XXIII - Complexion


Quand Jimin rouvre les yeux, il est allongé sur un sol dur et froid, décoré d'arabesques bleu nuit. Il le reconnaît, il est à nouveau dans le grand hall, comme le jour de son arrivée. C'est le lieu où tout commence, mais est-ce là que tout va finir ?

Il ne sent qu'une légère douleur à la tête, le reste de son corps est engourdi, comme encore plongé dans les limbes de l'inconscience. Le sol est dur sous lui, et il a froid, très froid. Mais il n'est pas mort, il le sait, il sent son cœur s'agiter, danser une valse solitaire dans son poitrail glacé et il sent l'air s'infiltrer dans ses poumons puis en ressortir, s'échappant de ses lèvres entrouvertes. Son regard jusque là flou s'éclaircit enfin et il peut observer autour de lui, feintant l'inconscience afin de se prémunir de tout danger.

La première chose qu'il voit est une forme sombre, toute en contrastes, blanc crayeux à noir profond, en passant par ces taches rouges ici et là. Yoongi paraît presque mort, là sous l'éclairage neutre de la salle, mais Jimin voit sa poitrine se soulever très doucement, trop peut-être mais au moins assez pour préserver l'étincelle de vie qui brûle dans le corps du musicien. Et puis il y a sa main, sa main qu'il n'a pas lâché, celle qui se trouve toujours là dans la sienne, et qui symbolise l'union entre les deux jeunes gens. Deux âmes étalées au sol, amputées mais pourtant si complémentaires, si antagonistes et pourtant si attirées l'une par l'autre. Jimin et Yoongi forment le tableau des contradictions.

Un bruit froissé se fait entendre, et Jimin referme presque ses yeux, ne les entrouvrant que pour continuer à surveiller. Il n'ose pas bouger, il se contente donc de ce qui se passe dans son champ de vision. Couché sur le côté gauche il n'a accès qu'à la partie droite de la salle, et justement quelque chose entre dans son champ de vision. Il déglutit difficilement en apercevant l'ange désormais bien mal en point, le teint devenu blanc et du sang sombre dégoulinant toujours de son aile brisée. Il tire un corps inerte en haletant, ployant sous l'effort, et le jeune aux cheveux argentés découvre Jungkook, les yeux fermés, un peu de sang peignant sa bouche d'un voluptueux carmin.

Taehyung fait encore quelques pas, avant de déposer avec une douceur toute décalée le corps inconscient sur le sol, prêtant attention à ce que sa tête fragile ne heurte pas le sol en marbre. Et là il se laisse tomber tout à côté de lui, paraissant avoir épuisé ses dernières forces à déplacer Jungkook. Respirant erratiquement il attrape presque à tâtons les épaules du plus jeune pour le hisser entre ses jambes, le serrant tout contre lui tandis que des larmes dégoulinent sur ses joues, seul signe extérieur montrant sa compréhension de la situation.

Sûr que désormais l'ange n'est plus un danger, Jimin se redresse avec difficulté, s'asseyant sans lâcher la main de Yoongi. Il peut ainsi regarder autour de lui, et son regard tombe sur les autres, tous les autres. Ils sont tous disposés en arc de cercle devant un autel, d'abord Namjoon tout à sa gauche toujours inconscient, et les vêtements trempés d'un vert malsain. Il a une curieuse marque sur la joue, comme si après avoir trempé ses lèvres dans le liquide émeraude quelqu'un les avait déposées sur son épiderme. Marque de son péché sur sa peau pâlie par le rêve. D'ailleurs sa vraie marque est quant à elle révélée à la faveur de sa chemise qui s'est relevée, dévoilant le tatouage noir qui court juste en dessous de son nombril, presque sur l'os de son bassin à droite.

GULA

L'espace d'un instant Jimin se demande quelle est son histoire, comment il est arrivé à commettre ce péché de gourmandise, chose qui pourtant ne lui paraît pas si grave connaissant les agissements des autres personnes présentes, mais il n'a pas le temps de tergiverser sur le cas de chacun. Son regard s'est déjà posé sur le suivant, Hoseok. Ce dernier est allongé sur le dos, les yeux ouverts mais vides de toute vie. Autour de lui des flèches étrangement plantées dans le sol forment à la fois une prison et une protection. Son corps en lui-même est intact, mais son arc, brisé, qui gît non loin de là est synonyme de sa défaite. Jung Hoseok a tenté de les protéger, mais a visiblement échoué. La félonie a tout emporté, même la noblesse d'âme.

Il ne reste qu'une personne pour compléter cette sinistre réunion de famille. Et cette dernière se tient d'ailleurs au centre de ce demi-cercle, surélevée par une estrade, là même où se tenait la statue d'ange immaculée à l'arrivée de Jimin au manoir. Jin est debout, son miroir toujours dans la main, le regard vide et un étrange rictus aux lèvres. Il ne bouge pas d'un cil, on pourrait presque croire qu'il s'est transformé en statue, preuve figée d'une beauté rendue éternelle. Mais ses orbes s'agitent, et tombent soudainement sur le jeune homme assis, qui tressaille, sentant soudain l'impression de danger reparaître dans la pièce.

« Vous voilà enfin tous réunis, présents pour célébrer ma gloire, commence soudainement le jeune homme aux cheveux roses, sa voix résonnant dans l'immense hall. Vous avez l'immense honneur d'assister à l'avènement du souverain des mondes, Kim Seokjin ! »

En quelques paroles, Jin s'est métamorphosé. De statue inflexible il s'est changé en silhouette agitée de tics nerveux, rendant ses paroles encore plus lourdes de sens. Son péché paraît l'avoir envahi tout entier, et Jimin ne peut empêcher un léger gémissement de terreur de sortir de sa gorge, sa main venant resserrer son étreinte sur celle de Yoongi, toujours inconscient. En y réfléchissant le jeune aux cheveux lunaires est le seul vraiment éveillé dans la pièce, seul pour faire face à l'Orgueil qui se dresse devant lui, fier, dangereux. Mais assez de fuir, de se cacher dans le noir avec pour seul bruit les battements effrénés de son cœur, il doit faire face, pour lui et pour les autres, y compris pour Jin.

Car, il en est persuadé, le péché ne peut pas l'avoir totalement envahi. Il n'y a qu'à voir le comportement de Yoongi, après la nuit maudite, son désespoir suintant à travers toutes les pores de sa peau d'un blanc maladif. Et les pleurs de Taehyung, qui tient toujours Jungkook contre lui en le berçant doucement, sont une autre preuve que peut importe leur degré de damnation, leur âme humaine n'est pas complètement ensevelie, et pour peu qu'elle soit encouragée, chérie, protégée, elle renaîtra, peut-être entachée, peut-être incomplète, mais elle sera toujours là. Reste à trouver le moyen de faire resurgir la part d'humanité de Jin, perdue dans cette brume épaisse et collante du péché capital.

« Toi, Park Jimin, tonne soudain Jin, ses yeux carmin se fixant sur la silhouette du jeune homme à terre, dis-moi quels sont les péchés en présence.

- Mais je...

- Tout de suite Jimin ! Hurle Jin d'une affreuse voix éraillée, une aura effrayante se déployant autour de lui, noire et veinée d'un rouge sang, comme une monstrueuse ombre le rendant encore plus impressionnant.

- Très bien, finit par répondre Jimin, terrifié mais malgré tout conscient que pendant cette tâche qui lui paraît anodine, il aura le temps de réfléchir à un moyen d'arrêter cette mascarade. Namjoon, la gourmandise..

- Les noms latins, Jimin, les noms latins, grogne Jin, serrant son miroir à s'en faire blanchir les articulations, comme s'il rêvait de s'en servir pour mettre fin à la vie de son interlocuteur, la violence se ressentant dans chacun des plus minuscules mouvements qu'il effectue.

- Gula, la gourmandise, reprend le jeune homme au sol, de plus en plus mal à l'aise. Avaritia pour Hoseok, l'avarice. Yoongi, Luxuria, la luxure. Taehyung et Jungkook, Ira et Acedia, la colère et la paresse.

- Et toi ?

- Je.. je suis donc l'envie, Invidia, murmure d'une voix blanche le jeune homme, ressentant immédiatement une brûlure intense sur sa main gauche qui le fait se plier en deux. »

Et le rire désaccordé de Jin résonne dans la pièce tandis que sur la paume de sa main pâle se grave lettre par lettre la preuve du péché qui entache son existence, l'envie. Ce n'est pas une surprise, plutôt une redécouverte d'un élément qui se trouve en lui depuis le début, et son sang s'embrase à cette arrivée impromptue, calcinant ses bandages en un feu aussi bref que violent. Quand la fumée retombe, Jimin est toujours le même, mais le feu dans ses prunelles n'a plus la même intensité. Car le péché a beau être son plus grand fléau, il nourrit également sa force vitale, tel un parasite dont la présence est devenue indispensable, il est lien qui le raccroche à la vie et qui lui donne cette force guerrière de résister.

Et soudain, alors que son regard est encore embrumé par sa soudaine révélation, ses prunelles se posent sur Yoongi, et surtout sur leurs mains enlacées, comme faites pour s'assembler. Puis son regard dérive sur l'ange en larmes avec son âme sœur dans les bras, ce dernier semblant reprendre quelque peu conscience. Et la solution lui apparaît, aussi claire que si quelqu'un avait glissé celle-ci à son oreille. Jin est l'orgueil, par définition toute son existence est donc tournée entièrement vers lui-même, il n'aime que sa propre personne. Mais depuis son arrivée au manoir Jimin a pu se rendre compte que contrairement à la personne qui se tient devant lui, le jeune homme aux cheveux roses n'était pas entièrement tourné vers lui-même. Malgré son apparente froideur de marbre une personne, une seule, a réussi à pénétrer cette barrière.

Et elle est là, à quelques mètres seulement. Inconsciente certes, mais toujours là. Et maintenant il doit absolument s'en rapprocher. Jimin en est maintenant certain, Namjoon est le seul moyen de contrer la folie dangereuse de Jin. Il doit juste gagner du temps, histoire de se rapprocher et de le réveiller. Son esprit marche à plein régime, cherchant un moyen de détourner l'attention du jeune sur le piédestal pour lui permettre de se déplacer vers la gauche, vers la personnification de son seul espoir.

« Alors Park Jimin, reprend Seokjin, offrant sans le vouloir la diversion que ce dernier attendait, qu'est-ce que ça fait de ne faire enfin plus qu'un avec son péché ? Je l'ai compris au bout d'un moment, ça ne sert à rien de se battre contre ce qui est en nous, mieux vaut l'accepter, et s'en servir à son avantage. A ton avis qui va gagner entre un homme qui essaie désespérément de contenir ses démons les plus profonds, usant ainsi de beaucoup d'énergie et un autre en pleine conscience de sa part la plus sombre ? Tu as assez de jugeote pour le savoir, il me semble.

- Mais la vie n'est pas qu'un combat Jin, argumente le jeune homme déjà bien avancé dans sa translation vers Namjoon, ayant quitté depuis un instant les doigts de Yoongi qui s'étaient comme refermés sur le vide, cherchant en vain la chaleur de l'amour. La vie c'est plus, tellement plus qu'un combat.

- Et qu'est-ce que tu y connais à la vie ? Tu ne te souviens même pas de ton existence terrestre et tu tentes une leçon de morale ? La vie est un combat Park Jimin, de la naissance à la mort nous ne cessons de nous battre contre les autres, pour vivre correctement, pour se faire une place d'abord dans le foyer, puis dans la société. Et ce sont les plus forts qui inévitablement survivent et modèlent ensuite l'existence des autres et de la leur, et pas des faibles et des lâches qui se voilent la face y compris envers leur propre vie, annone Jin, paraissant à nouveau perdre le contrôle de ses nerfs, alors qu'à l'inverse de sa voix se déformant vers les aigus son corps reste d'une immobilité de marbre.

- Mais tu oublies l'essence-même de l'homme, proteste Jimin, en train de contourner Hoseok et son cocon de flèches brisées avec précaution, essayant de ne pas attirer l'attention de Seokjin tout en continuant de lui parler. L'homme n'est pas seulement tourné que vers lui-même mais également vers les autres, dès la naissance la mère s'occupe de son enfant, puis ensuite quand il grandit les autres l'aident à se construire en tant qu'individu plein et entier, et plein d'autres choses rentrent ainsi en compte dans la construction de tous ces humains qui peuplent la planète ! »

Jimin n'a aucune idée de ce qu'il est en train de raconter. Son esprit paraît puiser directement dans son inconscient, utilisant des souvenirs dont lui-même ne connaît pas l'existence, les mots glissant de sa bouche ne lui évoquant guère plus que des images floues et des concepts flottants en l'air telles des bulles de savon volatiles et fragiles.

Mais en attendant il est bientôt arrivé à Namjoon, preuve que sa diversion marche tant bien que mal. Enfin jusqu'à ce que son pied se prenne dans une flèche qui en cassant fait un bruit épouvantable, réveillant soudainement le corps de Jin qui se tourne dans un mouvement tout sauf naturel vers lui, ses yeux érubescents brillant d'une fureur terrible. Sans perdre de temps il se jette en avant, attrapant la main du géant qui reposait par terre, ouverte aux dons du ciel. Il n'a aucune idée de quoi faire après ça, mais finalement il n'a pas besoin d'y réfléchir puisqu'en un instant le sol s'ouvre, fissure noire et béante dans laquelle il tombe, la main de Namjoon toujours dans la sienne. Il vient de plonger dans les souvenirs du pilier de la gourmandise.

Tu marches distraitement, un éclair au chocolat à la main et un livre dans l'autre. Tu as l'habitude de marcher ainsi, sans vraiment savoir où tu vas, mais rien ne te protèges des éventuels obstacles, à commencer par le poteau duquel tu te rapproches dangereusement. Enfin jusqu'à ce qu'un bras fluet te tires brutalement sur le côté et qu'une petite voix courroucée te demande de faire plus attention.

Tu ne tournes même pas la tête vers ta sauveuse, et continue ton chemin en mordillant ta pâtisserie tandis que derrière toi la personne soupire légèrement avant de trottiner pour te rejoindre, ses petites jambes ayant du mal à suivre tes grandes enjambées. Tu ne sais pas depuis quand HaNeul a décidé qu'elle devait prendre soin de toi, et en vérité tu t'en fiches. Tu n'as jamais été quelqu'un de sociable, et tu es très bien comme ça. Tes passions te prennent trop de temps pour que tu te préoccupes des autres.

Car oui, tu es quelqu'un de passionné, dans tout ce que tu entreprend. Petit, non content d'avoir appris à lire de façon très précoce tu avais dévoré en quelques jours seulement le contenu intégral de la petite bibliothèque de ton école élémentaire. Tout de suite tout le monde t'avait vu comme un petit génie, ce que les tests de Q.I avaient démontré. En avance, surdoué, tous ces qualificatifs tu les entendais à longueur de temps mais tu ne les écoutais pas. Tu préférerais t'investir dans la poursuite de tes passions. Avec la lecture t'était venu un appétit des connaissances, si bien que dès huit ans ton refuge devint la bibliothèque municipale. Tu prenais des livres par dizaine sans te préoccuper de leur sujet et tu lisais sans t'arrêter pendant de longues heures, si bien que la bibliothécaire te rappelait souvent à l'ordre. Elle ne l'aurait jamais avoué mais tu le savais, elle avait quelque peu peur de toi et de tes capacités hors du commun qui frôlaient parfois la démesure.

Et la lecture n'était pas le seul domaine dans lequel tu t'engouffrais corps et âme. Ta mère arrêta de compter les fois où seul la nuit tu étais allé vomir ce que ton estomac n'avait pu supporter en excédent de nourriture, en particulier de délices sucrés ou de mets particuliers qui trouvaient grâce à tes yeux. Malgré ta morphologie qui ne changea guère en quelques années, tu mangeais comme quatre, ou plutôt tu engloutissais des montagnes de nourriture presque sans te préoccuper de ce que tu avalais.

Et un jour dans ta vie où tout était gouverné par ta recherche incessante de connaissances, de nourriture, de choses nouvelles à découvrir et à assimiler le plus possible, quelque chose avait changé. Tu étais au lycée, en dernière année, et inévitablement seul. On te considérait comme le garçon effrayant, bizarre et surdoué qui ne parlait à personne et qui possédait un regard sans cesse intense, presque affamé. Mais elle ne voyait apparemment pas que ça parce qu'un jour HaNeul, petite brune de ta classe vint s'asseoir avec toi à la cantine, son plateau tremblant légèrement entre ses petites mains. Elle s'était assise sous ton regard interrogateur et avait commencé à te parler, de sa voix à la fois aiguë et donc irritable pour tes oreilles habituées au silence de la solitude et douce comme une cuillère de miel.

Apparemment elle voulait faire ami-ami avec toi puisqu'elle ne te lâcha pas. Elle se fit garde du corps personnel, à prendre tes devoirs quand tu souffrais de tes indigestions monstres, à faire attention pour toi où tu allais lorsque tu étais perdu dans les mots de tes ouvrages qui paraissaient greffés à ta main. Tu la tolérais, après tout elle ne te dérangeait pas, et puis tu étais humain après tout, voir que quelqu'un s'intéressait à toi ne te laissait pas totalement indifférent.

Les années passèrent, et rien ne changea. Elle te suivit dans ton cursus de droit, que tu avais choisi vraiment au hasard, juste parce que les livres de cette filière étaient particulièrement épais. Tu n'en avais vraiment plus rien à faire du contenu, seul la quantité t'intéressait. Maintenant tu vivais avec elle, après tout elle avait insisté. Toutes tes économies partaient en livres et en nourriture, et encore une fois HaNeul était là. Elle complétait tes fins de mois difficiles, en prenant un petit job qui la faisait énormément souffrir physiquement, mais elle paraissait heureuse de te permettre de vivre comme tu le voulais, alors tu ne disais rien. Tu continuais à t'empiffrer et à lire, et tu ne voyais pas la catastrophe qui s'amorçait juste devant tes yeux.

La rupture se produisit un matin d'octobre pluvieux dans un café. Tu lisais un livre quelconque, un chocolat chaud supplément chantilly ainsi qu'une grosse part de cake aux fruits et un éclair au café rangés sur une assiette de porcelaine blanche devant toi, et tu savais qu'elle n'allait pas tarder. C'était ta petite habitude de venir ici, et elle le savait très bien. Elle débarqua d'ailleurs quelques minutes plus tard, silencieuse et effacée, même plus qu'à l'accoutumée, mais tu ne remarqua rien. Tu ne vis pas les cernes désormais presque noires qui habillaient ses yeux à la lueur terne d'un sinistre voile, ses vêtements pendant sur son corps trop maigre pour qu'il soit synonyme de bonne santé et son dos courbé, pliant sous les trop nombreuses heures de travail et les brimades qu'elle supportait, pour toi.

D'une voix tremblante elle avait prononcé ton prénom, et tu lui avais simplement fait signe de la main pour signifier que tu l'écoutais, le nez toujours plongé dans ton bouquin. Elle soupira, mais n'insista pas, elle savait qu'elle ne pouvait accéder au maximum à ton attention qu'ainsi. Et puis elle lâcha ces quelques mots pleins de larmes et d'amertume. Qu'elle t'aimait depuis des années. Mais que ça la bouffait, littéralement. Et qu'elle ne pourrait pas tenir bien plus longtemps ainsi, sans aucune réponse de ta part. A la fin de sa minuscule tirade elle pleurait, mais tu n'avais rien fait. Non, tu ne savais pas quoi faire, alors à défaut tu t'étais contenté de boire une gorgée de ta boisson sans un mot. Et elle était partie en pleurant, ses frêles épaules tressautant au rythme de ses sanglots déchirants. Et l'espace d'un instant tu avais presque eu envie de la consoler, de la serrer dans tes bras et de t'excuser, mais tu avais ces délicieuses pâtisseries à terminer.

Tu avais peut-être des capacités intellectuelles hors du commun mais tu n'avais rien compris aux dynamiques humaines. Alors en rentrant chez toi le soir tu n'avais pas trouvé une petite silhouette t'attendant sagement accoudée au comptoir de la cuisine ou bien recroquevillée sur le canapé devant un drama idiot. Non, HaNeul ne sourirait plus jamais pour les plus insignifiants signes que tu lui envoyais parfois, souvent sans le vouloir. Et ses yeux grands ouverts semblaient t'accuser de là où ils étaient, son corps reposant dans la baignoire à l'eau teintée d'un vert étrange. L'eau dégageait une odeur de pomme verte, ton odeur de gel douche en réalité, mais la scène transpirait la mort la plus brutale. Sans le vouloir, tu l'avais pareille à ces livres et à cette nourriture engloutie dévorée toute entière, corps et âme.

Et pour la première fois, tu regardas avec douceur son corps qui dans la mort paraissait encore plus minuscule, et puis la boîte de cachets renversée qui gisait sur le carrelage glacé de la salle de bains. Tu allais te faire une dernière gourmandise, pour elle, pour tout ce qu'elle t'avait donné jusqu'à sa propre vie sans jamais recevoir autre chose en retour. Alors tu tins tes engagements, tu te cuisinas un repas de roi avec tout ce qui se trouvait dans le frigo, et presque comme un animateur préparant un jeu tu cachas nombre des petites pilules blanches et rouges dans les aliments. Et quand après avoir tout fini tu sentis ton corps s'alourdir irrémédiablement, tu eus juste la force de marcher ou plutôt de te traîner jusqu'à la salle de bains et à plonger avec elle dans la baignoire en prenant grand soin de ne pas l'écraser et de blottir son petit corps contre le tien, baignant ton dernier soupir de vert pomme tandis que la chaleur de la vie abandonnait ton corps.


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Surprise ! Avouez que vous ne vous y attendiez pas à celle-là !

Que je vous explique un peu, comme vous le savez peut-être j'ai été victime récemment d'un syndrome de la page blanche assez terrible, qui m'a complètement bloqué sur l'écriture de cette suite. Vu que je n'arrivais pas à écrire un seul mot, j'ai eu le temps de penser au déroulement de cette fiction, à ce que je voulais en faire et à la fin qui approchait, et j'en ai conclu que contrairement à ce que j'avais annoncé, j'ai besoin d'encore plusieurs chapitres pour faire correctement les choses, bon j'imagine que ça vous fait plutôt plaisir que de la peine, vous n'allez pas encore être débarrassés de moi de sitôt !

C'est dans ce chapitre que le tableau final commence à se mettre en place, et qu'on découvre le passé de Namjoon ? Alors qu'en avez-vous pensé ? Notre gourmand est-il un pécheur moindre que les autres habitants où bien ses actes le hissent au même niveau que les autres ? On connaît d'ailleurs désormais tous les péchés, Jimin vous a même gentiment fait un récapitulatif, c'est le moment de revoir vos anciennes théories ! Pour ma part je sais qu'une lectrice a trouvé très tôt tous les bons péchés, mais je garde son identité pour moi car j'aimerais la féliciter personnellement dans les remerciements à la fin de la fiction.

Ah oui, et vous pouvez toujours me poser des questions avec le hashtag #AskTSM pour que je les repère plus facilement dans les commentaires, toujours en rapport avec l'auteur (moi donc) et l'histoire.

Vous m'aviez manqué mes canetons, heureuse de vous présenter le chapitre vingt-trois de TSM !

Des bisous,

Alex.

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