Chapitre 10 : une aide innatendue

Couchée dans mon lit, je ne peux possiblement trouver le sommeil. Pourtant, avec la journée que j'ai eu, je devrais normalement déjà être au pays des merveilles, en train de m'embrouiller avec ce foutu chat et son sourire cauchemardesque. Mais à la place, j'écoute les moindres bruits qui me parviennent d'en bas.

Si Caleb avait l'air affamé, il n'avait pas tardé à rendre tout ce qu'il avait pu avaler, ce qui veut dire : pas grand-chose. Il peinait à mâcher, même. Cependant, sans nourriture, il ne va pas pouvoir guérir. Encore moins lever ses fesses de mon canapé. Et avec une fièvre comme la sienne, sans médicaments, sans la moindre trace de vitamines... Je ne suis peut-être pas docteur, mais je sais que ça s'avérera impossible.

À bout de solutions, j'écrase l'un de mes oreillers sur mon visage et grogne dans le tissu, m'étouffant pour que je ne le réveille pas. Ollie, couchée à mes côtés, enfonce le bout de son museau dans le creux de mon cou et je me laisse bercer par sa douce présence apaisante. Ma chienne est probablement le seul soutien que j'ai, aujourd'hui. Car entre l'astronaute, mon père, Colby, et cette carte de la Sécurité Intérieure...

Je balance à nouveau mon oreiller dans mon lit et je me retourne sur le ventre pour voir ce qui se trame en bas. Les poutrelles écartées de ma mezzanine me permettent d'avoir une vue complète sur le restant de mon chalet. Les dernières lueurs du feu dans ma cheminée éclairent à peine ma cuisine à la vaisselle sale fournie ainsi que mon chalet. Je rampe un peu sur la multitude de coussins qui composent mon lit et reporte mon regard sur l'astronaute. Étalé sur toute la longueur du canapé, à peine couvert par mes plaids, Caleb dort avec légèreté. Je peux voir d'ici, la sueur qui dégouline de son front et qui noircit ses fines boucles blondes. Ses doigts serrés autour de l'entête du meuble, ils tressaillent au rythme de sa fièvre.

Je n'arrive pas à me sortir ses yeux d'un bleu céruléen, de la tête. Et si j'ai grandi parmi des bûcherons aux muscles parfois plus développés que leurs cerveaux, je ne me suis jamais senti aussi intimidée.

Jusqu'à ce que du sang ne coule de ses prunelles comme des foutues larmes, bien sûr.

— C'est ridicule.

Mâchonné-je en passant une main dans mes cheveux, les rejetant ainsi dans mon dos. Je me recouche donc en serrant Ollie dans mes bras, enfouissant mes doigts dans sa fourrure épaisse, dans l'espoir qu'ainsi, je retrouverai le sommeil. Car si moi, je ne dors pas...

Ce chalet renfermerait deux cadavres, très bientôt.

***

Même si je me réveille bien après l'aube, je ne peux pas réellement dire que j'ai bien dormi. Mes cernes creusant mes joues accompagnent les bâillements que j'enchaîne au rythme des gouttes de café qui tombent devant mes yeux fatigués. Affalée sur le comptoir de la cuisine, tournoyant mon index dans ma tasse vide, je ne peux m'empêcher de zieuter dans la direction de Caleb. Inerte sur le canapé, il n'émet plus aucun mouvement fiévreux et le peu de peau que j'aperçois de là où je me tiens est plus pâle encore qu'un linge.

Merde.

Un jet d'adrénaline fuse dans mes veines et me force à me redresser, agitant Ollie au passage qui était en train de se préparer pour aller se rouler dans la neige dehors. Je viens contourner le canapé et anxieuse, applique deux de mes doigts sur sa gorge.

Ouf.

Je me pince les lèvres, sous le coup. Je n'aurais jamais cru que j'allais avoir un jour aussi peur que quelqu'un meure. J'ai toujours considéré les habitants de New Garden comme des super-héros. Depuis que je suis née, il n'y a eu aucun décès. On survit, peu importe quoi.

Et Caleb ne sera pas mon premier.

Je m'agenouille devant lui et balaye ses cheveux séchés d'un revers de main, ce qui dévoile quelques petites cicatrices anciennes sur son front. L'une d'elle, assez profonde, s'arrête à son sourcil gauche où une fine parcelle est dépourvue de poils. Je me demande bien quelle peut possiblement être son histoire... Qu'est-ce que son corps a bien dû vivre avant qu'il ne se fasse expulser dans le grand néant dans lequel flotte notre planète. Un sourire léger vient se dessiner sur mes lèvres lorsque ses sourcils se froncent et qu'il enfonce le bout de son nez droit dans l'un des coussins, ses mains repliés sous les couches de tissus qui le protègent à peine. Une perle de sueur vient frayer son passage entre ses muscles taillés et se figent dans les blessures de ses bras, cicatrisant à peine.

Pour un scientifique, il est plutôt craquant.

Un violent coup de poing s'abat trois fois sur ma porte et m'arrache de ma torpeur.

— Heden ?

Carsen !

Je me redresse dans un sursaut, abandonnant l'astronaute toujours endormi et me rue sur la porte qu'Ollie est en train de gratter. Je ne l'ouvre qu'à demi, dans l'espoir de ne faire qu'apparaître ma tête, mais ma chienne me trahit et se fraye un passage jusqu'au bûcheron qui l'accueille avec un grand sourire.

— Comment va ma boule de neige ?

Ollie jappe dans ses bras, sa queue duveteuse frappant la mesure et je referme la porte derrière moi, croisant mes bras sur ma poitrine sous le froid. La nature autour de nous s'est complètement figée. Le soleil ambitieux vient étinceler les quelque peu de couches de glace du lac, ainsi que la neige sur les cimes des pins. Le blizzard s'est occupé d'effacer la moindre trace de crash et c'est tant mieux.

— Carsen ! Qu'est-ce que tu fais ici ?

— Et bien je suis venu savoir comment tu allais... Tu n'es pas revenue, hier.

— Oh...

Je porte ma main à mon front et gonfle mes joues de mon soupir. Comment je peux possiblement lui expliquer ce qui s'était passé avec Colby et mon père ? Carsen n'est déjà pas friand de commérages ou de dramatisation en général, il ne sera certainement pas enclin à écouter un tel scandale... Cependant, le grand bûcheron perçoit la détresse qui défigure mon visage et tout en passant une main dans sa barbe généreuse, il m'assure.

— Ne t'en fais pas. Tout le monde est déjà au courant.

— Oh, c'est pas vrai...

Je le contourne, pour qu'il ne voit pas ce qu'il se passe à l'intérieur de mon chalet et alors qu'il suit mon mouvement, je poursuis.

— Je ne sais pas quoi dire.

— C'est ça le truc, Heden. C'est que tu aurais dû dire quelque chose. Et pas faire. Tu ne m'avais donc pas écouté ?

Son grondement se fait sourd, mais je devine rapidement qu'il est en réalité plus amusé qu'énervé. Il s'appuie sur la rampe d'escalier qui mène à l'allée où est garée son grand break aux portières de différentes couleurs et me toise de ses petits yeux foncés.

— Jo' est en colère. Terriblement en colère. Et devine quoi ? Malgré tout ce qui s'est passé, Colby a finalement changé d'avis. Il veut revenir. Il dit qu'il ne savait pas pour le blizzard et qu'il promet de garder ses problèmes personnels de côté.

— Et papa est d'accord avec ça ?

— À ton avis ? Quand Colby s'est pointé à la menuiserie à l'aube, ton père a sorti une hache. Merde, il l'avait quand même surpris avec une main sur toi !

— Hm.

Grondé-je en enfouissant mes pieds dans la neige, espérant qu'ainsi, je disparaîtrai.

— Mais ce n'est pas comme s'il pouvait faire la fine bouche avec ses équipes... Alors ouais. Colby est là.

— Mais où est-ce qu'il va rester ? Il ne continuerait quand même pas à vivre avec Laura !

— Quoi ? Tu veux te porter garante ? Accueillir ton chéri chez toi, parce que tu es quelqu'un de si généreux ?

Ironise l'ancien gardien de phare en me toisant, mi-amusé, mi-sévère. Je pouffe et indique l'intérieur de mon chalet du bout du menton.

— Oh non. J'ai déjà un homme à charge, c'est déjà suffisa...

Putain, Heden !

Je n'ai même pas eu le temps de me couvrir la bouche de mes mains que dans un sursaut, Carsen se redresse et suit la direction que j'avais indiqué, l'œil fou.

— C'est une blague ? C'est qui encore, ce connard ?!

— Attends, Carsen !

Bien sûr, il ne m'écoute pas. Dans un violent coup de pied, il fait irruption dans mon chalet, les poings si serrés contre ses cuisses que ses jointures jaunissent, sous sa force. J'essaye de le rattraper, mais il est déjà en train de crier.

— Hey ! Toi !



J'aurai voulu être plus présente cette semaine mais colme vous le savez, le travail plus le sommeil, ça a pas été facile 😭❤

Mais pour le réveillon et pour demain, je vous offre deux chapitres de ce roman ! Je vais tres vite revenir ET EN FORCE !

Gros bisous et passez de joueuses fêtes de fin d'annee ! ❤

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