— Je vais tout vous expliquer, aborda Elizabeth.

Les gardes royaux étaient disposés autour de la table de sorte que personne ne pouvait voir la reine, ni les adolescents. Elizabeth II se tourna vers Winnie.

— Ma tante, ta grand-mère Kathleen, m'a appelé pour me dire qui tu étais, et expliqué ce que tu faisais dans Buckingham. J'ai à présent compris, et te propose quelque chose. Dans la famille royale, nous avons un groupe extrêmement secret nommé le SRG, soit Secret Royal Gathering. C'est un rassemblement familial dans lequel nous parlons politique, défense, améliorations, mais nous organisons aussi des jeux, des diners, ou autres divertissements. Le connaissent uniquement les membres de la famille royale, et à présent, tes deux amis. Si tu refuse, nous serons obligés de vous gardez à l'œil à vie, pour que vous ne répétiez pas ce secret. Alors ?

Winnie riait intérieurement. La reine l'obligeait en quelque sorte à entrer dans le SRG, et elle n'appréciait pas trop qu'on la manipule ainsi.

— Vous ne me laissez pas vraiment le choix, ricana t-elle.

— On a toujours le choix, contra Elizabeth avec sérieux. Alors ?

— Je suppose que vous attendez de moi que je réponde positivement, et cela m'arrangerait également donc... Oui. 

— Parfait ! s'extasia la reine en joignant ses mains sur la table. La première réunion à lieu ce soir. Interdit à tes acolytes, désolée.

Winnie se demanda si la monarque était vraiment désolée ou si ce n'était que du bluff, mais elle n'en fit rien paraitre. 

— Je m'en étais doutée, grogna t-elle en jetant un coup d'œil à ses amis. 

♔♔♔

Winnie avait décidé de raconter en détails la séance à ses amis, comme ils n'y étaient pas conviés. Au début réticents, ils avaient bien dû avouer qu'aucun moyen ne leur permettrait de venir au palais, et, se faisant du souci pour leur amie, la regardaient partir bras croisés et sourire crispé. 

Sur son vélo, Winnie fit tinter la sonnette, comme un au revoir à ses amis, et vira à gauche. Elle savait que maintenant elle ne se trouvait plus dans le champ de vision d'Alex et Jane. Elle arriva peu après à Buckingham Palace, et y parqua son vélo. Les gardes, qui savaient à présent qui elle était, l'escortèrent discrètement jusqu'à l'intérieur, où elle retrouva sa grand-mère en train de discuter avec un homme d'âge moyen à la carrure impériale. Tous deux étaient vêtus impeccablement, et Winnie se sentit rosir en observant qu'elle avait gardé les mêmes vêtements que le matin.

— Très jolie robe, lui fit tout de même remarquer Kathleen en la voyant arriver. 

Sa petite-fille la salua et murmura un bonjour gêné au monsieur, qui parut s'en amuser. Le petit salon se remplit peu à peu de gens tous différents et plus excentriques les uns que les autres – en apparence, pour sûr, car leur vivacité d'esprit était inespérée – et d'âges divers. À son grand désarroi elle se trouvait être la plus jeune, et la moins expérimentée. Soudain le silence se fit, et Elizabeth entra, vêtue d'une splendide robe noire à gros pois blancs, sa couronne sur la tête. Elle salua tout le monde et souhaita l'anniversaire d'un jeune homme aux yeux brillants. Winnie nota qu'avant qu'elle se joigne aux séances il devait être le plus jeune. 

Lorsque la reine le serra dans ses bras, tout le monde se mit à chanter le traditionnel morceau de bons vœux, et Winnie s'y plia également. Ensuite, le jeune homme remercia l'assemblée puis se leva, faisant une gracieuse courbette. Les membres royaux l'acclamèrent, et il se rassit, un sourire cette fois un peu gêné sur le visage. Alors Elizabeth II prit la parole.

— Chers cousins, cousines, oncles, tantes, sœur, et autres membres de la famille, bienvenue ! Ce soir, nous ne parlerons pas de choses sérieuses, bien au contraire. Tout d'abord, voici Winnie Sugar, petite-fille de Kathleen. Je l'ai invité à se joindre au SRG, et elle a accepté, comme vous pouvez le constater. 

Des applaudissements polis à l'intention de l'adolescente retentirent, et plusieurs la félicitèrent. 

— Bienvenue, lui souhaita le jeune homme dont c'était l'anniversaire.

Winnie le remercia d'un hochement de tête et un sourire, puis murmura un merci à une dame joufflue et enrobée qui venait de lui dire la même chose. La reine Elizabeth reprit alors la parole. 

— Comme vous le savez, c'est aujourd'hui l'anniversaire d'Alistair, et avec une équipe nous avons préparé une petite fête pour ce soir. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, vous pourriez y participer. 

Le dénommé Alistair remercia avec ferveur sa reine, qui le gratifia d'un splendide sourire.

— Tout est déjà prévu, reprit-elle, et je compte sur vous. 

Des murmures parcoururent alors l'assemblée, tous positifs de ce que Winnie entendit. 

— Si vous désirez venir, rendez-vous à dix-neuf heures dans la petite salle des fêtes du palais. Oh, et tâchez de ne pas arriver tous en même temps, pour ne pas éveiller les soupçons du peuple. Moins nous passons dans les journaux, mieux c'est !

Quelques uns rigolèrent, d'autres approuvèrent. 

— Avant de partir, peut-être pourriez-vous vous présenter pour qu'ainsi notre nouvelle membre sache qui vous êtes ?

L'homme à la carrure impériale se leva et se pencha légèrement en avant dans un semblant de révérence.

— Jaque-Henri, oncle de la reine Elizabeth, maître de la garde royale.

Il se rassit et la femme joufflue se leva difficilement, s'appuyant sur les accoudoirs de son fauteuil. Ses cheveux foncés étaient coiffés en chignon fait à la va-vite, et elle portait une robe rose bonbon qui ne lui seyait pas spécialement. 

— Eugénie, tante d'Elizabeth, secrétaire.

Elle se rassit en souriant béatement, et Alistair se leva, effectuant à son tour une petite révérence. Souriant, il se présenta avec bienveillance :

— Alistair, cousin de la reine, en études. 

Ensuite se levèrent la sœur de la reine, Margaret, un autre cousin, René, et deux cousines jumelles, Fernande et Gabrielle. Kathleen ne se leva pas, Winnie la connaissant mieux que tous les autres. Un silence se fit alors, et tout le monde observa l'adolescente, certains avec des sourires, d'autres avec sérieux. Elizabeth lui lança un léger hochement de tête pour l'encourager, et Winnie compris. Elle se leva, un peu gênée, et dit maladroitement :

— Winnie, petite-cousine de la reine, heu... écolière. 

Elle se rassit en vitesse, écarlate, et sourit d'un air gêné. Les membres de la famille royale lui souhaitèrent une fois de plus la bienvenue, et comme si la reine avait donné la fin de la séance, la grand-mère de Winnie se leva, très vite suivie par Eugénie et Jaques-Henri. Gentiment, tout le monde les imita et quittèrent les lieux, laissant seules Elizabeth et Winnie. La reine prit les épaules de sa petite-cousine et lui confia :

— Ce soir, si tu veux que tes amis t'accompagnent à la fête, ils en ont le droit. 

— Oh ! Merci ! se réjouit Winnie.

— Merci d'avoir accepté de rejoindre le SRG. Tu verras, c'est sympa. 

L'adolescente hocha la tête, songeant que tout avait bien changé depuis quelques jours.