon père et aussi...

— L'un des meilleurs bûcherons du comté !

S'exclame-t-il en lorgnant l'astronaute déchu de la tête aux pieds avant de tendre la main afin de serrer la sienne. Malheureusement pour lui, Carsen passe derrière lui, portant de grandes planches sur son épaule, riant aux éclats.

— Certainement pas l'un des meilleurs, non ! Je te signales quand même qu'à ton arrivée ici, tu as fait tomber une branche morte sur ton pied et qu'on t'as entendu crier depuis l'autre côté du lac !

— La ferme, Carsen, tu n'étais même pas encore arrivé ici, quand ça s'était passé...

— Ouais, mais c'est une putain de bonne histoire !

Caleb cache son sourire amusé en plissant légèrement les lèvres et finit par lui serrer la main en retour.

— N'écoute pas ce trou du cul. C'est complètement faux.

— Pas de soucis. On a tous des faiblesses inavoués.

Répondis-je en attrapant Caleb par le bras pour le tirer à l'intérieur. Colby nous suit malgré tout et entoure même les épaules de l'astronaute d'une étreinte faussement sincère pour se rapprocher de lui et de lui murmurer à l'oreille pour se faire mieux entendre, tant le bâtiment de menuiserie est secoué par les voix fortes, les cris qu'elles projettent et de crissements de machines.

— Alors, Caleb, tu sais que personne n'a autant parlé dans ce village, avant ton arrivée ? Même Heden n'arrête pas. Et c'est pour dire...

— La ferme, Colby.

— Quoi ? Il est muet ? Il ne peut pas parler sans que tu sois là ?

Caleb s'arrête en se dégageant finement de l'étreinte de mon ex et siffle à la manière d'un serpent :

— Non, je sais très bien parler tout seul. Et pour répondre à ta question, si tant soit peu, s'en était une... Non. Je ne savais pas. Mais je suis très honoré. C'est un très bel accueil.

Colby étouffe un rire ironique dans le creux de sa veste frappé du logo de notre compagnie de menuiserie avant de croiser ses bras sur son torse et de le toiser.

— Pardon, mais tu n'as pas dit combien de temps tu allais rester ?

— Et puis quoi encore, Colby ? Il doit t'allonger un carnet de santé ? Des papiers d'identité ? Tout ça alors que tu ne connais que son prénom ? Laisse-le tranquille !

Vociféré-je en repoussant Caleb légèrement pour pouvoir m'interposer. Colby lève les bras en l'air comme pour s'avouer vaincu et je recule à nouveau d'un pas pour indiquer mon invité surprise.

— Il s'est gentiment proposé de venir nous aider, lorsqu'il a su qu'on avait des problèmes. Tu devrais au moins dire merci qu'on ai des bras en plus, plutôt que de lui demander trois mille questions qui n'ont absolument rien à foutre là !

— Pourquoi autant sur la défensive ? C'était sincère.

Susurre-t-il mielleusement, avant que Caleb n'intervienne à son tour.

— Hey, Heden, ça ne sert à rien. Laisse tomber. Il était juste curieux. Et bien, Cody, je ne sais pas quand je repars, mais ça peut être demain comme dans six mois. Tout dépend de l'hospitalité, je suppose.

— C'est "Colby".

— Pourquoi ? Qu'est-ce que j'ai dit ?

Soudain, mon père débarque, déjà habillé pour partir, balançant dans ses mains les clefs d'un camion, et s'arrête à nos côtés.

— Heden, Colby... Je vois qu'il y a un troisième à qui je ne connais pas le nom ?

— Caleb, monsieur. C'est un plaisir.

Caleb tend la main, mais mon père ne fait que la lorgner, le nez fronçant sa moustache duveteuse, m'arrachant un soupir exaspéré.

— Ah oui... Le touriste...

— On n'a qu'à dire que c'est mon deuxième prénom.

Maugréé l'astronaute en enfonçant à nouveau sa main dans sa poche. J'assène un coup silencieux à mon père, mais celui-ci ne fait que retentir ses clefs pour nous indiquer qu'il est l'heure de partir.

— Caleb, nous n'avons pas le temps de faire des présentations normales, aujourd'hui. Mais je t'invite à rester ici jusqu'à ce soir, Eva et Prescott vont te dire ce que tu peux faire et te présenter un peu ce que l'on fait par ici. Heden, Colby, vous venez avec nous.

— Mais papa, je devrais...

— Ne t'en fais pas, il survivra trois secondes sans toi, pas vrai ?

La dernière pique de Colby me donne envie de me tourner vers lui et lui arracher ses foutus yeux grisés de ses orbites, mais je m'abstient en défoulant l'injection de colère dans ma lèvre inférieure, se diffusant dans un goût métallique qui me fait grimacer.

Mon père, tout comme son bras droit s'éloignent et tout ce que je peux produire, c'est un soupir. Je me tourne vers le blond qui paraît tout aussi désemparé que moi et hausse les épaules.

— Bon... Je n'ai pas le choix, je vais devoir te laisser ici... Ça ira ?

— J'espère que Prescott et... Eva ne me mangeront pas.

— Oh, non. Elles ne le feront pas. Bref, tu... Tu fais attention à toi, d'accord ?

— Heden, je suis tombé du ciel, bon Dieu... Que veux-tu qu'il m'arrive de plus grave ?

J'aimerais sortir l'une de mes répliques sarcastiques qui ont le don d'élargir nos conversations sur une durée de vie entière, mais mon père m'appelle à nouveau. Je lui souris donc une dernière fois, prend mon élan et sort à nouveau dans le froid.

Bordel, j'espère vraiment que cette journée ne représente en rien un échec...

Je devais poster hier mais en ce moment, comme dit, j'ai vraiment du mal a appuyer sur le bouton "publier", même si tout est prêts et que j'ai je ne sais combien d'avance sur tous mes projets...

J'espère que ce chapitre vous a plu ?

Heden c'est un peu comme Ygritte dans Game of Thrones, protégeant son petit Jon Snow face aux autres sauvageons 😂😂

Bref, à très vite pour la suite ! Espérant que Prescott la biscotte ne dévorera pas Caleb 😂😂😂

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